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SECONDE RESTAURATION.

souvent dans des paquets chargés. Il semble que la précaution que l'on prend d'une part, et le droit qu'on exige de l'autre devraient étre un motif de sécurité; mais, d'après ce qui arrive, il paraît au contraire que cette précaution même est devenue, par l'empreinte qui la caractérise, un signal donné à l'infidélité.

Sans parler des billets entiers qui s'égarent, et dont on ne peut calculer la somme, puisque la Banque ne rembourse qu'une fois le même titre, et que ce titre au porteur appartient à celui qui le représente, 34 de ces billets, partagés par la moitié, expédiés en douze fois différentes de divers lieux, et par un nombre égal de personnes ont été soustraits, dit-on, dans un assez court espace de temps. Une moitié restant entre les mains de celui qui l'a volée, et l'autre étant présentée par le propriétaire, la Banque rembourse, mais en exigeant un dépôt de 50 francs de rentes par billet de 1,000 francs, ce qui est juste et naturel mais ce rembourement n'est en réalité qu'un prêt sur rentes, sans intérêts à la vérité; car, sauf les futurs contingents, la perte n'en est pas moins véritable, tant pour celui qui peut fournir la garantie que pour celui qui ne peut pas la donner.

Avertis de ce danger, l'administration prendra, nous n'en doutons point, toutes les mesures nécessaires pour que ces désordres cessent. Néanmoins, cette partie de la pétition mérite d'être prise en grande considération.

Quant à la question du privilège, la commission n'a pu la résoudre, dans le sens du pétitionnaire.

Deux opérations, Messieurs, sont confiées à l'administration des postes : le transport des lettres, par privilège; le transport des personnes et des valeurs, en concurrence avec le pu

blic.

Ici, Messieurs, si nous semblons nous écarter de ce principe généralement reconnu en économie politique, qu'on doit favoriser la concurrence pour obtenir le meilleur travail et le plus bas prix, ce sera pour nous attacher plus fortement à cet autre principe également reconnu, qui veut que le gouvernement fasse ce que les particuliers ne feraient pas aussi bien que lui et leur abandonne ce qu'ils peuvent faire mieux que le gou

vernement.

C'est le privilège que nous allons admettre, la concurrence que nous devons repousser. Pourquoi cette dérogation ? C'est qu'il faut distinguer entre des services publics et des opérations de simple industrie. La concurrence, dans ce dernier cas, n'est pas admissible entre les gouvernements et les particuliers, parce que les positions ne sont pas égales, et que, dès lors, il y a dans la lutte une espèce d'immoralité. En effet, exiger, comme le fait l'Etat, une rétribution de la part des particuliers, et ne pouvoir s'en payer à soimême, c'est contrarier inutilement l'industrie, au lieu de la protéger.

dans ce sens, est aussi condamnable que le moToute concurrence, nopole, et nos efforts doivent tendre à la repousser.

Mais si l'administration des postes devrait renoncer au commerce du transport des hommes et des marchandises, en est-il de même du privilège pour le transport des lettres? Nous ne le pensons pas. Le transport régulier, constant, non interrompu, est un service réel, dans l'intérêt de tous, qu'il serait imprudent d'abandonner aux vicissitudes des combinaisons individuelles. Que la poste traite avec des entreprises particu

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lières pour servir telle ou telle route, cela se conçoit, et il en peut résulter dans certains cas de l'économie; mais abandonner à l'inexpérience et à la rivalité l'ensemble d'un travail si essentiel et si vaste, dont l'exécution serait dangereuse par cela seul qu'elle serait divisée, ce serait évidemment compromettre le commerce lui-même, pour arriver, en définitive, à un tarif arbitraire fixé par une seule compagnie, au lieu d'un tarif légal, qui n'est consenti que par la loi, et qui concourt au soulagement de tous.

Quoique cette partie de la pétition ait paru sans objet à votre commission, elle a cru devoir prendre l'autre en considération, et je suis chargé par elle de vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Petou. Messieurs, je ne partage point l'opinion de l'un de nos honorables collègues qui, dans la séance de lundi dernier, se plaignait de ce que la Chambre consacrait trop de temps à la discussion sur les pétitions; selon moi, elle n'en fera jamais un meilleur emploi.

