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culture du chanvre est pour la France une source considérable de produits; mais cette culture a encore besoin d'encouragements pour suffire sous ce rapport à la consommation du pays dans l'état actuel le commerce est forcé de tirer chaque année pour trente ou quarante millions de chanvres de l'étranger. Or, si la disposition de l'article 30 était connue dans les départements producteurs, l'opinant ne doute pas que la présentation seule de cet article ne fût déjà un grand mal par les inquiétudes qu'elle ferait naître. L'unique moyen de prévenir ce mal est de supprimer la disposition de l'article. Le noble pair insiste pour que la proposition faite en ce sens soit adoptée.

(La Chambre ordonne l'impression de ce discours.)

M. le marquis de Bouthillier, directeur général des forêts, tout en laissant à la Chambre le soin d'apprécier les considérations graves qui viennent de lui être exposées, croit devoir rappeler en peu de mots les motifs qui avaient déterminé les auteurs du projet à y insérer la disposition que l'on attaque. Cette disposition n'est pas seulement conforme à celle de l'ordonnance de 1669, elle ne fait que reproduire les prohibitions contenues dans divers arrêts du conseil des années 1702, 1725 et suivantes, et dans diverses coutumes, telles que celles de Normandie, d'Amiens, du Bourbonnais. Ces prohibitions étaient principalement fondées sur les funestes effets du rouissage relativement à la conservation du poisson. Les plaintes fréquentes que les fermiers de la pêche adressent à l'administration prouvent assez que le rouissage leur cause un préjudice réel. La Chambre décidera dans sa sagesse si l'intérêt du commerce doit faire négliger cette considération qui peut ne paraître qu'accessoire: mais un motif plus grave avait fait impression sur les rédacteurs du projet de loi. Ils s'étaient flattés qu'en supprimant le rouissage dans les rivières, ils stimuleraient le zèle de ceux qui, dans l'intérêt de la salubrité publique, s'occupent de chercher un procédé moins dangereux. Le préopinant a fait observer que le rouissage dans les grands fleuves présentait peu d'incon vénients; mais, dans la plupart des localités, c'est dans l'eau des ruisseaux et des fontaines que le chanvre est déposé, et on ne saurait contester l'influence fâcheuse de cet usage sur la santé des habitants. Peut-être pourrait-on, dans beaucoup de communes, choisir des endroits plus convenables que ceux que la routine indique aux habitants, et la disposition de l'article 30, en faisant intervenir l'autorité dans ce choix, pourrait conduire à des résultats utiles. On a craint que les formalités de l'autorisation administrative n'entrainassent une lenteur préjudiciable aux intérêts de l'agriculture; mais aux termes de l'article dernier du projet, les ordonnances relatives à son exécution devront être rendues avant le 1er janvier prochain. Le gouvernement se ferait d'ailleurs un devoir d'apporter tous les ménagements convenables à l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui serait confié. Le commissaire du roi livre ces considérations aux méditations de la Chambre et s'en rapporte à sa sagesse pour choisir le parti qu'elle jugera le plus propre à concilier les divers intérêts.

M. le comte Chaptal observe que la prohibition dont il s'agit existe à la vérité dans un grand nombre de lois et de coutumes, mais que leur disposition à cet égard n'a jamais reçu d'exécution. C'est, aux yeux du noble pair, un motif de

plus pour ne point placer dans la loi nouvelle un article qui resterait nécessairement sans effet. Quant aux réclamations des fermiers de la pêche, elles ne prouvent pas, suivant lui, que le rouissage ait une influence nuisible pour la conservation du poisson: ces réclamations sont plutôt foudées sur ce que le poisson qui aime à se réfugier dans les chanvres déposés au milieu du courant, est souvent dérobé par les cultivateurs qui le prennent avec facilité lorsqu'ils enlèvent leurs récoltes du lit des rivières. Le noble pair aperçoit enfin un inconvénient grave à ce que la détermination des lieux où le rouissage sera permis soit donnée à l'autorité administrative. C'est en effet une remarque faite par tous les cultivateurs que le plus ou le moins de rapidité du courant influe sensiblement sur la durée du rouissage et, par suite, sur la qualité du chanve qui dans l'eau stagnante rouit plus vite, maisen pèrdant de sa valeur. C'est à l'industrie particulière que l'on doit s'en rapporter sur le choix des lieux et des procédés : toute disposition générale aurait pour effet de léser des intérêts privés.

