Page images
PDF
EPUB

des espèces ci-dessus désignées, quelle que soit leur longueur. »

Art. 36 du projet présenté par le gouvernement.

« Les fermiers et porteurs de licences ne peuvent user, pour l'exercice de la pêche sur les fleuves, rivières et canaux navigables et flottables, que du chemin de halage ou marchepied; sauf, en cas de besoin d'un espace plus étendu pour asséner et retirer leurs filets de l'eau, à se procurer auprès des propriétaires riverains, de gré à gré et à leurs frais, la jouissance des terrains dont ils auraient besoin. >

Art. 37 du projet présenté par le gouvernement.

« Les fermiers de la pêche et porteurs de licences, leurs associés, compagnons et gens à gages, ne pourront faire usage d'aucun filet ou engin quelconque, qu'après qu'il aura été plombé ou marqué par les agents de l'administration chargée de la police de la pêche.

Les contrevenants seront punis d'une amende de vingt francs par chaque filet ou engin non plombé ou marqué. »

Art. 38 du projet présenté par le gouvernement.

«Les fermiers de la pêche, porteurs de licences, et tous autres individus quelconques, qui se trouveraient munis, hors de leur domicile, des filets ou engins prohibés par les articles 31 et 32, seront déclarés en contraventions aux dispositions desdits articles, et passibles des peines portées par l'article 33.▸

Art. 39 du projet présenté par le gouvernement.

"Les contre-maîtres, les employés du balisage et les mariniers qui fréquentent les fleuves, rivières et canaux navigables ou flottables, ne pourront avoir dans leurs bateaux ou équipages aucun filet ou engin de pêche, même non prohibé, sous peine d'une amende de cinquante francs et de la confiscation des filets.

་་

« A cet effet, ils seront tenus de souffrir lá visite, sur leurs bateaux et équipages, des agents chargés de la police de la pêche, toutes les fois qu'ils en seront requis.

་་

«La même amende sera prononcée contre ceux qui s'opposeront à cette visite. »>

Art. 40 du projet présenté par le gouvernement.

"Les fermiers de la pêche et les porteurs de licences, et tous pêcheurs en général, seront pareillement tenus d'amener leurs bateaux et de faire l'ouverture de leurs loges et hangars, bannetons, buches et autres réservoirs ou boutiques à poisson sur leurs cantonnements, à toute réquisition des agents et proposés de l'administration de la pêche, à l'effet de constater les contraventions qui pourraient être par eux commises aux dispositions de la présente loi.

Ceux qui s'opposeront à la visite ou refuseront l'ouverture de leurs boutiques à poisson, seront, pour ce seul fait, punis d'une amende dé cinquante francs. »

Dans le cours de la discussion qui s'était élevée hier sur ces articles, on avait exprimé le vœu que le projet fût débarrassé de certaines dispositions de détail qui avaient paru appartenir au domaine de l'ordonnance plutôt qu'à celui de la loi, comme devant essentiellement varier suivant les circonstances des temps et des lieux. On avait fait remarquer que les articles 25 et 31 con

