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duction faite des dépenses nécessaires, sera remis de la même manière au gouvernement du capteur pour être distribué conformément à ses lois et règlements*. »

Situation spéciale des

§ 3102. Les corsaires, n'étant pas obligés, comme les bâtiments. de guerre, d'attaquer l'ennemi partout où ils le rencontrent, ne corsaires. jouissent pas de l'ensemble des droits et des avantages acquis aux navires de la marine militaire, c'est-à-dire qu'on ne leur applique pas la présomption de l'animus capiendi: leur intention de procéder ou de coopérer à une capture doit être démontrée par des actes précis, ou établie par des preuves non équivoques. C'est généralement en vue d'avantages personnels qu'ils se munissent de lettres de marque; on ne saurait donc équitablement les mettre sur le même pied que ceux qui agissent en vertu de l'engagement solennel que leur mandat leur impose; aussi refuse-t-on aux corsaires toute participation aux prises pour le fait seul de s'être trouvés en vue lorsque les captures ont été opérées. On comprend en effet que procéder différemment donnerait lieu à de nombreux abus, un corsaire pouvant, par exemple, être tenté de suivre à distance une escadre ou une division navale pour profiter sans danger et sans peine du butin fait sur l'ennemi **.

en

Prises faites

commun

saires et des bâtiments de

§ 3103. Dans le cas de prises opérées par un corsaire conjointement avec un bâtiment de guerre, les droits de ce dernier ne par des corpriment pas ceux qui appartiennent en propre au corsaire, et il y a lieu à concert entre eux pour la surveillance des intérêts respectifs et la sauvegarde des droits des tiers.

Quand, la poursuite ayant eu lieu en commun, le corsaire se trouve le premier à portée de canon et ouvre son feu, tandis que le navire de guerre s'empare réellement de la prise, on les considère tous deux comme l'ayant faite en commun, et le bénéfice en est partagé entre eux par portions égales. Dans le cas où un des capteurs a eu à supporter des dépenses pour la conservation des intérêts communs, le remboursement s'en effectue sur la totalité de la prise, et le restant net donne seul lieu à la répartition réglementaire ***.

*Pistoye et Duverdy, t. II. p. 447; Phillimore, Com., v. III, §§ 400, 401; Twiss, War, § 185; Halleck, ch. xxx, § 16; Merlin, Répertoire, v. Prises marit.; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2, no 341; Ortolan, Règles, t. II, app., pec.; Dana, Elem. by Wheaton, note 185.

Phillimore, Com., v. III, §§ 387,388; Wildman, v. II, pp. 341, 342; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. xxx, § 17; Bynkershoek, Quæst., lib. I, cap. xvIII. Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 9, ch. 11; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2, no 340; Wildman, v. II, p. 345; Halleck, ch. xxx, § 23.

guerre.

Législation française.

Règlement du 27 janvier 1706.

§ 3104. Le règlement du 27 janvier 1706 et le décret du 9 septembre 1806 sont les dispositions qui régissent en France le partage ou la répartition des prises faites par les corsaires, soit en commun, soit avec les bâtiments de l'Etat, soit avec le concours d'un ou de plusieurs navires étrangers ou appartenant à une nation alliéé.

Le règlement de 1706 porte:

« ARTICLE PREMIER. Aucun ne pourra être admis au partage d'un vaisseau pris sur l'ennemi, s'il n'a contribué à l'arrêter ou contracté société avec celui qui s'en est rendu maître.

« ART. 2. — Celui qui prétend partager un vaisseau ne sera point censé avoir contribué à l'arrêter, s'il n'a combattu, ou s'il n'a fait tel effort qu'en intimidant l'ennemi par sa présence et en lui coupant le chemin et l'empêchant de s'échapper il l'ait obligé à se rendre, sans qu'il lui suffise d'avoir été en vue et d'avoir donné la chasse, lorsqu'il sera prouvé que cette chasse aura été inutile.

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« ART. 3. Les armateurs qui établiront leur demande en partage sur une convention de partager les prises faites tant en présence qu'en absence, ne pourront justifier cette convention que par acte qui en contiendra les conditions et signé des capitaines ou de leurs écrivains en leur présence, s'ils ne savent signer, ce dont il sera fait mention dans l'acte; défendant Sa Majesté d'avoir aucun égard aux sociétés verbales, qu'elle déclare nulles et de nul

effet.

