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Devoirs généraux des

capteurs.

Loi française sur les prises. 2 prairial an XI.

condamnés par les tribunaux compétents. L'État en usant de ce pouvoir souverain obéit à des raisons de convenances internationales et d'intérêt public, devant lesquelles doivent céder la volonté ou les aspirations de lucre des capteurs. Nous citerons comme exemples les restitutions volontaires de prises non jugées faites par la France en 1839 au Mexique, en 1859 à l'Autriche et en 1871 à l'Allemagne. Lorsque de semblables restitutions ont lieu, il est de règle que navires et cargaisons soient rendus à qui de droit in statu quo, sans indemnité aucune, si ce n'est contre remboursement des frais de garde et de conservation *.

§ 3012. Tant que la prise n'a pas été jugée, le capteur ne possède sur elle qu'un droit imparfait, en quelque sorte éventuel, qui lui impose des obligations particulières, dont l'oubli engage sa res. ponsabilité de la manière la plus sérieuse, tant à l'égard de son propre gouvernement qu'à l'égard des propriétaires et des chargeurs du navire saisi. Son premier devoir est de rédiger un procès-verbal détaillé des circonstances et des motifs de la prise; il doit ensuite dresser un inventaire sommaire de tous les objets dont il s'est emparé, puis faire fermer et sceller les écoutilles. Il est de règle que le capitaine du bâtiment capturé assiste à l'opération et revête de sa signature les pièces qui en constatent l'accomplissement, ainsi que le procès-verbal dit de capture. Ce n'est qu'après avoir rempli ces diverses formalités que le capteur amarine la prise en plaçant à bord un officier et des matelots empruntés à son propre équipage, qui sont chargés de conduire le navire capturé et sa cargaison en lieu sûr pour y être jugés **.

§ 3013. Certains tribunaux de prises, ceux de France notamment, exigent expressément la production en justice du procèsverbal de capture et de l'inventaire de la prise certifié. L'arrêté du 2 prairial an XI, qui est encore en vigueur aujourd'hui, prescrit dans son article 59 la procédure suivante pour les prises de navires par des croiseurs français :

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Massé, t. I, §§ 405, 406; Hautefeuille, Des droits, t. III, p. 299; Gessner, pp. 327, 357; Heffter, §§ 138, 172; Kent, Com., v. I, pp. 108, 109; Phillimore, Com., v. III, § 357; Wildman, v. II, p. 352; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 1, § 13; Manning, p. 382; Fiore, t. II, p. 521; Bello, pte. 2, cap. v, § 4; Valin, Com., t. II, p. 309.

**

Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 243 et seq.; Gessner, p. 333; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 272, 273; Massé, t. I, §§ 378, 379; Heffter, § 171; Dalloz, Répertoire, v. Prises maritimes, sect. 4, §§ 219 et seq.; Martens, Essai, § 22; Jacobsen, Seerecht, pp. 565-577; Pohls, pp. 1194 et seq.; Bulmerincq, Rapport, p. 324; Boeck, Propriété privée ennemie, § 247; Perels, p. 353.

« Aussitôt après la prise d'un navire, les capitaines capteurs se saisiront des congés, passeports, lettres de mer, chartes parties, connaissements et autres papiers existant à bord. Le tout sera déposé dans un coffre ou sac, en présence du capitaine pris, lequel sera interpellé de le sceller de son cachet; ils feront fermer les écoutilles et autres lieux où il y aura des marchandises, et se saisiront des clés des coffres et armoires. »

édictées

en

De nouvelles instructions édictées en 1870 rendent obligatoire Instructions pour le capteur la rédaction d'un procès-verbal, à l'égard duquel 1870. l'arrêté de prairial ne contenait pas de dispositions précises, lacune qu'il importait de combler ; « car, ainsi que le font judicieusement observer Pistoye et Duverdy, il faut que les tribunaux qui auront à prononcer sur la prise puissent connaître toutes les circonstances de la capture et les motifs qui ont déterminé le croiseur à y procéder. Si les croiseurs n'étaient pas obligés d'indiquer ces motifs dans un procès-verbal, il serait à craindre qu'ils n'arrêtassent des navires sans aucune raison, espérant que quelque motif de nature à faire valider la prise pourrait surgir dans la suite. >> Toutes ces formalités sont en effet indispensables, puisqu'elles peuvent seules mettre les juges appelés à statuer sur le sort du navire et de la cargaison à même d'apprécier les causes alléguées soit pour attaquer, soit pour justifier la prise.

