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Décret

du 2 prairial

an XI.

et portant: «< Attendu qu'il n'est produit ni jugement de condamnation de la prise, ni aucune pièce de bord du bâtiment capturé, non plus qu'aucune pièce de l'instruction à laquelle il a dû être procédé à ce sujet ; et attendu qu'il est allégué que les papiers des administrations françaises à Dantzig ont été détruits par ordre supérieur pendant le siège; qu'avant faire droit, il sera fait une information sur le fait et les circonstances de ladite prise;

« Vu l'information faite en exécution de ladite ordonnance, commencée le 3 mars 1817 et close le 17 du même mois, dans laquelle ont été reçues les déclarations du lieutenant général comte Rapp, gouverneur de Dantzig pendant le siège, du contre-amiral comte Dumanoir, commandant la marine dans ce port pendant le même temps, des sieurs Barthomeux, commissaire ordonnateur des guerres, et Juge, commissaire des guerres, qui étaient aussi de service à Dantzig à cette époque;

<«< Vu la lettre du conseiller d'État directeur général des douanes du 19 dudit mois de mars et celle dudit sieur Juge du même mois;

<«< Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ladite information et des renseignements que les papiers des administrations françaises de Dantzig n'ont pas été détruits, qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'admettre d'autres justifications et preuves de ladite prise et de sa légitimité que celles requises par les règlements;

« Considérant que lesdites justifications et preuves ne sont pas produites:

« La requête du sieur Legris est rejetée. »

De cette décision on est autorisé à déduire qu'en France, à défaut d'instruction dans le port où la prise a été amenée et aussi faute de représenter les papiers de bord qui constatent qu'une prise est valable, il n'y a pas lieu d'adjuger la prise au capteur.

§ 3071. Le décret du 2 prairial an XI établit pour ce genre de procès diverses règles générales dont voici les plus impor

tantes:

ART. 69. Après avoir reçu le rapport du conducteur de la prise, l'officier d'administration de la marine se transportera immédiatement sur le bâtiment capturé, dressera procès-verbal, de l'état dans lequel il le trouvera et posera, en présence du capitaine pris ou de deux officiers ou matclots de son équipage, d'un préposé des douanes, du capitaine ou autre officier du navire capteur et même des réclamants, s'il s'en présente, les scellés sur tous les fermants. Ces scellés ne pourront être levés qu'en présence d'un préposé des douanes.

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ART. 70. Le préposé des douanes prendra à bord un état détaillé des balles, ballots, futailles et autres objets qui seront mis à terre ou chargés dans les chalands et chaloupes; un double de cet état sera envoyé à terre et signé par le garde-magasin, pour valoir réception des objets y portés.

A mesure du déchargement des objets et au moment de leur entrée en magasin, il en sera dressé inventaire en présence d'un visiteur des douanes, qui en tiendra état et le signera à chaque

séance.

ART. 71. -- Il sera établi à bord un surveillant, lequel sera chargé, sous sa responsabilité, de veiller à la conservation des scellés et des autres objets confiés à sa garde.

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ART. 72. L'officier d'administration de la marine du port dans lequel les prises seront amenées procédera tout de suite, et au plus tard dans les vingt-quatre heures de la remise des pièces, à l'instruction de la procédure pour parvenir au jugement des prises.

ART. 73. Cette instruction consiste dans la vérification des scellés, la réception et l'affirmation des rapports et de la déclaration du chef conducteur, l'interrogatoire de trois prisonniers au moins, dans le cas où il s'en trouverait un parcil nombre, l'inventaire des pièces, états ou manifestes de chargement qui auront été remis ou qui seront trouvés à bord, la traduction des pièces de bord par un interprète juré, lorsqu'il y a lieu.

ART. 74. Si le bâtiment est amené sans prisonniers, charte partie ni connaissements, l'équipage du navire capteur sera interrogé séparément sur les circonstances de la prise pour faire connaître, s'il se peut, sur qui la prise aura été faite.

ART. 75. L'officier d'administration de la marine sera assisté dans tous ces actes du principal préposé des douanes et appellera en outre le fondé de pouvoir, des équipages capteurs, s'il y en a. A défaut de fondé de pouvoir, l'équipage sera représenté par le conducteur de la prise, réputé fondé de pouvoir.

