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des marchan

dises ou articles de con

La dernière partie du même article du traité entre les Etats-Unis. et l'Angleterre reconnaît les provisions et d'autres articles comme devenant contrebande dans certains cas en vertu du droit des gens existant:

<«< Et attendu que la difficulté de s'entendre sur les cas précis où sculs les provisions et autres articles qui ne sont pas en général de contrebande peuvent être regardés comme en étant rend opportun de se prémunir contre les inconvénients et les malentendus qui pourraient en provenir, il est de plus convenu que toutes les fois que ces articles devenant ainsi de contrebande selon le droit des gens existant seront pour cette raison saisis, ils ne seront pas confisqués; mais leurs propriétaires seront promptement et complètement indemnisés, et les capteurs, ou en leur absence le gouvernement sous l'autorité duquel ils agissent, paieront aux capitaines ou aux armateurs dudit navire la valeur totale de tous les articles avec un bénéfice mercantile raisonnable, ainsi que le fret et aussi les dommages causés par une telle séquestration *. »

§ 2740. Dans l'impossibilité de déterminer avec précision et comme règle générale de droit les marchandises dont le trafic comporte des trebande. restrictions absolues en temps de guerre, nous essaierons du moins d'énumérer ici celles qui sont le plus habituellement classées parmi les articles de contrebande **.

Blé, farine et autres substances mentaires.

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§ 2741. En commençant par les marchandises d'un usage douteux, ali usus ancipitis, nous remarquons que, se fondant toujours sur la prétendue nécessité de faire à l'ennemi le plus de mal possible, on a regardé comme trafic illicite celui du blé, de la farine et en général de toutes les denrées alimentaires. En réalité pourtant, sauf les cas de blocus ou d'investissement de places fortes, cette pratique n'est guère suivie que pour combattre des révolutions intestines contre des insurgés n'ayant pas à proprement parler le titre de belligérants ou d'ennemis étrangers; car ni le caractère des guerres actuelles ni le mode selon lequel se poursuivent de nos jours les opérations militaires ne justifient, du moins chez les peuples civilisés, l'adoption de telles mesures extrêmes. Ainsi, lorsque le roi de Danemark Frédéric IV voulut empêcher l'importation de vivres en Suède, toutes les nations, y compris l'Angleterre, élevèrent de vives protestations. Nous nous croyons fondés à poser en principe

* Twiss, War, § 145.

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 127 et seq.; Heffter, § 160; Duer, lect. 7, § 12; Halleck, ch. XXIV, § 19; Manning, pp. 301, 302.

quc, sauf l'exception de blocus ou de siège, le commerce des denrécs alimentaires reste essentiellement libre en temps de guerre *.

§ 2742. Les arguments que l'on a fait valoir pour interdire en temps de guerre les envois d'espèces monnayées et de métaux précieux sont les mêmes que ceux qui ont été invoqués pour restreindre le commerce des vivres. Envisagée dans son rôle économique, la monnaie n'est que l'instrument général des échanges et échappe dès lors à l'application des lois de la guerre.

D'un autre côté, classer les métaux précieux parmi les articles de contrebande revient à conférer des pouvoirs illimités aux belligérants et à reconnaître que la guerre sape par la base jusqu'aux relations internationales que les combattants entretiennent avec les

neutres.

Il va sans dire néanmoins que le principe général que nous énonçons ici doit se coordonner avec les règles d'une sévère neutralité, et cesserait d'être applicable, si un pays resté en dehors de la lutte prétendait s'en prévaloir pour alimenter la guerre en fournissant à l'un ou à l'autre des belligérants des subsides déguisés sous forme d'emprunt, d'envois d'espèces monnayées ou de lingots **.

§ 2743. C'est la doctrine qu'on doit appliquer à l'emprunt contracté en 1832 par le prince portugais Dom Miguel, expressément pour soutenir son usurpation contre le gouvernement légitime de la reine Dona Maria. Il ressort en effet des faits que nous avons exposés (voir tome I, livre II, Souveraineté des Etats), que les souscripteurs de l'emprunt savaient très bien qu'en prêtant à Dom Miguel ils fournissaient des fonds à l'un des belligérants en présence et que ces fonds, espèces ou valeurs, par cette raison que l'argent est le nerf de la guerre, étaient de bonne prise, s'ils venaient à tomber dans les mains de l'autre belligérant.

• Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 130-134; Ortolan, Règles, t. II, p. 191; Pistoye et Duverdy, Truité, tit. 6, ch. II, sect. 3; Massé, t. I, § 208; Duer, lect. 7, §§ 15-17; Moseley, p. 87; Hosack, The rights, pp. 20, 21; Kent, Com., v. I, pp. 140-143; Manning, pp. 293 et seq.; Halleck, ch. xxiv, § 24; Heffter, § 160; Bello, pte. 2, cap. vIII, § 4; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. xv; Azuni, t. II, ch. 11, art. 2, § 29; Lampredi, pte. 1, §§ 7 et 9; Grotius, Le droit, liv. III, ch. 1, § 5; Heineccius, De navibus, §§ 8, 9; Hubner, pte. 2, ch. 1; Loccenius, tit. 1, cap. iv, n° 9; Hall, International law, p. 584; Diaz Covarrubias, Bluntschli, § 819; Perels, Droit maritime, p. 277.

