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même, à engager ses sujets par les actes au prix desquels il serait tenté d'acheter sa mise en liberté. En pareil cas; ce sont les corps constitués de la nation, privée temporairement de son souverain, qui sont appelés à exercer le pouvoir de négocier et de conclure la paix. C'est le cas qui s'est présenté en France en suite de la guerre de 1870*.

§ 3127. Souvent les belligérants, quoique également las de la Médiation. guerre, continuent les hostilités, soit par opiniâtreté ou animosité, soit plutôt parce que chacun d'eux craint de faire des avances qu'on pourrait prendre pour un symptôme de faiblesse. Alors des amis communs interposent leurs bons offices, en prenant simplement l'initiative d'une démarche qui ménage les amours-propres respectifs, ou en offrant une médiation qui facilite et détermine les négociations finales de la paix.

Nous avons déjà traité ailleurs de la portée et de la forme de cette médiation, des devoirs et des droits des médiateurs (1).

§ 3128. Mais le cas peut se présenter qu'un État intervenant comme médiateur prétende non seulement donner des conseils, mais les faire prévaloir, en laissant entendre, en déclarant même explicitement qu'il est décidé à imposer par la force les conditions qu'il propose c'est ce qu'on appelle la médiation armée.

Cette médiation armée ne découle pas d'un droit et n'en crée aucun par elle-même; c'est un acte politique dont les gouvernements sont seuls juges et responsables, et dont ils sont maîtres de restreindre ou d'étendre la portée.

Du moment que le médiateur armé se déclare prêt à prendre part à la guerre, si les belligérants n'acceptent pas les conditions qu'il prétend leur imposer, il se place de fait en dehors du droit des gens en temps de paix, et les relations entre lui et les belligérants se règlent d'après la raison d'État et la nécessité **.

Médiation

armée.

§ 3129. L'ouverture des négociations pour la conclusion de la Négociations. paix soulève deux questions préliminaires.

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Vattel, Le droit, liv. IV, § 13; Wolff, Jus gent., § 982; Wheaton, Elem., pte. 4, ch. Iv, § 2; Pando, p. 581; Bello, pte. 2, cap. ix, § 6; Riquelme, lib. I. tit. 1, cap. xIII; Halleck. ch. XXXIV, §§ 3, 4; Morin, Des lois, t. II, p. 545.

(1) Voir pte. 1, liv. XVII, § 1623; liv. XIX, § 1682.

Vattel, Le droit, liv. II, § 328; liv. IV, § 17; Klüber, Droit, § 320; Martens, Précis, § 176; Fiore, t. II, pp. 206 et seq.; Morin, Les lois, t. II, pp. 539, 540; Bello, pte. 2, cap. 1x, § 6; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 306, 307; Funck Brentano et Sorel, p. 312; Heffter-Geffcken, p. 203.

Préliminaires

de paix.

Il s'agit d'abord de savoir quelles formalités seront observées dans la conduite des négociations; or il n'existe point de règles fixes à cet égard, si ce n'est celles qu'implique nécessairement le respect dù à l'égalité et à la dignité des États. S'il surgit quelque difficulté sur un point de forme, on s'entend généralement pour l'aplanir avant d'aborder l'œuvre principale, la discussion et la signature du traité.

Un sujet plus urgent, plus important, c'est le choix de l'endroit où les négociations doivent s'ouvrir et se poursuivre. Cette question est plus du domaine des convenances que de celui du droit international. On recherche surtout un lieu qui soit d'un accès facile et commode pour chacun des belligérants; mais il est rare qu'on choisisse le territoire de l'un d'eux. Le plus souvent les négociations ont lieu sur le territoire d'une puissance neutre, de sorte que toute présomption de pression, d'intimidation ou de coercition quelconque soit écartée. Ainsi c'est à Zurich que fut élaboré et signé le traité de paix qui mit fin en 1857 à la guerre entre la France, l'Autriche et l'Italie; c'est à Bruxelles que furent ouvertes les négociations entre la France et l'Allemagne en 1871, négociations qui furent ensuite continuées à Francfort, où fut finalement conclu le traité de paix du 10 mai 1871. C'est enfin à Berlin que s'est conclue, en 1878, la paix qui a mis fin à la guerre russo-turque (1).

