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Législation nord-améri

caine.

tions de témoins spéciaux (affidavits); si ces témoignages lui font défaut ou ne suffisent pas à établir ses droits, on s'arrête à la présomption légale que les biens capturés constituent propriété ennemie. Enfin, toutes les fois que les documents et les personnes trouvés à bord ne fournissent pas de preuves dignes de foi, le capteur peut recourir à d'autres moyens, aux frais du défendeur, qui ne peut imputer qu'à lui-même d'avoir fourni des éléments insuffisants d'appréciation *. »

§ 3081. Story fait remarquer avec raison que nulle procédure n'offre des différences aussi nombreuses et aussi frappantes que celles qui existent entre la marche adoptée par les tribunaux ordinaires de justice et les formes consacrées par les Cours de prises. « Dans celles-ci, ajoute-t-il, l'instruction, la nature des preuves et les formes de procédure reposent sans doute, en général, sur les règles du droit civil, mais avec toutes les modifications et les transformations exigées tantôt par les belligérants, tantôt par les

neutres. »

D'après la législation nord-américaine, la production des preuves puisées dans les pièces de bord et dans l'interrogatoire de l'équipage suit immédiatement l'achèvement de l'instruction préliminaire de la cause, et est admise aussi bien en première instance qu'en appel. Les formes de procédure sont d'ailleurs les mêmes qu'en Angleterre.

Une des obligations les plus essentielles imposées aux capteurs par la législation nord-américaine est celle d'amener sans retard la prise dans un port de l'Union pour y être jugée par le tribunal compétent; l'oubli de cette injonction entraîne pour le capteur condamnation à dommages ct intérêts envers le neutre dont il a saisi les biens.

Pour arriver à la restitution de la propriété capturée, l'ayant droit est tenu d'accompagner sa demande d'une déclaration par témoins établissant la réalité des faits qui militent en sa faveur. Tant que cette déclaration n'a pas été produite, on ne lui permet pas de contrôler le dossier de l'affaire, en raison des graves inconvénients qui en pourraient résulter. Dans quelques occasions cependant, le juge autorise la communication de certaines pièces, afin que le défendeur puisse préciser les points principaux de sa réclamation.

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* Phillimore, Com., v. III, § 440; Gessner, pp. 403 et seq.; Wildman, v. II, ch. x; Wheaton, On captures, app.; Wheaton, Reports, v. I, p. 494.

Les tribunaux nord-américains, s'écartant sur ce point des usages suivis par les Cours anglaises, ne rendent leur jugement sous forme de décision interlocutoire qu'après la solution finale de toutes les questions pendantes. Les sentences prononçant relaxation des prises sont tantôt pures et simples, tantôt accompagnées d'une condamnation au paiement des frais.

lité de l'Etat.

§ 3082. La sentence du tribunal de prises met fin à la respon- Responsabisabilité du capteur en même temps qu'elle donne ouverture à celle de l'État. Un semblable jugement est bien définitif à l'égard des sujets du pays; mais il ne saurait avoir le même caractère à l'égard des étrangers, dont les gouvernements peuvent, certaines circonstances étant données, exiger que leurs nationaux soient dédommagés des préjudices qu'ils ont soufferts et, en cas de refus, recourir soit à des actes de représailles, soit à une rupture d'hostilité.

Ce principe est défendu par un grand nombre de publicistes et repose sur des précédents historiques, parmi lesquels on peut citer le différend survenu en 1753 entre l'Angleterre et la Prusse, ainsi que celui que les États-Unis eurent avec le Danemark en 1830 et dont nous avons parlé ailleurs. Quant à nous, il nous est difficile de l'accepter sans réserve et d'admettre que, sauf les cas de déni formel de justice ou de violation manifeste des règles les plus sacrées du droit international, un jugement de Cour de prises ne soit. pas aussi obligatoire pour les étrangers que pour les nationaux. La souveraineté des États et l'indépendance absolue de leurs tribunaux exigent également que les sentences judiciaires, lorsqu'elles sont devenues définitives, soient acceptées et respectées comme telles par tous ceux dont elles affectent les intérêts

Frais et indemnités

de

de préjudices.

