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lence on pourrait inférer que l'indemnité est bornée, comme pour les biens de ville, à une somme égale au prix du loyer; ce qui serait le plus souvent injuste. Il convient donc d'ajouter à l'article 60: « S'il s'agit de biens ruraux, ou de manufactures, usines, hôtelleries ou autres éta«blissements qui exigent de grandes avances, « l'indemnité sera réglée par experts. »

Cette observation est adoptée par le tribunal, qui vote pour l'addition proposée.

Art. 85. Cet article impose au bailleur l'obligation de prouver que la bête a péri par la faute du preneur. N'y a-t-il pas beaucoup plus d'inconvénients à laisser cette preuve à la charge du bailleur, qu'à obliger le preneur de justifier qu'il n'y a point de sa faute? Si l'obligation de représenter les peaux des bêtes mortes suffisait pour sa décharge, ne pourrait-il pas vendre un bœuf, par exemple, ou le consommer, en gardant la peau pour la représenter à son bailleur, qui, dans l'éloignement, serait hors d'état de prouver ou la vente ou consommation? Le preneur étant possesseur des bestiaux, il paraît juste de l'assujettir à justifier que la bête à péri sans sa faute : c'est une conséquence naturelle du principe énoncé dans l'article 83.

Le tribunal, sur cette observation de la commission, est d'avis que l'article soit réformé et converti dans la disposition suivante :

D

En cas de contestation sur la cause de la perte du cheptel, c'est au preneur à prouver qu'il a péri sans sa faute. Cette preuve opère sa décharge.

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Art. 27. Sans pouvoir compenser avec ces dommages les profits que son industrie lui aurait procurés... lisez que son industrie aurait procurés à la société dans d'autres affaires. Autrement il y aurait emphybologie, le pronom lui pouvant se rapporter à l'associé qui est l'antécédent immédiat. Adopté.

Art. 29. La construction est vicieuse et embarrassante; car on ne peut pas dire qu'un associé soit créancier des risques de sa gestion. Cela ne s'entend pas. Mais il est facile de réparer cette incorrection, en ajoutant aux mots mais encore, ceux-ci, à raison des obligations, etc., et des risques. - Adopté.

Art. 31. Cet article est à retrancher comme vague et inutile. L'associé, qui voudra attaquer le réglement des parts, ne manquera jamais de prétextes plus ou moins spécieux pour le supposer contraire à l'équité. Ou le vœu du législateur est de rendre ce réglement irrévocable, ou son intention est d'autoriser l'associé qui s'en croit lésé à l'attaquer dans l'un et l'autre cas, F'article 31 doit être réformé. Au surplus, la commission pense qu'on ne peut priver l'associé du droit de se plaindre du réglement fait par un autre associé, soit par un tiers qui n'a point le caractère de juge, encore moins celui de juge en dernier ressort.

Le tribunal est d'avis que l'article soit retranché.

TITRE XV.

Art. 41. Le tribunal ayant été précédemment d'avis de substituer les lois du 11 brumaire an VII au système des hypothèques et saisies réelles suivi dans ce projet, la première partie de cet article devra, dans cette hypothèse, être supprimée.

Quant aux deux autres parties, le tribunal observe que, dans les cas où le capital de la rente constituée est exigible, il ne peut y avoir lieu à

la division de ce capital imaginée dans la disposition finale. Il ne reste plus en effet de sûreté au créancier de la rente constituée, lorsque son débiteur a fait faillite ou tombe en déconfiture, ou lorsque la saisie réelle est apposée sur ses biens.

L'article 41 est donc susceptible d'une rédaction toute différente; on pourrait même le supprimer en entier, et s'en tenir aux deux causes qui, dans l'article 40, ont été exprimées comme devant donner lieu à la conversion du contrat en obligation pure et simple.

TITRE XVI.

Dépôt.

Art. 13. Lorsque le dépôt n'est point prouvé par écrit, ajoutez: et dans les cas où la preuve par témoins n'en est point admise, celui qui, etc.

