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(La première épreuve paraît douteuse.)

M. Bourdeau. Il est impossible que vous adoptiez cet amendement; je demande à parler contre.

M. le Président. La Chambre délibère; je ne puis donner la parole entre deux épreuves. Je vais renouveler l'épreuve.

Voix à droite On ne l'a pas bien entendu; une seconde lecture!

M. le président en donne une seconde lecture, et consulte de nouveau la Chambre.

(L'amendement est rejeté).

M. le Président. Art. 26 du projet de loi, qui devient l'article 25:

<< Nul individu appelé à des fonctions publiques temporaires ou révocables ne pourra être inscrit sur la première partie de la liste du département où il exerce ses fonctions que six mois après la double déclaration prescrite par l'article 3 de la loi du 5 février 1817. »

Il n'a été proposé sur cet article aucun amendement.

(L'article est mis aux voix et adopté).

M. Dupin ainé. Je propose une disposition additionnelle qui a pour objet de résoudre deux questions qui sont restées indécises.

Voici ce qui est arrivé dans un département aux dernières élections. Un sous-préfet, qui n'était plus à temps pour transférer son domicile politique dans son arrondissement, la déclaration devant être faite six mois d'avance, pour donner le droit de voter, fit ce raisonnement: La loi du 5 février 1817 n'exige le délai de six mois que pour le domicile politique; je vais déclarer que je prends mon domicile réel dans mon arrondissement, et comme la translation du domicile réel emporte sur celle du domicile politique, je pourrai voter dans mon arrondissement. Il y a effectivement voté. Pour éviter cet inconvénient, je propose d'ajouter à l'article : « Le même délai de six mois sera exigé, si la déclaration de changement de domicile porte sur le domicile réel. »

Un autre inconvénient s'est présenté. On a vu des électeurs, ayant fait leur déclaration de changer de domicile politique, surpris par les élections avant l'expiration du délai de six mois, et être privés de leurs droits électoraux; car on trouvait qu'ils ne pouvaient plus voter à leur ancien doinicile, et qu'ils n'avaient pas encore acquis le droit de voter au nouveau. Je propose, en conséquence, la disposition suivante :

« Si les élections ont lieu après la déclaration, mais avant l'expiration du délai de six mois, l'électeur conservera, pour cette fois, le droit dé voter dans le lieu de son ancien domicile. »

M. de Martignac, ministre de l'intérieur. L'article 26 du projet de loi est conçu dans des termes tels, qu'il ne laisse matière à aucune difficulté de ce genre. C'est précisément pour parer au double inconvénient qui vient d'être signalé, que l'article a été conçu en ces termes. Il suffit pour vous en convaincre de vous rappeler comment j'avais moi-même, dans l'exposé des motifs, expliqué cet article. (M. le ministre de l'intérieur donne lecture de ce passage de l'exposé des motifs). Ainsi, vous voyez qu'il n'y a plus aucune distinction à faire entre le domicile réel et le do

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M. Pardessus. Il n'est pas besoin d'un article de loi pour résoudre la difficulté soulevée par M. Dupin. Le conseil d'Etat l'a décidée, et sa décision a été insérée au Bulletin des lois.

Un exemple vous rendra la chose sensible. Ainsi, un électeur de Paris veut transporter son domicile politique à Orléans, et il fait en conséquence sa double déclaration; mais il est évident que tant qu'il n'a pas acquis le droit qui résulte de son nouveau domicile politique à Orléans, il ne peut pas être ex lex, hors de la loi, et puisqu'il n'est pas encore citoyen d'Orléans, il faut bien qu'il reste citoyen de Paris. Ainsi, il est bien entendu qu'il votera à son ancien domicile politique.

(L'amendement de M. Dupin est mis aux voix et rejeté.)