§ 3130. Dans la plupart des cas, de nombreux pourparlers et travaux préparatoires retardent la signature du traité de paix définitif; alors, afin d'assurer immédiatement le rétablissement de la paix, on a recours à une convention provisoire, connue généralement sous la dénomination de préliminaires de paix.

Ces préliminaires ne sont souvent qu'un sommaire abrégé des stipulations essentielles de la paix définitive; mais souvent aussi ils prennent la forme de véritables traités. Dans l'un et l'autre cas, dès qu'ils ont été signés et ratifiés, ils deviennent obligatoires et produisent dans la limite de leur teneur les mêmes effets que les traités définitifs par lesquels ils doivent être remplacés, indépendamment du sort de ces derniers, à moins qu'on ne soit expressément convenu du contraire : ce qui changerait le traité préliminaire en un simple projet.

La conclusion des préliminaires ne suspend pas les négociations pour le traité définitif, lesquelles se continuent dans le même endroit ou dans un autre choisi à cette fin.

(1) De Clercq, t. X.

Comme exemples de traités préliminaires de ce genre nous mentionnerons le traité de Vienne de 1735, la paix de Breslau du 11 juin 1842, celle d'Aix-la-Chapelle du 30 avril 1748, celle de Paris du 30 novembre 1782, entre l'Angleterre et les Etats-Unis, celle de Versailles du 20 janvier 1783 entre l'Angleterre d'une part et la France et l'Espagne de l'autre, et plus récemment les préliminaires de Nicolsbourg du 26 juillet 1866, qui précédèrent la paix de Prague, signée seulement le 23 août suivant par la Prusse et l'Autriche, les préliminaires de Versailles du 26 février 1871, par lesquels furent réglées les relations entre la France et l'Allemagne en attendant la paix, qui fut signée à Francfort le 10 mai suivant, enfin les préliminaires de San Stefano en 1878 *.

§ 3131. Dans les traités de paix, il y a lieu de distinguer les articles généraux et les articles particuliers.

Les articles généraux sont ceux qu'on retrouve dans tous les traités de paix, le plus souvent rédigés dans des termes semblables, et qui comportent généralement le rétablissement de la paix, la cessation des hostilités et de leurs conséquences immédiates, l'échange ou la restitution des prisonniers, l'amnistie, la reprise du commerce, de la correspondance, etc.

Les articles particuliers sont propres à tel ou tel traité pris isolément et n'ont peu ou point de rapports de similitude avec ceux d'autres traités ils renferment plus spécialement les conditions de la paix.

Après l'introduction qui énonce les motifs du traité et les noms des plénipotentiaires, on commence par ranger les articles généraux, puis on fait suivre les articles particuliers; enfin un dernier article règle le mode de ratifications, le temps et le lieu de leur échange.

Quelquefois, après que le traité a été rédigé, on y ajoute des articles séparés, mais en les déclarant expressément aussi obligatoires que s'ils étaient insérés dans le traité même. Ces articles ont ordinairement trait aux conditions mêmes de la paix ou à l'exécution du traité. Ils peuvent être ou publics ou secrets; dans ce dernier cas c'est que leur révélation au public pourrait entraîner quelque danger en raison de leur nature ou de la situation des parties. D'autres fois les articles séparés n'ont la valeur que de

Rédaction du traité de

paix.

Articles généraux.

Articles

particuliers.

Articles

séparés.

Martens, liv. VIII, ch. vIII, § 332; Bluntschli, § 705 bis; Woolsey, § 158; Heffter-Geffcken, pp. 205, 231.

Langue usitée.

Traités où plus de deux

sont parties.

clauses de réserve et d'exception, ayant pour objet d'empêcher que ce qui a été accordé dans l'espèce ne tire à conséquence; ils concernent surtout les titres et la langue dont on s'est servi pour la rédaction du traité.

§ 3132. Chaque nation a le droit d'employer sa langue dans la rédaction des traités de paix. C'est pourquoi dans plusieurs traités rédigés en français, tels que ceux d'Aix-la-Chapelle de 1748 et de Paris de 1763, et l'acte final du congrès de Vienne de 1815, nous voyons insérée la réserve que l'usage de cette langue ne doit pas être regardé comme un précédent pour l'avenir (1)*.