§ 3083. Tout capteur est responsable des prises qu'il fait et des préjudices que ces actes ont occasionnés à des tiers. Lors donc que dommages et la capture n'est pas déclarée bonne et valable par les tribunaux appelés à la juger et que la restitution aux ayants droit en est ordonnée,

Halleck, ch. XXXI, §§ 20 et seq.; Phillimore, Com., v. III, pp. 560 et seq.; Dana, Elem. by Wheaton, note 186; Wildman, v. II, ch. x; Boeck, Propriété privée ennemie, § 372; Bulmerincq, Rapport, p. 184.

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Wheaton, Elém., pte. 4, ch. II, § 16; Grotius, Le droit, liv. III, ch. II, $5; Bynkershoek, Quæst., lib. I, cap. xxIv; Vattel, Le droit, liv. II, ch. XVIII, § 350; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. Ix, § 19; Martens, Précis, § 257; Manning, pp. 383, 384; Halleck, ch. xxxI, §§ 16, 17; Bello, pte. 2, cap. v, § 4; Martens, Essai sur les armateurs, ch. 1, § 4; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 6; Vergé, Précis de Martens, t. II, p. 191; PradierFodéré, Vattel, t. II, pp. 330, 331.

Cas du

navire Ostee. 1854.

il peut, suivant les circonstances, être condamné soit à des dommages et intérêts, soit au paiement des frais de procédure; sous ce rapport les tribunaux sont souverains pour apprécier s'il y a lieu ou non à indemnité.

Hautefeuille fait à ce sujet l'obscrvation suivante: «< Les traités et l'usage général des nations ont admis que cette séparation serait faite par le paiement à la partie saisie de tous les dommages qu'elle a pu éprouver et des bénéfices dont elle a été privée; mais pour donner ouverture au droit de réclamer des dommages et intérêts il ne suffit pas que la saisie ait été jugée non valable; il est nécessaire que le jugement constate que la saisie était dénuée de fondement au moment même où elle a été opérée. »

Hautefeuille ajoute que le capteur ne peut jamais être tenu à des dommages et intérêts lorsque le relâchement a été amené par des pièces qui ne se trouvaient pas sur le navire au moment de la saisie.

§ 3084 En 1854, pendant la guerre de Crimée, l'Ostee, se rendant, sous pavillon mecklembourgeois de Cronstadt à Elseneur, fut saisi par un vaisseau de guerre anglais et envoyé à Londres pour être jugé comme prise. Après l'examen des papiers de bord. et l'interrogatoire ordinaire de l'équipage, on constata qu'il n'y avait pas lieu de le condamner. Le navire et son chargement furent rendus aux ayants droit, mais sans frais ni dommages et in

térêts.

Appel ayant été interjeté devant le conseil privé, les membres de ce conseil, dans le jugement qu'ils rendirent, émirent l'avis que la restitution d'un navire et de son chargement peut entraîner selon les circonstances de l'affaire l'une ou l'autre des conséquences suivantes: 1° les ayants droit peuvent être enjoints de payer aux capteurs leurs frais et dépens; ou 2o la restitution peut être une restitution purc et simple, sans frais, dépens ou dommages et intérêts à l'une ou à l'autre partie; ou 3° les capteurs peuvent être enjoints de payer des frais ou des dommages et intérêts aux ayants droit. Ces prescriptions répondent aux différentes circonstances dans lesquelles les captures peuvent s'effectuer, mais qui ne fournissent pas en définitive de juste cause de condamnation.

Un navire peut avoir occasionné sa capture par sa propre conduite; or en pareil cas il est raisonnable qu'il doive indemniser les capteurs des dépenses que sa conduite a causées; ou bien il peut, sans qu'il y ait faute de sa part, se trouver dans une situation suspecte de nature à donner le droit ou même à imposer le devoir à

un belligérant de le saisir. Il peut y avoir faute de la part du capteur ou de celle du capturé; or dans ces cas il peut exister damnum absque injuria (dommage par suite de préjudice) et n'y avoir lieu qu'à restitution pure et simple. Un troisième cas peut se présenter, où non seulement le navire n'est point en faute, mais encore ne fournit, par quelque acte de son fait, volontaire ou involontaire, aucun sujet légitime de soupçon; en pareil cas, un belligérant peut à ses risques et périls le saisir en courant la chance de rechercher et de produire quelque fait propre à justifier la capture; mais s'il n'y parvient pas, il paraît raisonnable qu'il paic les frais et les dommages qu'il a occasionnés.