M. le Président. Article 27 du projet de loi qui devient l'article 26:

« Les percepteurs de contributions directes seront tenus de délivrer à tout individu qualifié comme il est dit à l'article 11 ci-dessus, sur papier libre, et moyennant une rétribution de vingtcinq centimes par article de rôle, tout certificat négatif ou tout extrait des rôles de contributions. »

Sur cet article, M. Caumartin propose l'amendement suivant:

« Les directeurs et percepteurs de contributions directes seront tenus de délivrer à tout individu le requérant, sur papier libre, et moyennant une rétribution de vingt-cinq centines, tout certilicat négatif ou tout extrait des rôles de contributions. »>

M. Caumartin a la parole.

M. Caumartin. Mon amendement contient trois dispositions différentes. La première a pour objet d'éviter aux électeurs des courses multipliées d'une extrémité d'un département à l'autre pour se procurer, auprès des percepteurs, des extraits des rôles de contributions, lorsqu'ils pourraient facilement les obtenir du directeur des contributions, qui se trouve au chef-lieu du département. Voilà pourquoi je donne aux électeurs la faculté de s'adresser aussi bien aux directeurs qu'aux percepteurs.

La seconde disposition a pour objet de faire délivrer des extraits des rôles de contributions à tout individu le requérant. L'article avait dit à tout individu qualifié comme il est dit à l'article 41. Je conçois que pour demander la ra

diation d'un individu de la liste électorale il faille avoir les qualités exigées par cet article; mais le même motif n'existe pas pour les demandes des extraits des rôles. Tout le monde doit être admis à se faire délivrer par les percepteurs des extraits de rôles. Pourquoi obliger un électeur à se transporter en personne dans toutes les localités où il a des propriétés, pour tirer des percepteurs des extraits de rôles? Il n'y a pas d'inconvénient à lui donner la facilité de les obtenir par correspondance ou par un mandataire.

Ma troisième proposition tend à supprimer de l'article les mots par article de role; de sorte que la rétribution de 25 centimes serait accordée seulement pour tout extrait des rôles de contributions. Il est inutile d'aggraver les charges du citoyen qui veut justifier de ses droits électoraux. Si vous l'obligez de donner au percepteur autant de fois 25 centimes qu'il y aura d'articles de rôles, la rétribution pourrait quelquefois s'élever à une somme de dix ou vingt francs, et il est à craindre que certains électeurs ne reculent devant cette somme.

Je crois que ces considérations suffisent pour justifier mon amendement sous ces trois rapports.

M. Lepeletier d'Aunay. Messieurs, les coutestations auxquelles peut donner lieu le règlement du cens électoral étant portées devant les cours royales, les pièces produites doivent être des pièces légales. Or, il n'y a que les percepteurs qui puissent délivrer des extraits de rôles des contributions. Les directeurs ne sont pas à même de faire cette délivrance d'une manière légale. Ainsi, cette première partie de l'amendement ne me paraît pas susceptible d'être adoptée.

Le préopinant demande, en outre, que les percepteurs soient tenus de délivrer des extraits des rôles à tout individu le requérant. Je crois qu'en effet les rédacteurs du projet de loi ont eu l'intention de faciliter l'exercice du droit d'investigation. Je crois qu'ils ont supposé que tout contribuable aurait toujours le droit d'exiger du percepteur un extrait de ses contributions. Cette supposition est en harmonie avec l'esprit de nos lois de finances. En effet, la plupart des contributions directes sont des contributions de répartitions; elles ont pour base l'égalité proportionnelle. Tout contribuable a le droit de réclamer l'égalité proportionnelle, et pour cela il faut qu'il puisse se faire délivrer des extraits des rôles non seulement pour ses contributions, mais encore pour celles des habitants de sa commune. La loi de finances de messidor an VII exige qu'avant le recouvrement du rôle, le dépôt soit fait dans la commune et soit l'objet d'une publication. La loi de frimaire an VII veut que les éléments sur lesquels on s'est basé pour faire la répartition soient communiqués aux contribuables. Il est donc difficile de croire qu'on puisse refuser à un contribuable un extrait des rôles. Remarquez que votre commission vous propose de faciliter l'exercice du droit électoral en établissant une peine contre le percepteur qui refuserait de délivrer à un électeur un extrait des rôles. Je trouve juste d'étendre à tous les contribuables la faculté donnée aux électeurs. Je propose, en conséquence, de substituer à la disposition de l'article, celle-ci: à toute personne portée sur le rôle.

Reste la troisième proposition. En matière de finances surtout, on doit raisonner par assimilation. Le travail qu'on donne ici aux percepteurs des contributions est en tout semblable à celui

qu'ont les contrôleurs pour les mutations; les rétributions ont lieu par article. Je présume que c'est par ce motif que les rédacteurs de la loi ont calculé aussi, par article de rôle, la rétribution des percepteurs. Mais il faudrait que l'assimilation fût complète. Or, les contrôleurs ne reçoivent que 10 centimes et non pas 25 centimes. Je propose donc de substituer 10 centimes par article de rôle.

