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du cabinet de

pas moins intéressant de connaître les raisons qu'elle invoquait pour en obtenir la reconnaissance. Le gouvernement anglais posait en principe que tout sujet anglais devant une fidélité perpétuelle et indissoluble à la couronne et étant tenu au service militaire toutes les fois qu'il en est requis, le pouvoir exécutif est pleinement, autorisé à poursuivre l'accomplissement de ce devoir, quel que soit le lieu où le sujet réside.

Arguments Le cabinet de Washington, de son côté, répondit par l'entreWashington. mise du secrétaire d'État, M. Webster: « Que si le principe de la fidélité perpétuelle et le droit de l'appliquer étaient la loi du monde, s'ils faisaient partie du Code conventionnel des nations et étaient habituellement pratiqués comme le droit de visiter les navires neutres dans le but de découvrir et de saisir la propriété ennemie, alors la presse pourrait être défendue comme un droit commun, et il n'y aurait pas de remède au mal tant que le Code des nations ne serait pas modifié. Mais tel n'est nullement le cas; aucun principe semblable n'est incorporé dans le Code des nations. La doctrine est exclusivement une loi anglaise et non une loi des nations; or une loi anglaise ne saurait être en vigueur hors du domaine anglais. Quels que soient les devoirs et les rapports que cette loi crée entre le souverain et ses sujets, ils ne peuvent être maintenus et observés qu'à l'intérieur du royaume ou des possessions proprement dites, ou sur le territoire du souverain. Un État peut revendiquer un droit de prérogative sur les propriétés de ses sujets avec tout autant de justice que sur leurs services personnels; mais aucun gouvernement ne pense à régir par ses propres lois les propriétés de ses sujets situées en pays étranger; encore moins aucun gouvernement ne pense-t-il à entrer sur le territoire d'une autre puissance dans le but de saisir ces propriétés et de les employer à son usage. Comme lois, les prérogatives de la couronne d'Angleterre n'imposent point d'obligations aux personnes domiciliées ou aux propriétés situées à l'étranger. »

Résumant la marche que le gouvernement fédéral entendait suivre, M. Webster ajoutait : « Le gouvernement américain est préparé à dire que désormais il ne peut laisser exercer la presse, c'està-dire l'enlèvement de marins du bord des navires américains. Cette manière d'agir est fondée sur des principes qu'il ne reconnait pas, et est accompagnée invariablement de conséquences si injustes, si préjudiciables et d'une telle énormité qu'il ne saurait s'y soumettre. Dans les premiers débats auxquels a donné licu entre les deux gouvernements cette question depuis si longtemps en litige,

le personnage distingué aux mains duquel avaient été confiés en premier lieu les sceaux de ce ministère déclara que la règle la plus simple serait d'admettre que le navire étant américain, ce fait serait la preuve que les marins à bord le sont également. Cinquante années d'expérience, l'échec complet de nombreuses négociations et un nouvel examen approfondi de toute cette affaire, auquel on procède aujourd'hui, dans un moment où les passions se sont apaisées et où il n'existe aucun intérêt, aucun événement de nature à influencer l'opinion, ont pleinement convaincu notre gouvernement que c'est non seulement la règle la plus simple et la meilleure, mais encore la seule qu'on puisse adopter et observer sans porter atteinte aux droits et à l'honneur des Etats-Unis ainsi qu'à la sûreté de leurs citoyens. Cette règle fait par conséquent connaître quel sera désormais le principe soutenu par leur gouvernement*. >>

La traite des esclaves à

§ 3002. La conférence de Berlin a considéré la répression de la traite des esclaves comme un devoir absolu, même comme une la Conference mission sacrée.

Le commerce d'esclaves avait été déjà mis au ban de l'Europe par les Congrès de Vienne, de Vérone et d'Aix-la-Chapelle; mais il n'était proscrit qu'en tant que trafic maritime, et aucune stipulation internationale n'obligeait à le poursuivre à son origine sur les marchés terrestres qui l'alimentent: les plénipotentiaires réunis à Berlin ont complété l'œuvre humanitaire, en se préoccupant d'atteindre la traite dans les lieux mêmes où elle s'organise.

