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les propriétaires peuvent être coupables d'une violence criminelle du blocus, lors même que le navire est innocent;

5° Un navire neutre, dont l'entrée dans le port bloqué était légitime, a la permission d'en sortir avec sa cargaison primitive qu'il n'a pas trouvé à vendre et qu'il a rembarquée pendant le blocus, ou avec des marchandises prises à bord antérieurement au blocus. - Dans ce cas, c'est l'époque du chargement de la marchandise et non celle de l'expédition qu'on considère; il faut que la cargaison ait été achetée et livrée de bonne foi avant l'ouverture du blocus; car il y a violation frauduleuse, si l'on amène des marchandises à bord après que l'investissement a commencé ;

6o Une autre et fort équitable exception est accordée en faveur du navire neutre qui quitte le port dans l'attente fondée d'une guerre entre son pays et celui auquel appartient le port bloqué. Dans ce cas, le navire est autorisé à mettre en mer, même avec un chargement acheté à l'ennemi pendant le blocus, si l'achat en a été fait avec les fonds de propriétaires neutres, et si l'emploi de ces fonds et l'embarquement de la cargaison étaient, selon les probabilités, nécessaires pour mettre la propriété, dans l'éventualité d'une guerre, à l'abri d'une saisie et d'une confiscation de la part de l'ennemi; mais pour soustraire le navire et son chargement à une condamnation, il faut qu'il soit évident qu'il y avait prévision fondéc d'une guerre immédiate, et, par suite, que le danger d'une saisie et d'une confiscation était imminent.

Stipulations

convention

§ 2894. Il existe dans certains traités des clauses spéciales qui subordonnent expressément la sortie des navires mouillés dans un nelles sur la port bloqué à une déclaration formelle émanant du commandant des forces navales chargées du blocus.

§ 2895. Pendant la guerre de sécession aux Etats-Unis, le cabinet de Washington s'est écarté sur plusieurs points essentiels des principes généraux posés par Halleck. Ainsi la notification du blocus des ports de la Caroline du Sud et de la Virginie, faite en 1861 par le commodore Prendergast, portait que les navires neutres arrivés au mouillage avant l'établissement des croisières auraient quinze jours pour remettre en mer, soit chargés, soit sur lest, et que, passé ce délai, ils scraient passibles de capture, s'ils tentaient de franchir la ligne de blocus.

matière.

Pratique observée pen

dant la guerEtats-Unis.

re civile des

Critiques soulevées par

Hautefeuille s'est, à tort suivant nous, élevé contre une semblable restriction, qu'il qualifie d'inusitée et de contraire au droit conven- cette pratique. tionnel des grandes puissances. Tout ce que l'on peut dire des restrictions commerciales et maritimes que le Nord de l'Union édicta

Précédents historiques.

Peines encourues par

blocus.

Peines corporelles.

Vattel.

à cette époque contre les Etats du Sud, c'est que les Fédéraux, ayant toujours considéré les Confédérés non comme des belligérants, mais comme des rebelles, ne se sont pas crus strictement obligés de les faire jouir dans leurs relations avec les neutres des garanties et des privilèges usités en temps de guerre.

§ 2896. D'un autre côté, la fixation d'un délai de quinze jours pour la libre sortie des navires neutres n'offre pas en réalité ce caractère de nouveauté que Hautefeuille lui reproche; car en 1848, lors de sa lutte contre l'Allemagne, le Danemark l'avait déjà adoptée comme règle invariable de conduite; à l'époque de la guerre d'Orient, la France et l'Angleterre n'agirent pas autrement pour le blocus des ports russes de la mer Noire, de la Baltique et de la mer Blanche; enfin la même marche a été suivie pendant la guerre dite des Duchés entre le Danemark, l'Autriche et la Prusse, et dans la guerre de l'Allemagne contre la France en 1870 *.

§ 2897. De l'étude de l'histoire, il résulte que dès une époque violation de très reculéc les belligérants non seulement saisissaient le navire qui violait le blocus avec tout ce qui se trouvait à bord, mais encore infligeaient des peines corporelles, quelquefois même la mort, aux personnes de l'équipage. Vattel rappelle entre autres le cas, cité par Plutarque, du roi Démétrius Poliorcète, qui fit pendre le maître et le pilote d'un navire pour avoir voulu violer le blocus d'Athènes. Bynkershoek. S'il faut en croire Bynkershoek, cette pratique se serait continuée jusque dans des temps assez rapprochés de nous, puisqu'il mentionne plusieurs traités conclus en ce sens dans la seconde moitié du dix-septième siècle par les États-Généraux de Hollande avec la France, l'Angleterre et la Suède.