C'est par la publicité que l'on peut parvenir à obtenir justice des méfaits des agents du pouvoir; c'est par la publicité que vous préviendrez une infinité d'abus toujours prêts à éclore.

Ainsi, sous tous les rapports, une Chambre des députés, chargée de défendre les intérêts généraux avec lesquels, par la nature de sa composition, elle se trouve à chaque instant en contact, doit accueillir les pétitions et leur réserver toute son attention.

C'est un soin qu'il n'est pas besoin de recommander à la Chambre de 1828.

Messieurs, j'ai dù réclamer la parole sur une pétition relative à de grands intérêts compromis d'une manière trop grave pour garder plus longtemps le silence.

Depuis plusieurs mois, la France a conçu des alarmes produites par la violation du secret des lettres, reprochée de toutes parts à l'administration des postes.

On assure que les preuves les plus nombreuses et les plus fortes de ces faits odieux existent et peuvent être mises au grand jour.

En effet, on peut tout soupçonner de l'influence coupable d'un ministère corrupteur qui prétendait, per fas et nefas, se maintenir au pouvoir.

Son attente a été déçue; le roi, dans sa haute sagesse, en a fait justice en l'enlevant du timon de l'administration.

Mais les faits restent, de grandes réparations sont à faire à l'opinion publique, à la France blessée dans ses droits les plus chers. Pardonnez-moi cette rapide transition.

Je reviens à la violation du secret des lettres, dont on accuse l'administration des postes.

S'il demeure constant qu'elle a lieu, ne peut-on pas être fondé à croire que l'habitude de leur déplacement, pour les livrer aux regards avides des inquisiteurs, n'ait fait naître la pensée, dans l'esprit de quelques infâmes agents, de voler des lettres contenant des valeurs?

Ces craintes ne sont pas dissipées, malgré la connaissance que le public a acquise de la suppression d'un certain bureau noir, où se pratiquaient, dit-on, d'indignes manœuvres.

Le commerce n'est nullement rassuré contre ces fréquentes soustractions de lettres renfermant des effets.

Des négociants d'Elbœuf, de Rouen et autres villes du royaume, ont été victimes de ces vols,

qui les en indemnisera? sera-ce l'administration des postes elle-même ? C'est une question qui reste à juger.

Toujours est-il vrai que leurs réclamations out retenti dans toute la France, sans qu'ils aient encore reçu satisfaction, sans que le mal ait été arrêté, sans que l'administration des postes ait fait connaitre publiquement le résultat des recherches qu'elle avait permis de faire, pour atteindre et faire punir les auteurs de ces frauduleuses soustractions.

Dans cet état de choses, chacun tremble de confier à la poste des lettres renfermant des effets à courte échéance.

La perturbation est à son comble dans les relations commerciales et dans les correspondances privées.

Si vous vous adressez à l'administration des postes, on vous répond froidement chargez vos lettres; comme si cette onéreuse précaution vous mettrait à l'abri du bris du cachet des lettres, ov de leur soustraction. Messieurs, pour remédier enfin à ces graves inconvénients, quant aux valeurs contenues dans des lettres, il faudrait que l'administration des postes répondît de la valeur intégrale renfermée dans les lettres chargées par elles, valeur dont, de concert avec les envoyeurs, elle pourrait s'assurer en leur présence et au moment du chargement.

Plus tard, je me propose de revenir sur cet objet important, si le nouveau ministère, auquel on est déjà redevable de la suppression du bureau noir, ne parvient pas à donner au public et au commerce toutes les garanties qu'ils ont le droit d'exiger pour le secret inviolable des lettres et pour la sûreté des valeurs qu'ils confient à la poste. J'adopte, pour le surplus, les conclusions de la commission, et j'appuie le renvoi de la pétition au ministre des finances.