tenaient déjà une application de ce principe, et qu'il pourrait être utile de lui donner une extension plus grande. La commission a reconnu qu'il y aurait en effet de l'avantage à laisser au gouvernement le soin de déterminer par des règlements d'administration publique les temps où l'exercice de la pêche doit être prohibé, les modes de pêche et engins nuisibles au repeuplement des rivières, les conditions que doivent remplir les filets dont l'usage est permis, enfin les dimensions au-dessous desquelles le poisson ne doit point être pêché, et les espèces d'appât défendues. Dans ce dessein, elle propose de renvoyer pour ces détails aux ordonnances royales à intervenir. Telle est la disposition d'un article général qui serait destiné à remplacer les articles 25, 27, 28, 29, 31, 32, 34 et 35 du projet. Quant à la disposition spéciale de l'article 26 du projet, la commission a cru devoir la maintenir, par ce motif qu'il serait impossible d'énumérét, même dans des ordonnances, toutes les drogues au moyen desquelles le poisson peut être empoisonné. La nomenclature que l'on essaierait de faire à cet égard, quelque longue qu'elle fût, contiendrait toujours des omissions dont la malveillance ne manquerait point d'abuser. Après avoir ainsi pourvu au classement des délits, il s'agissait de déterminer la pénalité. Sous ce rapport, la commission a pensé que l'auteur de la rédaction présentée dans la séance d'hier était allé trop loin, lorsqu'il a proposé de n'établir qu'une seule nature de peines pour toutes les sortes de contraventions qui pourraient être commises. Il paraîtrait contraire à la justice de punir également des délits dont la gravité varie nécessairement suivant la différence des cas. Le vague d'une telle disposition serait d'ailleurs de nature à embarrasser les magistrats. La commission a donc rangé les contraventions en diverses classes, à chacune desquelles elle applique une peine différemment graduée, suivant qu'on sera prévenu d'avoir pêché, soit en temps prohibé, soit avec des filets défendus, ou que les poursuites porteront, soit sur la dimension des poissons colportés, soit sur la qualité des appâts. Cinq articles rédigés en ce sens prendront les n° 27, 28, 29, 30 et 31 du projet amendé. Dans la fixation des peines que portent ces articles, la commission n'a pas eu égard à la demande du noble pair qui avait proposé de mettre partout l'emprisonnement facultatif à côté de l'amende. Cette cumulation de peines n'eût pas été seulement contraire au principe d'après lequel ont été rédigés le Code pénal et le nouveau Code forestier; elle eût présenté, de plus, le grave inconvénient de paraître ranger les justiciables en plusieurs catégories, suivant leur état et leur fortune enfin il eût été possible que, contre l'intention du législateur, Temprisonnement fut prononcé quelquefois contre des prévenus dont le rang eût aggravé singulièrement la nature de cette peine. Il est vrai que l'amende en matière correctionnelle entraîne la contrainte par corps contre les prévenus insolvables, mais c'est un principe général à l'application duquel on ne peut se soustraire: la commission s'est efforcée d'ailleurs d'en affaiblir ici les inconvénients en baissant le taux du minimum des ainendes. Les dispositions des articles 37, 39 et 40 du projet, contre lesquelles aucune objection ne s'était élevée, ont été conservées dans la nouvelle série d'articles qu'elle propose, d'accord avec les commissaires du roi, pour compléter le titre IV du projet, et qui est ainsi conçuè :

ART. 25 du projet amende. (26 du projet présenté par le gouvernement.)

Quiconque aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le poisson ou à le détruire, sera puni d'une amende de trente francs à trois cents francs, et d'un emprisonnement d'un mois à trois mois. »

ART. 26 du projet amendė.

• Des ordonnances royales détermineront: 1o Les temps, saisons et heures pendant lesquels la pêche sera interdite dans les rivières et cours d'eau quelconques;

« 2° Les procédés et modes de pêche, autres que celui dont il est fait mention dans l'article 25, qui, étant de nature à nuire au repeuplement des rivières, devront être prohibés;

3o Les filets, engins et instruments de pêche qui seront défendus comme étant aussi de nature à nuire au repeuplement des rivières;

« 4° Les dimensions de ceux dont l'usage sera permis dans les divers départements, pour la pêche des différentes espèces de poissons;

5o Les dimensions au-dessous desquelles les poissons de certaines espèces qui seront désignées, ne pourront être pêchés et devront être rejetés en rivière;

« 6° Les espèces de poissons avec lesquelles il sera défendu d'appåter les hameçons, nasses, filets ou autres engins.

[ocr errors]

Art. 27 du projet amende.

Quiconque se livrera à la pêche pendant les temps, saisons et heures prohibés par les ordonnances, sera puni d'une amende de 30 francs à 200 francs. »

ART. 28 du projet amende.