« ART. 4. Les armateurs qui donneront la chasse à un vaisseau ennemi et qui en apercevront plusieurs autres pourront néanmoins, en se séparant pour les poursuivre, convenir par des signaux de s'admettre réciproquement au partage des différentes prises qu'ils feront.

« ART. 5. Lorsque plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront donné en même temps dans une flotte, ils partageront entre eux, à proportion du calibre de leurs canons et de la force de leur équipage, le produit de tous les bâtiments qui en auront été pris, de même que s'ils avaient fait société, ayant tous également contribué à la prise.

« ART. 6. Les prisonniers trouvés sur les vaisseaux ennemis seront exactement interroges par les officiers des amirautés, tant sur le nombre des vaisseaux qui leur ont donné la chasse et qui ont contribué à les arrêter que sur les signaux qu'ils auront aperçus.

« ART. 7. - Ces mêmes officiers interrogeront aussi les équipages des armateurs, s'ils en sont requis, sur la vérité des signaux. >>

Décret du

9 septembre

§ 3105. Comme complément de ce règlement, l'empereur Napoléon I promulgua le 9 septembre 1806 un décret, qui fixe la valeur 1806. relative des armes et détermine par rapport aux hommes d'équipage la part revenant à chaque corsaire dans les captures opérées en commun. En voici les principales dispositions :

« ARTICLE PREMIER.

Lorsque deux ou plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront fait concurremment une prise, son produit sera partagé en proportion du calibre des canons, caronades, et obus montés sur affûts, en batterie et prêts à tirer, dont chaque corsaire sera armé, et du nombre d'hommes composant l'équipage de chacun d'eux.

« ART. 2. — Les caronades dont chaque corsaire se trouvera armé seront évaluées ainsi qu'il suit : une caronade de 12 livres de balles sera considérée comme un canon de 6; une caronade de 24 comme un canon de 12, et ainsi de suite.

« ART. 3. Trois pierriers d'une livre de balles chacun seront évalués comme un canon de 3.

« ART. 4. Le surplus du règlement du 27 janvier 1706 continuera à avoir sa pleine et entière exécution. »

§ 3106. Nous allons maintenant examiner comment le conseil des prises et le conseil d'Etat ont interprété les prescriptions qui précèdent dans quelques-uns des cas déférés à leur juridiction.

Le navire la Brillante, qui naviguait sous pavillon autrichien, avait été capturé par plusieurs corsaires; un d'entre eux, l'Adolphe, prétendit avoir concouru à la prise. Cette allégation fut contredite par les dépositions de l'équipage capturé, qui établissaient que l'Adolphe, quoique en vue, se trouvait tellement éloigné du lieu du combat qu'aucun de ses boulets n'aurait pu porter. A ce témoignage, l'Adolphe opposait les déclarations des vigies de la côte espagnole, en face de laquelle le combat s'était livré.

Voici quelles furent les conclusions des commissaires du gouver

nement:

« Le corsaire l'Adolphe réclame dans le partage de la prise de la Brillante, navire impérial et par conséquent ennemi. Les corsaires français la Marguerite, l'Espérance et le Furet lui contestent cette part. Le règlement du 27 janvier 1706 concernant le partage des prises est la seule loi à consulter dans cette affaire. Le rappor

Jurisprudenfrançaise.

ce de prises

Capture de la Brillante.

teur a mis sous vos yeux les déclarations des capturés, les certificats de vigie, qui se trouvaient à la suite de l'information prise à Algesiras, enfin tous les moyens que les parties ont fait valoir pour l'intérêt de leur cause. Vous y avez puisé les faits qui doivent servir de base à la décision que vous allez rendre. Je ne me permettrai que de courtes observations.

