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Lord Stowell.

Gessner,

Hautefeuille,
Pistove et
Duverdy.

sonnes différentes, il est encore permis de conclure que le capitaine du navire ne compromet les intérêts de son bâtiment qu'en vue du service du chargement; le propriétaire des marchandises doit par conséquent avoir sa part de responsabilité de la violation du blocus, d'autant plus que dans ce cas-là existe la présomption que la violation se commet à sa connaissance, sinon à son instigation.

Cependant le savant juriste anglais relâche la rigueur de ce raisonnement pour le cas où le fait du blocus étant connu du capitaine d'un navire ne l'est pas du propriétaire du chargement : ainsi, par exemple, un navire peut avoir commencé son voyage. lorsque le blocus de son port de destination n'existait pas ou n'était pas connu des propriétaires de la cargaison, tandis que le capitaine, ayant été informé du blocus dans le cours de son voyage ou à l'entrée du port bloqué, aurait persisté à continuer sa marche vers sa destination primitive. En pareil cas, le consentement du propriétaire du chargement à la violation du blocus n'est pas mis en

cause.

Il peut aussi arriver qu'un navire ait été expédié sur lest pour aller chercher un chargement dans un port qui n'est mis sous blocus qu'après que le navire y est entré, sans que le propriétaire du chargement ait pu constater à temps le fait du blocus de façon à contremander l'embarquement de son chargement. Ici nous avons l'opinion de Lord Stowell, qui déclare qu'il serait dur de rendre les propriétaires du chargement responsables de l'acte de leurs agents dans le port bloqué, attendu que ceux-ci ont un intérêt opposé à celui de la partie principale, leur mandant, lequel consiste à remplir la commission à tout risque aussi promptement que possible, à leur avantage privé et au mieux des intérêts de leur pays, dans un pareil moment sous une pression particulière relativement à l'exportation de leurs produits.

Gessner fait remarquer avec raison que, poussé à cette extrémité, le système anglais des présomptions aboutit forcément à condamner des innocents.

Hautefeuille, Pistoye et Duverdy doivent être placés au premier rang des auteurs qui, partisans décidés et convaincus du principe général des captures, se rallient à la théorie de Duer et veulent restreindre le plus possible les dérogations ou les exceptions au droit absolu de confiscation; aussi, dans les très rares circonstances où ils ne repoussent pas la relaxation du chargement, ils exigent comme condition indispensable que l'innocence ou la bonne

foi du propriétaire de la marchandise résulte de preuves irrécusables équivalant en quelque sorte à l'évidence même.

Boeck se range à l'opinion d'Ortolan pour ce qui est de la condamnation du navire; mais il estime que la cargaison doit en suivre le sort, si clle appartient au même propriétaire; si la cargaison, au contraire, est la propriété d'une autre personne, il ne faut la condamner que si son propriétaire la savait dirigée vers le port bloqué.

Fauchille pense qu'en tout cas le propriétaire des marchandises doit avoir sa part de responsabilité de la violation du blocus, d'autant plus qu'il est à présumer qu'il en a connaissance.

§ 2901. Ce qui appartient en propre aux passagers ne suit pas nécessairement le sort de la cargaison. Dans une des instances dont elle a été saisie, la Cour suprême des États-Unis a décidé que l'argent que les passagers d'un navire capturé portent avec eux pour leurs dépenses particulières à bord n'est pas saisissable, lorsqu'il est établi qu'ils n'ont aucun intérêt ni dans le navire ni dans son charge. ment. Nous croyons que dans des circonstances analogues telle serait l'opinion des tribunaux de prises du continent européen, qui poussent en général le libéralisme jusqu'à exempter de confiscation les pacotilles personnelles, les hardes, les effets, les instruments, les cartes, etc., reconnus appartenir en propre aux capitaines ou aux hommes de l'équipage.

Boeck,

Fauchille.

Propriété personnelle des passagers.

Cas de la Jung Maria

§ 2902. Il peut aussi se présenter des cas où le chargement soit traité avec plus de sévérité que le navire. C'est ce qui eut lieu no- Schroeder. tamment pour le navire la Jung Maria Schroeder, dont la restitution fut ordonnée parce qu'on prouva que ce navire avait une licence pour introduire une cargaison et était autorisé à prendre un chargement de retour; mais les propriétaires des marchandises ayant été convaincus d'avoir l'intention de faire une exportation clandestine, la saisie de la cargaison fut décrétée par la Cour d'amirauté anglaise *.