"Une amende de 30 à 100 francs sera prononcée contre ceux qui feront usage, en quelque temps et en quelque fleuve, rivière, canal, ou ruisseau que ce soit, de l'un des procédés, ou modes de pêche, ou l'un des instruments ou engins de pêche prohibés par les ordonnances.

«Si la contravention a lieu pendant le temps du frai, l'amende sera de 60 à 200 francs. »

ART. 29 du projet amendé.

Les mêmes peines seront prononcées :

1° Contre ceux qui seront trouvés porteurs ou munis, hors de leurs domiciles, d'engins ou instruments de pêche prohibés, à moins que ces engins ou instruments ne soient destinés à la pêche dans des étangs ou réservoirs;

« 2o Contre ceux qui se serviront, pour une autre pêche, de filets permis seulement pour celle du poisson de petite espèce.

[ocr errors]

ART. 30 du projet amendė.

"Quiconque colportera ou débitera des poissons qui n'auront point les dimensions déterminées par les ordonnances, sera puni d'une amende de 20 francs à 50 francs, et de la confiscation desdits poissons. Sont néanmoins exceptées de cette disposition les ventes d'alevin provenant des étangs ou réservoirs et destiné à l'empoissonnement. »

ART. 31 du projet amende.

«La même peine sera prononcée contre les pêcheurs qui appåteront leurs hameçons, nasses,

filets ou autres engins, avec des poissons des espèces prohibées qui seront désignées par les ordonnances..

ART. 32 du projet amendé, (37 du projet présenté

« Les fermiers de la pêche et porteurs de licences, leurs associés, compagnons et gens à gages, ne pourront faire usage d'aucun filet ou engin quelconque qu'après qu'il aura été plombé ou marqué par les agents de l'administration chargée de la police de la pêche.

« Les contrevenants seront punis d'une amende de vingt francs par chaque filet ou engin non plombé ou marqué. »

ART. 33 du projet amendé. (39 du projet présenté par le gouvernement.)

Les contre-maîtres, les employés du balisage et les mariniers qui fréquentent les fleuves, rivières et canaux navigables ou flottables, ne pourront avoir dans leurs bateaux ou équipages aucun filet ou engin de pêche, même non prohibé, sous peine d'une amende de cinquante francs et de la confiscation des filets.

« A cet effet, ils seront tenus de souffrir la visite, sur leurs bateaux et équipages, des agents chargés de la police de la pêche, toutes les fois qu'ils en seront requis.

«La même amende sera prononcée contre ceux qui s'opposeront à cette visite. »>

ART. 34 du projet amendé. (40 du projet présenté par le gouvernement.)

« Les fermiers de la pêche et les porteurs de licences, et tous pêcheurs en général, seront pareillement tenus d'amener leurs bateaux et de faire l'ouverture de leurs loges et hangars, bannetons, huches et autres réservoirs ou boutiques à poisson, sur leurs cantonnements, à toute réquisition des agents et préposés de l'administration de la pêche, à l'effet de constater les contraventions qui pourraient être par eux commises aux dispositions de la présente loi.

« Ceux qui s'opposeront à la visite, ou refuseront l'ouverture de leurs boutiques à poisson, seront, pour ce seul fait, punis d'une amende de 50 francs. »>

M. le Président appelle successivement sur ces divers articles la délibération de la Chambre.

M. le comte de Tournon observe, sur l'article 25, que cet article est conçu dans des termes plus généraux que ceux qui le précèdent et qui ont été adoptés par la Chambre dans une de ses dernières séances. L'article 23 du projet porte seulement que les prohibitions du titre IV sont applicables à la pêche qui s'exerce dans les fleuves et rivières navigables ou flottables, les canaux, ruisseaux ou cours d'eau quelconques, ce qui semble exclure implicitement la pêche des étangs, viviers et réservoirs. L'article 25 prononce, au contraire, des peines contre quiconque aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts de nature à enivrer le poisson ou à le détruire. L'opinant demande si la rédaction plus large de ce dernier article doit le faire considérer comme applicable au fait de jeter des drogues enivrantes dans l'eau d'un étang? L'incertitude à cet égard pourrait n'être pas sans inconvénient, car plusieurs propriétaires ont recours à ce moyen pour pêcher dans les étangs qui leur appartiennent.