M. le marquis de Vaulchier, directeur général des postes. On demande des sûretés à l'administration des postes; je crois qu'elle en a toujours offert, qu'elle en offre autant qu'elle en a jamais offert. La faculté d'envoyer des valeurs à découvert a été déterminée par une déclaration de 1703. Cette déclaration impose aux expéditionnaires l'obligation de donner les 5 0/0 de la valeur de l'argent expédié. Les chargements n'ont été établis qu'en 1759 par une autre déclaration. L'administration offre quant à ces chargements toutes les garanties possibles; et, pour vous le prouver, je dirai qu'il n'y en a eu que huit perdus ou égarés, et encore plusieurs ont été perdus par des événements de force majeure, des vols de grand chemin, ou des accidents, des courriers noyés ; huit seulement, disais-je, ont été perdus en dix ans. Il me semble qu'on ne peut pas offrir des garanties plus complètes.

On s'est plaint de la perte des lettres qui ont été volées au préjudice de quelques négociants, et, en particulier, de la ville de Normandie que représente le préopinant je conviens qu'il y en a eu plusieurs; mais je dois dire que la proportion de ces lettres ne s'élève pas plus haut dans cette circonstance-ci (et il serait aisé de le prouver), qu'elle ne s'est élevée à des époques précédentes: j'ai remonté à un bon nombre d'années pour m'en assurer.

On accuse l'administration des postes de ces soustractions. Je n'assurerai pas qu'aucune lettre ne s'y est perdue, niqu'aucun employé n'a été infidèle, puisqu'il existe à cet égard des preuves

authentiques, et qu'il y a des employés qui subissent la peine de leur infidélité; deux ont été condamnés sous mon administration. Ce que je puis assurer c'est que rien n'est négligé pour les découvrir, et pour empêcher que des spoliations pareilles soient faites. Mais on accuse à tort l'administration; et souvent, j'ai la preuve, il est vrai la preuve morale, que je ne pourrais pas rendre matérielle, que les lettres ne sont pas toujours égarées entre les mains de l'administration. Les lettres nous arrivent par des domestiques, des commis, et tant qu'elles ne sont pas entre nos mains nous ne pouvons pas en répondre. Les lettres qui sortent de nos bureaux pour aller à leur adresse, sont déposées chez les portiers qui les remettent à des domestiques, à des enfants; j'ai appris qu'un enfant de famille volait les lettres de son père; je ne dirai pas où, on le présume bien il suffit de savoir que ces faits arrivent très souvent, et l'on attribue à l'administration des postes une négligence ou des infidélités qui lui sont étrangères.

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Je suis bien aise de donner ces détails à la Chambre, afin qu'elle puisse juger par ellemême. Les expéditeurs donnent souvent de fausses adresses, ou même oublient d'en mettre. Chaque jour, cinq ou six lettres blanches arrivent à l'administration (on appelle lettres blanches celles qui ne portent pas d'adresse); on est obligé de les ouvrir, et parfois elles contiennent des valeurs assez considérables: elles sont renvoyées au destinataire. Il arrive quelquefois que de fausses directions ont lieu par le fait de nos employés, j'en conviens: il est impossible de croire qu'on ne se trompe jamais à la poste; mais je puis assurer à la France que jamais il n'y a eu plus de fidélité, plus d'intégrité, plus de soin. Je voudrais que la maison que nous occupons fût de verre; vous y verriez l'amour du roi, de la France, de l'intérêt public.

Voix à gauche: Et le cabinet noir?

M. de Vaulchier. Le cabinet noir est un bruit populaire; je n'en connais pas. (Oh! oh!) Je ne connais de cabinet d'aucune couleur. Je ne pense pas qu'on insiste là-dessus, ce serait une accusation personnelle. On prétend qu'il y a des preuves; je suis prêt à les entendre, à subir toute espèce d'investigation, à paraître, s'il le faut, devant un tribunal. Ce n'est pas devant une Chambre aussi éclairée que je puis avoir besoin de répondre; on sait bien à quoi s'en tenir.

Voix à gauche: Oui, oui; c'est précisément à cause de cela.

M. Jacques Laffitte. Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre, il n'y a pas, en ce qui concerne l'administration des postes, un mot dont on puisse avoir à se plaindre. J'ai fait connaître seulement ce que disait la pétition, et si je ne suis pas d'accord avec M. le directeur général sur le nombre des lettres égarées, cette partie du rapport tient à ma connaissance personnelle. J'en ai fait le relevé à la Banque, et ce n'est pas seulement dix billets qui ont été perdus, mais 34; ce n'est pas dans l'espace de huit ans, mais depuis l'année 1826.