§ 3133. Il peut arriver que plus de deux puissances aient pris puissances une part directe à la guerre, et toutes ces puissances doivent concourir à la paix. En pareil cas ou bien on rédige un seul traité auquel toutes les puissances sont parties contractantes principales; ou bien chaque puissance signe avec son ennemi un traité séparé, duquel il ne résulte ni droit ni obligation pour les autres puissances, à moins que ces traités conclus séparément ne soient rendus communs par un accord exprès; ou bien encore une puissance accède à un traité déjà conclu, auquel elle devient dès lors partie principale, en obtenant ainsi tous les droits et en se chargeant de toutes les obligations qu'elle aurait eues, si elle eùt signé immédiatement le document principal.

Accession

au traité.

Parfois aussi un traité de paix concerne de différentes manières des puissances qui n'ont pas pris une part directe à la guerre, mais qui étaient des auxiliaires, ou qui du moins avaient quelque intérêt à la guerre ou à la paix. Il se peut alors que l'une des puissances contractantes principales stipule quelque chose en leur faveur, soit en les comprenant dans le traité de manière à étendre sur elles la paix et l'amitié, sans toutefois les rendre par là parties contractantes principales, soit en insérant simplement dans le traité une clause qui leur soit particulière; or dans ce cas il n'est pas nécessaire qu'elles signifient formellement leur acceptation. Il se peut encore qu'on ajoute au traité des conventions séparées conclues avec ou entre de tels Etats et que ces conventions soient déclarées faire partie du document principal.

§ 3134. Enfin des tierces puissances peuvent être invitées à accéder au traité en vue d'obtenir leur assentiment ou de leur faire

(1) Pour la langue usitée dans les relations diplomatiques et les traités, voir pte. 1, liv. XVI, § 1319.

Martens, liv. VIII, ch. vIII, §§ 333-338; Woolsey, § 158.

honneur. Toutes les fois qu'une puissance accède à un traité de paix soit dans ces dernières conditions, soit comme partie. principale contractante, elle dresse un acte d'accession, dans lequel le traité de paix est inséré, et les parties principales rédigent un acte d'acceptation, renfermant le traité de paix et l'acte d'accession.

contre le trai

§ 3135. D'autres fois certaines puissances protestent formellement Protestation contre un traité de paix ou contre un ou plusieurs de ces articles; té. dans ce cas, elles adressent un acte de protestation aux principales puissances contractantes. Ainsi le Pape protesta contre le traité de Westphalie, et, avec le roi d'Espagne, contre l'acte final du congrès de Vienne *.

Caractère

général des

paix.

§ 3136. Certains philosophes n'envisagent pas les traités de paix comme autre chose que des conventions momentanées, de traités de simples compromis; ils vont jusqu'à prétendre que si l'on insistait, après des luttes plus ou moins sanglantes, pour obtenir des garanties sérieuses, complètes et absolues, on se flatterait vainement de ne jamais conclure la paix. Sans aller aussi loin, on peut admettre, avec Wheaton, que le seul moyen d'arrêter l'effusion du sang et d'arriver à un règlement amiable consiste à transiger sur les exigences mutuelles; car, malgré l'obligation souscrite par les contractants de maintenir entre eux la paix à perpétuité, rien ne saurait garantir que la guerre ne se renouvellera pas, puisque les traités se rapportent uniquement à la lutte à laquelle ils mettent un terme et signifient simplement que la lutte a pris fin **.

Effets des traités de

§ 3137. Embrassant tous les effets des accords internationaux et des conventions publiques ordinaires, les traités de paix entraî- paix. nent en outre avec eux des conséquences qui leur sont propres et particulières. Nous allons en exposer les plus importantes.

Ces pactes établissent tout d'abord de nouvelles relations entreles contractants; peu importe que la guerre ait été justement ou injustement entreprise par le vainqueur.

La paix termine absolument les différends internationaux et règle d'une manière définitive les contestations qui ont été la cause ou le prétexte des hostilités; aussi faut-il empêcher avec soin que les préjudices occasionnés par la lutte ne servent de motif à de nouvelles disputes; autrement la paix serait à proprement parler une

* Martens, liv. VIII, ch. vIII, §§.336, 337; Woolsey, § 158. **Grotius, Le droit, liv. III, ch. xx, § 19; Vattel, Le droit, liv. IV, § 19 ; Wheaton, Elem., pte. 4, ch. Iv, § 3; Phillimore, Com., v. III, § 509; Kent, Com., v. I, p. 171; Heffter, § 180.

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