Plusieurs pairs demandent que l'article 30 soit mis aux voix.

M. le comte de Peyronnet craint que la suppression de cet article, si elle est votée par la Chambre, ne produise pas l'effet que les préopinants en ont attendu. Là défense de rouir le chanvre dans les fleuves n'est pas portée seulement par l'ordonnance de 1669, elle résulte surtout d'un arrêt du conseil de 1702. Or, l'article 92 du projet n'abroge les lois et règlements antérieurs qu'en ce qui concerne la pêche si donc la disposition de l'article 30 est entièrement retranchée, le projet de loi ne contenant plus aucune dispo. sition qui traite du rouissage et le rattache à la pêche, les prohibitions de ces lois continueront à subsister. On ne pourrait les abroger qu'au moyen d'une disposition formelle. Le noble pair s'abstient de proposer aucune rédaction à cet égard, mais il a voulu seulement éclairer la Chambre sur le résultat de son vote.

M. le comte d'Argout estime que, sous ce point de vue, la disposition de l'article 30 pourrait paraître étrangère à l'objet du projet de loi. On ne doit, en effet, s'occuper ici du rouissage que relativement à ses rapports avec la pêche, et à à cet égard l'article 26 qui réprime l'empoisonnement du poisson ne pourrait-il pas s'étendre à tout procédé qui tendrait à corrompre l'eau des fleuves?

M. le comte Roy, ministre des finances, observe que si l'intention de la Chambre n'est point d'interdire le rouissage dans les eaux courantes, on pourrait énoncer, dans la loi, qu'il sera permis dans les localités où des ordonnances du roi en auront autorisé l'usage. On laisserait ainsi au gouvernement la latitude nécessaire pour maintenir les coutumes locales partout où elles n'offriraient pas d'inconvénient.

M. le comte de Corbière expose que cette nouvelle rédaction n'apporterait aucun changement au fond de la disposition de l'article 30. Dire que le rouissage sera permis dans les lieux où des ordonnances royales l'auront autorisé, ce serait, en effet, le probiber dans tous les autres. Si l'on reconnaît aux cultivateurs le droit de faire rouir,leurs chanvres où bon leur semble, ils n'ont pas besoin de concession pour exercer ce droit.

Quant à l'observation qui vient d'être faite au sujet de l'abrogation des lois antérieures, l'opinant croit l'article 92 du projet de loi applicable à l'arrêt de 1702 comme à tous les règlements sur la matière. Le rouissage n'a été défendu en effet que comme nuisible au poisson, d'où il faut conclure que les règlements qui contiennent cette prohibition doivent être considérés comme relatifs à la pêche. Si la discussion n'était pas épuisée sur le fond, le noble pair ferait remarquer combien l'intérêt de la pêche doit paraître minime lorsqu'il s'agit de sacrifier une branche d'industrie aussi importante pour la marine militaire et marchande: mais pour se renfermer dans la question incidente, il lui suffit de rappeler que les lois s'abrogent aussi bien par consentement tacite que par une loi contraire, et que la prohibition portée par l'arrêt de 1702, étant depuis longtemps abrogée de cette manière, ce serait mettre les juges dans l'embarras que de la faire revivre par une disposition nouvelle.

(L'article 30 du projet est mis aux voix.)

M. le Président déclare que, d'après le résultat de l'épreuve, il n'est pas adopté.

Il propose à la Chambre de passer à la discussion des articles compris dans le titre V du projet, intitulé: Des poursuites en réparation des délits et contraventions.

La Chambre adopte cette proposition.

Le titre V est divisé en deux sections, dont la première est intitulée : Des poursuites exercées au nom de l'administration.

L'article 41 du projet, le premier de cette section, s'exprime ainsi :

ART. 41 du projet présenté par le gouvernement.

« Le gouvernement exerce la surveillance et la police de la pêche dans l'intérêt général.

