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tralité armée, principes que la France avait fait triompher dans ses discussions avec le Brésil sur la non-validité des prises françaises faites pendant le blocus de Buenos Aires; enfin que, en principe général et chez toutes les nations, la violation d'un blocus officiellement notifié et établi d'une manière effective entraîne la saisie et la confiscation du navire qui a commis l'infraction.

§ 2928. Ces principes consacrés par la jurisprudence du conseil d'État, ainsi que par les traités que la France a conclus avec les autres puissances maritimes, notamment en 1834 avec la Bolivie (1), et plus tard en 1839 avec le Texas (2), en 1843 avec le Vénézuéla (3) et l'Équateur (4), en 1844 avec la Nouvelle-Grenade (5), sont posés en termes clairs et précis dans les instructions remises le 17 mai 1838 par le comte Molé aux croiseurs français chargés du blocus des côtes de la République Argentine :

<< Tout blocus pour être valable envers les neutres doit leur avoir été notifié et être effectif.

Traités conclus par la

France avec

la Bolivie, le

Texas, le Véquateur et la nade.

néznéla, l'ENouvelle-Gre

1834-1844.

Instructions du comte Molé aux croiseurs français au

ta.

1838.

« Une fois établi devant un port, le blocus a pour objet d'em- Rio de la Plapêcher l'entrée ou la sortie de tout navire, quel que soit son pavillon et à quelque nation qu'il appartienne. Un navire se présentant devant un port bloqué avant d'avoir eu connaissance du blocus. doit d'abord en être averti, et la notification doit en être faite par écrit sur son rôle d'équipage. Mais cet avis ayant été donné et cette formalité ayant été remplie, s'il persiste à entrer dans le port ou s'il vient à s'y présenter de nouveau, le commandant du blocus a le droit de l'arrêter. Les bâtiments de guerre neutres se présentant devant un port bloqué doivent aussi être invités à s'éloigner; s'ils persistent, le commandant du blocus a le droit de s'opposer à leur entrée par la force, et la responsabilité de tout ce qui peut s'ensuivre pèsera sur les violateurs du blocus.

«La France a admis les principes consacrés par le traité entre les puissances du Nord, qui lui fut signifié le 15 août 1780. Elle

(1) De Clercq, t. IV, p. 284; Bulletin des lois, 1837, no 528; Lesur, 1837, app., p. 36.

(2) De Clercq, t. IV, p. 502; Martens, Nouv. recueil, t. XV, p. 987; State papers, v. XXX, p. 1228; Bulletin des lois, 1840, no 740; Lesur, 1840, app., p. 24.

(3) De Clercq, t. V, p. 7; Martens-Murhard, t. V, p. 165; Bulletin des lois, 1844, no 1110.

(4) De Clercq, t. V, p. 88; Martens-Murhard, t. V, p. 402; Stale papers, v. XXXIII, p. 683; Bulletin des lois, 1845, no 1187.

(5) De Clercq, t. V, p. 248; Martens-Murhard, t. VII, p. 613; Bulletin des lois, 1846, no 1333.

Blocus des ports du Mexi

que.

1838.

Lettre du comte Molé

les a toujours suivis depuis lors; ou si elle s'en est quelquefois écartée dans des circonstances exceptionnelles, ce n'a été que par représailles des prétentions émises par la puissance maritime avec laquelle elle était alors en guerre, prétentions qu'au reste elle n'a jamais reconnues.

« Ces principes sont :

«< 1° Que le pavillon couvre la marchandise (la contrebande de guerre exceptée);

<«< 2° Que la visite d'un bâtiment neutre par un bâtiment de guerre doit se faire avec tous les égards possibles;

«<3° Que les munitions de guerre, canons, poudre, boulets, armes à feu, armes blanches, cartouches, pierres à fusil, mèches, etc., sont objets de contrebande de guerre ;

<< 4° Que chaque puissance a le droit de fait convoyer ses båtiments marchands, et dans ce cas la déclaration du commandant de guerre est suffisante pour justifier de la cargaison et du pavillon des navires convoyés. Dans aucun cas il n'y a lieu à faire visiter des bâtiments sous escorte d'un bâtiment de guerre de la nation de ces mêmes bâtiments; la déclaration du capitaine escorteur suffit ;