Une déclaration unanime, due à l'initiative de Sir Edward Malet, plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, a réalisé ce progrès dans les contrées formant le bassin conventionnel du Congo. Cette déclaration est conçue dans des termes qui ne laissent aucune équivoque à ce sujet Après avoir, par l'article 7 (chapitre 1) de l'acte général, souscrit à l'engagement de « concourir à la suppression de l'esclavage et surtout de la traite des noirs » les puissances signataires se sont prononcées encore plus explicitement par l'article 9 (chapitre 11), dont voici la teneur: « Conformément aux principes du droit des gens, tels qu'ils sont reconnus par les puissances signataires, la traite des esclaves étant interdite, et les opérations qui, sur terre ou sur mer, fournissent des esclaves à la traite devant être égale

Kent, Com., v. I, p. 156, note b; Phillimore, Com., v. III, § 335; Manning, pp. 371 et seq.; Halleck, ch. xxy, § 29, 30; Webster, Works, v. V, p. 142; v. VI, p. 329.

africaine

Berlin.

de

Piraterie.'

Droit de visite.

ment considérées comme interdites; les puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté ou une influence dans les territoires formant le bassin conventionnel du Congo déclarent que ces territoires ne pourront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce soit. Chacune de ces puissances s'engage à employer tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce et pour punir ceux qui s'en occupent. >>

Parmi les moyens suggérés pour atteindre à ce but, le plénipotentiaire des Etats-Unis a exprimé le désir que l'engagement ainsi contracté par les puissances entraînât l'expulsion des marchands d'esclaves et leur traitement comme des pirates; mais il a été objecté que la peine du bannissement n'existe pas dans la législation de tous les pays et que par conséquent l'unanimité ne pourrait être acquise à la proposition.

§ 3003. Il a été ensuite question du droit de visite, établi en vue de la suppression de la traite par mer.

M. le comte de Benomar, plénipotentiaire de l'Espagne, a fait observer que les traités (1) par lesquels certaines puissances avaient mutuellement autorisé leurs croiseurs à arrêter les navires marchands soupçonnés de se livrer à la traite, avaient été conclus à une époque où la côte occidentale de l'Afrique, plus particulièrement infestée par les négriers, appartenait à des peuples sauvages sur presque toute son étendue, tandis qu'aujourd'hui le littoral africain est occupé presque partout par des puissances chrétiennes ; ces traités, dont la plupart sont d'ailleurs tombés en désuétude, ont d'autant moins de raison d'être maintenus qu'ils sont une menace constante contre la liberté du commerce et de la navigation; aussi le Surveillance plénipotentiaire espagnol suggère-t-il de les remplacer par une surveillance qui serait exercé à tour de rôle par les puissances, mais seulement dans les points libres encore de toute souveraineté étrangère.

internationale

Comme ces considérations n'étaient présentées à la conférence que, sous forme de vou, il n'y a pas été donné suite; mais une sérieuse attention a été prêtée aux conclusions qu'elles motivent et l'on peut espérer qu'elles seront bientôt l'objet d'une entente entre les puissances maritimes *.

(1) Cantillo, Traité entre l'Espagne et l'Angleterre, du 28 juin 1835,

t. I.

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Acte général du Congrès de Berlin, Protocole. Rapport adressé au ministre des affaires étrangères par M. Ed. Engelhardt, délégué de la France à Berlin pour la conférence africaine; Institut de Droit international, Session de Heildelberg, 1887. Annexe no 7.

LIVRE VII

DES PRISES MARITIMES

SECTION I. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT DE PRISE.