**Hautefeuille, Des droils, t. II, pp, 129, 130; Massé, t. I, § 208; Heffter, § 160; Phillimore, Com., v. III, § 265; Moseley, pp. 73-76; Manning, pp. 285-287.

Métaux

précieux.

Emprant Dom Miguel. 1832.

Emprunt Morgan.

1870.

Toiles et draps pour le

troupes.

Le gouvernement de la reine, en s'en emparant, n'avait donc exercé qu'un droit de main-mise qu'on ne saurait lui contester, et ces fonds, une fois en sa possession, étaient devenus sa propriété légitime, à l'abri de toute revendication, puisqu'il les avait saisis sur un adversaire qui les destinait à le combattre.

C'est en vertu de la même doctrine que le parquet de Berlin intenta, en 1870, une action contre certains banquiers qui avaient souscrit à l'emprunt français dit Morgan.

§ 2744. Hubner admet que les toiles et les draps destinés à l'havêtement des billement des troupes soient classés parmi les articles prohibés; faute de pouvoir citer aucun traité qui leur attribue ce caractère, il appuic son opinion non sur la nature propre de ces deux produits, mais uniquement sur leur destination et sur celle du navire qui les transporte. Nous ne saurions partager cette manière de voir, parce que les effets d'habillement ne peuvent être considérés comme des instruments nécessaires à la guerre, qu'ils sont étrangers à la véritable notion de la contrebande, et que le fait accidentel de leur transport ne saurait avoir pour conséquence d'altérer leur caractère essentiellement pacifique et licite *.

Munitions
Davales.

Opinion

des auteurs :

Hautefeuille.

§ 2745. Parmi les questions relatives à la contrebande de guerre, il en est peu qui aient soulevé autant de débats que le caractère licite ou illicite des bois de construction, du chanvre, de la laine, du goudron, du fer, du cuivre en feuilles, de la poix, de la résine, etc.

§ 2746. « Les munitions navales, dit Hautefeuille, ne sont pas des instruments de guerre; elles ne peuvent en aucun cas être employées à la guerre dans l'état où le commerce les fournit au belligérant. Pour devenir de quelque utilité dans les opérations militaires, il est indispensable qu'elles soient mises en œuvre par le nouveau possesseur; que, travaillées et réunies ensemble pour former un seul tout complexe, elles perdent complètement leur forme primitive. Elles ne possèdent donc pas le second caractère spécial de la contrebande. La première ne se rencontre pas davantage daus ces matériaux. Il est en effet évident que les bois de construction, le fer brut, le cuivre en feuilles, le chanvre, les toiles à voiles ne sont pas propres à l'attaque ou à la défense, qu'ils ne peuvent en aucun cas servir à faire une blessure à l'ennemi ni être employés contre lui comme moyen direct de nuire. Les matériaux propres

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 134-136; Hubner, t. I, pte. 2, ch. 1, $5; Desjardins, Droit com. maritime, t. I, § 24, p. 59.

à la construction, au radoub et à l'armement des vaisseaux, et ici le mot armement est pris dans un sens maritime, ne réunissent donc pas les caractères constitutifs de la contrebande... Je puis donc conclure que d'après le droit des gens primitif ils ne peuvent être compris parmi les objets prohibés. » C'est là, il faut bien le reconnaître, une opinion toute personnelle, n'ayant d'autre autorité que celle de son auteur; car en fait presque toutes les nations prohibent en temps de guerre comme illicite le trafic des objets rangés dans la catégorie des munitions navales.

Hubner et Galiani divisent ces objets en deux classes, dont la première comprend les mâtures, les bois de construction, les ancres, les câbles, etc., propres aux grands vaisseaux de guerre ; la seconde, les objets servant aux bâtiments de dimensions moindres. Ils refusent à cette dernière catégorie le caractère de contrebande, qu'ils attribuent exclusivement à la première. Nous dirons de cette distinction, comme de l'opinion de Hautefeuille, qu'elle est essentiellement arbitraire, peu logique, et qu'elle n'a été consacrée par aucune stipulation conventionnelle. Hubner s'est d'ailleurs montré inconséquent avec lui-même, puisqu'il admet que les navires de flottille construits sur territoire neutre pour le compte de l'un des belligérants sont susceptibles d'être capturés quand ils sont rencontrés en cours de voyage vers un port ennemi.

Hubner.

Galiani,

anglaise.

§ 2747. La juridiction des Cours d'amirauté anglaises condamne Jurisprudence uniformément comme de bonne prise tous les objets propres à la construction et à l'équipement des navires de guerre, grands ou petits, sauf stipulations contraires dans les traités *.