M. le comte Roy, ministre des finances, répond que toutes les dispositions particulières contenues dans le titre IV étant subordonnées au principe général énoncé dans l'article 23, qui détermine dans quelles eaux la pêche est soumise aux règles établies par les articles suivants, le sens des expressions dont se sert l'article 25 doit être restreint au cas où les drogues seraient jetées dans des eaux courantes.

M. le marquis de Maleville, rapporteur, ajoute que le fait d'empoisonner les poissons d'un étang constitue un délit d'une nature particulière: l'article 452 du Code pénal, expressément confirmé en ce point par l'article 82 du projet, punit ce délit de peines beaucoup plus fortes que celles que prononce l'article 25.

L'observation faite sur l'article 25 n'ayant point d'autre suite, cet article est mis aux voix et adopté.

La Chambre adopte également les articles 26, 27 et 29 du projet amende.

M. le comte de Tournon, avant que l'article 30 soit mis en délibération, propose d'insérer dans le projet de loi, immédiatement avant cet article, un article additionnel ainsi conçu :

Sont exceptés des dispositions prescrites par les articles 26, 27 et 28 les cours d'eau qui traversent les parcs et enclos, tels qu'ils sont définis par l'article 391 du Code pénal. »

L'auteur de l'amendement rappelle que, dans la discussion qui s'est élevée sur l'article 23, il déjà signalé à la Chambre l'abus que des agents subalternes pourraient faire de la généralité des termes du projet pour s'introduire dans des parcs et enclos, contre le gré des propriétaires, sous de surveiller l'exécution des règlements. L'exception que demande le noble pair ne saurait inspirer de craintes dans l'intérêt de la pêche, car elle ne sera guère applicable aux fleuves ni aux rivières de quelque importance, qui ne sont presque jamais renfermés dans des enclos; elle ne s'étendra qu'à de petites rivières ou à des ruisseaux, où la pêche est plutôt un objet d'intérêt privé que d'intérêt général. Mais les possesseurs d'enclos y trouveront une garantie contre les vexations que peut leur susciter le caprice d'un garde-pêche. L'amendement ne fait, au reste, qu'appliquer à la pêche une disposition que les articles 124 et 223 du Code forestier, voté par la Chambre l'année dernière, ont déjà consacrée à l'égard du martelage et du défrichement des bois: le noble pair insiste pour son adoption.

M. le marquis de Bouthillier, directeur général des forêts, observe qu'il n'existe aucune similitude entre la surveillance des bois et celle des cours d'eau. On comprend fort bien que le Code forestier ait déclaré les parcs et enclos exempts de la servitude du martelage et qu'il ait permis de les défricher sans autorisation, parce que ni l'Etat ni les propriétaires voisins ne sont intéressés à savoir ce qui se passe dans leur enceinte ; mais il en est tout autrement des cours d'eau qui traversent une propriété particulière. Le riverain ne peut-il pas y faire tel établissement de pêche qui priverait tous les propriétaires inférieurs de l'exercice de leur droit? Ne peut-il pas intercepter le courant par un barrage essentiellement nuisible à l'intérêt public et privé? Il importe donc que l'administration conserve, même dans les lieux clos, son droit de

surveillance. Si l'on craint l'abus de ce droit, l'article 45 du projet, qui défend aux gardespêche de s'introduire sous aucun prétexte dans les habitations, contient déjà une garantie rassurante on peut s'en rapporter d'ailleurs à l'administration pour les justes ménagements qu'exige l'exercice de la surveillance qu'on lui confie. Les propriétaires n'auront nullement à craindre l'inquisition d'agents subalternes. Tout se terminera le plus souvent par la voie d'une simple correspondance entre les fonctionnaires supérieurs et les riverains, et si quelques plaintes s'élevaient de la part de ces derniers, ils en obtiendraient aussitôt justice.