La nécessité de cette addition sera sentie, lorsqu'on fera attention qu'il y a des cas où la preuve par témoins est admise en matière de dépôt; et qu'alors, si le dépôt est prouvé, le dépositaire ne peut être cru sur sa déclaration, quoiqu'il n'y ait pas de preuve par écrit.

Le tribunal approuve l'addition proposée par sa commission.

Art. 16. Cette disposition, faute de peine, est purement de précepte, et par conséquent inutile; car en cas de violation du secret, quelle sera l'action du déposant? Quelle sera la peine contre le dépositaire infidèle? Toute loi qui n'est pas coactive est illusoire: il est donc nécessaire, pour l'exécution de l'article 16, d'y ajouter la peine de la contravention; cette peine doit être naturellement la responsabilité des dommagesintérêts du déposant, sans préjudice des poursuites contre le dépositaire infidèle, soit par voie de police correctionnelle, soit au criminel, suivant la gravité des circonstances.

Le tribunal approuve cette observation.

Art. 29. On pourrait ajouter à la fin de cet article la disposition suivante: « De même, le dépo«sitaire peut obliger le déposant à retirer son dépôt, et s'il y avait des oppositions, à les faire « vider. >>

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Cette disposition, puisée dans le projet de Cambacérès (art. 1060), est fondée en principe. Il ne serait pas juste en effet que le dépositaire fùt obligé de garder le dépôt malgré lui et pendant un temps indéfini. Observation adoptée.

Art. 32 et33. Les dispositions de ces deux articles contre l'hôtelier sont trop rigoureuses. Les rédacteurs paraissent avoir préféré le sentiment de Dauty, étayé de quelques arrêts dont les circonstances ne sont pas bien connues, à celui de Pothier, qui est appuyé sur des principes puisés dans la raison écrite. Ces principes sont: 1° que l'hôtelier n'est responsable que des effets qui ont été remis soit à lui-même, soit à ses domestiques ou autres personnes préposées pour recevoir les effets des voyageurs;

2o Qu'il est responsable en ce cas, que le vol ait été commis ou le dommage causé soit par ses domestiques, soit par des allants ou venants, soit même par d'autres voyageurs;

3o Que lorsqu'on ignore par qui le vol a été fait ou le dommage causé, l'hôtelier à qui les effets n'ont pas été donnés en garde soit à sa personne même, soit à ses domestiques, n'est pas responsable des effets entrés dans son auberge;

4o Enfin que, dans les cas de responsabilité, elle ne porte que sur des corps apparents, non sur ce que le voyageur alléguerait y avoir renfermé, si ce n'est qu'il y eût effraction; auquel cas le voyageur en est cru sur son affirmation.

Le tribunal est d'avis que les articles 32 et 33 soient réduits aux principes qui viennent d'être exposés par sa commission.

TITRE XVII.

Mandat.

Art. 10. Le mandataire, ajoutez quoique le mandat soit indéfini, n'a pas, etc.

Sur le même article, en parlant de la restitution, on s'est servi du mot envers un acte, au lieu de contre un acte. Cette dernière expression serait plus correcte.

Art. 11. « Le mandat pour transiger ne renferme pas celui de compromettre. » Il convient d'ajouter et réciproquement le mandat de compros mettre n'emporte pas celui de transiger. Il aurait fallu dire aussi que le mandat pour vendre n'autorise pas de plein droit à recevoir le prix de la vente. Le Code civil doit ou ne peut présenter que des principes généraux, ou, lorsqu'il entre dans le détail des espèces particulières, il doit les prévoir toutes autant qu'il est possible; parce que, quand la loi est muette, il ne peut se faire d'extension d'un cas particulier à un autre cas; et l'on pourrait conclure de l'expression de l'un, que l'intention de la loi a été d'exclure les autres, quelque corrélation qu'il y ait entre eux et celui qui est exprimé. Ici, il était un principe général qui pouvait rendre inutiles et l'article 11, et même toutes les spécialités établies dans l'article 10; c'est celui que le mandataire est étroitement tenu de se renfermer dans les bornes de son mandat mais puisque, outre ce principe, on a jugé utile d'en exprimer quelques corollaires, il a paru à la commission non moins nécessaire d'y ajouter ceux qu'elle propose. Adopté.