§ 2748. Les envisageant au même point de vue que les marchandises qui réclament une transformation industrielle pour être utilisées à la guerre, Hautefeuille soutient que le trafic des matières brutes nécessaires à la fabrication des armes et des munitions doit être libre. Par contre, Woolsey étend la définition de la contrebande de guerre à tout ce qui entre dans la composition des

* Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 136-146; Wheaton, Elem., pte. 4, ch. 1, § 24,'; Heffter, § 160; Massé, t. I, § 208; Fiore, t. II, p. 441; Bluntschli, § 805; Duer, v. I, lect. 7, §§ 12, 13; Phillimore, Com., v. III, pp. 359 et seq.; Halleck, ch. XXIV, §§ 21, 22; Moseley, pp. 57-64; Kent, Com., v. I, p. 139; Wildman, v. II, p. 212; Manning, p. 287; Cussy, Phases, liv. I, tit. 3, § 14; Rayneval, De la liberté, t. II, p. 108; Vattel, Le droit, liv. III, ch. vII, § 112; Hubner, t. I, pte. 2, ch. 1, §§ 5, 10; Galiani, ch. Ix, § 4, art. 9; Bello, pte. 2, cap. VIII, § 4; Polson, pp. 62, 63; Hosack, pp. 16 et seq.; Perels, Droit maritime, p. 217; Boeck, Propriété privée, § 627; Hall, International law, p. 381; Testa, Droit maritime, p. 212.

Matière-prela fabrication

mieres pour

des armes et

des

tions.

muni

vapeur et

terre.

munitions de guerre, et dès lors, s'il s'agit de la poudre par exemple, non seulement au soufre et au salpêtre, mais au charbon, qui sert également à des usages essentiellement pacifiques, et, s'il s'agit des armes proprement dites, au fer, qui est un métal d'un usage universellement nécessaire.

Ici encore le droit conventionnel est contraire aux opinions du premier de ces auteurs; car il est peu de traités (1) qui n'excluent nommément du trafic licite le salpêtre, le soufre et même le charbon. Il n'est pas jusqu'au coton, ce textile industriel par excellence, qui ne doive perdre son caractère licite, lorsqu'une action chimique lui a donné les propriétés d'une matière explosible pouvant remplacer la poudre à canon *.

Machines § 2749. L'application de la vapeur aux navires comme force mocharbon de trice a complètement transformé la marine militaire, et par suite les guerres maritimes. Aussi, quoique dans la plupart des traités modernes les machines à feu et leurs accessoires, arbre de couche, aubes, hélices, balanciers et chaudières, figurent en général parmi les mécaniques et les engins industriels, il semble difficile de soustraire à l'application des principes régissant la contrebande de guerre les gigantesques appareils qui font désormais partie intégrante de tout bâtiment armé, alors surtout qu'il y a lieu de les croire destinés aux arsenaux ennemis. A défaut de stipulations conventionnelles expresses, on peut invoquer plus d'un règlement particulier, qui, au point de vue du commerce illicite, place les

(1) Parmi ces traités se trouvent ceux d'Utrecht en 1713 (Dumont, t. VIII, pte. 1, pp. 345, 351, 362, 377, 400, 409; Savoie, t. II, p. 281; Hertslet, v. II, p. 204; Cantillo, p. 127); de 1667 entre la Suède et la Hollande (Dumont, t. VI, pte. 1, pp. 37, 39); de 1778 entre la France et les Etats-Unis (Elliot, v. I, p. 34; State papers, v. V. p. 6; Martens, 1re édit., t. I, p. 685; 2o édit., t. II, p. 587); de 1786 entre la France et la Grande-Bretagne (De Clercq, t. I, p. 146; Martens, 1re édit., t. II, p. 680; 2e édit., t. IV, p. 155; State papers, v. III, p. 342); et ceux de 1780 et 1781, qui servirent de base à la neutralité armée (Martens, 1re édit., t. II, pp. 103, 110, 117, 130; t. IV, pp. 357, 369, 375, 404; 2e édit., t. III, pp. 189, 198, 215, 245, 252; Neumann, t. I, p. 273).

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 147, 151; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. x ; Azuni, t. II, ch. 11, sect. 5, p. 192; Tetens, Considérations, sect. 3, § 3-5; Ortolan, Regles, t. II, pp. 186 et seq.; 190, 191; Heffter, § 160; Massé, t. I, § 207; Bluntschli, §§ 803, 805; Fiore, t. II, p. 441; Bello, pte. 2, cap. vIII, § 4; Riquelme, lib. I, tit. 2, cap. xv; Moseley, pp. 45-48; Halleck, ch. XXIV, § 20; Manning, p. 284; Polson, p. 63; Hosack, p. 18; Dalloz, Rep., tit. Prises maritimes, sect. 3, art. 2; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 229; Dana, Elem. by Wheaton, note 226; Revue de droit int., 1875, p. C07; Perels, Droit maritime, p. 275.

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