«En conséquence, les agents spéciaux par lui institués à cet effet, ainsi que les gardes champêtres, éclusiers des canaux et tous autres officiers de police judiciaire, sont tenus de constater les délits et contraventions qui sont spécifiés à l'article 5 et au titre IV de la présente loi, en quelque lieu qu'ils soient commis; et lesdits agents spéciaux exerceront, conjointement avec les officiers du ministère public, toutes poursuites et actions en réparation de ces délits et contraventions. »

M. le baron Mounier observe que le principe énoncé en tête de cet article est au moins inutile à insérer dans la loi. La rédaction proposée offre d'ailleurs l'inconvénient de donner à entendre qu'il pourrait y avoir des droits qui ne seraient pas exercés par le gouvernement dans l'intérêt général. Il demande en conséquence la suppression du premier alinéa de l'article qui commencerait alors par ces mots : Les agents spéciaux institués par le gouvernement pour la police de la pêche, ainsi que les gardes champetres, etc.

M. le comte Roy, ministre des finances, déclare qu'il ne peut comprendre sous quel rapport l'énonciation d'un principe aussi évident pourrait être contestée. Il n'est pas d'ailleurs sans utilité de faire dire à la loi que le gouvernement exerce la surveillance de la pêche dans l'intérêt général, car les riverains doivent être avertis que s'ils peuvent user de la pêche, il est néanmoins une

surveillance de police qui appartient à l'autorité pour empêcher, dans l'intérêt de tous, l'abus que chacun pourrait faire de son droit.

Un autre pair observe que toutes les dispositions du titre V ne sont que des conséquences du principe posé dans l'article 1er. Il vote contre le retranchement demandé.

(Ce retranchement est mis aux voix et rejeté.)

M. le Président rappelle à la Chambre que la commission a proposé, sur le même article, un amendement qui en modifierait ainsi les dispositions :

ART. 41 (devenu depuis l'ART. 36) du projet amendé. (Ire rédaction).

« Le gouvernement exerce la surveillance et la police de la pêche dans l'intérêt général.

En conséquence, les agents spéciaux par lui institués à cet effet, ainsi que les gardes champêtres, éclusiers des canaux et autres officiers de police judiciaire, sont tenus de constater les délits et contraventions qui sont spécifiés au titre IV de la présente loi, en quelques lieux qu'ils soient commis; et lesdits agents spéciaux exerceront, conjointement avec les officiers du ministère public, toutes les poursuites et actions en réparation de ces délits et contraventions.

« Les mêmes agents et gardes de l'administration, les gardes champêtres, les éclusiers, les officiers de police judiciaire, pourront constater également le délit spécifié en l'article 5, et ils remettront leurs procès verbaux aux parties intéressées. »

M. le marquis de Maleville, rapporteur de la commission, obtient la parole pour exposer les motifs de cet amendement, que le ministre a consenti au nom du roi.

La rédaction originaire de l'article aurait pour effet d'imposer aux agents de l'administration le devoir de constater les délits prévus par l'article 5 du projet de loi, c'est-à-dire les usurpations du droit de pêche commises soit au préjudice de l'Etat, soit au préjudice des particuliers, en même temps que les délits spécifiés au titre IV, et qui sont relatifs à la police générale de la pêche; or, il est une distinction à faire entre ces deux cas: si le délit constitue une infraction au titre IV, il doit donner lieu à des poursuites exercées par le ministère public dans l'intérêt général, tandis que le délit prévu par l'article 5 ne peut donner naissance qu'à une action au nom du propriétaire lésé, qui est libre de poursuivre ou non le délinquant devant les tribunaux; c'est donc à tort que le projet a confondu dans cet article ces deux sortes de contraventions. Une telle confusion serait même contraire au système entier du projet, car le titre V se trouve divisé en deux sections, dont la première traite des poursuites exercées au nom de l'administration et la seconde des poursuites exercées au nom des particuliers, et si l'on comprenait dans la première le délit prévu par l'article 5, le rapporteur ne voit pas à quels autres faits les dispositions dela seconde section pourraient être applicables. La commission n'a pas cru cependant devoir exclure de l'article 41 toute mention de l'article 5, mais elle a rédigé un paragraphe additionnel, qui, sans faire aux agents de l'administration un devoir de constater les contraventions prévues par l'article 5, leur en laisse néanmoins le droit à titre de simple faculté. Quant à ce qui concerne la suite à donner

