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Quant aux territoires et

cupés.

tractés antérieurement à l'état de guerre, notamment ceux qui concernent les territoires occupés par chacun des belligérants ou à eux restitués, pourvu que ces engagements aient établi des rapports permanents et réels inhérents à ces territoires, les choses restituées à chacune des parties étant censées reprendre leur ancien caractère légal.

Il n'altère pas non plus les créances définitives ayant pour objet des prestations déterminées, constatées par des titres non contestés et exigibles déjà avant l'ouverture des hostilités; car la guerre n'est pas une cause destructive des dettes.

Les droits privés des sujets et des souverains belligérants, ainsi que ceux de leurs familles, ne subissent aucun changement, à moins de dispositions particulières.

§ 3150. En résumé, on peut établir que la paix, quand le traité aux lieux oc- ne contient pas de stipulation contraire, ou bien ne change pas la situation dans laquelle les choses sc trouvent au moment de la conclusion, ou les rétablit dans l'état d'avant la guerre. Dans le premier cas, s'il n'en est pas fait mention, les pays et les places occupés ou conquis restent au pouvoir de la partie qui les occupe, par l'application de la règle uti possidetis ou ut res maneant quo sunt loco, c'est-à-dire que les choses doivent rester dans l'état où elles sont au moment de la paix; alors chacun conserve la souveraineté du territoire qu'il occupe. Mais en règle générale, à moins de dispositions expresses, les choses doivent être rétablies telles qu'elles existaient au moment où elles sont tombées aux mains de l'ennemi.

Selon Bello, «< la clause qui replace les choses dans l'état antérieur à la guerre, in statu quo ante bellum, a rapport uniquement aux propriétés territoriales et se borne aux changements que la guerre a produits dans leur possession naturelle; la base de la possession actuelle, uti possidetis, se rapporte, au contraire, à l'époque indiquée dans le traité de paix ou, à défaut, à la date même du traité. >>

Lorsque le traité de paix stipule la restitution du territoire occupé pendant la guerre, le territoire doit être rendu dans l'état où il se trouvait lors de la conclusion de la paix. Toutefois, les changements causés par la guerre ne peuvent faire l'objet de réclamations; mais toute détérioration ultérieure est interdite. L'occupant n'est pas tenu non plus à la restitution des fruits qu'il a perçus ; il a en outre la faculté d'enlever les choses à lui appartenant, de détruire ou d'emporter les ouvrages qu'il a construits à ses frais pendant

l'occupation, et de rétablir les lieux comme ils étaient avant le commencement des travaux. Le traité peut cependant stipuler des arrangements particuliers à cet égard.

Les publicistes ont à ce sujet adopté l'opinion de Vattel, qui dit que « en restituant une chose, on doit rendre en même temps tous les droits qui y étaient attachés lorsqu'elle a été prise; mais il ne faut pas comprendre sous cette règle les changements qui peuvent avoir été une suite naturelle, un effet de la guerre même et de ses opérations*. »

§ 3151. En ce qui concerne les prises maritimes, on conçoit quc les navires, avec leurs chargements, dont la capture a été jugée légitime par les tribunaux compétents des pays belligérants avant la paix, ne soient pas rendus ou ne donnent lieu à aucune indemnité; mais il est d'usage de restituer ceux dont la condamnation n'a pas encore été prononcée au moment de la conclusion de la paix, ou d'en payer la valeur.

Nous trouvons une disposition en ce sens dans le traité de Franc fort du 10 mai 1871 (1), dont l'article 13 est ainsi conçu : « Les bâtiments allemands qui étaient condamnés par les conseils de prises avant le 2 mars 1871 seront considérés comme condamnés définitivement. Ceux qui n'auraient pas été condamnés à la date sus-indiquée seront rendus avec la cargaison en tant qu'elle existe encore. Si la restitution des bâtiments et de la cargaison n'est plus possible, leur valeur, fixée d'après le prix de la vente, sera rendue à leurs propriétaires **.

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§ 3152. Les conventions dont la mise en pratique avait été suspendue pendant la guerre, rentrent en vigueur de plein droit à la conclusion de la paix, à moins qu'elles n'aient été modifiées par le traité de paix ou qu'elles ne se rapportent à des choses que la guerre a anéanties ou matériellement modifiées.