Art. 19. Il convient de déterminer l'espèce de faute dont le mandataire est responsable. La commission pense qu'il ne peut l'être de la faute légère, par la raison que le mandat est essentiellement gratuit, et qu'il est dur de rendre garant de fautes légères un homme qui a donné gratuitement ses soins à la conduite des affaires du mandat. Elle propose d'ajouter le mot grave à l'article 19. Adopté.

TITRE XVIII.

Art. 10. La citation à la fin de cet article du titre II du présent livre, est fautive : c'est la section II du titre XVI qu'on a voulu citer. C'est là en effet que sont établies les obligations du dépositaire, auquel est comparé le détenteur du gage. Adopté.

TITRE XIX.

Art. 2. Le jeu de paume est un jeu d'adresse qui n'a aucun rapport aux exercices militaires. Il convient donc, en le comprenant dans l'exception, de le séparer des jeux propres à exercer au fait des armes. L'article pourrait être ainsi rédigé :

«La loi n'accorde aucune action pour le paie«ment de ce qui a été gagné au jeu, ou par un « pari, à l'exception des jeux propres aux exer« cice des armes et du corps, tels que, etc. » — Adopté.

Art. 13, 14 et 15. La commission propose de supprimer ces trois articles. Le contrat à rente viagère étant rangé dans la classe des contrats aléatoires, la loi ne doit point gêner la liberté des conventions sur le taux de ces rentes. On ne s'est jamais avisé de limiter la prime dans le contrat d'assurance, ni le change ou prix du risque dans les contrats à la grosse. Il n'y a pas plus

de raison de limiter le taux des rentes viagères créées soit à prix d'argent, soit par acte translatif de la propriété d'un immeuble. Le caractère aléatoire, que lui donne la loi est un obstacle à toute limitation légale contraire aux conventions des parties.

Le tribunal, d'après ces observations, est d'avis que les articles 13, 14 et 15 soient supprimés, et le 16 conservé.

Art. 19. La seconde partie de cet article a paru à la commission contraire aux principes d'équité. Le débiteur d'une rente viagère qui n'en paie pas les arrérages, manquant le premier à ses engagements, cette inexécution de sa part doit naturellement ouvrir, au profit du créancier, l'action en résiliement du contrat inexécuté. Fidem frangenti fidem servare necesse non est. Si la rente viagère a été créée à prix d'argent, il est juste que, faute de paiement des arrérages, le créancier puisse reprendre son argent si elle est le prix d'un immeuble vendu, il est également juste qu'il puisse reprendre son bien. Les condamnations qu'il obtiendra en l'un et l'autre cas, ne seront que comminatoires. Le débiteur ne pourra s'en plaindre, puisqu'il les aura occasionnées, et qu'il pourra les faire cesser en payant. La commission, enfin, ne voit rien de contraire à ces principes d'équité, dans les auteurs qui ont traité des rentes viagères. Ainsi l'article 19 paraît devoir être rédigé comme suit :

«Celui au profit de qui la rente viagère a été «< constituée, soit à prix d'argent, soit en repré<<< sentation d'un immeuble aliéné, peut deman«der la résiliation du contrat, si le constituant <«< manque à lui fournir les sûretés qu'il aurait « promises pour son exécution, ou s'il est en « retard d'en payer trois années d'arrérages. Dans « l'un et l'autre cas, le jugement de résiliation « n'est que comminatoire. »

Le tribunal, adoptant les observations de sa commission, demande que la rédaction proposée soit mise à la place de l'article 19..

TITRE XX. Prescriptions.

