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présailles de prises effectuées au détriment de la marine marchande nationale.

Les règles de droit international qui concernent les bâtiments de guerre en cette matière s'appliquent également aux navires commissionnés en course. Pour les uns comme pour les autres, l'exercice du droit de prise n'est légitime que dans l'étendue de leur territoire national et sur la haute mer; il est interdit dans les limites du territoire juridictionnel des Etats neutres, lequel comprend non seulement les ports, les caps et les baies, mais encore une certaine distance en mer à partir de la terre. Cette interdiction est spécialement consacrée par la législation de la plupart des puissances maritimes.

L'ordonnance suédoise du 12 avril 1808 permet la saisie à la distance de plus d'un mille marin d'une terre neutre, et défend la saisie sous les canons d'une forteresse neutre ou dans un port

neutre.

Le règlement russe de 1869 interdit expressément d'opérer des prises dans les eaux neutres ou dans celles qui sont mises par convention spéciale à l'abri des actions guerrières. Le § 20 défend de faire et de poursuivre des prises dans les mers intérieures ou fermées d'un Etat non belligérant. Le § 21 porte en termes positifs que « le droit de prise ne peut être exercé que sur la mer libre, c'est-à-dire dans des eaux qui ne se trouvent pas à la portée des canons de batteries neutres ou qui sont à trois milles marins d'une rive neutre. »

On trouve des prescriptions analogues dans le règlement danois du 16 février 1864 § 8, dans le règlement prussien § 9, au § 3 de l'ordonnance autrichienne du 3 mars 1864, au § 4 des instructions françaises du 25 juillet 1870 et au § 1o des instructions complémentaires.

L'exercice du droit de prise est également limité au seul temps. que dure une guerre; car sans guerre le droit de prise n'existe pas. Aussi généralement les tribunaux de prises n'entrent-ils en fonctions qu'après le commencement d'une guerre et finissent avec elle, de sorte que souvent les prises faites, mais non jugées avant la fin de la guerre ont été restituées volontairement par les puissances au nom desquelles elles avaient été opérées *.

Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 62 et seq.; 157 et seq.; Massé, t. I, 334 et seq.; 354 et seq.; Gessner, pp. 328, 330; Cauchy, t. I, p. 62; Ortolan, Règles, t. II, pp. 57 et seq.; Cussy, Phases, t. I, liv. I, tit. 3, §§ 20, 23; Phillimore, Com., v. III, § 349; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 11, §§ 8

Captures

ennemies

neutres.

et

Différence

quant à la

raison du pa

vires saisis.

§ 3006. Dès que la guerre est déclarée, sauf les délais de faveur accordés d'habitude aux navires mouillés dans les ports ou supposés en cours de voyage avant d'avoir pu connaître la rupture de la paix, tous les bâtiments ennemis deviennent passibles de capture. Ils sont même, en droit strict, les seuls que le belligérant ait le droit d'appréhender; mais certains actes, certains faits, impliquant agression, culpabilité ou complicité indirecte avec l'ennemi, font perdre au navire neutre son caractère pacifique et autorisent à procéder contre lui comme s'il était véritablement la propriété de l'une des parties engagées dans la lutte. Au nombre des circonstances qui légitiment la capture des neutres, on peut citer le transport de troupes, de vivres, de munitions, d'armes, de correspondances pour compte ennemi, la violation des blocus, la simulation de pavillon, l'irrégularité dans les pièces à bord, etc. Sous l'empire des anciennes législations, le fait d'abriter sous son pavillon des cargaisons même licites appartenant en tout ou en partie aux belligérants suffisait pour rendre également le neutre sujet à capture *.

§ 3007. Le droit public interne de la plupart des peuples, dont capture en certaines conventions internationales n'ont fait que reproduire ou villon des na- confirmer l'esprit, place habituellement sur la même ligne, au point de vue des conséquences légales qui en découlent, la capture du bâtiment ennemi et la saisie du navire neutre. C'est là, selon nous, confondre deux situations absolument distinctes, méconnaître la réalité des choses, ériger en axiomes de droit des procédés que les tristes exigences de la guerre peuvent expliquer, mais qu'elles ne suffisent pas toujours à justifier.