Klüber.

Klüber dit : « Ordinairement on se contente de la confiscation du navire et de la cargaison; mais quelquefois ceux qui ont enfreint les lois du blocus sont aussi punis personnellement. » Dans ces répressions excessives, Vattel voit une conséquence logique de la faculté qu'ont les combattants de traiter en ennemis ceux qui mettent obstacle ou portent atteinte au libre exercice de leur droit de guerre ou à l'efficacité de leurs opérations stratégiques.

Phillimore, Com., v. III, § 213; Halleck, ch. xxv, §§ 32 et seq.; Ortolan, Règles, t. II, pp. 353, 354; Hautefeuille, Règles, t. II, pp. 336,337; Gessner, pp. 200, 201, 210, 215; Hautefeuille, Questions, pp. 39, 40, 240, 250, 251; Massé, t. I, § 303; Bello, pte. 2, cap. vII, § 5; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. XVIII; Twiss, War, §§ 112 et seq.; Duer, v. I, lect. 7, §§ 54 et seq.; Wildman, v. II. pp. 200 et seq.; Manning, pp. 328 et seq.; Desjardins, Droit com. maritime, t. I, § 22; Boeck, § 695; Fauchille, p. 253.

Quoi qu'il en soit, nous pouvons assurer aujourd'hui que les peines corporelles ne figurent plus dans la pénalité relative aux violations de blocus; tout au plus retient-on comme prisonnières les personnes qu'on rencontre à bord des navires arrêtés en tentative manifeste de forcer le blocus, selon les conditions dans lesquelles ces personnes se trouvent sur ces navires.

Le navire neutre peut être capturé et confisqué pendant qu'il cherche à forcer le blocus; mais aucune peine ne peut être infligée à l'équipage, qui ne peut être fait prisonnier par la raison qu'il n'a point prêté aide et assistance à l'ennemi.

§ 2898. Dans le mois de décembre 1861, pendant la guerre civile des États-Unis, peu après le commencement du blocus du littoral des États du Sud par la marine des Etats du Nord, des matelots, employés à bord d'un navire anglais qui avait cherché à forcer le blocus d'un port du Sud, furent arrêtés par le commandant d'un des stationnaires et contraints de prêter serment de ne pas renouveler des tentatives de ce genre. Le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, M. Seward, blâma cette mesure en déclarant que s'il était licite de retenir ces marins comme témoins, on ne devait pas les traiter comme des prisonniers de guerre.

Pour empêcher le renouvellement de semblables irrégularités, le secrétaire de la marine des Etats-Unis adressa le 9 mai 1864 au contre-amiral Farragut, commandant l'escadre de blocus, les instructions suivantes, relatives au traitement des personnes trouvées à bord de navires saisis pour violation de blocus:

«1 Les sujets étrangers de bonne foi, pris sur des navires neutres, comme passagers, officiers ou faisant partie de l'équipage, ne peuvent être traités comme des prisonniers de guerre, à moins qu'ils ne soient coupables d'actes de belligérants; mais ils ont droit à leur mise immédiate en liberté. Ceux qui seront requis comme témoins pourront être retenus dans ce but; mais dès qu'ils auront fait leur déposition, ils devront être relâchés sans condition.

« 2o Les sujets étrangers pris sur des navires sans papiers ou sans pavillon, ou ceux naviguant sous la protection et le pavillon du gouvernement insurgé, ou employés au service de ce gouverne ment, sont assujettis à être traités comme prisonniers de guerre, et, s'ils sont des officiers ou des hommes d'équipage, à être retenus. S'ils ne sont que passagers et n'ont aucun intérêt dans le navire et le chargement, et ne se rattachent en rien au gouvernement insurgé, ils pourront être relâchés.

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«<3° Les citoyens des Etats-Unis pris sur des navires neutres ou rebelles doivent toujours être retenus, sauf les exceptions suivantes: s'ils ne sont que passagers, n'ont point d'intérêt dans le navire ou le chargement, n'ont pas pris une part active à la rébellion, ou n'ont pas été occupés à fournir aux insurgés de munitions de guerre, etc., ct ont une conduite loyale, ils peuvent être mis en liberté en prêtant serment d'allégeance. Le même privilège peut être accordé à ceux des hommes d'équipage qui ne sont pas des matelots, ont des antécédents analogues ou ont une conduite loyale.