Considéra

tions géné

§ 3004. Le droit de s'emparer de la propriété ennemie est essentiellement inhérent à l'état de guerre. Les règles qui président rales. à l'exercice de ce droit, comme les obligations morales destinées à en prévenir l'abus, ne sont pas dans leur généralité subordonnées à l'élément sur lequel les captures ont lieu, ni aux moyens matériels à l'aide desquels on les réalise. Sous ce rapport, on peut dire qu'il y a une complète identité entre les prises faites en mer et les captures opérées sur terre, sauf pourtant cette différence que ces dernières s'attaquent avant tout à la propriété publique, tandis que les premières affectent la propriété privée en raison des ressources de richesse et de force qu'elle crée pour l'Etat belligérant.

Les principes du droit international sur les circonstances nécessaires pour constituer réellement une capture, sur le délai précis à l'expiration duquel, toute contestation cessant, l'ennemi est dépouillé de sa propriété au profit du capteur en droit comme de fait (jure victoria), enfin sur les signes manifestes de la soumission au vainqueur, sont également applicables à toutes les guerres, qu'elles aient lieu sur mer ou sur terre. Toutefois l'usage et la jurisprudence ont consacré pour les captures maritimes des règles spéciales et distinctes. Sur terre, par exemple, le titre de propriété repose le plus souvent sur le seul fait de la prise de possession effective; sur mer, au contraire, les captures ont un carac

Exercice du droit de prise sur mer.

tère en quelque sorte précaire, qui ne cesse ou ne se transforme que par la sentence des tribunaux chargés de prononcer sur leur validité. Cette différence tient, suivant nous, au caractère même de la propriété que les guerres terrestres ont principalement en vue de frapper, et à la complexité des intérêts privés engagés dans les opérations maritimes. Les termes même appliqués aux objets de capture sont différents : les propriétés prises sur terre sont appelées butin; les propriétés saisies sur mer sont appelées prise.

Un autre trait caractéristique que présentent les captures opérées sur mer, c'est qu'elles sont subordonnées à l'action de tribunaux ad hoc, qui participent en quelque sorte de la juridiction civile ordinaire, tandis que les litiges se rattachant aux captures faites par les armées ou les soldats en cours de campagne, se résolvent en général sur place et sont du ressort exclusif de l'autorité militaire *.

§ 3005. Le droit de prise ne peut être exercé sur mer que par des belligérants, soit par des bâtiments de guerre, soit par des navires particuliers armés en course et désignés sous le nom générique de corsaires.

Depuis la proclamation par le congrès de Paris en 1856 du principe de l'abolition de la course, l'emploi de corsaires pour seconder la marine de l'Etat et courir sus à la propriété privée ennemic est destiné à devenir de plus en plus rare, à ne constituer qu'une exception dans les moyens de faire la guerre. En tout état de cause, les Etats qui n'ont pas adhéré à la déclaration de Paris conservent la faculté de laisser exercer le droit de prise par des navires armés ou commissionnés à cet effet par eux; mais dans ce cas, en vertu du principe de réciprocité, on est en droit d'armer aussi contre eux des corsaires autorisés également à exercer le droit de prise. Le Code de droit maritime italien de 1865 est explicite à cet égard: aux termes de l'article 208 l'armement en course, quoique aboli, peut être autorisé contre les puissances qui n'ont pas adhéré à la déclaration de Paris de 1856, à titre de re

* Ortolan, Règles, t. II, pp. 35 et seq.; Bello, pte. 2, cap. v, § 3; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 1 et seq.; Massé, t. I, §§ 322, 323; Gessner, pp. 326 et seq.; Bluntschli, §§ 664 et seq.; Phillimore, Com., v. III, § 345; Wildman, v. II, pp. 138 et seq.; Halleck, ch. xxx, § 1; Cussy, Phases, t. I, liv. I, tit. 3, § 26; Pando, pp. 422 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Prises maritimes; Creasy, First platform of intern. law, p. 555; Boeck, Propriété privée ennemie, §§ 1, 2; Bulmerincq, Rapport, pp. 1 et seq.; Perels, pp. 333 et seq.

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