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riser qu'autant qu'il sera effectif, dans le sens que nous avons

donné à ce mot*. »

étendus.

1806. Blocus an

§ 2867. Voici quelques exemples saillants de la manière dont les cas de blocus choses se sont passées dans la pratique. En 1806, le gouvernement anglais déclara bloqués les ports du continent européen, depuis glais des côtes Brest jusqu'à l'Elbe. Dans une note circulaire adressée le 16 mai de France. aux ministres des gouvernements neutres résidant à Londres, M. Fox, secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères, annonçait <«< que la prise en considération de la nouvelle méthode adoptée par l'ennemi pour l'interruption du commerce anglais avait déterminé le gouvernement anglais à ordonner de mettre en état de blocus toutes les côtes, toutes les rivières et tous les ports à partir de l'Elbe jusqu'à Brest inclusivement, qu'en conséquence ces rivières et ces ports devaient être considérés comme réellement bloqués. >> Toutefois, le ministre anglais déclara que le blocus ne serait notifié aux gouvernements étrangers qu'après que les mesures nécessaires pour le rendre effectif auraient été prises, et que le blocus serait maintenu par des forces suffisantes pour rendre manifestement dangereuse l'entrée dans les ports sur la ligne de côtes comprise dans les limites bloquées. A cette occasion, Sir Travers Twiss fait observer que, si l'on admet comme fait que ces conditions. aient été remplies, il ne peut être douteux que la légitimité du blocus n'ait été en rien affectée par la grande étendue de côtes sur laquelle il était maintenu; cet accomplissement des conditions nécessaires pour l'efficacité du blocus est précisément le point à éclaircir.

Blocus des

côtes du Mexiles

Etats-Unis. 1846.

Pendant la guerre entre les Etats-Unis et le Mexique en 1846, tous les ports, tous les hâvres, toutes les baies, toutes les passes, sur que par la côte occidentale du Mexique au sud de San Diego, furent déclarés par le commodore Stockton en état de blocus. Le gouvernement anglais objecta qu'une pareille manière d'agir n'équivalait guèrc qu'à un blocus sur le papier. Le cabinet de Washington, tout en soutenant son droit de maintenir un blocus si étendu, déclara néanmoins qu'aucun des ports de la côte occidentale compris dans la notification générale du commodore Stockton ne serait regardé comme bloqué qu'à moins qu'il n'y ait des forces suffisantes pour en empêcher l'accès, que ces forces soient actuellement présentes ou repoussées temporairement de cette présence actuelle par un gros temps avec intention de retour.

Fauchille, pp. 162 et seq.

Blocus des

ports

russes

par la France

Pendant la guerre déclarée le 28 mars 1854 à la Russie par les de la Baltique trois puissances alliées, l'Angleterre, la France et la Turquie, les flottes réunies de la France et de l'Angleterre établirent le blocus de tous les ports russes de la Baltique et des golfes de Finlande et de Bothnie.

et l'Angleter

re.

1854.

Blocus par les Etats

ral des Etats

Confédérés. 1861.

De même, dans la guerre soutenue par le gouvernement des Unis du litto- Etats-Unis contre les Etats qui en 1861 s'étaient détachés de l'Union fédérale pour former une confédération d'Etats sous le nom d'Etats Confédérés d'Amérique, le gouvernement des Etats-Unis établit le blocus de tous les bords du littoral maritime des Etats Confédérés, et ce blocus fut mis en vigueur contre tous les navires neutres qui s'approchaient de ce littoral, et cela avec la même rigueur qu'on a droit d'appliquer, d'après le droit des gens, au blocus d'un port isolé.

Résumé.

Un Etat est-il en droit

En présence de ces faits et de ces opinions diverses, nous croyons qu'on doit s'en tenir à la réalité des choses; or, ainsi que nous. avons eu et aurons encore l'occasion de le signaler incidemment dans cette étude du droit de blocus, les faits, l'histoire, le silence même des traités spéciaux semblent concourir à consacrer le caractère limité du blocus *.

§ 2868. Un Etat est-il en droit d'opérer le blocus de ses propres de déclarer le ports de guerre ou de commerce? La question s'est posée pendant propres ports? la guerre de 1870 à 1871 à propos des deux belligérants.

blocus de ses

Au commencement de cette guerre, le commandant de la station navale de la Baltique rendit une ordonnance décrétant la fermeture du port de Kiel. Peu de temps après, le 28 septembre 1870, cette mesure fut abandonnée et l'on se contenta de quelques restrictions mises à la liberté d'entrer dans le port.