M. Mauguin. La première et la troisième proposition de M. Caumartin peuvent être utiles, mais la seconde est de la plus haute importance, et je viens l'appuyer.

Il est de droit qu'on ne peut refuser un extrait des rôles à tout individu le requérant. Il faut bien qu'il ait l'extrait de rôle de ses cocontribuables pour demander le rappel à l'égalité proportionnelle.

Il y a une lacune dans le projet de loi. Nous ne vous en avons pas parlé, parce qu'on ne peut pas accabler une Chambre d'amendements. (Mouvement à droite.) Les listes ne contiennent pas seulement les noms des individus payant des contributions dans le département même; elles contiennent aussi les noms des individus payant des contributions dans des départements éloignés. Comment pourra-t-on vérifier si les contributions sont exactement payées? La difficulté est grave. Tout électeur a le droit de se faire délivrer un extrait de rôle des contributions d'un autre électeur; mais si vous exigez que, pour l'obtenir, il prouve sa qualité d'électeur, qu'arrivera-t-il ? Un électeur de Paris, par exemple, veut se procurer l'extrait de rôle d'un autre électeur qui paie des contributions dans les Basses-Pyrénées; il écrit au percepteur; celui-ci lui répond qu'il ne le connaît pas. Il faudra donc que cet électeur fasse constater sa qualité par le préfet de la Seine, et qu'il envoie ce certificat avec sa demande. Vous évitez ces inconvénients en disant que les extraits de rôles seront délivrés à tout individu le réquérant.

M. de Formont. On a établi, à cette tribune, qu'il était de droit commun qu'un individu payant un impôt, pût se faire délivrer les cotes d'impositions d'un autre individu. Si cela est de droit commun, il n'est pas nécessaire de le dire dans cette loi. Mais faites attention que dans le droit commun, pour être admis à réclamer la cote de contributions d'un contribuable, il faut soi-même payer une contribution dans le même arrondissement. L'amendement étend beaucoup cette faculté. Déjà vous avez rejeté la proposition qui avait pour but de donner à tout le monde le droit d'investigation; le même motif doit vous faire rejeter l'amendement qu'on vous propose.

M. Humblot-Conté. Je répondrai au préopinant par un fait. Voici ce qui m'est arrivé : J'écris de Paris pour un ami qui m'en avait prié, à un homme d'affaires, dans le département de Saône-et-Loire, pour en faire venir les pièces dont il avait besoin. Cet homme d'affaires s'adresse au percepteur pour avoir l'extrait du rôle des contributions de cet ami. Le percepteur répond qu'il ne peut pas le délivrer, et il a fallu un ordre du sous-préfet pour l'obtenir.

M. le comte Roy, ministre des finances. Deux amendements sont en discussion.

Par le premier, il est demandé que le certificat ou l'extrait soient délivrés à tout individu le re

quérant, conformément à ce qui a été décidé par le ministre des finances; par le second, que la rétribution de 25 centimes soit réduite à 10 centimes.

J'aurai d'abord l'honneur de faire observer à la Chambre qu'en prescrivant aux percepteurs de délivrer des extraits ou certificats, j'ai mis pour condition qu'ils seraient demandés par des individus ayant intérêt à faire cette demande, et que c'est dans ce sens qu'il a été fait des circulaires aux préfets. Je pense donc que, sous ce rapport, l'individu requérant doit être inscrit sur les rôles indépendamment de ce qui est dit dans l'article.

Relativement à la réduction de la rétribution de 25 centimes, la Chambre pensera, sans doute, que cette rétribution n'est pas trop élevée; que la loi se propose un objet politique, et qu'au lieu d'appeler des difficultés, elle doit exciter les percepteurs, par une suffisante indemnité, à délivrer les extraits et certificats qui leur sont demandés.

Voix nombreuses : Oui, oui... Cela est clair..... Aux voix !