Il n'y a rien d'accusateur dans ce que j'ai dit; j'ai exposé des faits: j'ai dit que les billets confiés à la poste n'arrivaient pas avec exactitude,

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qu'un grand nombre avaient été perdus : j'ai dit que ces accidents inconnus autrefois, inspiraient aujourd'hui des inquiétudes au commerce, qu'il faut calmer tout ce qui donne de l'inquiétude au commerce, dans ce moment surtout où ses opérations font circuler un plus grand nombre de billets de Banque; qu'on en trouverait le moyen dans une amélioration du système administratif. Aiusi, par exemple, on paie à la poste 5 0/0 sur l'argent qu'on lui confie, et la poste ne répond de rien, ou bien elle ne répond que des sommes au-dessous de 150 francs; et par privilège, elle reçoit des sommes plus considérables qu'on ne peut transporter que par son privilège.

C'est pour ces motifs que j'ai demandé que la
pétition fût renvoyée à l'examen du ministre des
finances et de la commission du budget. Je
persiste dans ces conclusions.

M. Petou. M. le directeur général s'est borné
à vous citer quelques faits; je puis assurer que
des négociants d'Elbeuf, en grand nombre, ont
fait des pertes immenses; et qu'ils ont vainement
réclamé. Dans beaucoup d'autres villes du
royaume, le même malheur est arrivé. Je ne vois
pas qu'à aucune autre époque, on ait eu à se
plaindre de faits semblables: il faut qu'il y ait
eu quelque chose là-dessous. (On rit.) Il est
constant qu'une infinité de lettres ont été dé-
cachetées à la poste; il est constant que des let-
tres qui étaient adressées à tel ou tel à Rouen
ont mis dix-sept jours pour arriver; il est cons-
tant que des lettres chargées à la poste, qui ne
contenaient pas d'effets, mais qui provenaient
de certaines personnes dont on voulait connaître
la correspondance, ont été marquées du nom de
cette personne, afin qu'on pût les décacheter avec
plus de certitude, et les examiner dans le cabinet
noir. Voilà des faits dont j'ai la preuve.

M. de Vaulchier. Je ne demande pas mieux
que l'honorable député fournisse la preuve de
ce qu'il avance; mais je ne puis pas dire que
cela soit vrai, puisque je suis convaincu que le
fait est inexact.

M. Petou monte à la tribune, et remet à M. de Vaulchier des lettres, en lui indiquant le nom qui est écrit. (On rit.)

M. de Vaulchier. Mon honorable collègue
me fait remarquer que son nom se trouve écrit
au dos des lettres qu'il a déposées sur la tri-
bune. Je ne sais en vérité à quoi attribuer cette
inscription. Mais tout ce que je puis dire, c'est
que ce nom inscrit ne prouve rien, et qu'il n'est
pas possible de deviner celui qui l'a écrit.

Quant à ce qu'a dit M. le rapporteur, relative-
ment aux lettres chargées, je ferai remarquer
que la poste ne répond que de 50 et non pas de
150 francs. D'après un arrêt du conseil de 1756,
la poste n'était pas responsable toutes les fois qu'on
pouvait prouver qu'il y avait eu force majeure. Le
31 mai 1786, un arrêt du conseil porta à 150 francs
la valeur du remboursement. Une loi du 22 août
1791 le porta à 300 francs; mais le 6 messidor
an IV, cette indemnité fut réduite à 50 francs, et
c'est encore cette législation qui nous régit au-
jourd'hui. On trouve que l'indemnité de 50 francs
est trop faible pour la perte de valeurs considé
rables. D'un autre côté, j'observerai qu'il y au-
rait des inconvénients à élever la valeur de cette
indemnité. On conçoit que les expéditeurs pour-
raient faire dévaliser les courriers, afin de se faire

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payer, pour de petites sommes, une forte indemnité. Je répète que, sous la législation qui nous régit, il n'y a pas eu depuis dix ans plus de huit chargements perdus, et encore s'en trouve-t-il deux qui sont l'effet d'une force majeure.