aux procès-verbaux qui seraient rédigés dans ce cas, l'amendement porte qu'ils seront remis par les agents de l'administration aux parties intėressées, en sorte que le ministère public ne serait pas mis à portée de poursuivre. Il s'est élevé à cet égard un scrupule dans quelques esprits en relisant l'article 75 du projet qui porte que les procès-verbaux dressés par les gardes des particuliers seront remis au procureur du roi ou au juge de paix, suivant leur conpétence respective. Ne doiton pas, en effet, conclure de cette disposition que le projet reconnaît au ministère public le droit de poursuite, même lorsque le délit est commis envers un particulier? et ne conviendraitil pas, pour mettre cet article d'accord avec celui que l'on discute en ce moment, d'enjoindre aux agents de l'administration d'adresser aussi, dans tous les cas, leurs procès-verbaux aux procureurs du roi? La Chambre prononcera sur le mérite de cette observation; mais, dans l'opinion du rapporteur, l'addition qui pourrait être faite en ce sens à l'article 41 serait contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui refuse au ininistère public le droit de poursuivre en ce qui ne touche qu'à l'intérêt privé.

M. le comte de Peyronnet demande à combattre l'amendement proposé par la commission. Cet amendement lui paraît contenir une innovation aux principes fondamentaux de notre législation criminelle. Quelle est, en effet, la peine prononcée par l'article 5 contre les usurpations du droit de pêche? L'article ne distingue point entre celles qui sont commises au préjudice de l'Etat et celles qui sont commises au préjudice des particuliers; il prononce contre tous les contrevenants une amende de 20 à 100 francs; or, aux termes du code d'instruction criminelle, toute amende qui s'élève au delà de 15 francs donne au fait qu'elle réprime le caractère d'un délit correctionnel, et tout délit donne naissance à l'action publique qui appartient essentiellement au procureur du roi. L'article 4 du même code déclare formellement que la renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique. L'application de ce principe aux délits de pêche ne peut être combattue que par deux considérations: la jurisprudence de la Cour de cassation et la crainte d'entraîner l'Etat dans des frais frustratoires. L'opinant croit pouvoir affirmer que la jurisprudence de la Cour de cassation n'est pas telle qu'on le suppose. La question qui s'est agitée devant cette cour n'était pas celle de savoir si le ministère public avait le droit de poursuite dans le cas où le délit concernait l'intérêt privé; mais s'il y avait pour lui, dans ce cas, obligation de poursuivre. Il a été décidé qué cette obligation n'existait pas; mais la Chambre sentira aisément combien il y a loin de là à ôter au ministère public le droit qui lui appartient de provoquer la répression de tout délit. Il peutarriver, en effet, qu'un délit soit de telle nature que s'il se renouvelle rarement il n'apporte aucun trouble à l'ordre public, et que cependant la fréquence du même délit présente un caractère de gravité qui nécessite l'exercice de l'action publique. Il ne saurait en résulter pour l'Etat de frais frustratoires, car le ministère public n'usera de son droit que dans les cas graves et à de longs intervalles; la crainte de s'exposer à ses poursuites suffira, la plupart du temps, pour prévenir les délits. Telle est la règle qu'ont toujours suivie dans l'exercice de ce pouvoir délicat les officiers du ministère public, et que l'on trouve écrite

dans les instructions ministérielles qui leur out été adressées à diverses époques. Le danger que l'amendement de la cominission est destiné à prévenir n'existe donc pas. L'opinant en vote le rejet.

M. le marquis de Maleville, rapporteur de la commission, observe que si la rédaction du projet était maintenue, les agents de l'administration n'auraient pas seulement le droit de rédiger des procès-verbaux constatant les contraventions à l'article 5, mais seraient tenus de rédiger ces procès-verbaux dans tous les cas, ce qui serait contraire aux principes mêmes qui viennent d'être exposés par le préopinant. Le rapporteur persiste à croire que la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment l'arrêt de cette Cour du 5 février 1807, tendent à exclure entièrement l'intervention du ministère public dans les délits qui ne concernent que les intérêts des particuliers. C'est dans ce sens que l'amendement de la commission avait été rédigé; mais si la Chambre juge à propos de consacrer par une disposition formelle le droit du ministère public, on peut se borner à ajouter à ces mots du paragraphe additionnel: ils remettront leurs procès-verbaux aux parties intéressées, ceux-ci : et auprocureur du roi.