Art. 19. Même ceux de l'usufruitier ... La commission observe que ces mots doivent être rayés de l'article. Les héritiers de l'usufruiticr ne peuvent pas à la vérité se servir de la possession de leur auteur pour prescrire la propriété de l'immeuble dont il avait l'usufruit; mais l'usufruit étant éteint, il y a interversion, et ils commencent à posséder pro suo leur possession est donc valable, à compter de l'extinction de l'usufruit, à l'effet d'acquérir la prescription.

Le tribunal, adoptant cette observation, est d'avis de la radiation proposée.

Art. 28. La commission propose d'ajouter, pourvu que l'incompetence ne soit pas radicale; par la raison que, si l'incompétence est radicale, la citation nulle ne peut avoir l'effet d'interrompre. Tous les jurisconsultes ont fait cette distinction, qui paraît devoir être conservée.

On a objecté que, la prescription étant odieuse, l'interruption doit être admise, quoique la citation soit nulle. La commission a répondu que ce qui est nul ne peut avoir d'effet.

Un autre membre a proposé d'appliquer cette maxime à la prescription, en décidant, en termes généraux, que la citation nulle ne peut avoir l'effet d'interrompre.

On a répondu que les nullités pouvant être couvertes, du moins celles de formes, cette proposition ne peut être admise.

Celle de la commission, mise aux voix, a été adoptée, et le tribunal est d'avis de l'addition.

Art. 32. La commission observe que la question, résolue affirmativement par cet article, est trèscontroversée: un grand nombre de jurisconsultes sont pour la négative. D'Argentré, qui a traité ex professo des prescriptions, établit qu'en fait d'interruption il ne se fait pas d'extension d'une personne à une autre. L'équité veut, de plus, que le principal débiteur ne puisse pas rendre, par son fait, la condition de sa caution plus dure. En un mot, les obligations de la caution peuvent être quelquefois resserrées; jamais on ne doit les étendre: il est surtout essentiel d'observer qu'ici il n'est question que de la caution simple, dont le titre d'obligation est différent de celui qui lie le principal débiteur.

La proposition de la commission a donc pour objet d'établir, au lieu de l'article 32, une maxime diametralement opposée, en ces termes :

« L'interpellation faite au principal débiteur, <ou sa reconnaissance, ne peuvent avoir l'effet a d'interrompre la prescription contre la caution simple. >>

Un membre a observé que la construction de l'article est vicieuse, par là raison que ce n'est pas l'interpellation du débiteur, mais plutôt celle qui lui est faite, qui interrompt la prescription. La commission répond que ce vice grammatical est réparé par la rédaction qu'elle propose.

Le tribunal, après discussion, adopté cette rédaction.

La commission a ensuite proposé la question inverse L'interpellation faite à la caution, ou sa reconnaissance, interrompent-elles contre le principal débiteur? Elle s'est prononcée en majorité pour la négative, par le principe déjà cité, qu'en matière de prescription, il ne se fait pas d'extension d'une personne à une autre.

La reconnaissance de la dette par la caution ne vaut que pour le temps que dure l'obligation principale, sans en pouvoir prolonger la durée. Ou la caution s'est renfermée dans les bornes de son cautionnement; et alors la reconnaissance de la dette ne la lie que pour le temps que la dette subsistera: ou bien, dépassant les limites de son premier engagement, elle s'est personnellement obligée; en ce cas, elle n'a pu évidemment que se lier elle-même sans suite au débiteur primitif, qui, par l'effet de la prescription, est libéré, indépendamment du nouveau contrat de la caution.

Le membre de la commission, qui s'est trouvé d'avis contraire, a soutenu son opinion par ce principe constant que le créancier peut s'adresser à la caution, même simple, et la poursuivre jusqu'à ce qu'elle requière la discussion préalable des biens du principal obligé. De ce principe il résulte nécessairement, dit-il, que le principal obligé ne peut se prévaloir de la prescription de la dette quand le créancier s'est pourvu à temps contre la caution; car il répugne que la caution demeure obligée sans que le débiteur principal le soit : il l'est, puisque la caution a son recours assuré contre lui. En un mot, la caution n'est qu'accessoirement obligée, et l'on ne peut concevoir que l'accessoire subsiste sans le principal.