M. Petou. Je demande la parole.

M. le Président. Vous avez déjà parlé deux fois; je ne puis vous l'accorder une troisième fois avant d'avoir consulté la Chambre.

Voix diverses: Parlez, parlez!

M. Petou. M. le directeur général a paru douter de l'authenticité de la signature placée sur la lettre qui m'était adressée; car il faut vous le dire, je suis fâché de vous parler de moi, la chose me concerne. Le nom a été écrit par le directeur de la poste aux lettres d'Elbeuf; il m'en a fait lui-même l'aveu. J'adresse d'Elbeuf une lettre à quelqu'un de Rouen, le lundi 16 novembre, à l'époque des élections; cette lettre devait arriver le lendemain. Mon nom a été appliqué au dos de la lettre, et savez-vous ce qu'elle est devenue? (On rit.) Il m'importait beaucoup qu'elle arrivât à sa destination le lendemain mardi, afin d'empêcher l'élection qui probablement convenait au ministère. Eh bien, cette lettre n'arriva qu'au bout de quinze jours, et celui à qui elle était adressée ne voulut pas la prendre parce qu'elle avait été décachetée, et elle m'est revenue. Je demande alors à M. le directeur général s'il n'est pas vrai qu'on décachette les lettres? Il est possible que ce malheur me soit particulier; mais tout ce que je désire, c'est que le public en soit préservé, et Je prie M. le directeur général de nous donner sur ce point une explication satisfaisante, car on est bien convaincu que les lettres sont décachetées, et le public a besoin d'être rassuré à cet égard.

(M. le ministre des finances demande à être entendu.)

M. le comte Roy, ministre des finances. Messieurs, la Chambre pense bien que je ne viens pas prétendre que des lettres portées par la poste ne sont jamais ouvertes, dans aucune circonstance, et dans aucune localité : mais, si cela arrivait, ce ne serait, et ce ne pourrait être que par un abus condamnable.

Relativement à ce qui a été dit d'un cabinet noir, c'est-à-dire d'un bureau où les lettres sont ouvertes, je déclare que ce cabinet, que ce bureau n'existent pas.

M. Petou. C'est-à-dire qu'ils n'existent plus !

Voix à gauche: Nous vous remercions; c'est à
vous que nous devons cette suppression.

M. Alexis de Noailles. La question peut se
résoudre d'une manière très facile; la poste a le
monopole des lettres, c'est-à-dire qu'elle exige
que nous remettions entre ses mains toutes les
lettres que nous voulons envoyer; et une amende
est prononcée contre ceux qui voudraient se char-
ger du transport des lettres. Elle se trouve par
cela même responsable des lettres que nous lui
confions, et elle doit prendre toutes les mesures
nécessaires pour qu'elles soient exactement rendues
à leur destination. C'est dans le désir d'avoir un
moyen de vérification, que nous avons demandé
et obtenu que les lettres fussent timbrées au dé-
part. Depuis quelques années, l'administration

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[Chambre des Députés.]

des postes a fait beaucoup d'améliorations; il
faut convenir que, sous ce rapport, le service
s'est sensiblement amélioré. D'un autre côté,
il est certain, et M. le directeur général
en est convenu, que des lettres ont été ou-
vertes, et que des effets de commerce ont été
soustraits. Quel doit être dans cette circonstance
le résultat d'un renvoi ordonné par la Chambre ?
c'est que l'administration des postes apporte dans
le transport et la remise des lettres, autant de
soin et de vigilance qu'elle en a mis à améliorer
d'autres branches du service. Ce renvoi est très
convenable; il n'a rien d'injurieux pour l'admi-
nistration; il tend à protéger le commerce et à
assurer le secret des lettres. C'est sous ce rapport
que j'appuie les conclusions de la commission.

(La Chambre ordonne le renvoi de la pétition au ministre des finances et à la commission du budget.)