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M. rapporteur du 6° bureau. Le premier arrondissement de la Marne a élu M. le comte Guéhéneuc; ses opérations ont été parfaitement régulières Sur 274 électeurs, 184 ont émis leurs suffrages. M. Guéhéneuc en a obtenu 106. Il paie 2,270 francs de contributions, justifie de la possession annale, et produit un acte de naissance d'où il résulte qu'il est né en 1769. Le bureau vous propose, en conséquence, l'admission. -Adopté.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la délibération sur le projet de loi relatif aux listes électorales.

La Chambre s'occupe de l'article 5 du projet, devenu article 6. M. le baron Pelet de la Lozère propose d'ajouter après cet article, les dispositions qui suivent:

Tout individu pourra former, du 1er juin au 15 août, une demande en inscription sur la liste annuelle.

Cette demande sera formée au secrétariat de la préfecture, ou à celui des sous-préfectures, où à la mairie des chefs-lieux de canton.

Le secrétaire général, ou les sous-préfets, ou les maires des chefs-lieux de canton donneront récépissé des pièces, lesquelles seront immédiatement transmises au préfet, qui notifiera dans les dix jours le refus motivé d'inscription.

M. Pelet. Le projet de loi soumis à votre discussion, dont les intentions pures et loyales ont signalé honorablement la nouvelle administration, m'a paru cependant présenter ici une lacune à laquelle j'ai essayé de remédier par mon amendement. Le projet de loi distingue deux époques: la première, qui s'étend du 1er juin au 15 août, est consacrée au travail intérieur de l'administration pour la confection des listes; la seconde comprend l'intervalle du 15 août au 20 octobre, pendant lequel les réclamations seront formées, interviendront les décisions, les arrêts, etc. Durant cette seconde époque, le projet établit bien comment les déclarations devront être reçues et jugées, mais il ne dit rien relativement aux demandes d'inscription qui pourraient être présentées pendant la première période. Il faut que cet oubli soit réparé dans l'intérêt des électeurs et dans l'intérêt de l'administration. Je dis d'abord l'intérêt des électeurs, car les personnes qui voudront s'assurer d'être portées dans la première liste du 15 août, n'attendront pas ce jour pour présenter leurs pièces. Il importe de leur donner l'assurance que leurs pièces seront reçues, et que le préfet, s'il les trouve insuffisantes, soit obligé de leur faire connaître cette insuffisance, afin que ceux qui auraient à faire venir des renseignements de fort loin puissent se les procurer à temps.

Je dis que c'est aussi dans l'intérêt de l'administration, car il lui importe que la première liste soit aussi complète que possible pour s'éviter des rectifications et des réclamations.

J'ajoute que les premières listes étant plus longtemps soumises au contrôle du public que les listes supplémentaires, nous devons désirer qu'elles contiennent beaucoup de noms.

On dira Il est tout simple que le préfet donne reçu des pièces qui lui sont remises. Oui, cela serait tout simple, s'il n'y avait pas d'esprit de parti; et c'est précisément parce que l'esprit de parti empêche souvent les préfets de faire ce qui est juste et raisonnable, que le projet actuel vous est proposé. La précaution même que j'indique

sera insuffisante, et l'on ne pourra compter sur des listes sincères tant qu'on n'aura pas des préfets consciencieux qui se regarderont comme les serviteurs du public aussi bien que les serviteurs de la couronne. Dans l'intervalle du 1er juin au 15 août, ils pourront très bien inviter leurs amis à produire leurs pièces et abandonner les autres électeurs à leur merci; ils pourront rechercher avec rigueur à l'égard des uns s'ils ont perdu leurs droits et ne pas avoir la même sévérité pour d'autres. C'est ce qui arrivera tant qu'on ne prescrira pas aux préfets une sage neutralité qui est indiquée par l'administration elle-même. Voyez quelest son embarras à l'égard des préfets qu'on a compromis envers une partie de leurs administrés, surtout quand cette partie a triomphé! Les ministres sont obligés de les envoyer dans d'autres départements, où ils arrivent avec un précédent peu propre à leur attirer la confiance. Je crois que mon amendement produira une partie des résultats que nous espérons. Quant à celui que j'ai proposé pour l'article 7 il devient superfiu, et je me réfère à d'autres modifications proposées.