Les instructions françaises de 1870 portent que « si la visite détermine la saisie du bâtiment, l'officier qui en aura été chargé devra 1° s'emparer de tous les papiers de bord et les mettre sous les scellés après en avoir dressé un inventaire: 2° dresser un procès-verbal de capture ainsi qu'un inventaire du bâtiment; 3o constater l'état du chargement, puis faire fermer les écoutilles de la cale, les coffres et les soutes et y apposer les scellés.

§ 3014. Nous trouvons des dispositions analogues dans la légis- Ordonnance lation des autres puissances maritimes.

L'ordonnance des Pays-Bas du 26 janvier 1785 prescrit que, « immédiatement après la capture d'un navire, on apposera les scellés sur la cargaison; ou pour autant qu'elle n'en sera pas susceptible, on en dressera un inventaire, et il sera du tout rédigé un acte en due forme. »>

§ 3015. Le règlement danois du 16 février 1864 prescrit en outre que « le croiseur, de concert avec le patron ou le second du navire capturé, fasse sceller ou mettre sous clé autant que possible toute la cargaison, et que le croiseur ne doit ni décharger, ni vendre, ni échanger, ni aliéner ou égarer d'une manière quel

des Pays-Bas de 1785.

Règlement

danois

de 1864.

autrichien et

conque aucune partie de la cargaison; les papiers du navire doivent être mis sous une enveloppe munie des cachets du commandant du navire et du patron. »>

Règlements § 3016. L'ordonnance ministérielle autrichienne du 3 mars 1864, l'ordonnance impériale autrichienne du 9 juillet 1866 et le règlement des prises prussien contiennent des dispositions presque identiques.

prussien.

Règlement

russe

de 1869.

Règlement

des Etats-Unis de 1864.

Conserva

tion et conduite dans un port des pri

mer.

§ 3017. Aux termes des règles russes de 1869, le croiseur est tenu relativement au bâtiment ennemi capturé de mettre les scellés sur les écoutilles du navire, de dresser, en présence du patron du navire capturé, un inventaire des documents qui se trouvent à bord, puis de les mettre sous enveloppe cachetée avec son cachet et celui du patron du bâtiment capturé. Le commandant du croiseur est tenu en outre de former une commission judiciaire et de constater par procès-verbal en quel endroit a eu lieu la prise, si le patron de celle-ci a refusé ou consenti de se rendre et de montrer ses documents, s'il a attaqué ou s'il s'est défendu, sous quel pavillon il naviguait, comment la prise a été faite, etc., et d'inscrire ce procès-verbal, qui doit être dressé immédiatement après la capture du navire et non après l'arrivée dans le port.

§ 3018. D'après l'acte des États-Unis de 1864, l'officier capteur doit s'emparer des papiers de bord ainsi que des autres lettres et documents, les inventorier et les envoyer dans une enveloppe cachetée au tribunal chargé de la prise, déclarer en même temps par écrit << que ce sont tous les papiers qu'on a trouvés et qu'ils sont dans le même état », et expliquer également « l'absence d'un document quelconque ou un changement quelconque dans leur

état. >>

§ 3019. En règle générale, il est défendu au capteur de saborder ou d'incendier les prises qu'il fait en pleine mer. On conçoit l'utilité ses faites en de cette défense pour empêcher les abus et sauvegarder dans une juste mesure des droits privés, sur le caractère desquels les tribunaux sont exclusivement appelés à prononcer. Ce n'est que dans des circonstances de force majeure bien constatée, par exemple quand le capteur est menacé de poursuites par l'ennemi, n'a pas le moyen de fournir un équipage de prise, remplit une mission pressée, on veut cacher sa marche aux croiseurs belligérants, qu'il peut sous sa propre responsabilité détruire sa prise au lieu de l'expédier dans un port du pays dont il porte le pavillon.

En dehors d'une nécessité impérieuse de guerre, tout capteur est obligé d'expédier et de faire conduire sa prise dans le plus court délai possible dans les limites juridictionnelles du pays dont

il relève, pour que le tribunal compétent puisse statuer sur sa validité.

Les règlements de la plupart des contrées maritimes interdisent de faire entrer les prises non jugées dans les ports étrangers autrement qu'en relâche forcée, pour cause d'avaries ou de manque de vivres; ils défendent également à titre général la vente des prises ennemies, cet acte impliquant une atteinte sérieuse aux devoirs de la neutralité. Nous n'avons sans doute pas besoin d'ajouter que, si la prise était fortuitement amenée dans un port ennemi, elle pourrait être revendiquée comme reprise par le souverain territorial, et que de graves conflits seraient à craindre dans le cas où le navire capturé serait conduit dans un port de la nation sous les couleurs de laquelle il naviguait *.