A moins de vouloir rétrograder vers les siècles de barbarie, il faut bien reconnaître que la propriété ncutre, navire ou cargaison, a droit, en temps de guerre, à des égards, à des ménagements, à un respect plus sérieux encore que la propriété du belligérant. D'un

et seq.; Bluntschli, § 671; Wildman, v. II, pp. 147 et seq.; Manning, p. 385; Merlin, Répertoire, v. Prises maritimes, §§ 2, 4; Dalloz, Répertoire, Prises maritimes, sect. 2, art. 2, 3; Bynkershoek, Quæst., lib. I, cap vi; Bello, pte. 2, cap. v, § 3; Pando, pp. 424 et seq. Diaz Covarrubias, Bluntschli, § 824; Perels, p. 344.

V.

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Cauchy, t. II, pp. 203-216; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 214 et seq.; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, tit. 6; Massé, t. 1, §§ 364 et seq.; Gessner, pp. 326 et seq.; Heffter, § 171; Fiore, t. II, pp. 505 et seq.; 512 et seq., 518 et seq.; Cussy, Phases, t. II, pp. 112 et seq.; Hubner, t. I, pte. 1, ch. VI, VII; Azuni, t. II, pp. 287; Steck, Essais, p. 28; Dalloz, Répertoire, v. Prises maritimes, sect. 3.

autre côté, la capture d'un navire portant pavillon ennemi constitue prima facie un acte légitime de guerre, une prise complète, la sentence administrative dont elle reste passible ayant pour objet bien moins de statuer sur le fait matériel de la saisie que d'en apprécier la régularité et d'en attribuer la propriété définitive et incommutable au capteur ou à son souverain. Il en est tout autrement des saisies sous pavillon neutre : là les présomptions de droit en faveur de la validité de la prise n'existent plus; les intérêts sont beaucoup plus complexes, plus délicats, et, à moins d'actes dont le caractère manifestement hostile n'a en quelque sorte pas besoin d'être démontré, les plus puissantes raisons de convenances internationales militent tout d'abord en faveur du capturé. Pour le navire ennemi, on peut dire que la légitimité de sa captivité est exclusivement subordonnée à une constatation d'identité; tandis que pour valider la saisie d'un neutre, il faut avant tout justifier des circonstances qui ont pu placer le navire en dehors du droit commun et lui faire perdre le bénéfice de l'inviolabilité acquise au caractère pacifique de son pavillon.

L'absence ou l'irrégularité de certaines pièces de bord et la simulation de pavillon sont en dehors des actes vraiment hostiles la principale cause des saisies dont les neutres sont victimes en temps de guerre maritime. Mais dans ces circonstances la capture n'entraîne condamnation et confiscation que lorsque les soupçons de fraude et de culpabilité sont juridiquement démontrés.

§ 3008. C'est ainsi que l'article 6 du règlement russe de 1787 sur les corsaires et l'article 12 du règlement danois de 1810 sur les prises déclarent expressément que, lors même que le rôle d'équipage est double ou incomplet, la condamnation du navire ne s'ensuivra pas dans tous les cas.

Les Cours d'amirauté anglaises observent les mêmes principes: à leurs yeux, la propriété de celui qui s'est rendu coupable d'irrégularités de ce genre n'est pas compromise, et, pour échapper à la confiscation, le capturé conserve intact le droit de prouver sa nationalité et la bonne foi de son expédition. C'est seulement lorsque cette preuve ne peut être fournie et qu'il y a vraiment fraude que la condamnation est prononcée, d'après cet axiome des tribunaux de prises anglaises : « Toute fraude fait perdre le droit de se défendre. »

Nous n'avons pas besoin d'insister sur la rigueur d'un tel principe, dont la Cour de vice-amirauté d'Halifax fit l'application notamment dans une espèce où, convaincue que le propriétaire inté

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Ordonnance

hollandaise du

1781.

ressé avait une première fois prêté un faux serment, elle refusa dans une seconde affaire d'admettre la preuve contraire.

L'ordonnance hollandaise du 26 janvier 1781 sur les prises ex26 janvier clut également d'une manière absolue dans un cas semblable la preuve de bonne foi et d'innocence, et prononce invariablement la confiscation du navire saisi pour cause d'irrégularité dans les pièces de bord. Aux termes de la plupart des règlements de prises et en particulier d'après l'article 12 du règlement danois de 1810, la destruction entière ou partielle des papiers du navire constitue un délit grave, qui justifie la détention, mais n'entraîne pas nécessairement la condamnation *.

Faits constitutifs de tou.

time.