M. Cuvier, commissaire du roi. Je prie la Chambre de remarquer que l'amendement ne serait qu'une complication superflue de formalités: ce serait établir, avant la formation des listes, l'epèce de procédure qui ne doit venir qu'après; ce serait obliger les maires et les préfets à tenir des registres, à fournir des récépissés, à dresser des notifications, et tout cela sans utilité, puisque, d'après le projet de loi, c'est la liste publiée le 15 août qui doit servir de notification à ceux qui ne s'y trouvent pas l'article 10 indique l'époque où doit s'établir la contestation. Pas de doute, d'ailleurs, que tout individu ait le droit d'envoyer ses pièces au préfet le plus tôt possible, et ce droit incontesté n'a pas besoin d'être inscrit dans la loi.

(L'amendement n'est pas appuyé.)

M. le Président. Nous passons à l'article 6, devenu article 7. Il est ainsi conçu :

«La liste ainsi rectifiée par le préfet sera affichée le 15 août au chef-lieu de chaque commune, et déposée au secrétariat des mairies, des souspréfectures et de la préfecture.

«Elle contiendra, en regard du nom de chaque individu inscrit sur la première partie de la liste, l'indication des arrondissements de perception où il paie des contributions, et la somme à laquelle elles s'élèvent. »>

La commission amende cet article de la manière suivante :

« La liste ainsi rectifiée par le préfet sera affichée le 15 août au chef-lieu de chaque commune, et déposée au secrétariat des mairies, des souspréfectures et de la préfecture. Il en sera donné communication à toute personne intéressée, sur sa demande, dans les cas prévus par les articles 11 et 12 de la présente loi. (Articles 18 et 11 du projet.) Elle contiendra, en regard du nom de chaque individu inscrit sur la première partie, l'indication des arrondissements de perception où il paie des contributions propres ou déléguées, et la somme à laquelle elles s'élèvent pour chacun de ces arrondissements. »

Après ces mots du premier paragraphe : la liste rectifiée par le préfet, M. Girod (de l'Ain) propose J'ajouter ceux-ci ainsi que la liste des électeurs de département.

M. Girod (de l'Ain). La liste des électeurs de

département a un caractère particulier, c'est qu'elle ne peut éprouver aucune modification, en additions et en retranchements, sans qu'elle influe sur les droits des citoyens inscrits sur la liste générale; cette considération doit faire désirer qu'elle soit aussi exacte que possible. Il me semble donc que toutes les formalités prises pour la liste générale: notifications, affiches, dépôt, délai, soient communs à la liste de département. Les droits qui naissent de celui-ci ne sont pas moins importants que ceux que constate la première on fait des électeurs au moyen de l'une et de l'autre.

M. Méchin. Notre honorable collègue a fait confusion. La liste générale que le préfet arrête le 15 août est la liste matrice sur laquelle interviennent les réclamations, les décisions du conseil de préfecture, les arrêts des cours royales; c'est celle qu'il est nécessaire d'afficher. Il n'en est pas de même de la liste du collège départemental. Ce collége, en effet, ne se compose que du quart du nombre total des électeurs; il faut donc attendre, pour en faire la liste, que la liste générale soit définitive.

M. Girod (de l'Ain). C'est précisément par ce que vient de dire M. Méchin que je persiste dans mon amendement. Le collège de département se forme du quart des électeurs les plus imposés : eh bien, dès que le préfet a dressé la liste générale, il en connaît les plus imposés, et, par conséquent il peut former la liste de département. La liste générale éprouve-t-elle ensuite des modifications, la liste du département en éprouvera aussi. Il est essentiel que l'on connaisse ceux qui doivent en faire partie, parce que tel électeur à qui l'on ne contestera pas ses contributions, attendu qu'il paye réellement au delà du cens, éprouverait une vive opposition si ces contributions le faisaient porter sur la liste du grand collège.