M. le général Demarçay. Je viens insister pour l'addition du mot directeurs. Reportez-vous, Messieurs, dans vos départements, et voyez comment les choses se passent. Les électeurs qui ont des propriétés dans diverses localités sont obligés de parcourir le département dans tous les sens pour aller tirer des percepteurs des extraits de rôles. Il serait bien plus commode pour eux de se rendre chez le directeur des contributions, qui a la faculté de leur délivrer tous les extraits du rôle des contributions. M. Lepeletier d'Aunay a repoussé l'amendement de M. Caumartin par une considération qui ne me paraît pas juste. Les directeurs ont en leur possession les matrices de rôles, ils peuvent donc délivrer des extraits de rôles; c'est comme si l'on disait qu'un notaire ne pourra pas délivrer un acte exécutoire, parce qu'il n'en a pas la grosse, mais la minute. J'appuie la disposition, l'amendement qui a pour objet de faire délivrer les extraits de rôles, non seulement par les percepteurs, mais encore par les directeurs des contributions.

M. Caumartin. Je n'ajouterai rien aux observations qui viennent d'être présentées pour appuyer la première partie de mon amendement; elles me semblent suffisantes pour en faire voir l'utilité.

Quant au second objet de mon amendement, on a prétendu que c'était ramener le droit d'investigation à l'aide duquel tout individu poursuit une radiation en une inscription. Il y a loin pourtant entre la faculté de se faire délivrer un extrait des rôles, et l'action en vertu de laquelle on réclame une inscription ou une radiation.

Je déclare, sur le troisième point, que je me trouve d'accord avec M. le ministre des finances. Je viens d'avoir, avant de monter à la tribune, une explication avec M. le ministre des finances, et il est convenu qu'il était tombé dans une erreur; il croyait que je voulais porter seulement la rétribution à 10 centimes pour chaque extrait de rôle; il ne pensait pas que la loi exigeât 25 centimes par chaque article de rôle; il pensait que c'était seulement pour chaque extrait en masse.

M. Favard de Langlade, rapporteur. La commission a pensé unanimement qu'il serait

inconvenant de mettre le directeur des contributions sur la même ligne que le percepteur. Elle a considéré qu'elle proposait une amende contre le percepteur qui refuserait de délivrer des extraits de rôles, et qu'il y aurait de l'inconvenance à établir aussi une amende contre le directeur. Les directeurs des contributions sont les dépositaires des matrices de rôles; mais ils ne peuvent pas, comme les percepteurs, avoir des connaissances locales qui les empêchent de commettre des erreurs. Il importe d'ailleurs de ne pas distraire les directeurs de leurs occupations.

M. le général Demarçay. Je demande la parole. (Aux voix! aux voix !) M. le rapporteur s'est trompé, permettez-moi de lui répondre. (Parlez! parlez!)

Messieurs, les extraits du rôle des contributions sont une copie exacte du rôle. Le rôle est fait par le directeur des contributions, et il en conserve la matrice; de sorte que le directeur peut aussi bien que le percepteur délivrer des extraits du rôle. M. le rapporteur a parlé des connaissances locales qu'ont les percepteurs. Mais ces connaissances sont inutiles, puisqu'ils n'ont qu'à copier littéralement le rôle, et que, quand même ils sauraient que le rôle n'est pas conforme à ce qui est effectivement, ils ne peuvent faire mention de cette circonstance sur l'extrait qu'ils délivrent. J'appuie de nouveau l'amendement.

M. Boscal de Réals. M. Demarçay est tout à fait dans l'erreur, un directeur des contributions ne peut être comparé à un notaire. Le directeur n'a pas la copie des rôles, mais la matrice des rôles, et c'est sur la matrice qu'il travaille pour établir la contribution de chaque commune. J'en demande pardon à l'orateur, qui n'a pas eu occasion de connaître cette partie comme moi; les directeurs ne conservent pas la copie des rôles des communes.

M. Demarçay. Ils conservent les matrices, et cela suffit.

(L'amendement qui tend à ajouter le mot directeurs est mis aux voix et rejeté.)

Le second amendement à tout individu le requérant, est mis aux voix et rejeté.

M. le Président met aux voix le sous-amendement de M. Lepeletier d'Aunay, ainsi conçu : A toute personne portée au rôle. » (Cet amendement est adopté.)

M. le Président. Reste le troisième amendement qui a pour objet de fixer la rétribution à 25 centimes par extrait de rôle, quel que soit le nombre des articles du rôle.