ART. 76. Dans le cas d'avaries ou de détérioration de tout ou partie de la cargaison, l'officier d'administration de marine, en apposant les scellés, ordonnera le déchargement et la vente dans un délai fixé.

La vente ne pourra cependant avoir lieu qu'après avoir été publiquement affichée dans le port de l'arrivée et dans les communes et les ports voisins, et après qu'on aura appelé le principal préposé des douanes et le fondé de pouvoir des équipages capteurs, ou, à

défaut, le conducteur de la prise. Le produit de ces ventes sera provisoirement déposé dans la caisse des invalides de la marine.

ART. 78. Aussitôt que la procédure d'instruction sera terminée, il sera procédé sans délai à la levée des scellés et au déchargement des marchandises, qui seront inventoriées et mises en magasin, lequel sera fermé de trois clés différentes, dont l'une demeurera entre les mains de l'officier supérieur de l'administration de la marine, une seconde entre celles du receveur des douanes, et la troisième sera remise à l'armateur ou à celui qui le représentera.

ART. 79. — Il sera aussi procédé sans délai à la vente provisoire des effets sujets à dépérissement, soit sur la réquisition de l'officier d'administration, soit à la requête de l'armateur ou de celui qui le représentera. Pourra même l'officier supérieur de l'administration de la marine, lorsque les prises seront évidemment ennemies, permettre la vente tant du navire que des cargaisons sans attendre le jugement de bonne prise, laquelle vente se fera dans le délai qui aura été fixé par ledit officier supérieur, et toutefois après que les formalités prescrites par l'article 36 (1) auront été remplies.

-

ART. 80. Si la prise a été faite sous pavillon neutre ou n'est pas évidemment ennemie, la vente, même provisoire, ne pourra avoir lieu sans le consentement du capitaine capturé, et, en cas de refus, s'il y a nécessité de la vendre, cette nécessité sera constatée par une visite d'experts nommés contradictoirement par l'armateur ou son représentant et ce même capitaine, ou d'office par l'officier supérieur de l'administration de la marine.

ART. 81. S'il se présente des réclamants, les effets par eux réclamés pourront leur être délivrés par l'officier d'administration, suivant l'estimation qui en sera faite à dire d'experts, pourvu que lesdites réclamations soient fondées en titre valable, à la charge par celui qui les aura faites de donner bonne et suffisante caution, faute de quoi il sera passé outre.

L'article 82 fixe les conditions générales de ces ventes, matière dont s'occupe également l'art. 15 de l'arrêté du 6 germinal an VIII.

(1) Cet article s'occupe des prises constamment ennemies. Deux cas peuvent se présenter: ou les objets chargés sur la prise sont sujets à dépérissement, alors la loi en prescrit la vente immédiate; ou les objets ne sont pas sujets à dépérissement, alors la loi laisse à la discrétion de l'officier supérieur de la marine de déterminer si la vente doit avoir lieu avec délai ou bien si elle doit être retardée jusqu'au jugement.

§ 3072. Les dispositions contenues dans ces arrêtés ont été appliquées en différentes occasions par le conseil des prises et la Cour de cassation.

Cas pratiques.

Faux pa

piers de bord;

pavillon.

La Nancy contre

Ainsi, dans l'affaire du smogleur la Nancy, capturé par le corsaire l'Enjôleur, le conseil des prises (27 thermidor an IX) décida simulation de que lorsqu'il résulte de l'interrogatoire du capitaine capturé et de son équipage que le navire est ennemi, cette déclaration òte juri- rEnjôleur. diquement toute valeur aux inductions contraires tirées des pièces trouvées à bord au moment de la prise. Le capitaine de la Nancy, revenant sur ses premiers aveux, prétendait que son bâtiment était un smogleur français ou du moins franco-batave, puisqu'il appartenait au port de Flessingue possédé en commun par la République Française et par la République Batave, qui toutes les deux y percevaient alternativement les impôts.