M. de Martignac, ministre de l'intérieur. Je ne crois pas qu'il soit possible d'introduire dans la loi la disposition proposée par M. Girod (de l'Ain), sans sortir de l'objet dans lequel doit rentrer le titre 1er du projet. Nous nous occupons ici de la revision de la liste générale des électeurs comme élément de la liste du jury. Tous les individus portés sur la liste générale sont aptes à exercer les fonctions du jury, et c'est pour cela seulement qu'il en est question en ce moment. Il est impossible de compliquer cette liste d'une liste fractionnaire relative à la formation du collège départemental. Quand la liste générale aura subi toutes les rectifications qui lui sont promises par les décisions du conseil de préfecture, et par les recours d'appel, ce sera seulement alors qu'il sera possible d'en extraire le quart qui doit former la liste de département.

Encore une fois, il ne s'agit pas de la division des collèges en collèges d'arrondissement et de département; il s'agit de la revision de la liste générale des électeurs comme formant la première partie de la liste générale du jury.

M. Duvergier de Hauranne. Je crois que M. le ministre de l'intérieur est tombé dans une erreur grave. Je vais vous relire, en effet, l'article 2 de la loi du 2 mai 1827 « Le 1er août de chaque année, le préfet de chaque département dressera une liste qui sera divisée en deux parties.

«La première partie sera rédigée conformément à l'article 3 de la loi du 29 juin 1820, et comprendra toutes les personnes qui rempliront les conditions requises pour faire partie des collèges électoraux de département. »>

Ainsi, la loi exige qu'en faisant la liste du jury on fasse une liste des personnes qui doivent faire partie des collèges du département; et l'article 3 de la loi de 1820 veut que cette liste soit faite pour chaque collège. C'est aussi ce qu'on a exécuté l'année dernière dans deux départements à ma connaissance, le 15 juin, on a affiché la liste des électeurs d'arrondissement et celle des électeurs du département; pour le jury, on fit une liste des plus imposés dans le cas où il n'y aurait pas 800 personnes dans les deux précédentes; à chaque rectification de la liste générale, les préfets ont indiqué les changements survenus dans la liste de département. Pour qu'on sache si l'on doit faire partie de cette liste, il faut évidemment qu'elle soit affichée; sans cela, au terme fatal, on n'aurait pas le temps de réclamer.

L'amendement de M. Girod (de l'Ain), est donc à la fois conforme à la loi de 1827 et à l'usage. Je profite de la circonstance où je suis à la tribune pour en faire un autre sur le même article. (Interruption.)

M. le Président. La Chambre s'occupe de l'amendement de M. Girod (de l'Ain)....

M. Ronillé de Fontaine. On publie la liste des électeurs qui payent 300 francs d'impôt, parce qu'ils ont un droit acquis et que jamais ils ne peuvent manquer d'être électeurs; mais le droit de voter au grand collège est purement éventuel, car il dépend du nombre des électeurs d'arrondissement. Je ne vois donc pas la nécessité de publier la liste du grand collège quand on ignore encore quelles personnes et combien de personnes en feront partie. Le préfet est obligé de faire connaître, en arrêtant la liste de département, combien paye celui qui paye le moins, par conséquent chacun peut voir si son droit a été lésé, car chacun sait ce qu'il paye.

M. de Chantelauze. Je me réunis aux observations de l'honorable préopinant en combattant l'amendement proposé par M. Girod (de l'Ain). Cet amendement suppose quelque confusion dans les idées et ne se concilie pas avec l'ensemble du projet. Le seul but de la loi est d'assurer la réalité des listes électorales; on ne s'est pas occupé des titres et des droits des électeurs de département, et le projet n'avait pas à s'en occuper, car tout à cet égard est soumis à des éventualités qu'on ne peut pas régler à l'avance. Si l'on voulait que le 15 août on fit afficher la liste des électeurs de département, il faudrait aussi soumettre ces listes aux mêmes moyens de vérification et de revision déterminés par le projet pour la liste générale des électeurs. Ce n'est pas là l'esprit et le but du projet. Le 15 août, la liste doit être close et affichée. Jusqu'au 30 septembre les réclamations sont ouvertes; et même à cette époque la liste ne devient pas définitive. Comment donc régler avant celte époque la liste de département, qui ne peut être dressée que sur la liste matrice, ainsi que le disait M. Mechin? Ce serait jeter la confusion dans l'ensemble du projet de loi que d'exiger l'affiche de cette liste; vous tomberiez dans l'inconvénient très grave d'appeler sur cette liste les mêmes

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