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immédiate à leurs propriétaires, à la charge par eux de payer les frais de procédure, de gardiennage et de magasinage, et le fret jusqu'au port où le navire capturé avait été conduit.

Dans tous les cas où la neutralité du chargement ne leur a pas paru suffisamment établie, les conseils ont accordé des sursis aux intéressés jusqu'à due justification de leur droit de propriété et de leur qualité de sujets neutres.

D'après la jurisprudence invariablement consacrée à cet égard en France, les effets personnels, l'argent, les instruments nautiques et les pacotilles reconnus appartenir en propre aux capitaines et aux équipages des navires capturés ont été restitués intégralement et sans frais aux ayants droit.

§ 3076. Comme exemple de la procédure que nous venons de résumer, nous croyons utile de reproduire les motifs sur lesquels le conseil des prises de Paris, sous la présidence de M. de Clercq, a basé sa décision dans les deux cas suivants (audience du 31 décembre 1870):

Cas

pratiques,

Dans l'affaire du trois-mâts prussien Johann, capturé par l'aviso Le Johann. de la marine française le Bougainville et amené à Cherbourg, le navire a été déclaré de bonne prise comme propriété ennemie ; la pacotille, les effets personnels, les instruments et les cartes ont été restitués au capitaine; quant à la cargaison, revendiquée par les chargeurs et des consignataires établis en pays neutre, une partie a été déclarée de bonne prise, tandis que l'autre partie a dû être restituéc aux réclamateurs ou à leurs ayants cause, contre le remboursement des frais de garde, procédure ou autres, et contre paiement, en faveur des capteurs, à qui le montant en est adjugé dans les conditions réglementaires, du fret proportionnel acquis au navire depuis Cherbourg. Cette sentence est précédée de considérants longuement développés, desquels nous extrayons ceux qui ont le plus particulièrement trait à la cargaison :

« Considérant que des actes notariés et autres documents produits à l'appui de la requête résulte la preuve manifeste que les réclamateurs des marchandises inscrites sur les connaissements cotés 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 19 sont tous sujets neutres et propriétaires de denrées qui leur étaient expédiées par leurs correspondants de Belize;

<< Considérant que pour les connaissements cotés 15 et 17 le chargeur est le sieur Cramer, qui ne justifie pas avoir perdu sa qualité de sujet allemand, mais que le destinataire C.-W. Dieseldorff, d'origine hambourgeoise, a été naturalisé dans le Honduras

Le Paul-
Auguste.

britannique et a établi en due forme sa qualité de propriétaire exclusif de la marchandise qu'il réclame;

<< Considérant que les marchandises inscrites sur le connaissement coté 18, bien que chargées par Hunter et Co, qui semblent être sujets neutres, sont consignées à Schroder et Bœminger, commanditaires de la maison Schroeder, de Hambourg, port ennemi ;

<< Considérant que Schroder et Boeminger sont tous les deux d'origine allemande, et qu'en principe on ne cesse pas d'appartenir à un pays parce qu'on réside dans un autre en vue d'y faire le

commerce;

« Considérant que pour ne plus tenir à sa patrie il faut y avoir renoncé par l'adoption d'une patrie nouvelle, c'est-à-dire par la naturalisation, seule capable de donner l'intégralité des droits du citoyen ;

<< Considérant que de même qu'un neutre malgré sa résidence en pays ennemi ne perd pas de plein droit sa qualité de neutre, la résidence commerciale d'un ennemi dans un port neutre ne fait pas perdre à celui-ci sa qualité ennemie ;

<< Considérant que Schroeder et Boeminger, en réclamant comme consignataires les quinze balles couperose du connaissement coté 18, ne justifient pas avoir acquis par naturalisation la nationalité anglaise et ne fournissent aucune pièce probante à l'appui de leur prétendu droit de revendication contre les capteurs du Johann;

<< Considérant enfin qu'à l'exception des marchandises consignées à Schroder et Boeminger par le connaissement coté 18, la propriété neutre de la cargaison du Johann, telle qu'elle est spécifiée sur les connaissements cotés 1 à 14 inclusivement, 16 et 19, se trouve dûment justifiée, et doit être restituée aux ayants droit, conformément à la déclaration du 16 avril 1856, etc.