Si le traité de paix modifie les traités antérieurs ou en consacre expressément le renouvellement, ce sont les dispositions du traité de

Vattel, Le droit, liv. IV, §§ 30, 31; Grotius, Le droit, liv. III, ch. xx, §§ 16, 18; Kent, Com., v. I, pp. 171, 172; Heffter, §§ 180, 181; Bello, pte. 2, cap. IX, §6; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. Iv, §§ 3, 4, 6; Halleck, ch. XXXIV, §§ 12, 19; Bluntschli, § 719; Pando, p. 582.

(1) De Clercq, t. X.

Bluntschli, §§ 709, 861, 862; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1v, § 4; Phillimore, Com., v. III, §§ 518, 519; Kent, Com., v. I, p. 171; Massé, t. I, §§ 370 et seq.; Pando, pp. 582 et seq.; Bello, pte. 2, cap. v, § 3; cap. IX, § 3; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. XIII; Villefort, Traités, t. I, p. 71; Boeck, Propriété privée ennemie, $ 245.

Prises

maritimes.

Remise en viguenr des

traités anté

rieurs à la

guerre.

paix qui doivent faire loi dorénavant; mais s'il n'est fait aucune mention particulière à cet égard, les traités antérieurs doivent nécessairement continuer de sortir leur plein et entier effet. Pour qu'ils fussent abrogés définitivement, il faudrait qu'ils n'eussent pas été seulement suspendus, mais invalidés, annulés de fait par la guerre, comme dans le cas des traités d'alliance, qui n'ont plus de raison d'être avec la fin de la guerre; il faudrait encore que leur contenu fut incompatible avec les stipulations du traité de paix, comme ce qui a lieu, par exemple, en ce qui concerne d'anciens traités relatifs à la délimitation des frontières entre deux Etats. Ces traités restent en vigueur, si la paix n'entraîne pas une cession du territoire et partant une modification de la frontière; mais ils cessent de fait, si la frontière ne reste plus la même.

L'histoire des Etats-Unis nous fournit un exemple des difficultés que peut faire naître le silence gardé dans un traité de paix au sujet d'anciens traités. L'Angleterre, aux termes du traité du 3 septembre 1783 (1), par lequel elle reconnaissait l'indépendance de ses anciennes colonies, avait accordé aux Etats-Unis le droit de pêcher sur les côtes des possessions anglaises de l'Amérique du Nord. On conçoit que le bénéfice de cette concession avait été interrompu et rendu illusoire pendant la guerre entre les deux parties, à laquelle mit fin le traité de Gand en 1814. Or, ce traité n'ayant rien dit au sujet des pêcheries américaines, lorsque les Etats-Unis voulurent de nouveau profiter des droits qu'ils tenaient des traités antérieurs à la guerre, l'Angleterre prétendit qu'ils avaient été abrogés par les hostilités et que la paix ne les faisait point revivre; que c'était dans ce sens que devait être interprété le mutisme du traité à leur sujet. Le gouvernement de Washington soutint que le traité de 1783 avait un caractère permanent, que la guerre de 1812 n'avait fait que le suspendre, mais ne l'avait pas abrogé. La justice de la cause des Etats-Unis était tellement évidente que l'Angleterre finit par consentir à signer en 1818 un traité spécial, accordant aux pêcheurs des Etats-Unis le droit de pêcher dans certaines parties déterminées des côtes britanniques.

Lorsque, par suite du traité de paix, un Etat est privé d'une existence indépendante, il est évident que les contrats publics passés avec cet Etat cessent avec la cessation de sa personnalité distincte, comme cela a eu lieu par rapport à la Pologne après

(1) Elliot, v. I, p. 237; State papers, v. I, p. 779; Martens, 1 édit., t. II, p. 497; 2. édit., t. III, p. 553.

son partage, et à la Crimée, après sa soumission à la Russie en 1783*

§ 3153. La plupart des publicistes s'accordent à admettre que les obligations découlant d'un traité de paix doivent être remplies à partir du moment de sa conclusion. Toutefois des doutes se sont élevés sur la question de savoir si le traité doit être considéré comme parfait et définitivement obligatoire aussitôt qu'il est revêtu de la signature des plénipotentiaires, ou bien s'il faut attendre l'échange des ratifications. C'est cette dernière opinion qui a généralement prévalu de nos jours.

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« Les engagements, dit Rayneval, datent communément du jour Rayneval. de l'échange des ratifications, à moins d'une stipulation contraire. D

Vattel est d'avis que le traité ne lie les sujets des États qu'après qu'il leur a été dùment notifié.