Un autre membre a poussé plus loin la faveur de la libération : il a dit que l'interpellation faite à la caution n'interrompt pas contre la caution même, et ne vaut que pour la durée de l'action principale; et cela, pour la raison qui vient d'être déduite, que l'accessoire ne peut exister lorsque le principal n'existe plus. Qu'on suppose, par

exemple, a-t-il ajouté, une citation donnée à la caution deux jours avant le complément de la prescription. Le créancier vient ensuite, mais après la prescription accomplie contre le débiteur principal. Celui-ci allègue la prescription qui le libère: eh bien, sa libération doit nécessairement entraîner celle de la caution.

Le tribunal, après une discussion prolongée, a d'abord mis aux voix la question, si l'interpellation faite à la caution interrompt contre la caution même, de manière à en prolonger l'effet au delà de la durée de l'action principale. La majorité s'est prononcée pour l'affirmative. Le président, divisant ensuite ainsi l'interpellation et la reconnaissance, a posé deux questions en ces

termes :

L'interpellation faite à la caution interromptelle contre le principal débiteur ?

La reconnaissance volontaire de la caution a-telle le même effet?

La discussion s'étant prolongée, un membre a proposé de se borner à exposer la nécessité de résoudre ces questions; et cette observation ayant prévalu, le tribunal demande qu'à la suite de l'article 32, il soit décidé: 1° si l'interpellation faite à la caution interrompt contre le principal débiteur; 2o si la reconnaissance volontaire de la caution a le même effet.

Art. 38. Dernière partie. Un membre a observé que le dernier mot de cet article présente une faute d'impression; au lieu d'insolvabilité, il faut lire solvabilité. Cette observation est accueillie, et le tribunal est d'avis de la correction proposée.

Art. 43. Le terme de la prescription pour les actions personnelles a paru trop long. Cambacérès, dans son projet de Code civil, n'admettait pas de plus longue prescription que celle de quinze ans; et ce terme était aussi trop court. Un juste milieu entre ces deux systèmes serait préférable. Graduer les prescriptions en proportion de l'importance des actions qu'elles éteignent, soumettre les actions réelles à la prescription de trente ans, et les actions personnelles à celle de vingt ans : voilà le medium que propose la commission, en observant, au surplus, que la législation sur la durée des prescriptions ne repose sur aucun principe certain puisé dans la raison.

Sur ce rapport de la commission, le tribunal est d'avis que l'intitulé de la section II, qui précède l'article 43, soit changé, que les sections II, III et IV soient réunies, et n'en forment qu'une seule, sous le titre des diverses prescriptions; et que l'article 43 soit divisé en trois, ainsi qu'il suit : « Les actions réelles se prescrivent par trente << ans, sans titre.

« Les actions personnelles se prescrivent par « vingt ans.

«On peut opposer la mauvaise foi à celui qui « allègue l'une ou l'autre de ces deux prescriptions; et il n'y a lieu à déférer l'affirmation ju«diciaire pour en détruire l'effet. »

Art. 57. La commission observe qu'il n'est pas convenable de donner une action aux parties contre les juges, après le jugement du procès : les juges n'ont aucun rapport direct avec elles. Autrefois, intéressés à retenir les pièces pour la sûreté de leurs épices, il pouvait être juste de les rendre responsables; aujourd'hui, les juges étant sans intérêt, cette responsabilité, après jugement, n'a plus de principe.

Au surplus, quant à l'avoué, l'action de la partie contre lui ne doit pas être de plus longue durée que l'action de l'avoué contre elle; et il en est de même de l'huissier.

Un membre propose de rayer le mot sergent; ce mot, qui désignait jadis les huissiers des juridictions seigneuriales, n'étant plus d'usage.

Un autre membre propose de déterminer la durée de la responsabilité des greffiers, pour les pièces déposées dans leurs greffes; sauf leur recours en vertu des récépissés dont ils peuvent être saisis. Sur toutes ces propositions, le tribunal est d'avis, 1° Que, dans l'article 53, le mot sergent soit rayé; 2° Que l'article 57 soit réformé, et qu'il y soit substitué les dispositions suivantes :

« Les avoués sont déchargés des pièces, deux « ans après leur révocation ou le jugement des « procès.