§ 3077. Dans l'affaire du brick prussien Paul-Auguste, capturé par l'aviso à vapeur français le Souffleur, et déclaré de bonne prise comme propriété ennemie, le conseil.

«En ce qui concerne la cargaison;

« Considérant que des trois connaissements trouvés à bord et de l'interrogatoire du capitaine, ainsi que du manifeste de la douane de sortie, résulte la preuve manifeste que la cargaison du PaulAuguste a été embarquée le 17 juin à Terra-Nova, port neutre, à destination de Rotterdam, port également neutre ;

« Considérant que si le soufre dont se compose cette cargaison constitue un article de contrebande de guerre, il n'est cependant

saisissable comme tel, quand ses propriétaires sont neutres, que lorsqu'il est destiné à l'ennemi ;

• Considérant que le Paul-Auguste a embarqué sa cargaison dans un port neutre pour un autre port neutre, à une époque où, la guerre n'étant ni déclarée ni présumable, le soufre constituait un article de commerce licite ;

« Considérant qu'en l'absence de tout indice résultant soit des pièces trouvécs à bord, soit des déclarations faites. par le capturé, il est impossible de déterminer si Wolf et Cie de Terra-Nova, chargeurs du Paul-Auguste, sont propriétaires de la cargaison ou ont agi comme simples commissionnaires d'ordre et pour compte d'un tiers ;

« Considérant que la même incertitude existe quant à la qualité réelle de Schleusner, Stangel et Cie de Rotterdam, mentionnés sur un des connaissements comme consignataires de 2,500 cantars de soufre;

<< Considérant que le surplus de la cargaison du Paul-Auguste, soit 1,300 cantars de soufre, étant consigné à ordre, ne peut être revendiqué contre le capteur qu'à charge de justifier d'un droit de propriété neutre qui ne se laisse induire d'aucune des pièces trouvées à bord de la prise ;

« Considérant que d'après la lettre et l'esprit de la déclaration du congrès de Paris en date du 16 avril 1856, les cargaisons embarquées sous pavillon ennemi ne peuvent être revendiquées par les intéressés qu'à la condition par eux de justifier en due forme de leur droit de propriété et de leur nationalité neutre ;

« Considérant qu'à raison des circonstances, cette double justification n'a pu être faite jusqu'à présent ni par Wolf, Raabe et C1o de Terra-Nova, ni par Schleusner, Stængel et C de Rotterdam, ni par les ayants droit du connaissement à ordre trouvé à bord du Paul-Auguste.

« Décide qu'il est sursis à statuer sur la validité de la capture de la cargaison de soufre trouvée à bord du navire Paul-Auguste jusqu'à ce que les propriétaires aient justifié en due forme de leur qualité de citoyens neutres *.

§ 3078. Les Cours de prises anglaises appliquent en principe le droit international. Pour répéter le langage de Lord Stowell, « la

Conseil des prises, décisions rendues d'octobre 1870, à janvier 1871. Extrait du Bulletin officiel de la marine, Paris, 1871; Bulmerincq, Rapport, p. 216.

anglaise.

Acte 13 Georges II.

Rapport au

roi. 1753.

Devoirs

Cour d'amirauté jugeant en pareille matière est proprement et véritablement une Cour de droit international et n'a pas pour mission d'appliquer les lois particulières de tel ou tel pays ».

On admet toutefois que le droit international trouve son expression dans les actes ou les lois que le parlement juge à propos de voter; et, à vrai dire, on invoque d'une manière directe les principes généraux du droit international que lorsqu'il s'agit de cas non résolus par la loi sur les prises ou par des décisions précédentes.

Depuis 1740, de nombreux actes du parlement ont fixé les règles à suivre dans la procédure en matière de prises.