M. le comte de Tournon observe que l'exception qu'il propose ne serait nullement applicable aux entreprises sur les cours d'eau, telles que les barrages, mais seulement à la recherche des contraventions relatives à la pêche en temps prohibé ou par un mode défendu. Il n'a pour but que de mettre les propriétaires d'enclos à l'abri de visites vexatoires et inutiles. Si quelque délit préjudiciable à l'intérêt commun était par eux commis, les plaintes de leurs voisins ne manqueraient pas de les signaler à l'administration, avant même qu'elle en fût instruite par ses agents.

M. le comte de Tocqueville estime qu'en cette matière il n'y a point de contravention qui ne blesse l'intérêt de tous: à la différence des arbres plantés dans un enclos et dont leur propriétaire est le maître exclusif, les poissons d'un cours d'eau sont en quelque sorte la propriété commune des riverains; on ne doit donc priver l'administration d'aucun des moyens de surveillance qui lui appartiennent.

M. le marquis Forbin des Issarts oppose comme fin de non-recevoir à l'amendement la question préalable adoptée dans l'avant-dernière séance sur une proposition toute semblable.

L'amendement est mis aux voix et rejeté.

Les articles 30, 31, 32, 33 et 34, qui complètent la nouvelle série d'articles proposée par la commission pour former le titre IV du projet amendé, sont ensuite adoptés sans réclamation dans les termes ci-dessus rapportés.

M. le duc de Fitz-James, avant que la délibération s'établisse sur le titre IV, demande s'il est entré dans l'intention de la commission de supprimer la disposition qui formait l'article 36 du projet et qui ne se retrouve plus au nombre des articles dont l'adoption vient d'être prononcée? Si telle avait été l'idée de la commission, le noble pair désirerait qu'elle exposât les motifs de ce retranchement; quant à lui, l'utilité de la disposition le porterait à en demander le rétablissement dans les termes du projet, qui sont les suivants :

« Les fermiers et porteurs de licences ne peuvent user, pour l'exercice de la pêche sur les fleuves, rivières et canaux navigables et flottables, du chemin de halage ou marchepied; sauf, en cas de besoin d'un espace plus étendu pour asséner et retirer leurs filets de l'eau, à se procurer auprès des propriétaires riverains, de gré à gré et à leurs frais, la jouissance des terrains dont ils auraient besoin. »

M. le marquis de Maleville, rapporteur,

déclare que l'intention de la commission a été en effet de supprimer l'article 36; non pas que sa disposition ne fût juste, mais parce qu'elle était inutile, les droits des propriétaires riverains ne pouvant à ce point être sujets à contestation, et parce que d'ailleurs ce n'était pas dans une loi sur la police de la pêche que pouvait régulièrement trouver place un article uniquement relatif à la propriété des héritages riverains et aux droits qui résultent de cette propriété.

M. le duc de Fitz-James observe que, malgré ce qui vient d'être dit sur le droit des riverains, il n'en est pas moins vrai que dans beaucoup de localités les concessionnaires de la pêche se croient autorisés non seulement à étendre passagèrement leurs filets sur les propriétés particulières, audelà même du chemin de halage et dans des endroits où il n'en existe pas, mais encore à former sur ces propriétés des établissements où ils séjournent au grand préjudice des riverains. L'article 36 remédiait à cet abus: aucune objection n'est faite contre la justice de la disposition qu'il contient; il n'y a donc que de l'avantage à le conserver dans le projet.