«Le traité, dit Bluntschli, n'est parfait qu'après l'échange des ratifications; l'exécution ne peut donc en être exigée qu'à partir de cette date. »

Selon Phillimore, « le moment précis où le traité public commence à entrer en vigueur est, comme pour les contrats privés, le jour où il a subi toutes les formalités nécessaires et où il a été ratifié. A partir de ce moment, toutes les hostilités doivent cesser, à moins qu'une date particulière n'ait été fixée pour le commencement de la paix. »

Au dire de Hefftér également, les ratifications sont le complément nécessaire de la validité des traités, lors même qu'elles n'ont pas été expressément réservées. Du reste, ainsi que le fait observer Geffcken, les ratifications sont toujours réservées aujourd'hui. Tant qu'elles n'ont pas eu lieu, le traité n'existe pas

§ 3154. Heffter pense que « toutes les fois qu'un traité de paix n'indique aucun délai pour leur cessation, les hostilités doivent s'arrêter à l'instant même de la signature du traité par les plénipotentiaires des belligérants ». Le traité peut avoir un effet rétroactif, qui remonte jusqu'à la

Wheaton, Elém., pte. 2, ch. 1, §§ 9 et seq.; Vattel, Le droit, liv. IV, ch. XXIII; Phillimore, Com., v. III, §§ 529 et seq.; Kent, Com., v. I, pp. 177, 178; Bluntschli, § 718; Heffter, § 181; Wildman, v. I, p. 176; Halleck, ch. xxxiv, § 22; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. XIII; Morin, Les lois, t. II, pp. 561 et seq.; American State papers, v. IV, pp. 352 et seq.; Woolsey, § 160.

** Heffter, § 87.

Vattel.

Bluntschli.

Phillimore.

Tamer

Geffcken.

Fin des hostilités.

Heffter.

Responsabilité individuelle.

date de sa signature; mais il faut que cela soit stipulé expressément dans le traité même. La mise en vigueur peut aussi en être différée à une époque postérieure à la ratification, mais également en vertu d'une disposition particulière. Par contre, l'acte de ratification peut avoir un effet rétrospectif et confirmer le traité conformément aux termes de ses clauses.

Quoi qu'il en soit, dans la plupart des cas on n'attend pas la ratification du traité pour mettre fin aux hostilités; elles cessent de fait bien antérieurement, non pas en vertu du traité de paix, puisqu'il n'existe pas, mais en vertu d'un armistice ou de préliminaires de paix, qu'en général les belligérants concluent pour entamer les négociations qui doivent aboutir au traité définitif; cet armistice se prolonge jusqu'à l'issue de ces négociations.

Souvent le traité même fixe un délai pour la mise à exécution, intégrale ou partielle, complète ou progressive, de ses clauses, par exemple pour l'évacuation du territoire occupé, le paiement d'indemnités de guerre, etc. Mais cette disposition particulière n'arrête pas, ne surse oit pas les effets du traité en ce qui concerne son objet principal, la paix proprement dite, c'est-à-dire la cessation des hostilités et le rétablissement des relations réciproques antérieures à la guerre *. »

§ 3155. Un des effets du traité de paix est donc de rendre illégal tout acte d'hostilité ou de violence commis après sa conclusion et d'autoriser de la part de la partie lésée une demande en réparation, lors même que le tort aurait été causé par un individu ignorant encore la signature de la paix. En pareil cas, l'individu ne saurait être considéré et puni comme coupable d'un acte criminel, s'il prouve clairement son ignorance du fait et partant la bonne foi avec laquelle il a agi; mais cela ne suffit pas pour l'affranchir de la responsabilité civile en dommages et intérêts: c'est à son gouvernement à le mettre à couvert.

Lorsque la paix a mis fin aux hostilités, il est du devoir de l'État d'en donner connaissance à ses sujets en temps convenable ; et s'il ne l'a pas fait, l'État est tenu en justice d'indemniser ses agents ou

*Rayneval, Inst., t. II, liv. III, ch. xxII; Vattel, Le Droit, liv. IV, §§ 24 et seq.; Grotius, Le droit, liv. III, ch. xx, § 20; Bluntschli, § 724; Phillimore, Com., v. III, §§ 517 et seq.; Heffter, § 183; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. rv. $5; Kent, Com., v. I, pp. 172, 173; Wildman, v. I, pp. 145 et seq.; Halleck, ch. XXXIV, § 14; Pradier- Fodéré, Principes, p. 571; Bello, pte. 2, cap. IX, § 6; Pando, pp. 582 et seq.; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. xш; Halleck, new ed. by Baker, ch. IX, § 14.

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