§ 3079. L'acte 13 Georges II dispose que lorsqu'un certain délai s'est écoulé sans que la prise ait été réclamée, cette prise doit être relâchéc ou condamnée, selon les résultats de l'instruction provisoire. Cette disposition paraît toutefois avoir été rarement appliquée. C'est du moins ce qui ressort d'une lettre écrite par Sir William Scott et Sir J. Nicholl à M. Jay, ministre des Etats-Unis à Londres, lettre dans laquelle ces deux célèbres jurisconsultes adoptent les principes développés dans le rapport présenté au roi d'Angleterre en 1753, auquel nous empruntons les passages suivants :

« Le capteur, aussitôt après avoir amené sa prise dans le port, du capteur doit envoyer ou déposer, sous la foi du serment, au greffe de la Cour d'amirauté tous les papiers qu'il a trouvés à bord du navire capturé. Au bout de quelques jours les commissaires du port où la prise est amenée procèdent, dans la forme prescrite, à l'interrogatoire sommaire (in præparatorio) du capitaine et de quelquesuns des hommes de l'équipage; dès que cet interrogatoire est terminé, le procès-verbal en est également envoyé au greffe de la Cour d'amirauté. Le capteur retire du greffe un avis, qu'il fait afficher à la Bourse royale, et par lequel il porte la capture à la connaissance du public et invite toutes les personnes intéressées à exposer les motifs qu'ils opposent à la condamnation du navire et de la cargaison. A l'expiration d'un délai de vingt jours, l'avis est renvoyé au greffe avec une copie du certificat de sa publication. S'il survient quelque réclamation, alors on instruit la cause en s'appuyant sur les informations et les preuves fournies par les papiers de bord et l'interrogatoire préparatoire.

Devoirs

des neutres.

«Voici maintenant quels sont les devoirs à remplir par les neutres. Dès qu'il arrive dans le port, le capitaine doit dresser un protêt en règle, qu'il transmet avec les enquêtes et documents qu'il juge utiles au correspondant de ses armateurs à Londres, ou au

consul de sa nation, qu'il charge de revendiquer le navire ou la cargaison. Le plus habituellement le capitaine se transporte luimême à Londres pour aviser personnellement à la défense de ses intérêts. L'ayant droit fait alors rédiger par un avocat une requête qui expose sommairement les faits établissant à qui appartiennent le navire et le chargement et prouvant qu'ils ne constituent pas propriété ennemie. La caution pour la garantie éventuelle des frais auxquels le réclamant pourrait être condamné est de 60 livres sterling. D'un autre côté, si le capteur n'avait pas, dès son arrivée au port, rempli les obligations qui lui sont imposées, il pourrait y être contraint, à la demande du défendeur. »

§ 3080. Quant aux formes de la procédure, le document que nous analysons les résume en ces termes :

« La sentence d'absolution ou de condamnation avec ou sans frais repose, en première instance, exclusivement sur les pièces. de bord et sur les déclarations sous serment des capitaines et des officiers des deux navires. Si ces documents ne fournissent aucun motif à condamnation, on prononce la relaxation de la prise; dans le cas, au contraire, où ils laisseraient subsister quelque doute, on doit rechercher de nouvelles preuves.

« La revendication du navire et du chargement doit être poursuivie par une personne qui déclare sous serment qu'elle considère la demande comme fondée. En matière de droit international, la bonne foi est de rigueur; les navires doivent donc être munis de papiers complets et authentiques, et le capitaine est tenu de connaître exactement ses devoirs.

« Le droit international exige que, lorsque le réclamant a par sa faute éveillé des soupçons, il soit condamné à une quote-part proportionnelle des frais, même quand le navire est relâché. C'est ce qui a lieu notamment en cas d'irrégularité, de falsification ou de jet à la mer des papiers de bord, ou bien encore s'ils ont fait naître des doutes sur leur authenticité, ou si, dans le cours de l'instruction, il y a eu de la part du capitaine et des officiers soit des dépositions contradictoires, soit impossibilité de se prononcer sur la propriété neutre ou ennemie du navire ou de la cargaison. Toutes les fois que la prise n'est pas déclarée bonne et valable, le capteur est condamné aux frais de procédure et à des dommages et intérêts en faveur du capturé.

Lorsque le caractère de la prise ne ressort pas clairement des papiers de bord et de l'instruction préparatoire, on accorde parfois au réclamant la faculté d'en fournir la preuve à l'aide de déposi

Procédurs.

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