§ 3020. Voici d'ailleurs comment se résument les diverses légis- Instructions lations concernant la conduite du navire saisi.

D'après les instructions françaises précitées de 1870, la prise doit être conduite dans le port de France le plus proche, le plus accessible et le plus sûr, ou dans un port de la colonie française la plus voisine; mais, cn cas de force majeure, elle peut être conduite dans un port où réside un consul français.

§ 3021. Le règlement hollandais du 6 janvier 1711 prescrit au capteur d'amener sa prise dans un port neutre, s'il se trouve dans des mers éloignées ou si la nécessité y force.

§ 3022. Aux termes des ordonnances suédoises « tout navire capturé doit, si c'est possible, être conduit à une station navale ou dans un port suédois; mais, pour échapper à la poursuite d'une force ennemie ou en cas de nécessité maritime, on peut aussi conduire le navire saisi dans un port étranger; toutefois, on ne peut l'y retenir que le temps strictement nécessaire. »

de françaises

1870.

Règlement de hollandais 1771.

Ordonnances

suédoises.

danois

de 1864.

§ 3023. Le règlement des prises danois du 16 février 1864, que Reglement nous avons déjà mentionné, porte que « le navire doit être conduit, avec la cargaison toujours scellée (à moins que le patron ne consente à laisser lever les scellés pour en empêcher la détérioration), à destination d'une douane danoise ou de l'endroit le plus proche où le croiscur puisse trouver une protection militaire. Le navire ne pourra être conduit sur d'autres points du territoire danois ni dans des ports étrangers, à moins qu'on n'y soit forcé par le

* Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 243, 244; Gessner, pp. 333, 334; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 272, 273; Dalloz, Répertoire, v. Prises maritimes, sect. 4, §219; Bulmerincq, Revue de droit international, 1879, t. XI, p. 630.

Ordonnance autrichienne de 1864.

Règlement prussien.

Règles

russes

de 1869.

Instructions anglaises de

trichiennes de

mauvais temps, par le manque de vivres ou par une poursuite ennemie; et même dans ce cas le croiseur sera tenu, aussitôt que les circonstances le permettront, de conduire le navire à une douane indigène, sans desceller la cargaison.

§ 3024. L'ordonnance ministérielle d'Autriche du 3 mars 1864 prescrit de conduire le navire capturé dans un port autrichien, où, en attendant qu'on puisse le faire, dans le port le plus proche où le navire puisse être remis sous garde militaire. Cependant cette protection militaire ne peut lui être accordée dans un port non autrichien. Dans les cas de danger, le navire doit être conduit, avec sa cargaison non descellée, dans le port le plus proche où se trouve un tribunal de prises compétent.

D'autres ordonnances émanant de l'Empereur en date du 21 mars 1864 et du 9 juillet 1866, enjoignent de conduire le navire capturé ou suspecté à Pola, où est établie une commission spéciale d'enquête pour les prises, et, si cela n'est pas possible, dans un autre port où il puisse être remis à la garde de l'autorité militaire.

§ 3025. Le règlement prussien contient des dispositions analogues.

§ 3026. Selon les règles russes de 1869, le croiseur est tenu de conduire la prise dans un port national; mais s'il se trouve trop éloigné d'un port russe ou des ports d'un Etat allié, ou si la tempête ou la proximité de l'ennemi l'y contraint, il peut aussi conduire la prise dans un port étranger.

§ 3027. Les instructions annexées aux conventions de l'Angle1854 et au- terre avec la France de 1854, et de l'Autriche avec la Prusse de 1864. 1864, ordonnent de conduire la prise dans le port le plus voisin de la puissance dont il portait le pavillon; mais en cas de détresse, si le navire capturé est hors d'état de continuer sa route, elles permettent à l'officier chargé de la conduite d'entrer dans un port de son propre pays ou dans un port neutre, ou dans un port occupé par des troupes des puissances alliées, ou dans le port d'un pays dont le gouvernement a permis d'y établir une commission mixte des alliés pour examiner le fait*.

Gessner, pp. 334 et seq.; Hautefeuille, Des droits, pp. 300 et seq.; Phillimore, Com., v. III, p. 361; Twiss, War, § 166; Kent, Com., v. 1, p. 109; Heffter, § 138; Fiore, t. II, pp. 321 et seq.; Wildman, v. II, pp. 168 et seq.; Halleck, ch. xxx, §5; Bello, pte. 2, cap. v; Valin, Com., t. II, p. 309; Bulmerincq, Revue de droit intern., 1879, t. XI, p. 637; Boeck, Propriété privée ennemie, § 247.

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