De son côté, le gouvernement de la Défense nationale déclara, le 13 septembre 1870, en état de blocus les ports de Rouen, Dieppe et Fécamp qui étaient occupés par les troupes allemandes. Le blocus devait être successivement étendu à tous les ports qu'occuperait l'ennemi. Le but de cette mesure était d'empêcher les Allemands de se ravitailler ou de faire venir des renforts de troupes par mer. On empêchait aussi que les navires français mouillant dans le port et devenus la propriété de l'ennemi ne fussent vendus par lui ou employés aux usages de la guerre.

Au reste, la population française souffrant aussi de ce blocus, le

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 208 et seq.; Ortolan, Règles, t. If, p. 332; Massé, t. I, § 297; Gessner, p. 195; Twiss, War, § 117.

gouvernement décréta, vu la rigueur de l'hiver et le manque de moyens de chauffage, par ordonnance du 9 janvier, qu'une exception serait faite à la fermeture de ces ports en faveur des arrivages de charbon.

publicistes : Perels.

§ 2869. Comme Perels et Fauchille, nous admettons la légitimité Opinion des de blocus établis dans de telles circonstances. Perels voit dans la fermeture de ports opérée par l'Etat même auquel ils appartiennent une mesure licite mais d'une tout autre nature que le blocus. Elle a le caractère d'un embargo général, consistant dans le fait de retenir au port les navires neutres et tous les autres; ou bien elle a pour but, en vue de certaines opérations de guerre, d'empêcher qu'aucun navire neutre n'entre dans le port ou n'en sorte.

Fauchille estime que, quoiqu'une puissance ne puisse bloquer ses propres ports en vertu du droit de souveraineté qui lui appartient sur son territoire, le gouvernement français était fondé à agir comme il l'a fait car il avait perdu tout droit d'action sur les ports en question qui étaient devenus de fait des villes prussiennes et sur lesquelles l'ennemi avait réuni en ses mains tous les pouvoirs d'un souverain.

Cette dernière considération nous semble d'une vérité évidente : l'occupation donnant temporairement au vainqueur tous les droits de souveraineté sur un port conquis, le belligérant dépossédé est en droit d'agir contre ce port au même titre que contre tous ceux du territoire de son ennemi *.

§ 2870. Comme le blocus n'existe qu'autant qu'il est effectif, il cesse conséquemment du moment qu'il ne l'est plus; en d'autres termes, le blocus commence avec l'investissement de la place bloquée, dure tout le temps que cet investissement est maintenu, et cesse avec lui.

Mais ici se présente cette question : quand et comment l'investissement ou le blocus, qui en est la conséquence, commence et cesse-t-il d'être effectif? L'investissement commence du moment où devant la place bloquée des vaisseaux de guerre sont stationnés en assez grand nombre pour empêcher toute communication; il cesse du moment où ces vaisseaux abandonnent la station ou n'y sont plus en force suffisante **.

Fauchille, pp. 162 et seq.; Perels, § 62, pp. 310 et seq.; Dahn, Annales pour l'armée et la marine allemandes, t. V, pp. 121, 122.

** Hautefeuille, Des droits, t. II, pp.212-214; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, p. 378; Gessner, p. 191; Heffter, § 155; Bluntschli, § 833; Phillimore, Com., v. III, §§ 294 et seq.; Duer, v. I, lect. 7, §§ 25 et seq.

Fauchille.

Cessation du blocus.

Effets de l'absence tem

poraire forces

quantes.

§ 2871. L'éloignement des forces bloquantes peut être ou des temporaire ou définitif. Dans ce dernier cas, la question se tranche d'elle-même, car il est évident que le blocus cesse de fait ; mais dans le premier, la solution n'est ni aussi simple ni aussi facile.

blo

Opinion des publicistes: Hautefeuille.

Les opinions sont diversement partagées à cet égard certains auteurs admettent que le blocus n'est pas levé par le seul fait que les navires chargés de le maintenir sont momentanément dispersés; selon eux, les ncutres sont libres, il est vrai, de profiter de ce moment pour entrer dans le port bloqué ou en sortir; mais si le blocus est rétabli dans un bref délai, il n'y a pas un nouveau blocus : c'est la continuation de l'ancien, qui n'avait pas cessé d'exister. D'autres publicistes n'admettent aucune exception à la règle qui fait consister la réalité du blocus dans la présence des forces bloquantes : pour eux, l'éloignement de ces forces, quelles qu'en soit la durée et la cause, suffit pour faire cesser le blocus; et s'il est repris plus tard ou immédiatement, il y a nouveau blocus.