«< 5° Qu'un port n'est bloqué par les forces navales que lorsque, par la disposition de ces forces, il y a danger évident d'y entrer. Mais un bâtiment neutre ne peut être inquiété pour être entré dans un port précédemment bloqué par une force qui ne serait pas trouvée réellement devant le port au moment où le bâtiment se présentait, quelle que fût la cause de l'éloignement de la force qui bloquait, qu'elle provint des vents ou du besoin de s'approvisionner. »

§ 2929. Dans le cours de la même année, le même ministre eut l'occasion d'exprimer son opinion sur un autre point non moins important concernant l'exercice du droit de blocus, c'est-à-dire la nécessité de l'avis particulier. Le commandant d'un des navires de guerre français employés à former le blocus des ports du Mexique s'était imaginé qu'après que la notification du blocus avait été faite officiellement aux gouvernements étrangers, il n'avait plus d'avis à donner lorsqu'il rencontrerait des navires qui, en dépit du blocus, tenteraient de débarquer des munitions pour la nation mexicaine. Informé de ce fait, M. le comte Molé écrivit le 20 octobre 1838 à son collègue de la marine la lettre suivante :

«M. N. confond ici deux choses très distinctes: la notification an ministro de diplomatique qui doit être faite du blocus aux puissances neutres, et l'avis que les command ants des forces employées à le maintenir

la marine.

sont toujours tenus de donner aux navires qui se présentent sur les lieux. Il paraît croire que l'accomplissement de la première formalité dispense nécessairement de la seconde, qui deviendrait ensuite superflue.

Une telle manière de procéder est contraire non seulement. aux principes ordinaires du droit maritime, mais encore aux instructions émanées de votre ministère et aux communications qui furent faites dans le temps au gouvernement des États-Unis ainsi qu'aux consuls étrangers à Veracruz.

« Je ne rappellerai point ici les raisons d'après lesquelles, indépendamment de la notification officielle et diplomatique d'un blocus, tout navire qui se présente devant le port bloqué doit recevoir du commandant des bâtiments de guerre chargés de faire respecter le blocus l'avertissement, qui est à la fois dans l'intérêt de ce navire et dans l'intérêt de la responsabilité de l'officier commis à l'exécution du blocus.

« Vous sentirez comme moi, Monsieur l'amiral et cher collègue, la nécessité de maintenir l'application de ce principe, ou pour mieux dire de cet usage, au blocus des ports du Mexique. »

§ 2930. Un épisode du blocus qui avait provoqué ces instructions montre comment les officiers de la marine française les comprenaient et les mettaient en pratique.

Le 16 mars 1839, la corvette la Perle, croisant sur la côte de la République Argentine au sud du cap Saint-Antoine, surprit deux bricks marchands des États-Unis, l'America et l'Elisa Davidson, qui débarquaient leur cargaison en pleine côte et prenaient en échange des denrées du pays. Le commandant de la corvette interrogea les capitaines de ces navires, et, sur leur refus de répondre aux questions d'usage et de faire voir leurs papiers de bord, il saisit les bricks, qu'il conduisit à Montévidéo. Cette saisie donna lieu à une correspondance entre le commandant des forces françaises dans la Plata et le commandant de l'escadre des États-Unis. Celui-ci réclamait la restitution des navires saisis, parce que s'ils n'avaient point présenté leurs papiers, c'est que ces papiers, d'ailleurs parfaitement en règle, étaient déposés chez le consul des États-Unis ; qu'ils avaient quitté Montévidéo à une époque antérieure à celle à laquelle l'amiral français lui avait fait savoir que le blocus s'étendait au sud du cap Saint-Antoine, et à laquelle le consul français avait notifié le blocus.

L'amiral répondit dans une lettre datée du 24 mars 1839 que le refus formel de répondre aux questions à eux adressées et d'exhiber

Capture des bricks des Etats-Unis l'America et l'Elisa Davidson.

1839.

Règlement danois.

1848.

leurs papiers pour prouver leur nationalité et leur ignorance du blocus justifiait la présomption que les navires violaient sciemment le blocus; s'ils n'avaient pas opposé de refus aux demandes légitimes qui leur étaient faites, la Perle se serait bornée à leur signifier le blocus en leur enjoignant de s'éloigner. L'amiral terminait en disant « Je répondrai à vos observations sur la nécessité du blocus de fait résultant de la présence de bâtiments devant les ports bloqués, que ce principe est incontestable; que le gouvernement français n'en admet pas d'autres ; qu'il repousse toute prétention au blocus sur le papier, et que je ne veux point agir en dehors de ces principes. » Toutefois l'amiral français ordonna la remise des navires à leurs propriétaires, mais en déclarant que « le refus d'exhibition des papiers de bord réclamés pour reconnaître la nationalité des bâtiments et l'ignorance en laquelle ils prétendaient être du blocus était un délit dont il maintenait l'existence pleine et entière; que ce délit avait seul motivé la translation des bricks à Montévidéo, et qu'à ce titre il protesterait contre toute prétention élevée dans le but d'obtenir des dommages et intérêts ».

