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Législation

française.

Guerre entre la France

les demandeurs en demeure de fournir des explications pour leur défense (1).

§ 2723. L'article 2 de l'ordonnance de la marine de 1681 sert encore de base à la législation française en matière de contrebande. Il porte que les armes, la poudre, les balles et jusqu'aux chevaux et aux équipages destinés au service de l'ennemi sont saisissables sans égard à la nationalité du navire qui les transporte ni à la personne à laquelle ils appartiennent. A notre connaissance, la France, lorsque éclata la guerre d'Orient de 1854, ne s'était encore écartée de cette règle que dans deux circonstances exceptionnelles, en 1724 au profit du Danemark et en 1794 cn faveur des Etats-Unis. Obligé à cette époque, en raison de son alliance avec l'Angleterre, de faire à ce sujet une nouvelle proclamation de principes, le gouvernement français dans les instructions dont il munit ses croiseurs déclara ne comprendre au nombre des articles de contrebande que les bouches et les armes à feu, les armes blanches, les projectiles, la poudre, le salpêtre, le soufre, les objets d'équipement, de campement et de harnachement militaire, ainsi que tous les instruments quelconques fabriqués à l'usage de la guerre, lorsqu'ils sont destinés à l'ennemi.

On peut considérer cette nomenclature, de laquelle les vivres et la houille ont été intentionnellement exclus, comme constituant encore l'état réel de la législation française sur la matière; car elle a été littéralement reproduite dans les actes officiels qui se rattachent aux guerres de 1859 et de 1870.

§ 2724. Aussi a-t-on été surpris de voir la France, dans la guerre et la Chine qu'elle a soutenue en 1885 contre la Chine, déroger au principe qu'elle avait constamment observé depuis le traité de paix des Pyrénées de 1659.

en 1885.

Par une circulaire en date du 20 février, le ministre des affaires étrangères de la République française informait ses représentants à l'étranger que « les conditions dans lesquelles le conflit avec la Chine se poursuivait l'avaient déterminé à user du droit qui appartenait à la France, comme partie belligérante, de considérer et de traiter désormais le riz comme contrebande de guerre », et que des ordres avaient été donnés aux commandants des forces navales pour que cette mesure fùt mise à exécution à partir du 26 février. Le ministre chargeait ses représentants de notifier cette décision aux gouvernements auprès desquels ils étaient accrédités.

(1) Revue de droit international, 1871, p. 366.

Note du gouvernement

§ 2725. Dans la communication faite par suite, le 22 février, à ces gouvernements, le cabinet français motivait ainsi la nouvelle posi- français aux tion qu'il se disait contraint d'assumer.

« Le gouvernement français a été avisé qu'avec la fin de l'hiver, les approvisionnements de riz seraient épuisés dans les provinces du Nord de la Chine et, qu'en conséquence, des chargements considérables de cette denrée devaient être expédiés, notamment de Shanghaï, à destination des provinces dont il s'agit. Le gouvernement français, pour arrêter les transports dont il s'agit, pouvait mettre le blocus devant Shanghaï et devant les autres ports d'où les expéditions de riz devaient être faites. Mais ce mode de procéder rigoureux aurait évidemment jeté un grand trouble dans le commerce des neutres ct causé aux nations tierces un préjudice très sensible. Par égard pour les autres puissances, et afin de remplir l'engagement qu'il a pris d'uscr de tous les ménagements possibles envers les neutres, le gouvernement français a jugé préférable de se borner à déclarer le riz contrebande de guerre. Vous n'ignorez pas qu'une décision semblable peut se justifier par de nombreux précédents, et qu'au cours des guerres maritimes, les puissances belligérantes ont été plusieurs fois amenées à traiter comme contrebande de guerre les vivres et substances alimentaires.