Les greffiers, pendant cinq ans à compter du « jugement, sont responsables des pièces des « procès déposées dans leurs greffes, sauf leur « recours en vertu des récépissés dont ils peu« vent être saisis. Après cinq ans, ils sont dé« chargés de toute responsabilité.

« Les huissiers le sont après un an à compter « du jour du complément d'exécution des com« missions dont ils étaient chargés. »'

Arrêté le 16 prairial, an IX de la République française.

Signé DESBOIS, LEMOINE-DESFORGES, COSTARD, JOURDAIN, LETOURNEUX.

OBSERVATIONS

SUR LE PROJET DE CODE CIVIL ARRÊTÉES, PAR LE TRIBUNAL D'APPEL SÉANT A ROUEN, D'APRÈS ET

SUR LE RAPPORT DE SA COMMISSION.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

Ce discours nous paraît donner, dans ses pages 9, 10 et 11, trop de latitude à l'arbitraire des juges (1). Il n'est pas besoin d'appeler, de provoquer, pour ainsi dire, les interprétations, les commentaires, les jurisprudences locales. Ces fléaux destructeurs de la loi, qui l'affaiblissent d'abord, qui ensuite la minent insensiblement, et qui finissent par usurper ses droits, ne reparai. tront que trop tôt. Malheur au temps où, comme par le passé, on cherchera moins ce que dit la loi que ce qu'on lui fait dire! où l'opinion d'un homme que le temps seul aura accréditée, balancera l'autorité de la loi! où une erreur hasardée par l'un, et successivement adoptée par les autres, deviendra la vérité! où une suite de préjugés recueillis par des compilateurs aveugles ou serviles, violentera la conscience du juge, et étouffera la voix du législateur!

Il faut, nous le savons, laisser d'abord les cas imprévus à l'équité du juge; mais c'est sur ces cas imprévus seulement qu'il peut s'établir une jurisprudence encore ne faut-il pas que cette jurisprudence varie suivant les lieux, et que la loi, comme un vieux tronc, reste oubliée au milieu de branches parasites, divergentes dans tous les sens; il faut que les décisions particulières, qui peuvent avoir l'effet de former avec le temps une jurisprudence, soient dirigées vers un résultat unique. Nous voudrions donc que dans chaque tribunal d'appel, le commissaire du Gouvernement fut tenu de transmettre au ministre de la justice tous les jugements qui auraient pour base un principe d'équité ou de doctrine interprétatif ou suppletif de la loi; et qu'en cas de divergence dans les principes adoptés, le ministre fût tenu de provoquer une loi interprétative ou suppletive. De cette manière, les juges ne flotteraient que momentanément dans le vague de l'arbitraire ; ils

(1) Voy. Archives Parlement. t. VI, pag. 194 et 195.

seraient confirmés dans leur principe de décision, si ce principe était adopté, et rappelés à la vérité s'ils avaient erré.

Nous lisons dans le discours préliminaire, page 16 (1) que la science du magistrat est d'étudier l'esprit de la loi quand la lettre tue. Il nous semble que, quand la lettre de la loi tue, elle est claire, formelle et impérieuse. Or, sera-ce dans ce cas qu'il sera permis au magistrat de substituer au texte précis d'une loi qui commande avec rigueur, son opinion sur l'esprit de cette loi?

L'inconvénient de laisser tant de latitude à l'arbitrage du juge tient peut-être au plan qu'on s'est formé de réunir dans le même Code la totalité de notre droit civil.

Il y a en effet dans toute législation civile deux parties différentes. La première n'est autre chose que la collection des principes du droit commun; c'est celle qui détermine les notions générales du droit, et surtout l'effet des obligations, la nature et les conséquences de chaque contrat, les règles d'interprétation qui s'y rapportent, etc.