«< 4° Les pilotes et les matelots, excepté les sujets étrangers de bonne foi, pris sur des navires neutres, doivent être toujours retenus. Ce sont les instruments principaux du maintien systématique de la violation du blocus, et il est important de les retenir. Les personnes occupées habituellement à violer le blocus, quoiqu'elles ne servent pas à bord des navires, rentrent dans cette catégorie et doivent être également retenues.

<< 5° Quand il y a raison de douter que ceux qui se prétendent sujets étrangers le soient réellement, on devra exiger qu'ils déclarent sous serment qu'ils n'ont jamais été naturalisés dans notre pays, qu'ils n'ont jamais exercé les privilèges de citoyens en votant ou autrement, et qu'ils n'ont jamais été payés ou employés par le gouvernement insurgé ou soi-disant « confédéré »; sur cette déclaration, ils pourront être relâchés, pourvu que vous n'ayez pas la preuve qu'ils aient fait un faux serment. L'examen dans le cas où ils seraient douteux doit être rigoureux.

« 6° Lorsque la neutralité d'un navire est douteuse, ou lorsqu'un navire qui prétend être neutre est cru employé à transporter des vivres et des munitions de guerre pour le gouvernement insurgé, les sujets étrangers pris à bord de ces navires pourront être retenus jusqu'à ce que la neutralité du navire ait été établie d'une façon satisfaisante. Il n'est pas prudent de retenir ces personnes en vertu des instructions qui précèdent, sans qu'on soit bien fondé à douter de la neutralité du navire.

« 7° Les personnes qui pourront être retenues en vertu des instructions qui précèdent doivent être envoyées dans un port du Nord pour y être tenues sous bonne garde, à moins qu'il n'y ait un endroit convenable pour les garder dans les limites de votre commandement. Un mémoire dans chaque cas doit être remis au département. « Je suis respectueusement, etc.

« Gédéon WELLES,

« Secrétaire de la marine. »>

Confiscation des navires

ments.

§ 2899. L'usage concernant la non-infliction de peines corporelles aux personnes coupables de violation de blocus est devenu et des chargeassez uniforme pour qu'on puisse considérer la confiscation de la propriété capturée comme la seule punition qu'on applique mainte

nant.

Ici se présente une question qui n'a pas encore été tranchée d'une manière précise et sur laquelle les publicistes émettent des opinions différentes : c'est celle de savoir si la propriété capturée consiste dans le navire seul ou si l'on doit y comprendre les marchandises qui sont à bord.

publicistes: Duer.

§ 2900. Duer prétend qu'on peut désormais regarder la confis- Opinion des cation de l'un et de l'autre à la fois comme érigée en loi internationale. Cependant, malgré le rapport intime qui existe en cette matière entre le navire et son chargement, cette conclusion nous semble trop absolue et ne saurait être acceptée dans le sens littéral comme rigoureusement exacte.

Ortolan et la plupart des publicistes modernes repoussent l'axiome posé par Duer; ils admettent bien la saisie du navire, mais non celle du chargement, surtout lorsqu'il appartient à un autre propriétaire, qui est à même d'établir qu'il ne s'est pas associé au délit imputable au capitaine.

Quant aux publicistes anglais, d'accord en cela avec les tribunaux de leur pays, ils persistent à ne faire aucune distinction dans les captures, et ils sont d'avis qu'on doit confisquer le navire et la cargaison en même temps toutes les fois que l'armateur peut être rendu responsable des actes du capitaine du navire. Sir Travers Twiss base cette jurisprudence sur la présomption légale que la violation d'un blocus a en vue l'avantage de la cargaison aussi bien que celui du navire et se consomme avec la sanction des propriétaires de l'un et de l'autre. Cette présomption, à moins qu'elle ne soit repoussée par des papiers trouvés à bord du navire au moment de sa capture est une présomption de droit qui exclut toute autre preuve contraire. Il entre ensuite dans l'examen des responsabilités qui peuvent retomber sur les propriétaires des navires et des marchandises selon les circonstances.

Dans les cas où le navire et le chargement appartiennent aux mêmes personnes, il est évident qu'il ne peut surgir aucune difficulté; car l'acte du capitaine, en tant qu'agent légitime de l'armateur du navire, affecte la responsabilité de ce dernier jusqu'à concurrence de la totalité de sa propriété en jeu dans l'affaire. Lors même que le navire et le chargement appartiennent à des per

Ortolan.

Twiss.

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