« Le gouvernement français, en s'arrêtant à la mesure d'exécution qu'il a jugéc devoir être la moins dommageable pour les tiers, en se bornant à interdire les expéditions de riz destinées à ravitailler l'ennemi, et en laissant d'ailleurs se continuer librement toutes les opérations du commerce neutre, a la confiance que les puissances intéressées au commerce de Chine apprécieront les motifs qui ont dicté sa conduite et reconnaîtront le soin qu'il met à atténuer les conséquences pénibles de la situation actuelle, autant que le permet la nécessité où il se trouve placé, à son vif regret, de poursuivre énergiquement les hostilités (1). »

§ 2726. Deux jours après, les agents diplomatiques de la France remettaient aux cabinets étrangers une nouvelle note, qui apportait un tempérament à la mesure primitive, il y était dit que:

« Le gouvernement français, préoccupé de rendre aussi peu onéreuse que possible pour le commerce des neutres la décision qu'il a dù prendre, de traiter le riz comme contrebande de guerre pen

(1) Note de l'ambassadeur de France en Allemagne, M. le baron de Courcel au docteur Busch, sous-secrétaire d'Etat des affaires étrangères à Berlin.

gouverne ments nentres, déclarant le

riz contreban

de de guerre.

22 Février,

Seconde note meat français,

du gouverne

Réponse du gouverne

ment

mand.

dant la durée des hostilités contre la Chine, se propose d'appliquer

sculement cette mesure aux expéditions de riz qui seraient faites à destination des ports chinois situés au nord de Canton. En conséquence, les envois de riz destinés à Canton même, ainsi qu'aux ports chinois situés au sud de cette ville, pourront librement se poursuivre, après comme avant la date du 26 février (1). »

§ 2727. A ces communications, le gouvernement allemand répondit alle en se bornant à publier un avis, « signalant à l'attention des armateurs et des navigateurs allemands que le gouvernement français avait l'intention d'exercer effectivement, à partir du présent moment et pendant la durée des hostilités avec la Chine, les prérogatives qui appartiennent en vertu du droit des gens aux puissances belligérantes, notamment le droit de visiter les navires neutres dans les caux chinoises ».

Réponse du gouverne

Les autres gouvernements, à l'exception du Danemark, de la Suède-Norvège, et de l'Angleterre, se sont également contentés de prévenir le commerce et la marine de leurs nations respectives des mesures prises par le gouvernement français.

§ 2728. Le gouvernement danois consent à admettre « pour cette ment danois. fois et par exception» la défense de l'importation du riz, mais non sans rappeler que cette mesure est contraire aux engagements que la France elle-même a pris avec le Danemark, et non plus sans faire des réserves expresses:

« Le gouvernement du Roi ne peut pas reconnaître à un belligérant le droit de traiter comme contrebande de guerre une substance alimentaire comme l'est le riz, à moins qu'elle ne soit expédiée directement à l'armée ennemie ou à une ville assiégée. Ce principe est conforme aux traditions que le gouvernement du Roi a suivics de tout temps et, jusqu'ici, avec la pleine approbation de la France. Il est en outre formellement stipulé entre le Danemark et la France, dans le traité de commerce du 23 août 1742, renouvelé par la Convention additionnelle du 9 février 1842, attendu que l'article 27 de ce traité porte expressément que sous le genre de marchandises de contrebande ne seront compris en aucune manière les froments, blés, et en général, les articles alimentaires. Comme, toutefois, la part que prend la navigation danoise aux expéditions de riz à destination des ports de la Chine est de peu d'importance, et comme, de l'autre côté, le gouvernement français peut avoir à empêcher, dans les

(1) M. de Courcel, ambassadeur de la République française en Allemagne, à M. le docteur Busch, sous-secrétaire d'Etat à Berlin.

conjonctures présentes, toute expédition de ce genre, le gouverncment du Roi, afin de donner une nouvelle preuve de ses sentiments amicaux envers la France, ne se refusera pas à admettre que la mesure qui interdit les expéditions de riz destinées aux ports chinois situés au nord de Canton, soit appliquée à la marine marchande danoise.

<< En admettant cette fois, et par exception, une mesure qui défend l'importation du riz dans l'empire de Chine, le gouvernement du Roi fait cependant des réserves expresses dans ce sens, que ce fait ne pourra en aucune manière servir plus tard de précédent, mais que, sous ce rapport, le gouvernement du Roi entend conserver entière sa liberté d'action.