Là, le législateur ne crée point la loi; il n'est au fond qu'un jurisconsulte qui enseigne, interpréte et déclare les documents de la raison universelle. La loi dans cette partie peut être, en certains cas, subordonnée aux usages qui sont souvent le meilleur interprète des contrats et des transactions privées; en un mot, comme cette partie des lois a ses sources dans l'équité même, il est nécessaire qu'elle puisse se plier suivant les frais particuliers aux exceptions que l'équité commande.

Le Code en cette partie, sous quelque forme qu'on le produise, ne sera jamais qu'un traité plus ou moins sommaire. En présentant les principales règles et les exceptions principales, il met le juge à portée de statuer, d'après les mêmes principes, dans les cas les plus imprévus; et c'est dans cette même partie qu'il faut que le juge prononce plutôt avec l'esprit des lois, qui est toujours juste, que sur la lettre qui quelquefois tue.

L'autre partie du droit civil forme la législation particulière et positive de chaque peuple. Elle règle les droits des pères et des enfants, ceux des époux, le mariage, le divorce, les successions, les donations, les testaments, etc. C'est proprement chez chaque nation son droit public en matière civile.

Tous les points de départ, pour la confection de cette espèce de loi doivent être pris dans la constitution d'un peuple et dans ses lois politiques.

Comme cette partie des lois appartient essentiellement à l'ordre public, il n'y peut être dérogé par aucune convention privée, par des usages, par des motifs d'équité ou par toute autre considération. Le juge, en ce regard, est strictement astreint aux termes de la loi, quand même il en résulterait des injustices particulières.

D'après cela, on peut choisir entre la confection d'un ou de plusieurs Codes; mais dans tous les cas, il semble indispensable que les deux parties de législation civile, ci-dessus désignées, aussi bien que les règles d'interprétation et d'application, propres à chacun, demeurent très-séparées et très-distinctes.

Au surplus, le plan de législation, quant à la partie du droit public, nous parait porter sur des bases solides. On a senti que, pour affermir l'ordre social, il fallait lier les citoyens entre eux par des rapports fixes d'intérêt, d'habitude et de sentiments. La stabilité des mariages, l'autorité paternelle, les droits de famille, sont les premiers (1) Voy. Archives Parlem. VI, page 169.

anneaux de cette grande chaîne: les rédacteurs du nouveau Code ont montré, sur tous ces points, des vues et des intentions infiniment louables; nous désirerions trouver encore dans l'ensemble des dispositions relatives à ces objets si importants, un caractère plus ferme et plus prononcé. CODE CIVIL.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Il nous paraît inutile, et peut-être il est dangereux, de faire entrer le livre du droit et des lois dans le système du Code civil. Cela nous paraît dangereux surtout, lorsque plusieurs des principes contenus dans ce livre préliminaire ont nécessairement l'effet d'affaiblir et énerver la force de la loi par la très-grande latitude qu'ils donnent à l'arbitrage du juge et aux usages locaux.

Il ne faudrait, ce nous semble, ni discours préliminaire ni livre du droit et des lois. Laissons à la loi toute sa force, elle ne sera encore que trop souvent éludée.

Le livre premier, des personnes, et le livre second, des biens et des différentes modifications de la propriété, nous paraissent bien ordonnés dans la distribution des matières.

Mais le livre III, des différentes manières d'acquérir laisse désirer quelques déplacements. f A la suite des contrats ou obligations en général, se trouvent la contrainte par corps, le cautionnement, les priviléges et hypothèques, et les lettres de ratification, sans doute comme moyens ou effets accessoires des conventions tendant à leur donner plus de garantie et de solidité or le gage et le nantissement doivent être rangés au nombre de ces moyens ou effets accessoires des conventions. Ainsi, le chapitre du gage et nantissement devrait naturellement être placé à la suite du cautionnement. Laissé où il se trouve dans le projet, il rompt la chaîne des idées, et est véritablement déplacé.