M. Jacques Laffite, rapporteur, continue: Le sieur Lebègue, imprimeur-libraire à Paris, demande qu'il soit défendu d'appliquer les machines à la fabrication des objets d'art d'une consommation locale, et que l'usage en soit borné exclusivement aux travaux qui mettent la France en concurrence avec l'étranger. Il ne voudrait point gêner l'essor du génie; au contraire, il veut de grandes récompenses pour l'auteur de toute précieuse découverte, à la charge cependant de déposer son chef-d'œuvre au Musée, pour ne l'en faire sortir que dans le cas où les bras viendraient à manquer. L'inquiétude du pétitionnaire s'appuie de deux exemples. La manufacture des tabacs, dit-il, a remplacé 800 ouvriers par une mécanique, et les tabacs ne se vendent pas moins cher. Les propriétaires de journaux ont fait de même, dans la proportion, relativement aux ouvriers imprimeurs, et le prix des abonnements n'a pas diminué.

Les faits allégués par le pétitionnaire ne viennent pas, Messieurs, donner un démenti à la doctrine consacrée.

Si la diminution des frais dans la fabrication des tabacs n'amène point de réduction dans leurs prix, c'est que le monopole exercé par le gouvernement le met à l'abri de toute concurrence. Quant aux journaux, chez qui la concurrence existe, l'élévation de leurs prix provient de l'augmentation des droits auxquels on les a soumis. Imprimés plus vite, maintenant, et avec moins de dépense, ils ne manqueront pas de circuler un jour à meilleur marché.

A cet égard, Messieurs, l'éducation est faite : on compte les personnes qui pensent que les machines destituent les bras.

à

Le problème social, on le sait, est de procurer tous la plus grande somme de jouissances matérielles, intellectuelles et morales, et tous les moyens doivent être employés pour cela. Produire et transporter, voilà toute l'économie politique. Ce qui coûte le moins, et ce qui va ie plus vite est donc ce qu'on préfère; et l'inventeur de la charrue est le premier bienfaiteur de l'humanité.

Votre commission ayant jugé cette pétition sans objet, m'a chargé de vous proposer l'ordre du jour. (Adopté.)

M. Girod (de l'Ain), troisième rapporteur de la commission des pétitions, est appelé à la tribune.

M. Girod (de l'Ain). Le sieur Oudotte, propriétaire à Châlons-sur-Marne, expose que des plaintes

s'élèvent de toute part sur le mode actuel de répartition des impôts; qu'il conviendrait de remplacer ce mode par l'établissement d'un tarif gé– néral, tant pour l'impôt foncier que pour la contribution mobilière, sur des bases qu'indique le pétitionnaire. Cette pétition ne présentant aucune vue nouvelle, votre commission vous propose de passer à l'ordre du jour. (Adopté.)

Le même sieur Oudotte représente que plusieurs conseils généraux de département onl émis, dans leur session de 1824. le vœu de voir diminuer le nombre des enfans trouvés, ou d'assurer leur nourriture ou entretien sans en charger les contribuables. Le pétitionnaire propose deux moyens d'atteindre ce but, et il pense que le premier serait puisé dans la source même du mal. Ces moyens consisteraient : 1o A établir sur les maisons de prostitution, ainsi que sur les cafés et billards, un impôt dont le produit serait versé dans une caisse particulière au chef-lieu de chaque département, et administré par le conseil général; 2° à élever les enfans trouvés, dans les dépôts de mendicité où seraient établis des ateliers pour occuper ces enfants jusqu'à l'âge de la conscription, lors de laquelle ils seraient appelés eux-mêmes ou pourraient être employés comme remplaçants. Votre commission, tout en reconnaissant les bonnes intentions du pétitionnaire, pense que les moyens qu'il indique pour guérir cette plaie de l'Etat sont peu praticables en euxmêmes, et seraient d'ailleurs susceptibles de fortes objections; elle vous propose, en conséquence, de passer à l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Courtereau, ancien professeur d'architecture à Paris, demande à la Chambre de vouloir bien nommer une commission pour examiner les tonnes qu'il a inventées et qu'il veut faire construire pour la conservation des céréales. L'examen que demande le pétitionnaire étant absolument hors de la compétence de la Chambre, votre commission vous propose l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Appert-Figer, marchand à Falaise, demande la refonte des pièces de 3 et 6 francs, dont la circulation nuit au commerce. Dins la séance du 14 mars, notre honorable collègue M. Kératry a fourni à la Chambre une proposition sur cet objet, très digne d'attention; par suite des observations de M. le ministre des finances, il a été reconnu que ce ne serait que lors de la discussion du budget qu'il conviendrait de s'en occuper. En conséquence, votre commission vous propose de renvoyer la pétition du sieur AppertFiger à la commission du budget.