Ces divergences tiennent à l'appréciation des diverses causes qui peuvent éloigner les forces bloquantes de leur poste, mais principalement au point de vue théorique sous lequel chaque auteur envisage le droit de blocus *.

§ 2872. « Le blocus, dit Hautefeuille, commence avec l'investissement; peu importe que les neutres ignorent le fait; si un de leurs bâtiments se présente pour entrer dans le port bloqué, le belligérant a le droit de lui défendre de traverser sa conquête et de lui appliquer la loi qu'il lui a plu de promulguer, s'il persiste à vouloir entrer dans ses domaines. Dès que les bâtiments chargés de conserver la conquête se sont éloignés et ont abandonné la partie du territoire ennemi dont ils s'étaient emparés, cette partic retourne à son premier possesseur; la mer libre, s'ils stationnaient hors de la portée du canon, comme cela arrive le plus souvent, recouvre sa liberté. »

Abondant dans les mêmes idées, il s'exprime ainsi dans un autre de ses ouvrages: « Pour qu'il y ait blocus, il faut non seulement

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 213, 214; Hautefeuille, Questions, pp. 35, 36; Pistoye et Duverdy, t. I, p. 378; Ortolan, Règles, t. II, liv. III, ch. Ix; Bluntschli, § 834; Fiore, t. II, pp. 456, 457; Wheaton, Elėm., pte. 4, ch. III, § 28; Phillimore, Com., v. III, § 294; Twiss, War, § 103; Kent, Com., v. I, pp. 147, 148; Duer, v. I, lect. 7, §§ 27, 28; Wildman, v. II, pp. 181, 182; Bello, pte. 2, cap. vIII, §5; Riquelme, liv. I, tit. 2, cap. xvIII; Fauchille, p. 149; Bulmerincq, Rapport, 3° part., p. 375.

qu'il y ait conquête de la mer territoriale, mais encore que cette conquête existe actuellement, parce que c'est elle qui seule donne à l'attaquant la souveraineté de cette partie des eaux privées et par conséquent le pouvoir de dicter des lois et de les exécuter à l'égard des étrangers. Du moment où le conquérant cesse de tenir les lieux sous le feu de ses canons, sous sa puissance, ces lieux rctournent immédiatement dans le domaine de leur premier souverain, de la même manière que dans le cas d'invasion terrestre l'autorité de l'envahisseur existe sur le terrain par lui occupé, mais s'évanouit dès qu'il se retire.

« La conquête et l'occupation actuelle sont donc les éléments constitutifs du blocus; lorsqu'ils sont réunis, on a le blocus effectif. Toutes les nations navigantes, une seule, l'Angleterre, exceptée, ont reconnu ce principe depuis longtemps; toutes l'ont inscrit dans leurs traités solennels. Enfin l'Angleterre l'a proclamé, elle aussi, dans le plus solennel de tous les traités sur cette matière, puisqu'il a reçu l'adhésion de tous les peuples du monde, dans la déclaration du 16 avril 1856 (1): cet acte dit que « les blocus pour être obligatoires doivent être effectifs, c'est-à-dire maintenus par des forces suffisantes pour empêcher réellement l'accès du rivage ennemi. »

« Mais, par cela même que le blocus est une conquête et une occupation permanente, un fait matériel, en un mot, il cesse dès que ce fait n'existe plus, dès que les bâtiments de guerre chargés de l'occupation s'éloignent pour quelque cause que ce soit, volontaire ou involontaire. Les vents, une tempête, les maladies, le manque de vivres, les forces de la nation attaquée ont contraint le bloquant de s'éloigner; l'occupation a pris fin, la conquête n'existe plus, il n'y a plus de blocus, la mer territoriale est retournée à son premier souverain, qui seul peut désormais y exercer sa juridiction. Tous ceux auxquels il veut bien permettre l'entrée et le séjour sur ces eaux peuvent accepter cette permission. Sans doute le belligérant, repoussé par les vents ou par la force peut revenir, se remparer de la mer ennemie, recommencer l'occupation et par conséquent le blocus; mais, c'est un blocus nouveau, et alors même que l'interruption n'aurait duré que quelques jours, quelques heures, comme cela est arrivé à Galveston et surtout à Charleston, la mer a

De Clercq, t. VII, p. 91; Savoie, t. VIII, p. 405; Martens-Samwer, tli, p. 791; Archives dipl., 1862, t. I, p. 146 ; Bulletin des lois, 1856, no 381; Lesur, 1856, app., p. 19.

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