Les membres du conseil privé admirent que l'affaire qui leur était soumise rentrait sous une de ces trois règles, et ils accordèrent aux ayants droit leurs frais dans la juridiction inférieure, mais non en appel. Ils leur allouèrent aussi des dommages, dont le montant devait être fixé par le Registrar et des négociants. Ce montant fut plus tard payé par le gouvernement anglais.

Les frais et les dommages, lorsqu'ils sont décrétés contre les capteurs, ne le sont pas à titre de pénalité, mais de compensation à la partie lésée. Pour exempter les capteurs des frais et des dommages en cas de restitution, il faut qu'au navire ou au chargement se rattachent quelques circonstances donnant de justes raisons de croire que le navire ou le chargement pouvaient se trouver en état de prise légitime. On ne saurait définir ce qui au juste constituc cette cause probable de nature à justifier une capture: elle doit se régler d'après les circonstances particulières à chaque cas. Il n'est pas nécessaire, pour faire condamner les capteurs à payer des frais et [des dommages, de prouver qu'ils ont tenu une conduite vexatoire. Une erreur commise de bonne foi, quoique occasionnée par un acte du gouvernement, n'affranchit pas non plus les capteurs de l'obligation d'indemniser un neutre des dommages que les capteurs lui ont fait éprouver par leur conduite.

Dans le cours de leur jugement, les membres du conseil privé déclarèrent en outre que la loi qu'ils allaient poser ne pouvait être limitée à la marine anglaise; la règle doit s'appliquer aux capteurs en général, à quelque nation qu'ils appartiennent. On ne peut permettre à aucun pays d'établir une règle exceptionnelle en sa propre faveur ou en faveur de classes particulières de ses sujets. Les décisions rendues par des tribunaux étrangers sur le droit des gens ont droit à la même portée que celles des autres tribunaux où siège

Loi des Etats-Unis.

le tribunal qui les a rendues. L'Amérique a emprunté presque tous ses principes de jurisprudence sur les prises aux décisions des tribunaux anglais, et, quel qu'ait pu être le cas autrefois, aujourd'hui il n'est pas d'autorités que les tribunaux anglais ne citent, dans les affaires où elles sont applicables, avec plus de respect que celles des jurisconsultes distingués de France ou d'Amérique. Les raisons qu'on fait valoir pour justifier ou excuser la conduite d'un officier de la marine anglaise doivent être admises par les tribunaux de tous les pays des deux côtés de l'Atlantique pour justifier ou excuser les capteurs de leur nationalité respective.

§ 3085. D'après la loi des États-Unis (acte du 26 juin 1812, section 6) les Cours compétentes pour statuer en cette matière sont autorisées à restituer les prises en totalité ou en partie lorsque la capture a été faite sans cause juste; si elle a été faite sans cause probable ou autrement sans raison plausible, elles peuvent adjuger à la partie lésée des dommages et intérêts. Pour baser une sentence de ce genre, on se guide en général d'après l'intention et le degré de bonne foi qui ont dù faire agir les capteurs; il est rare qu'un tribunal alloue des indemnités pour la simple erreur qu'il a pu commettre, à moins que les conséquences n'en aient été très sérieuses pour les intéressés. Lorsque la prise déclarée non valable par les tribunaux s'est perdue par la faute ou la négligence de ceux qui s'en sont emparés, ces derniers sont tenus de payer la valeur du bâtiment et du chargement à ses propriétaires et de leur rembourser des frais qu'ils auront pu faire et même le montant de la prime d'assurance, si elle a été payée. Les tribunaux de prises ont beaucoup discuté les questions relatives à la responsabilité qui incombe à des propriétaires de navires armés en course, ainsi qu'aux chefs d'escadre, pour les prises faites par leurs subordonnés. Ces chefs ont à répondre de toutes les fautes ou délits que commettent les gens sous leurs ordres, soit en leur présence, soit d'après les instructions qu'ils leur donnent. Quant aux frais et aux indemnités à payer aux parties lésées, on suit à cet égard la règle générale d'après laquelle l'offenseur est seul responsable. Aux États-Unis, on fait peser sur les chefs d'escadre et les propriétaires de navires en course jusqu'à la responsabilité des actes commis par simple autorisation; en Angleterre, au contraire, il est indispensable que les ordres donnés soient positifs et formels. Les armateurs et les capitaines de corsaires sont responsables des captures illégales jusqu'à concurrence de la valeur totale des pertes qu'ils ont réellement occasionnées. Les répondants ne sont respon

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