§ 3009. D'après la jurisprudence consacrée par les Cours d'amite prise mari- rauté britanniques le fait de la prise effective de possession n'est pas indispensable pour que la capture soit considérée comme consommée; il suffit que le navire attaqué ait amené son pavillon et déclaré se soumettre au capteur. C'est là une subtilité sans portée pratique, et qui en tout cas n'est acceptée nulle part ailleurs que dans le Royaume-Uni. Nous en dirons autant de l'opinion émise par certains publicistes, que « pour ne pas compromettre ses titres de propriété et pour aller au-devant du soupçon d'un abandon ultérieur, le capteur est tenu de manifester l'intention de retenir sa prise et d'en poursuivre la confiscation par les voies de droit. »

Si l'on reste sur le terrain pratique, il est constant que la capture est un acte matériel imposé par une force supérieure, et qui ne se conçoit pas abstraitement sans une prise de possession effective. Quant au titre à la propriété, on ne voit pas non plus ce qu'en dehors de l'acte violent de capture l'intention plus ou moins explicite de conserver la prise peut y ajouter. Ce qui est vrai, c'est que par elle-même la capture constitue simplement un fait, et que le droit de propriété sur la chose saisie ne prend naissance, ne passe définitivement, d'une manière incommutable, du capturé au capteur que lorsque la sentence du tribunal compétent en a dépouillé le premier au profit du second.

Dans cet ordre d'idées, nous considérons comme absolument indifférente, au point de vue du droit qu'on en voudrait déduire,

Hautefeuille, Des droils, t. III, pp. 220 et seq.; Gessner, pp. 326 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Prises maritimes, sect. 3, art. 1, 2; Heffter, §§ 172, 173; Massé, t. I, §§ 341 et seq.; Pohls, pp. 1179, 1182; Kaltenborn, t. II, p. 471; Robinson, Adm. reports, v. I, p. 131; v. II, pp. 108, 154; Bulmerincq, Rapport, pp. 49-385.

la question de reddition ou de soumission de la part du capturé et de son abandon de tout espoir de reprise (spes recuperandi). Il en est de même du délai de vingt-quatre heures exigé autrefois pour l'acquisition du butin dans les guerres terrestres et appliqué par quelques publicistes aux guerres maritimes.

La conduite de la prise en lieu sûr (perductio intra præsidia) était également dans les siècles passés une condition nécessaire et essentielle pour le transfert du titre de propriété. Cette obligation absolue a perdu de nos jours toute valeur pratique, puisque, même dans les cas où elle a été remplie, la portée juridique en est subordonnée à la scntence qui statue sur la validité de la prise *.

des prises,

§ 3010. En principe, le titre suprême à la possession des prises Attribution maritimes réside dans l'Etat, à qui seul appartiennent en conséquence les bénéfices résultant de l'exercice du droit de capture (bello parta cedunt reipublicæ). Ce n'est donc que par une concession purement gracieuse de l'Etat, sous les réserves et dans les conditions qu'il lui plaît d'établir, que les prises peuvent en fin de compte être attribuées en tout ou en partie à celui qui les a opérées. Le mode de partager le produit des captures n'est pas du domaine du droit international; il est exclusivement régi par la législation interne de chaque nation et présente des divergences très sensibles d'un pays à l'autre. Cependant il s'y rattache des questions très importantes, que nous traiterons dans une autre section de ce livre **.

Jugement et condamna

ses.

§ 3011. Ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, la prise n'est définitive et le capturé n'est irrévocablement dépouillé de sa tion des pripropriété que par le jugement qui a statué sur sa validité. Tant que cette sentence de condamnation n'est pas intervenue, le capteur ne possède qu'un droit précaire susceptible d'être annulé, si les juges décident que la prise n'a pas été régulière ou suffisamment justifiée, et qu'elle doit être restituée à ceux au préjudice de qui elle a été opérée.

Il est si vrai qu'aussi longtemps que sa validité n'a pas acquis force de chose jugée, la prise n'appartient pas en toute propriété au capteur, que tous les pays reconnaissent au souverain la faculté de rendre à la paix les navires et les cargaisons non encore

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Phillimore, Com., v. III, § 348; Hautefeuille, Des droits, t. III, tit. 13, ch. 1, sect. 2, § 2; Gessner, pp. 333 et seq.

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Cauchy, t. I, p. 65; Kent, Com., v. I, p. 107; Phillimore, Com., v. III, $356; Twiss, War, § 171; Wildman, v. II, pp. 295 et seq.; Halleck, ch. xxx, § 3; Polson, sect. 6, § 15; Robinson, Adm. reports, v. V, p. 184.

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