M. Fleury (Calvados). Messieurs, les inconvénients resultant de la grande masse d'anciennes pièces de 3 et de 6 livres, encore en circulation dans les départements de l'Ouest, ont paru faire impression sur la Chambre, puisque vous avez renvoyé à vous en occuper lors de la discussion sur le budget.

M. le ministre des finances vous a dit qu'il croyait que la quantité encore existante, pouvait s'apprécier à ouze cents millions.

Que, pour les réduire, il y était appliqué tous les ans une somme de 500,000 francs, laquelle en retirait 40,000,000, d'où il suit qu'il faudrait vingt-neuf ans pour les épuiser.

Cette pensée, Messieurs, est affligeante, surtout quand on considère que l'encombrement dont on se plaint ne provient que de l'attachement et de la confiance sans bornes de leurs habitants

pour l'auguste famille qui nous gouverne; ces deux sentiments leur ont toujours fait préférer cette monnaie à toute autre.

Les en punirez-vous er les laissant dans la peine? Il est probable que votre commission du budget trouvera quelques réductions à faire sur les diverses dépenses qui seront soumises à votre délibération, et vous proposera d'en appliquer à la refonte au moins 1,000,000, lequel ajouté aux 500,000 francs réduirait à neuf années la refonte totale; et si, prenant en considération la grande importance du service à rendre au pays, vous alliez accorder 2,000,000, dans cinq ans tout aurait disparu.

En conséquence, j'ai l'honneur d'inviter la Chambre à renvoyer la pétition à la commission future du budget pour lui servir de recommandation.

(La Chambre ordonne le renvoi au ministre des finances et à la commission du budget.)

M. Girod (de l'Ain), rapporteur, poursuit:

Sous le n° 158, et par erreur sans doute, se trouve enregistrée à la commission des pétitions une proposition faite à la Chambre, par M. Fleury le jeune, et qui a été reproduite par M. Kératry, tendant à ce que, par une humble adresse, il soit demandé au roi un projet de loi pour la démonétisation et la refonte des livres tournois... Un député ne devant point recourir à la Chambre par voie de pétition, et pouvant seulement lui soumettre une proposition dans les formes du règlement, votre commission vous propose de déclarer qu'il n'y a lieu à statuer. (Ces conclusions sont adoptées.)

Le sieur Jacquet, pharmacien, à Gondrecourt (Meuse), demande que les dispositions prohibitives des lois qui n'accordent qu'aux seuls pharmaciens, légalement reçus et patentés, l'autorisation de préparer et vendre les médicaments, soient remises en vigueur.

Dans votre séance du 15 mars, vous avez renvoyé à M. le ministre de l'intérieur une pétition semblable, votre commission vous propose le même renvoi pour celle-ci, qui, du reste, est rédigée en termes très convenables. (Le renvoi est prononcé.)

Le sieur Lepayen, propriétaire, à Jouy-auxArches (Moselle), demande que dans chaque cheflieu de département il soit érigé une statue à Louis XVIII, en témoignage de reconnaissance de ce qu'il nous a donné la Charte. Quelque honorables que soient les sentiments qui ont dicté cette pétition, votre commission pense que le désir du pétitionnaire pourra être satisfait par l'érection que l'on sait devoir être prochaine, de la statue de Louis XVIII, à Paris : elle vous propose, en conséquence, l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Gadon, licencié en droit et avoué près le tribunal de première instance de Guéret, expose qu'après avoir été inscrit sur la liste électorale, en vertu d'une délégation à lui faite par sa bellemère, qui n'avait point de fils, mais seulement un petit-fils âgé de quatre ans, fils du pétitionnaire, il fut rayé par une deuxième decision du préfet, contraire à la première; que s'étant pourvu auprès de la cour royale de Limoges, il en obtint un arrêt de réintégration, lequel fut notifié au préfet; que ce fonctionnaire, ayant consulté le ministre, en reçut l'ordre de ne pas exécuter l'arrêt et d'élever le conflit, ce qu'il fit; que la Chambre des députés ayant été dissoute, le pétitionnaire s'adressa encore au préfet pour être réintégré sur la liste, et que, sur le nouvel ordre du ministre, il fut passé outre; que ce conflit ayant été élevé le

[22 mars 1828.]