M. le comte Roy, ministre des finances, expose que s'il a consenti à la suppression de l'article, c'est que la discussion qui a eu lieu à cet égard dans la commission l'a convaincu qu'il n'était aucunement nécessaire, puisque, les fermiers de la pêche ne tenant leur droit que de l'Etat, ce droit ne pouvait être différent de celui de l'Etat lui-même, et que celui-ci ne s'étendait en aucune façon sur les propriétés riveraines. Les propriétaires sur les héritages desquels sont commis les abus dont on se plaint sont donc les maîtres de les faire cesser et d'en poursuivre la réparation contre leurs auteurs. Une disposition nouvelle n'ajouterait rien à ce droit, et il serait à craindre que la confirmation inutile d'un droit certain ne pût donner matière à controverse sur d'autres droits qui n'auraient pas été également rappelés. Au surplus, le gouvernement avait inséré l'article dans le projet; il a consenti à ce qu'il en fût retranché, puisqu'on ne le jugeait pas nécessaire: mais la disposition n'ayant en soi rien que de juste, le ministre ne s'opposerait pas à son rétablissement si la Chambre croyait devoir le prononcer.

M. le comte d'Argout estime que le rétablissement de l'article serait nou seulement inutile, mais même dangereux. Il serait inutile, puisqu'il est évident que le projet n'ayant pas pour objet de rien changer aux droits de la propriété, celle des riverains demeure entière, et que nul ne peut les contraindre à supporter les empiétements que les concessionnaires de la pêche pourraient se permettre. Il serait même dangereux, en ce que l'article accorde aux concessionnaires de la pêche des droits plus étendus que ceux qui leur appartiennent véritablement. Le chemin de halage n'est, en effet, qu'une servitude qui n'empêche pas le riverain d'être propriétaire du terrain sur lequel ce chemin est établi, d'en payer l'impôt et d'en user à son gré en tout ce qui ne gêne pas le passage; or, toute servitude devant se restreindre rigoureusement à l'objet pour lequel elle est établie, on doit reconnaître que les propriétaires auraient le droit de s'opposer à ce que les pêcheurs se servissent du chemin de halage autrement que pour tirer leurs bateaux et leurs filets. La disposition qui les autorise à en user pour l'exercice

de la pêche, sans aucune restriction, leur donnerait donc réellement plus de droits qu'ils n'en ont maintenant. Elle est dès lors contraire à l'intérêt véritable et légitime des propriétaires, et sa suppression doit être prononcée sans difficulté.

M. le due de Fitz-James, auteur de la proposition, observe que les abus qu'il a signalés, et qui sont à sa connaissance personnelle, s'étant introduits sous l'empire de la législation actuellement existante, une disposition nouvelle paraît indispensable, afin de rappeler les concessionnaires de la pêche à l'observation des conditions qui leur sont imposées, sans quoi l'état actuel des choses se perpétuera avec tous ses inconvénients.

M. le vicomte Lainé estime que l'article, loin de faire cesser l'abus existant, tendrait au contraire à le consacrer et à en établir de nouveaux. Quel est, en effet, le sens de sa disposition? A l'égard des propriétaires, elle ne fait que proclamer de nouveau un droit que personne ne conteste; elle maintient pour eux l'état actuel des choses; elle n'applique même aucune peine à la violation de leur propriété; elle ne leur présente donc aucun avantage réel. Mais, au contraire, à l'égard des concessionnaires de la pêche, elle ajoute aux droits que la loi leur accorde et elle confirme, en certains points, ceux qu'ils se sont arrogés sans aucun titre. Le chemin de halage est dû, en effet, sur toutes les rivières navigables; mais il en est beaucoup où il n'est établi que sur une des rives, et même où il n'existe ni sur l'une ni sur l'autre, et c'est ce qui a lieu surtout à l'égard des rivières, où le flux se fait sentir. Aujourd'hui les pêcheurs ne peuvent user du chemin que là où il est établi; c'est même par un abus qu'ils s'en servent pour autre chose que pour le halage de leurs filets et de leurs bateaux; mais, au moyen de l'article, il est à craindre que ce qui n'est aujourd'hui qu'un abus ne soit désormais considéré comme un droit, et qu'ils n'élèvent la prétention de l'exercer dans tous les cas, et alors même que le halage n'est pas établi. L'article ne serait donc restrictif, en réalité, qu'à l'égard du propriétaire et contrairement à ses droits: le noble pair croit devoir le repousser.