Cet amendement est-il appuyé?

Voix à droite: Non, non!

M. de Caumartin. Permettez, Messieurs, une explication. M. le ministre des finances a reconnu lui-même que la rétribution de 25 centimes suffit pour chaque extrait du rôle. Je prie M. le ministre des finances de s'expliquer de nouveau à cet égard.

M. le comte Roy, ministre des finances. La rétribution de 25 centimes doit être payée pour chaque certificat négatif, ou pour chaque extrait de contributions: mais il doit être bien entendu que ce n'est pas par chaque extrait de chaque

article de contribution foncière, personnelle et mobilière, et des portes et fenêtres. Il doit être dit pour chaque extrait des contributions concernant le même contribuable. Le même extrait doit contenir la mention des trois contributions, si la demande en est faite, et c'est pour cet extrait et non pour chaque article que la rétribution de 25 centimes doit être acquittée.

Cela sera, d'ailleurs, à peu près conforme à ce qui s'est pratiqué précédemment.

M. le général Demarçay. Je demande la parole.

Plusieurs membres à gauche: Aux voix ! aux Voix !

M. Demarçay. Il s'agit d'un fait fort simple. Voix à droite: Parlez! parlez!

M. Demarçay. Il est contraire à l'usage qu'un nom soit porté plusieurs fois sur un rôle; chaque particulier est porté pour toutes ses contributions sous le même numéro; il ne peut donc y avoir qu'un seul article. On a parlé de la matrice des rôles, on a dit que je ne m'y connaissais pas; M. Boscal de Réals se trompe lui-même; il a sans doute voulu parler des matrices de 1790; mais quant aux matrices de rôles qui sont chez les directeurs, elles forment une copie littérale et identique avec le rôle exécutoire.

(Le sous-amendement est adopté en ces termes : « Moyennant une rétribution de 25 centimes par extrait de rôle concernant le même contribuable. »)

M. le Président. La commission a proposé une disposition additionnelle ainsi conçue:

Chaque contravention à ces dispositions, de la part des percepteurs, sera poursuivie devant le tribunal de première instance, et punie d'une amende qui ne pourra excéder 100 francs, conformément à l'article 50 du Code civil. >>

Quelqu'un demande-t-il la parole?

M. Hyde de Neuville, ministre de la marine. Je n'ai qu'une simple observation à présenter à la Chambre. Il me semble qu'on ne doit recourir à une pénalité que lorsqu'on impose une charge. La disposition étant à l'avantage du percepteur, puisqu'il a intérêt à délivrer le plus grand nombre d'extraits de rôles possible, je ne vois pas pourquoi il s'y refuserait, pourquoi il violerait ainsi la loi. 11 faut supposer qu'il ne pourra le faire que par un ordre. Pouvez-vous, Messieurs, admettre une disposition qui suppose qu'on osera donner l'ordre de violer une loi sur laquelle il ne peut y avoir de doute? Les percepteurs, au lieu de se refuser à délivrer des extraits de rôles, feront plutôt des vœux pour que les 80,000 électeurs de la France viennent leur en demander.

D'après ces considérations, l'article additionnel me paraît inutile.

Un grand nombre de voix : Appuyél... Aux voix !

M. Marchal. Je ne viens ni vous parler de fraude, ni présumer de fâcheuses intentions; mais comme M. le ministre de la marine vous a présenté pour repousser la pénalité dont on veut atteindre les percepteurs, la contradiction qui résulterait d'une peine appliquée à l'inexécution d'une obligation qu'ils auront intérêt à remplir puisqu'il leur sera profitable, je répondrai par des

faits. Ne voyez-vous pas beaucoup de fonctionnaires, des greffiers, des notaires, etc., qui ont à remplir des obligations fort lucratives pour eux, et à l'égard de l'inexécution desquelles ils sont cependant menacés par des peines rigoureuses? de fortes amendes et d'autres punitions attestent qu'un intérêt plus puissant que celui de leur salaire pouvait les mettre en opposition avec leur devoir. Or, si on fait une telle supposition pour des notaires, je ne suis pas malveillant pour les percepteurs en étendant jusqu'à eux là même possibilité.