« Je ferai remarquer d'abord que les déclarations ne doivent ni ne peuvent prévaloir sur le témoignage assermenté de l'équipage capturé, alors surtout que l'on considère l'énorme distance du lieu de la capture à celui où étaient placées les vigies. Le témoignage des vigies est non seulement incertain, mais discordant; car la première affirme que les quatre alliés et le François-Xavier firent route ensemble pour la première relâche, tandis que la deuxième vigie déclare qu'après quelques coups de canon le corsaire espagnol prit route à l'inverse du navire capturé. Le témoignage de l'équipage est au contraire uniforme; celui du capitaine capturé, le plus favorable à l'Adolphe, puisqu'il dit que ce navire fut le premier à faire feu, déclare que ses boulets ne l'atteignaient pas, et qu'il s'est rendu uniquement aux trois corsaires, puisque les autres ne pouvaient en aucune manière l'avoir pris et que, quoique l'Adolphe voulût aller à bord, il ne le put malgré toute la diligence qu'il faisait pour cela, et son équipage riait de voir ce qu'il faisait et de la poudre qu'il employait en vain pendant le temps que dura le combat.

« L'Adolphe s'était principalement basé sur cette déposition pour fonder son droit au partage; il allègue de plus des conventions verbales entre les corsaires du détroit. Il est certain, malgré les dispositions du règlement, que si ce traité verbal existait, les trois corsaires manqueraient à la bonne foi en cherchant à s'y soustraire; mais, outre que ces traités sont prohibés par le règlement, ils ne sont point convenus par les trois corsaires, et dès lors l'application de la loi doit se faire naturellement aux faits connus. Or il est de fait qu'il n'y avait point de traités par signaux. Rien ne prouve qu'il y en a eu de verbaux : un seul témoin dit que l'Adolphe a fait feu le premier sur la Brillante; mais tous s'accordent à dire que son boulet n'arrivait qu'à moitié, qu'il ne pouvait pas même donner la chasse par suite du calme qui régnait. Ses efforts ont donc été impuissants, puisqu'ils ont été inutiles à la capture, suivant l'expression de la loi.

<< On ne peut donc pas dire qu'il ait combattu, parce que le combat est une action réciproque; ni qu'il ait contribué à arrêter

la Brillante, puisque le calme ne lui permettait pas seulement de lui donner la chasse. L'Adolphe ne peut conséquemment point prétendre au partage du navire, d'après les propres termes de la loi.

<< Par ces considérations, je conclus à ce que le navire la Brillante, déclaré constamment ennemi, soit adjugé aux trois corsaires la Marguerite, le Furet et l'Espérance, et à ce que les fins de l'Adolphe tendantes à partage soient rejetées. >>

C'est dans ce sens que le tribunal prononça son jugement, duquel il résulte subsidiairement que « le corsaire qui, quoique présent sur le lieu du combat, n'y a pas pris part utilement, parce que ses boulets ne portaient pas, ne peut prétendre au partage de la prise. » Cette opinion est corroborée par un arrêt du conseil d'Etat du 20 mars 1810, qui a décidé que lorsque plusieurs corsaires réclament une prise, elle ne doit être adjugée qu'à ceux qui ont pris part au combat, ou qui par leurs manœuvres ont déterminé la prise à amener son pavillon.

§ 3107. Le navire suédois l'Aurora fut chassé et capturé le L'Aurora. 8 décembre 1808; la prise, amarinée vers midi et demi, fut conduite vers trois heures et demie dans le port de Boulogne par les trois corsaires le Génie, la Fortune et la Princesse-de-Bologne. Les trois capitaines firent respectivement leurs rapports, et demandèrent, dans des proportions bien différentes, le partage du navire capturé. Le Génie prétendait que la totalité de la prise devait lui appartenir, parce qu'il s'en était emparé seul. La Fortune demandait moitié de la prise, parce qu'elle avait coopéré à la capture du navire. Enfin la Princesse-de-Bologne demandait que la capture fût partagée en trois portions égales, parce qu'elle avait aussi chassé le navire suédois, et que par sa présence et ses manœuvres elle avait intimidé le capitaine capturé et par suite coopéré à la prise.

Voici le jugement qui fut rendu sur cette affaire par le conseil des prises le 2 mai 1809 :

« Au moyen de ce qu'il résulte qu'il n'existait aucune espèce de société entre les corsaires le Génie, la Fortune et la Princesse-deBologne lorsqu'il fut donné chasse au navire ennemi l'Aurora, que même le corsaire le Génie, l'ayant le premier semoncé, l'a seul amariné au moins une demi-heure avant que le corsaire la Fortune l'eut abordé; que, d'autre part, il est établi par les témoignages des vigies et l'instruction que le corsaire la Fortune était à une très petite distance du corsaire le Génie quand le navire capturé a

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