22 septembre 1827, n'était pas encore jugé par le 141 Conseil d'Etat le 25 janvier 1828, date de la pétition, malgré qu'il dût y être statué dans les délais prescrits par le règlemeut de 1806, puisque le cas requérait célérité. Le pétitionnaire déclare que le préfet de la Creuse a accueilli ses réclamations avec loyauté et impartialité, qu'il y a statué avec promptitude, et il n'attribue ses actes qu'aux ordres supérieurs qu'il allègue; mais il se fonde sur ce fait, qu'il appuie de diverses considérations, pour demander une loi qui enlève au Conseil d'Etat la connaissance des conflits. A cette pétition sont importante de la législation ; il a reconnu le besoin jointes plusieurs pièces justificatives de son contenu. Le gouvernement s'occupe de cette partie urgent de la régler une commission a été nommée pour en préparer l'examen; elle ne tardera pas sans doute à présenter le résultat de son travail. Votre commission a pensé qu'il convenait de renvoyer la pétition du sieur Gardon et les pièces qui l'accompagnent à M. le garde des sceaux, et elle m'achargé de vous proposer ce renvoi. (Adopté.)

Le sieur Mérin, propriétaire à Lyon, demandé la suppression des juges-auditeurs.

L'objet de cette pétition est grave, quelques observations la feront apprécier.

Un décret du 16 mars 1808 établit auprès de chaque cour d'appel des juges-auditeurs. La loi du 20 avril 1810 conserva ces magistrats, leur donna le titre de conseillers-auditeurs, et de plus établit des juges-auditeurs, mis à la disposition du ministre de la justice, à l'effet d'être envoyés par lui pour remplir, lorsqu'ils auraient l'âge requis pour avoir voix délibérative, les fonctions de juges dans les tribunaux composés de trois juges seulement, << sans qu'ils puissent être envoyés, dit la loi, dans les tribunaux composés d'un plus grand nombre de juges. »... Ceux des juges-auditeurs qui n'avaient pas de voix délibérative ne pouvaient avoir que voix consultative, à moins qu'ils ne fussent nommés rapporteurs des délibérés. L'article 39 de cette loi permettait cependant de composer de juges-auditeurs les sections temporaires dont les circonstances exigeraient la création dans jeunes magistrats pussent se former de bonne des tribunaux de première instance. Cette institution était utile: il convenait, en effet, que de heure aux devoirs de leur état et à l'expérience nécessaire pour les bien remplir. Les précautions prescrites par la loi étaient rassurantes contre les craintes des abus.... Mais bientôt la législation concernant les juges-auditeurs subit des modifications notables, avant même que l'institution eût été mise en activité. Suivant un décret du 22 mars 1813, le nombre des juges-auditeurs ne pouvait, dans le ressort de chaque cour, excéder le double des tribunaux de première instance de ce ressort, composés de trois juges seulement; ils ne devaient point avoir de traitement et jouissaient de certains droits éventuels, mais ils pouvaient, selon les besoins du service, être envoyés par le ministre de la justice, d'un tribunal à un autre, dans le ressort de la cour, et il leur suffisait d'avoir atteint l'âge de 25 ans pour pouvoir siéger comme les autres juges; ils pouvaient de plus, après deux ans d'exercice près d'un tribunal composé de trois juges seulement, être placés, concurremment avec les conseillers-auditeurs, près d'un tribunal de permière instance plus nombreux, où ils jouiraient du même traitement que ces derniers.

Telle était la législation concernant les juges auditeurs au moment de la promulgation de la Charte, dont l'article 59 est ainsi conçu: « Les cours et tribunaux ordinaires, actuellement exis

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