2° Le mandat n'a point pour effet nécessaire d'acquérir. Il est donc hors les contrats qui constituent les différentes manières d'acquérir; il doit former le dernier chapitre du Code, comme exception au principe général à toutes les conventions, qui veut que chacun contracte pour lui-même.

LIVRE PRÉLIMINAIRE.

DU DROIT ET DES LOIS.

TITRE PREMIER.

Définitions générales.

Art. 4. Les coutumes et usages, non sanctionnés par l'autorité publique, ne peuvent avoir de force de loi dans un bon gouvernement, et surtout dans un gouvernement républicain, où la loi doit être une comme sa constitution.

Art. 7. 1° La loi ne peut que contraindre ou réprimer la volonté de l'homme; elle ne peut donc qu'ordonner ou défendre, et voilà pourquoi (comme le porte l'article 8 du titre IV du même livre) tout ce que la loi ne défend point est réputé licite.

2o Au lieu de ces mots, elle annonce, ne vaudrait-il pas mieux dire, elle établit? Cette expression, elle annonce, est sans caractère et très-insignifiante.

TITRE II.

Division des lois.

Art. 1er. 3 alinéa. Les rapports de l'homme avec la loi; ne vaudrait-il pas mieux dire, avec l'ordre social?

TITRE III.

Publication des lois.

Art. 4. Rien de ce qui est relatif à la publication des lois, qui n'ont leur force et leur effet que du jour de cette publication, ne doit être incertain or rien de plus vague et de moins précis que cet article 4, qui fait dépendre le lieu de la publication : 1o de la nature de la loi à publier; 2o du fait de savoir à quelle autorité appartiendront son exécution et son application. Qui jugera la loi pour en déterminer la nature, et l'autorité chargée de l'exécuter ou de l'appliquer? Sera-ce le ministre? Est-il bien certain d'ailleurs qu'il soit une seule loi dont l'application n'appartienne ou ne puisse appartenir aux tribunaux? Que signifie d'ailleurs cette prétendue publication par l'autorité administrative dont les séances ne sont point publiques? Il faudrait au moins, dans ce cas, établir une forme de publication; car il faut que toutes les lois et règlements, même les règlements locaux, soient publiés réellement et efficacement pour qu'ils deviennent exécutoires, et que tous ceux qui peuvent donner lieu à des contestations judiciaires (et il en est peu qui ne soient dans ce cas) soient publiés dans les tribunaux d'appel. TITRE IV.

Des effets de la loi.

Art. 1er. Terminer tous les raisonnements. Cette idée est faible et peint mal l'effet de la loi; il vaudrait mieux supprimer cette partie de la définition.

TITRE V.

De l'application et de l'interprétation des lois.

Art. 12. Se rend coupable d'abus de pouvoir et de déni de justice. Il nous semble qu'il ne peut y avoir là que déni dejustice et non abus de pouvoir.

Observation générale sur le livre qui précède.

Les tribunaux ne peuvent faire aucun règlement, si ce n'est pour l'ordre de leurs audiences et le service des officiers ministériels, sauf l'homologation par le Gouvernement de ces règlements de police intérieure. Ne faudrait-il pas insérer, dans le livre du droit et des lois, une disposition qui consacrât le principe? ou dire au moins que nul ne peut faire des règlements, si ce n'est dans les cas prévus par le Code judiciaire?

LIVRE PREMIER.

Des personnes. TITRE PREMIER. CHAPITRE II.

Art. 5. Quel est le droit civil proprement dit dont jouissent en France les étrangers?

Art. 30. De transmettre à ce titre ses biens, etc. A quel autre titre les laisseront-ils à ceux qui doivent les recueillir? N'est-ce pas là rétablir la confiscation que rejette l'article 35, ou au moins n'y a-t-il pas contradiction entre les deux articles?

TITRE II.

Des actes destinés à constater l'état civil.

Art. 4. Ou par fondé de procuration spéciale. Il nous semble qu'il faudrait ajouter : « dans les cas « où la présence des parties n'est pas exigée par « la loi; » car pour le mariage, par exemple, les parties ne peuvent donner leur consentement par un fondé de procuration.

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