A ces moyens de défense, le commissaire du gouvernement français opposa les conditions suivantes : « La Nancy n'est pas un smogleur batave, mais bien réellement anglais. Les réponses du capitaine et celles de l'équipage lors de leur interrogatoire ne permettent pas le plus léger doute à cet égard. Le capitaine, qui est Anglais, a reconnu que le navire et la cargaison lui appartenaient, que son navire était du port de Leeds, en Angleterre, que son équipage se composait exclusivement de matelots anglais, que ses papiers étaient simulés et qu'il ne les avait pris qu'en vue de mieux assurer la liberté de sa navigation. Il n'a pas dit un seul mot des lettres de bourgeoisie. Je ne prétends pas inférer de là qu'elles soient matériellement fausses; mais il y a lieu de supposer qu'elles ont été préparées d'avance afin de mieux cacher la simulation de pavillon, dont le capitaine a fait l'aveu. » Le conseil, adoptant l'avis du commissaire du gouvernement, valida la prise de la Nancy et l'adjugea avec sa cargaison aux armateurs et à l'équipage de l'Enjôleur*.

Fausses déclarations

du

La Cybele

§ 3073. Dans l'instance pendante entre le navire autrichien la Cybèle et le corsaire français l'Achille, qui l'avait capturé, le même capteur. tribunal décida (13 ventôse an X) que la prise doit être déclarée nulle lorsque le capteur déclare faussement dans son procès-verbal l'Achille. de prise: 1° qu'il y a eu combat, tandis que, au contraire, le na

• Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 8, ch. II; Barboux, Jurisprudence du conseil des prises, pp. 45 et seq.; Valin, Traité, ch. v, sect. 3; Gessner, pp. 399 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 7, §§ 271 et seq.; Merlin, Répertoire, v. Prises marit.; Lebeau, Code des prises; Massé, t. I, § 415; Hautefeuille, Des droits, t. III, tit. 13, ch. 1, sect. 2, § 2.

contre

Semonce et faux pavillon.

tre le John

William.

vire capturé s'est rendu sans résistance; 2° que l'équipage entier a pris la fuite, tandis que tous les hommes sont restés à bord après la prise et qu'ils n'ont quitté le bâtiment que sur l'ordre et d'après le consentement formel du corsaire; et 3° lorsqu'à son arrivée il dissimule la présence à bord de plusieurs matelots du bâtiment capturé, qu'il ne fait comparaître pour l'interrogatoire que plusieurs jours après son arrivée au port.

§ 3074. A propos de la capture du navire anglais le John-William Le Pour par le corsaire le Pourvoyeur la Cour de cassation jugea (19 gervoyeur con- minal an VII) que lorsqu'il s'agit de savoir si un corsaire français a tiré le coup de semonce et fait une prise sous pavillon étranger, les juges doivent interroger non seulement l'équipage capturé, mais encore les officiers et les matelots du bâtiment capteur »; elle cassa en conséquence le jugement du tribunal de Calais, qui, se contentant de la déposition des gens du navire capturé sans confronter ceux-ci avec l'équipage du capteur ni recourir aux autres sources d'information prescrites par la loi, avait admis comme prouvé le fait de semonce sous un faux pavillon et dépouillé le capteur en adjugeant la prise à l'État *.

Décisions des conseils des

§ 3075. Pendant la dernière guerre contre l'Allemagne, la France prises fran- institua deux conseils des prises: l'un a siégé à Paris du 22 ocla guerre avec tobre 1870 au 7 janvier 1871, sous la présidence de M. de Clercq, en 1870-1871. ministre plénipotentiaire et membre du comité du contentieux des

çais pendant

l'Allemagne

affaires étrangères; l'autre a fonctionné à Tours et à Bordeaux. Parmi les décisions rendues par ces conseils aucune ne s'applique à des espèces ou à des points de droit absolument nouveaux. Tous les bâtiments avaient été pris sous pavillon ennemi par des croiseurs de la marine militaire : circonstance qui a naturellement entraîné leur condamnation et leur adjudication au profit des capteurs, sous réserve des droits dévolus à la caisse des invalides de la marine.

Il n'en a pas été de même de leurs cargaisons. Les conseils, se guidant sur la déclaration du congrès de Paris du 16 avril 1856, n'ont prononcé la confiscation des objets trouvés à bord au profit des capteurs que lorsqu'ils ont pu constater que les marchandises appartenaient réellement et en toute propriété à des sujets ennemis; toutes les fois, au contraire, qu'il a été prouvé qu'elles appartenaient à des neutres, les conseils en ont ordonné la restitution

Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 8, ch. 11; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 7, §§ 271 et seq.

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