M. Hyde de Neuville, ministre de la marine, de sa place. J'ajouterai une observation: c'est qu'en pareil cas, il y aurait violation positive de la loi, et alors vous conviendrez qu'une amende de 100 francs est une peine trop minime. Le fonctionnaire public qui manquerait à ses devoirs, au point de violer une loi, encourrait nécessairement la destitution.

M. le comte Roy, ministre des finances. Messieurs, les percepteurs sout des agents révocables, et on ne peut supposer que, par le refus de délivrer des certificats ou des extraits dont la délivrance leur est prescrite par la loi, ils veuillent s'exposer à une révocation qui serait sûrement prononcée par le ministre, surtout lorsqu'ils ont droit à une suffisante indemnité.

D'un autre côté, la partie requérante pourrait toujours, en cas de refus, les traduire en référé par devant le tribunal de première instance qui ferait promptement cesser leur résistance: ils ne voudraient pas encourir des contraintes et des condamnations de frais qui seraient inévitables.

Je pense donc que l'amendement proposé ne doit pas être admis.

(L'article additionnel proposé par la commission est mis aux voix et rejeté à une forte majorité, composée de la droite, du centre droit et d'une grande partie du centre gauche. (Sensation prolongée.)

L'article est adopté tel qu'il a été amendé, en ces termes:

Art. 26. Les percepteurs de contributions directes sont tenus de délivrer, sur papier libre, et moyennant une rétribution de 25 centimes par extrait de rôle concernant le même contribuable, à toute personne portée au rôle, l'extrait relatif à ses contributions, et à tout individu, qualifié comme il est dit à l'article 12 ci-dessus, tout certificat négatif ou tout extrait des rôles de contributions. »

Demain, la Chambre entendra à l'ouverture de la séance le rapport de la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'interprétation des lois après le recours en cassation, et ensuite un rapport de la commission des pétitions.

La séance est levée à cinq heures et demie.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ROYER-COLLARD.

Séance du jeudi 10 mai 1828.

La séance est ouverte à une heure et demie. -La rédaction du procès-verbal est adoptée.

M. Calemard de Lafayette, rapporteur de la commission chargée de l'examen du projet de loi sur l'interprétation des lois après le recours en cassation, est appelé à la tribune.

M. Calemard de Lafayette, rapporteur. Messieurs, la commission que vous avez formée pour l'examen du projet de loi sur l'interprétation des lois après le recours en cassation, m'a chargé de vous faire connaître le résultat de son travail.

Le projet de loi se compose de dispositions peu nombreuses, mais il soulève plusieurs questions importantes, et celles qui peuvent présenter quelques difficultés ont du moins le mérite de se classer hors de la sphère des discussions politiques.

La législation, l'état des juridictions et la jurisprudence présentaient jadis en France l'image d'une confusion générale. Ce beau royaume, formé de la réunion de plusieurs peuples, avait conservé une agrégation bizarre de lois et de coutumes contraires; c'était un vrai chaos qui attendait depuis longtemps une création. Plusieurs de nos rois, des ministres habiles, des jurisconsultes profonds, avaient, à diverses époques, fait des tentatives pour arriver aux principes d'unité; mais des privilèges flatteurs, des intérêts opposés, des droits acquis et l'attachement aux anciennes habitudes, formaient des obstacles bien difficiles à franchir. La Providence place souvent des avantages à côté des grandes calamités: elle semble avoir voulu apporter quelques compensations aux malheurs de la Révolution en facilitant le bienfait d'une législation uniforme. Pour l'obtenir, il ne fallait rien moins que la force et la rapidité du mouvement de l'Assemblée constituante. Toutes les anciennes cours souveraines et toutes les juridictions si variées qui se disputaient le droit de rendre la justice furent spontanément supprimées, et on vit apparaître sur tous les points du royaume des tribunaux nouveaux avec des attributions réglées sur le principe d'uniformité, ce premier pas assurait l'accord des personnes pour concourir à une même fin; mais il n'était pas facile de disposer des choses, il fallait du temps pour abattre et refaire l'édifice de la législation, il fallait surtout opposer une résistance à l'empire des habitudes : on eût l'heureuse idée de placer à la tête des nouvelles institutions judiciaires un tribunal régulateur.