Gessner, pp. 210-214; Ortolan, Règles, t. II, p. 357; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 238-240; Cauchy,'t. II, pp. 211 et seq.; Massé, t. I, § 302; Vattel, Le droit, liv. III, § 117; Bynkershoek, Quæst., lib. I, cap. xv Pistoye et Duverdy, t. I, p. 375; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1, § 28; Kent, Com., v. I, p. 152; Duer, v. I, lect. 7, §§ 57 et seq.; Phillimore, Com., v. III, §§ 316-320; Twiss, War, §§ 100 et seq.; Heffter, §§ 154-156; Bluntschli, § 839; Fiore, t. II, pp. 512 et seq.; Halleck, cb. XXIII, §§ 35, 36; Wildman, v. II, pp. 203-209; Manning, pp. 319 et seq.; Bello, pte. 2, cap. VIII, § 5; Desjardins, Droil com. maritime, t. I, § 22; Fauchille, Blocus maritime, pp. 369, 371, 383; Boeck, § 703,

Introduction dans le port

bloqué de mar

chandises par

une autre voie

que la mer.

A quel moment la cap

infracteur doit

étro opérée

§ 2903. Comme les effets du blocus ne s'étendent pas au delà de l'investissement réel, il est généralement admis qu'il n'y a pas violation d'un blocus maritime lorsqu'on fait parvenir au port investi des marchandises par voie de terre ou au moyen de canaux et de rivières, de même qu'il n'y a pas violation d'un blocus de terre lorsqu'on introduit des marchandises par mer. Aussi les pénalités pour violation de blocus ne sont applicables qu'aux navires qui font le commerce avec les ports de la côte bloquée; mais elles ne le sont pas aux navires qui portent des marchandises dans d'autres ports, bien que ceux-ci soient reliés aux ports bloqués par des communications par eau situées dans l'intérieur des terres, non plus qu'aux navires qui portent des chargements dans des ports d'où ces chargements doivent être expédiés par terre aux ports bloqués.

Ainsi Lord Stowell décida que le blocus d'Amsterdam n'était point violé par un navire qui transportait à Rotterdam ou à Emden, ports auxquels le blocus n'était pas étendu, des marchandises ayant pour destination ultérieure Amsterdam, qu'on pouvait atteindre par terre ou en naviguant sur un canal de l'intérieur.

Toutefois, comme le fait comprendre Wheaton en s'appuyant sur des décisions de tribunaux de prises anglais, il ne faut pas que de tels transports se mettent même temporairement à la portée de l'escadre de blocus; car alors il ne serait plus question de transports par terre, et l'on appliquerait avec raison les dispositions relatives à la violation d'un blocus *.

§ 2904. De ce qu'un fait matériel est nécessaire pour constituer ture du navire la violation de blocus, il s'ensuit logiquement que le navire neutre qui enfreint le blocus ne peut être capturé qu'au moment même où il consomme son délit. Il reste alors à déterminer quel est ce moment précis, quelle en est la durée, quelles sont les limites de la culpabilité; en d'autres termes, il s'agit de savoir si le navire qui, après avoir violé ou tenté de violer le blocus, a échappé à l'atteinte des forces bloquantes est encore punissable pour ce délit une fois qu'il a dépassé la ligne d'investissement.

Hautefeuille.

Gessner.

Hautefeuille réduit à trois les positions dans lesquelles un navire coupable puisse être saisi, savoir: 1° au moment où il traverse la mer occupée par la puissance bloquante; 2° dans la rade ou le port bloqué; 3° au moment où il se présente pour sortir.

Gessner ne tient plus le navire qui a enfreint le blocus pour

*Twiss, War, § 117 ; Gessner, p. 215.

responsable de son délit dès qu'il a quitté la place bloquée; il fait toutefois cette réservc que « si un vaisseau neutre, au moment où il cherche à violer un blocus, est poursuivi par un vaisseau de l'escadre bloquante et tente de s'y soustraire par la fuite, le vaisseau belligérant aura incontestablement le droit de saisir le vaisseau délinquant, s'il l'atteint avant que celui-ci soit entré dans un port neutre * ».

anglaise.

§ 2905. La pratique de l'Angleterre conserve ce droit au belligé- Jurisprudence rant aussi longtemps que le navire neutre n'est pas arrivé à sa destination finale. Pour elle le délit se continue jusque-là et n'est point effacé, périmé, par une simple interruption du voyage, la relâche dans un port intermédiaire forcée ou volontaire; aussi admet-elle le droit de suite et étend-elle la faculté de confisquer le navire à toute la durée du voyage de sortie ou de retour.

Affaire du navire le

berg.