Cette protestation était loin d'être déplacée et inopportune; car deux demandes d'indemnité ne tardèrent pas à être adressées au gouvernement français : l'une de la part du gouvernement anglais, au sujet de marchandises appartenant à un négociant anglais de Buenos-Aires et embarquées sur l'America; l'autre de la part du gouvernement des Etats-Unis, réclamant 25,000 dollars au profit des navires arrêtés.

§ 2931. Le règlement danois de 1848 (1) peut être considéré comme un des plus complets sur la question des blocus. Voici la tencur de ses dispositions à cet égard:

α

« 1° Est regardé comme port bloqué celui devant lequel un ou plusieurs vaisseaux de guerre sont stationnés de manière que nul bâtiment marchand ne puisse entrer ou sortir sans un danger évident d'être amené.

« 2° Arrivé sur la station, l'officier commandant les vaisseaux de guerre donnera avis du blocus aux consuls de toutes les puissances amies et neutres par une circulaire qu'il leur adressera à cet effet, et tous les bâtiments amis et neutres qui se trouvent déjà dans le port au commencement du blocus auront la libre faculté de se retirer dans le délai dont on conviendra.

3° Un exemplaire de la patente royale concernant le blocus

(1) Martens-Murhard, t. XII, p. 236.

sera communiqué à chaque navire passant par le Sund et les Belts. Il est défendu d'user de voies de fait à l'égard des bâtiments amis et neutres, à moins qu'après avoir été avertis du blocus ils n'essaient de le rompre; mais tant qu'il y a lieu de présumer que le blocus ne leur est pas connu, le simple essai de passer par la ligne de blocus ne justifiera point l'emploi de la force; moins encore un navire ami ou neutre pourra-t-il être amené par le motif seul qu'il est destiné pour un port bloqué ou qu'il se dirige vers ce port. Dans ces cas, l'officier commandant les vaisseaux de station n'aura qu'à prévenir les bâtiments respectifs de la déclaration du blocus, et lorsqu'il en aura été fait mention sur le journal de bord, le navire sera libre de prendre une autre route.

«4° Si nonobstant cet avis le navire cherche à franchir le blocus, ou s'il y a lieu de présumer qu'il ait été informé du blocus à son passage par le Sund ou les Belts, ou que même il l'ait connu dès son départ du lieu où il a mis en mer, dans tous ces cas une tentative d'entrer dans le port bloqué sera regardée comme une violation du blocus, et en cas de nécessité on usera de force pour amener le navire.

«5° L'officier qui contreviendra aux susdites dispositions ou qui abusera de son autorité au préjudice de navires amis et neutres sera puni selon l'exigence du cas et tenu en outre de payer le dommage *. »

Conduite observée par Grande

§ 2932. Nous avons déjà exposé plus haut (liv. V, § 2872, p. 148), qu'en 1854, à l'époque de la guerre d'Orient, la Grande-Bretagne la avait été amenée par les nécessités de son alliance avec la France sinon à renoncer formellement et définitivement à ses anciennes règles, du moins à en modifier l'application et à déclarer, le 28 mars 1854 (1), qu'elle n'agirait d'une manière hostile que contre

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Gessner, pp. 164-166; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 367, 370-373; Ortolan, Règles, t. II, pp. 330, 350 et seq., 362, 363; Heffter, § 155; Cussy, Phases, t. I, pp. 216, 217; t. II, pp. 521 et seq.; Manning, p. 327; Klüber, Droit, p. 379, note a; Massé, t. I, p. 240, note 1; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. XVIII.

(1) La déclaration du gouvernement anglais était conçue en ces

termes :

«Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ayant été contrainte de prendre les armes pour soutenir un allié, désire rendre la guerre aussi peu onéreuse que possible pour les puissances avec lesquelles elle reste en paix.

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Pour préserver le commerce des neutres de toute entrave inutile; Sa Majesté est disposée quant à présent à abandonner une partie des droits de belligérant qui lui appartiennent en vertu du droit des gens.

Bretagne.

1854-1856,

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