C'est la loi du 27 novembre 1790 qui fixe les conditions et la compétence de la Cour de cassation. Elle fut chargée de maintenir l'ordre entre les juridictions, d'annuler toutes les procédures dans lesquelles les formes auront été violées et tout jugement qui contiendra une contravention expresse au texte de la loi; mais on redoutait l'action d'une telle puissance judiciaire. Gardonsnous, disait-on avec force, gardons-nous de créer une cour plénière, les uns voulaient que les chambres de cette cour fussent séparées, d'autres qu'elles fussent ambulantes; on fut même jusqu'à proposer d'interdire à ses membres le titre de juges et de leur donner celui d'inspecteurs de justice. Pour tout concilier, il fut décidé que sous aucun prétexte et en aucun cas, elle ne pourra connaitre du fond des affaires.

Il était naturel de prévoir que le même procès, le même point de droit pourrait devenir l'objet d'une division d'opinions entre la Cour de cassation et plusieurs autres tribunaux. Cette difficulté ne devait se manifester que pour les cas

rares qui interrogereaient une loi muette ou évidemment obscure. Alors il n'était sage ni de laisser une lacune dans la législation, ni d'éterniser la difficulté par un renvoi perpétuel de la Cour de cassation à un autre tribunal. La loi de 1790 dispose que lorsqu'un jugement aura été cassé deux fois, si le troisième tribunal juge en dernier ressort de la même manière, la question ne pourra plus être agitée au tribunal de cassation qu'elle n'ait été soumise au Corps législatif, qui portera un décret déclaratoire de la loi.

La Constitution de 1795 reproduisit les mêmes dispositions; mais elle voulut que le décret déclaratoire fût provoqué immédiatement après le jugement qui suivrait une première cassation. La loi du 18 mars 1800 (27 ventôse an VIII) décida que si, après une première cassation, le second jugement était attaqué par les mêmes moyens que le premier, la question serait solennellement jugée par toutes les sections réunies de la Cour de cassation. Cette loi ne touche point au principe posé dans celle de 1790, qui attribue l'interprétation authentique au pouvoir législatif; mais la difficulté d'obtenir cette interprétation, le nombre des procès suspendus, et peut-être l'autorité ombrageuse du chef de l'Etat, amenérent la loi du 16 septembre 1807, où l'on trouve un article portant en style fort laconique que l'interprétation sera donnée dans la forme des règlements d'administration publique, c'est-à-dire par décret impérial.

Il était plus que difficile de maintenir cette attribution en présence de la Charte qui constitue et détermine clairement la puissance législative; aussi, dès 1814, la Chambre des députés vit naître dans son sein, et adopta une proposition qui tendait à rendre à cette puissance le droit d'interpréter les lois. La résolution communiquée à la Chambre des pairs y fut aussi adoptée; de grands événements politiques vinrent la faire ajourner. Cependant les cas qui font naître la nécessité de l'interprétation législative se renouvelaient, et la difficulté devint l'objet d'un avis du Conseil d'Etat, approuvé par le roi le 17 décembre 1823. Il fut déclaré que la loi de 1807 n'était point incompatible avec les dispositions de la Charte, et que, dans les cas prévus, cette loi devait continuer de recevoir son exécution; néanmoins il fut reconnu que la décision rendue par le roi n'est qu'une interprétation pour le cas particulier qui en fait l'objet, et qu'elle n'a ni le caractère ni les effets d'une interprétation législative. Get avis du Conseil d'Etat, inspiré par la nécessité, conçu dans l'intérêt des justiciables, respecta les prérogatives du pouvoir législatif. Mais, disons-le franchement, il déplaça les choses et renversa les idées jusqu'alors reçues. La loi de 1807 avait confié au Conseil d'Etat l'interprétation législative, et non le jugement direct du procès. On reconnut au contraire que l'interprétation législative était impossible, et on réserva au Conseil d'Etat une seule attribution toute judiciaire.

Le gouvernement a sagement calculé qu'un pareil état de choses ne peut se perpétuer; de nouveaux dissentiments se sont manifestés entre la Cour de cassation et d'autres tribunaux. Plusieurs points de notre législation réclament l'interprétation législative par qui et comment doit-elle être donnée? Messieurs, parmi les questions dont le projet de loi provoque l'examen, c'est la plus importante, c'est aussi la plus facile à résoudre.

Si une seule des trois branches du pouvoir législatif pouvait exercer le droit d'interprétation,

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