Voici en quels termes dans l'affaire du navire Christianberg, Sir W. Scott a exposé ce qui sous ce rapport constitue aujourd'hui Christianencore la jurisprudence anglaise : « Lorsque le navire a commis l'offense de pénétrer subrepticement dans un port placé en état d'interdiction, il n'y a pas d'autre moyen de venger la loi outragéc que de frapper le navire dans son voyage de retour. On objecte, il est vrai, que si dans le second voyage on considère le délit commis à l'entrée comme existant encore, on peut avec tout autant de raison admettre que le délit suivra éternellement le même navire. En droit rigoureux, il ne serait pas contraire à la justice de le laisser indéfiniment sous le coup de la capture; mais on sait que, dans la pratique, la poursuite du délit ne s'étend pas au delà du voyage qui suit immédiatement l'offense, parce que c'est celui qui offre la première et la plus naturelle occasion de capture. »

De pareils principes conduisent logiquement à justifier la condamnation d'un navire qui, pour cause de mauvais temps ou fortune de mer, relâche dans un port autre que celui de sa destination. C'est en effet ce que le même juge Scott n'a pas craint de décider en 1805 pour un bâtiment qui, retournant à la Nouvelle-Orléans après avoir violé le blocus d'un port européen, entra en relâche forcée dans un port du Royaume-Uni. Le défenseur du capturé contesta la légalité de la prise en faisant valoir, d'une part, que le navire n'avait pas été pris en flagrant délit, et, d'autre part, que le fait d'être entré dans les eaux anglaises devait faire considérer le navire comme ayant achevé la première partie de son voyage;

'Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 239, 240; Gessner, pp. 213, 214.

Opinion des publicistes:

mais l'avocat de la Couronne répliqua que le fait de la relâche n'avait eu rien de spontané; qu'il était impossible en droit de lui attribuer une portée telle que le navire pût échapper à la peine applicable à la violation du blocus; qu'aucun commerçant ne pouvait être laissé libre de choisir comme port de destination un port voisin dans le seul but d'éviter l'application de cette peine; que le vrai principe de la loi exigeait pour l'extinction complète du délit de rupture de blocus que la navire eût atteint son propre port; enfin que la règle établie à cet égard en 1630 par les Etats-Généraux était conforme à ces maximes. En prononçant un jugement de condamnation, Sir W. Scott reconnut que le navire avait été, à la vérité, jeté dans un port par un temps forcé; mais ce port n'était pas indiqué par le capitaine comme faisant partie de sa destination première; aussi le juge ne pouvait-il voir dans cet accident une interruption du voyage et un motif de ne pas appliquer la peine encourue *.

§ 2906. La plupart des auteurs anglais et, après eux, Bello, Bello, Whea Wheaton et Ortolan, partagent cette manière de voir.

ton, Ortolan. Hautefeuille.

Décisions des tribunaux

France.

Hautefeuille soutient, contre l'usage qui a prévalu parmi les grandes puissances maritimes, que du moment que le blocus est levé, quand même il serait immédiatement rétabli, on n'a plus le droit de capturer les navires qui l'auraient forcé. Tout ce qu'on peut avec cet auteur admettre comme sanctionné par le droit des gens, c'est que la levée définitive d'un blocus éteint du même coup et irrévocablement le droit de poursuivre la répression des violations dont ce même blocus a pu être l'objet **.

§ 2907. Comme les questions que nous analysons ont une grande de prises en importance pratique, nous allons résumer quelques-unes des décisions les plus remarquables rendues par les tribunaux de prises en France; elles serviront à la fois à élucider le point en litige et à faire ressortir les principes consacrés par la jurisprudence maritime de la France.

La Carolina et la Ma

Dans l'espèce du navire toscan la Carolina et du navire sarde la dona di Mon Madona di Montenero, capturés en 1829 par les croiseurs français

tenero.

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 238-240; Gessner, pp. 213, 214; Bluntschli, § 836; Fiore, t. II, pp. 516, 517; Ortolan, Règles, t. II, p. 354; Cauchy, t. II, pp. 214-216; Bello, pte. 2, cap. VIII, § 5; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1, § 28; Twiss, War, § 114; Duer, v. I, lect. 7, § 63; Halleck, ch. XXIII, § 37; Dana, Elem. by Wheaton, note 237; Wildman, v. II, p. 203; Manning, pp. 328, 329.

'Bello, pte. 2, cap. vii, §5; Wheaton, pte. 4, ch. 111, § 28; Ortolan, Règles, t. II, p. 354; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 239, 240.

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