M. le due Decazes insiste sur la définition qui a été déjà donnée du chemin de halage. Ce chemin ne constitue, comme on l'a dit, qu'une simple servitude, et l'article tendrait à le faire considérer comme propriété publique. Aujourd'hui le riverain qui paye l'impôt et qui recueille les fruits que le sol peut encore produire, a le droit d'empêcher les concessionnaires de la pêche d'user du chemin autrement que pour le halage proprement dit. L'article une fois adopté, c'est pour tout ce qui est relatif à l'exercice de la pêche que les pêcheurs auraient le droit d'user du chemin ia position du propriétaire serait donc changée à son détriment.

M. le comte de Tournon estime que c'est dans l'interprétation des mots exercice de la pêche, dont l'article se sert, que réside en effet toute la difficulté. L'exercice de la pêche comporte plusieurs actions distinctes: d'une part, le tirage des bateaux et des filets dans l'eau, de l'autre le séchage des filets lorsqu'ils sont retirés. Nul doute que les pêcheurs n'aient droit d'user du chemin pour le tirage, et c'est le seul droit que l'article leur accorde; mais quant au séchage, qui exige un plus grand espace de terrain et ne peut

[blocks in formation]

M. le marquis de Bouthillier, directeur général des forêts, déclare que les auteurs du projet avaient eu pour but, dans la rédaction de cet article, d'avertir en même temps et les concessionnaires de la pêche et les riverains du droit qui appartenait aux premiers d'exiger que le chemin de halage fût débarrassé des obstacles que les riverains pourraient apporter à son libre usage, et aux seconds de restreindre les pêcheurs dans les limites du chemin : mais la commission a pensé que cette disposition était superflue, et comme dans la réalité les droits et les obligations respectives sont suffisamment établis dans les lois existantes, l'administration n'a aucun intérêt à réclamer le maintien de l'article; et dès lors qu'on le jugerait inutile ou même préjudiciable aux riverains, il peut être supprimé sans inconvénient.

M. le comte de Peyronnet reconnaît que l'administration n'a aucun intérêt à la conservation de l'article; mais il est loin de penser qu'il en soit de même à l'egard des riverains. L'article en effet les avertit que le droit des pêcheurs est restreint à l'usage du chemin de halage, que sur ce chemin même ceux-ci n'ont que les droits qui appartiennent à tous, c'est-à-dire qu'ils peuvent en user seulement pour le tirage des bateaux ou des filets, et qu'entin, s'ils ont besoin d'un espace plus étendu pour déposer leurs filets et les sécher, ce n'est que de gré à gré qu'ils peuvent l'obtenir. Si l'article est supprimé, les choses demeurent dans l'état d'incertitude où l'on voit que les a laissées en réalité la législation existante, quelques expresses qu'aient été ses dispositions à cet égard, car les abus qui se sont établis subsistent comme par le passé. Le noble pair appuie donc le maintien de l'article. Mais on a paru craindre que sa rédaction ne donnât matière à quelques difficultés, et que l'autorisation accordée aux pêcheurs d'user du chemin pour l'exercice de la pêche ne parût, à raison de la latitude de cette expression, leur donner le droit de sécher leurs filets sur l'espace destiné au halage, au préjudice des propriétaires, qui seraient ainsi exposés à perdre le produit qu'ils peuvent encore tirer de cette partie de leurs fonds. Le noble pair n'admettrait pas cette interprétation; il pense que la faculté d'user doit se restreindre à l'usage même pour lequel le chemin est établi, c'est-à-dire au tirage des bateaux et filets, et 'elle ne peut s'étendre à un séchage qui, loin d'être

lage, l'intercepterait au contraire, s'il avait lieu sur le chemin. Cependant, et pour lever toute incertitude, le noble pair proposerait, en couservant l'article, d'en modifier ainsi qu'il suit la rédaction :