«En second lieu, il demeure entendu que, si pour une raison ou une autre, la mesure prohibitive dont il s'agit n'est pas appliquée par le gouvernement français aux marines marchandes de toutes les nations neutres sans exception, le gouvernement du Roi retire ipso facto son consentement libre à ce que la mesure puisse s'appliquer à la marine marchande danoisc (1). »

§ 2729. Le ministre des affaires étrangères de Suède et Norvège déclare dans une réponse catégorique, que :

« Le gouvernement du Roi, en vertu des déclarations suédoises des 8 avril 1854 et 13 septembre 1855, et des lettres-patentes norvégiennes des 15 mars, 17 mai 1854 ct 29 septembre 1854, comprend sous la dénomination de contrebande de guerre les objets suivants : canons, mortiers, armes de toutes espèces, pistolets, bombes, grenades, boulets, pierres à feu, mèches, poudre, salpêtre, soufre, cuirasses, piques, ceinturons, giberncs, selles et brides, plomb en plaques, en masse ou en quelque forme que ce soit, ainsi que tous les objets fabriqués pouvant servir directement à l'usage de la guerre.

<< Lesdites déclarations et patentes royales, qui se trouvent d'accord avec l'ordonnance royale de la marine française de 1681 et avec le droit des gens tel qu'il a été établi par les traités dans lesquels la France a spécifié ce qui constitue la contrebande de guerre, n'admettent pas les vivres au nombre des marchandises de contrebande de guerre (2). »

§ 2730. La réponse du gouvernement anglais est plus explicite, c'est une véritable protestation :

(1) Livre jaune, affaire de Chine, p. 43. (2) Livre jaune, affaire de Chine, p. 36.

Réponse du gouvernement de Suède

et Norvège.

Réponse du gouvernement anglais.

<< Le gouvernement de Sa Majesté ne peut admettre que le fait de traiter des provisions en général comme contrebande de guerre soit compatible avec le droit et la pratique des nations et avec les droits des neutres.

« Le gouvernement de Sa Majesté ne conteste pas que, dans certaines circonstances particulières, des provisions puissent acquérir ce caractère, par exemple si elles devaient être consignées directement à la flotte d'un belligérant ou à un port dans lequel cette flotte serait au mouillage, ou bien s'il existait des faits de nature à faire naître la présomption que ces provisions sont destinées au ravitaillement de la flotte ennemic.

« Dans ce cas, on ne conteste pas que le belligérant serait en droit de saisir les provisions comme contrebande de guerre en se basant sur le fait qu'elles permettraient la continuation des opérations militaires.

<< Mais le gouvernement de Sa Majesté ne peut admettre que, si ces provisions étaient consignées au port d'un belligérant (lors même qu'il s'agirait d'un port d'armement), elles puissent pour cette raison être considérées nécessairement comme contrebande de guerre.

« Le gouvernement de Sa Majesté est d'avis que le point essentiel à définir est de savoir s'il existe des circonstances, relatives à une cargaison particulière quelconque ou à sa destination, qui permettent d'écarter la supposition que des articles de cette nature ont pour destination l'usage ordinaire de la vie, et de démontrer, à première vue et à tout événement, qu'ils sont destinés à un usage militaire. Cette définition pourtant n'est pas faite dans la note de Votre Excellence relativement à la destination du riz ou aux buts auxquels on entend l'appliquer.

«En conséquence, j'ai l'honneur d'informer Votre Excellence que le gouvernement de Sa Majesté ne peut donner son assentiment au droit du gouvernement de la République française de déclarer que le riz est, d'une façon générale, contrebande de guerre s'il est transporté à un port quelconque au nord de Canton. »>

Le ministre anglais ajoute « que, dans aucun cas, le gouvernement de Sa Majesté ne pourrait acquiescer au passage de la note de Votre Excellence où il est dit que la notification en question aura son effet à partir du 26 du mois courant, attendu que beaucoup de navires chargés de riz peuvent avoir déjà commencé leur voyage (1). »

(1) Livre jaune, affaire de Chine, p. 31.

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