« Les fermiers et porteurs de licences ne peuvent user sur les fleuves, rivières et canaux navigables ou flottables, que du chemin de balage ou marchepied. A l'égard de l'espace plus étendu qui leur serait nécessaire pour asséner et retirer leurs filets de l'eau, ils seront tenus de s'en procurer l'usage en traitant de gré à gré avec les propriétaires riverains. »

M. le vicomte Lainé observe que la propo

sition même qui vient d'être faite prouve assez l'impossibilité d'admettre l'article tel qu'il est, et la nécessité de lui faire dire effectivement ce que l'on croit y apercevoir. Mais en le supposant modifié de manière à éviter toute contestation sur la nature et l'étendue des droits qui appartiennent aux pêcheurs à l'égard du chemin de halage, quel avantage peut-on donc en attendre? On a vu tout à l'heure qu'il n'en promettait aucun au propriétaire. Le pêcheur n'y gagnera rien non plus; si son droit est restreint ainsi qu'il doit l'être, et seulement il en résultera toujours une incertitude fâcheuse sur le droit du pêcheur à user du chemin de halage là où il n'est pas établi, et particulièrement sur les rivières sujettes, à raison du voisinage de la mer, à l'influence du flux et du reflux. Le noble pair insiste done pour le retranchement de l'article.

M. le comte de Pontécoulant estime que si, avant la discussion qui vient de s'ouvrir, il pouvait être indifférent de maintenir ou de supprimer l'article dont il s'agit, son retranchement pourrait avoir maintenant des consequences fàcheuses pour l'intérêt des propriétaires. Le but de la disposition étant en effet de reconnaître leur droit, son rejet, quels qu'en fussent d'ailleurs les motifs, pourrait induire à penser que ce droit n'existe pas. Une disposition est donc nécessaire : mais il faut éviter qu'elle ne puisse s'interpréter contre ceux dans l'intérêt desquels elle est demandée: or, il est évident que les mots user pour l'exercice de la pêche comprennent aussi bien le séchage des filets que leur tirage dans l'eau; c'est cependant à ce dernier usage que doit se restreindre le droit des pêcheurs, le chemin de balage n'étant établi que pour la facilité de la navigation, et les droits de la propriété demeurant entiers pour tout ce qui ne rentre pas dans l'objet déterminé pour lequel la servitude a été établie. Dans quels termes inaintenant la disposition doitelle être rédigée pour exprimer clairement le droit de toutes les parties? C'est ce qui ne peut guère être apprécié dans une discussion générale. Le noble pair demande donc le renvoi de l'article à la commission.

M. le comte Cornet, avant que le renvoi soit prononcé, croit devoir signaler à l'attention de la commission un autre inconvénient dont la rédaction actuelle paraît susceptible. L'article premier du projet ayant incorporé en quelque sorte aux rivières navigables les noues, boires et fossés qui sont en communication avec elles, n'est-il pas à craindre que les pêcheurs ne se prévalent de cette disposition pour demander aussi à jouir d'un chemin de halage sur le bord de ces dépendances, et ne viennent ainsi troubler les riverains dans la jouissance d'une propriété qui, jusqu'à ce jour, n'avait été sujette à aucune servitude de ce genre?

M. le comte Roy, ministre des finances, observe que, le halage n'existant que sur les cours d'eau réellement navigables, et pour l'usage de la navigation seulement, le chemin ne peut dans aucun cas être exigé pour des dérivations qui peuvent bien être considérées, en ce qui concerne la pêche, comme dépendances de la rivière, mais sur lesquelles la navigation n'est pas et ne peut être établie. Quant à la difficulté élevée sur le fond de la disposition, le ministre ne pense pas qu'elle puisse avoir une grande importance. Les lois existantes imposent aux riverains l'obli

« PreviousContinue »