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Conditions nécessaires

pour la vali

dité des traités de paix.

Emploi de la contrainte.

Vattel.

Bluntschli.

Heffter.

Wheaton.

§ 3162. Pour que les pactes dont nous nous occupons ici soient valides, il faut le concours des trois conditions suivantes :

1° Que les partics contractantes soient dûment autorisées à les conclure;

2° Qu'elles y donnent leur plein assentiment;

Et 3° que ce consentement soit libre et spontané.

A ces trois conditions on peut en ajouter deux autres, savoir que l'entente et l'adhésion aux stipulations soient réciproques, et que l'exécution en soit praticable et facile.

§ 3163. L'emploi de la violence ou de l'intimidation dans la conclusion de la paix n'est pas une raison suffisante pour rendre le traité nul. « On ne peut, dit Vattel, se dégager d'un traité de paix en alléguant qu'il a été extorqué par la crainte ou arraché par la force. >>

Cependant il est des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ce principe est écarté. Ainsi, par exemple, l'auteur que nous venons de citer admet que l'exception de la contrainte puisse être alléguée «< contre un pacte qui ne mérite pas le nom de traité de paix, contre une soumission forcée à des conditions qui blessent également la justice et tous les devoirs de l'humanité. »

Bluntschli mentionne en outre le cas où il aurait été fait usage de contrainte ou de violence envers le plénipotentiaire chargé par une des parties belligérantes de négocier la paix ; et il conclut que cette coercition entraîne la nullité des engagements contractés.

C'est ce qu'admet également Heffter, lorsqu'il dit : « Le traité de paix conclu entre les plénipotentiaires des États belligérants est obligatoire dans toutes les circonstances, quand même il serait imposé par la prépondérance de l'une des deux parties qui contractent et impliquerait une renonciation à des droits incontestables. Il suffit à cet égard qu'il ne soit pas le résultat de violences personnelles pratiquées envers le souverain étranger ou ses représen

tants. >>

Wheaton établit une distinction entre le droit civil et le droit conventionnel: « La conservation de la société, dit-il, veut que les engagements contractés par une nation sous l'empire de la force qu'impliquent la destruction de ses forces militaires, la détresse de son peuple et l'occupation de son territoire par l'ennemi, soient

Wildman, v. I, p. 168; Halleck, ch. XXXIV, § 7; Bello, pte. 2, cap. IX, § 6; Pando, p. 581; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. III; Schmalz, Europ. Võl kerrecht, § 277.

tenus pour obligatoires. En effet, s'il n'en était pas ainsi, les guerres ne pourraient se terminer que par la soumission et la ruine totale du parti le plus faible; et l'imperfection des considérations ou l'inégalité des conditions d'un traité entre nations, qui suffiraient pour faire rompre un contrat entre particuliers sous prétexte d'une grossière illégalité ou d'une lésion énorme, n'entraînent pas une raison suffisante pour refuser l'exécution d'un traité.

Fiore attribue à la nécessité de légitimer les faits accomplis pour terminer la guerre les opinions que nous venons d'exposer et qu'il qualifie d'erreurs, et il ajoute : « Ne voyant aucune limite au droit de la force, les publicistes ont conclu que chaque partie pouvant renoncer à ses droits, lorsqu'elle y a effectivement renoncé et que sa renonciation est acceptéc, le traité stipulé oblige aussi la partie qui a sacrifié ses droits incontestables, même quant aux dispositions imposées par la force. Mais ces contradictions doivent disparaître du droit des gens, et nous espérons que le règne de la force finira par être renversé par l'opinion publique, qui, éclairée par la science, obligera la diplomatie à marcher dans la voie de la rectitude et à ne plus fouler aux pieds les principes de la justice *. »

Fiore.

§ 3164. La non-exécution ou la violation d'une ou de plusieurs Infractions, dispositions du traité constitue une infraction de nature à occasionner de nouvelles complications, à entraîner même la nullité du traité; elle affranchit en tout cas la partie adverse de l'obligation de l'accomplir de son côté, ou lui donne le droit de demander un dédommagement, une réparation et des garanties pour l'avenir. Ainsi en 1798 le congrès des États-Unis décréta la rupture des traités conclus avec la France, en s'appuyant sur ce que cette puissance les avait souvent violés ou rompus, et avait refusé de satisfaire à certaines réclamations auxquelles ils servaient de base.

« L'infraction au traité de paix, dit Bello, donne à l'offense un caractère de perfidie qui l'aggrave. » Mais il n'y a pas à proprement parler rupture de la paix lorsque les dispositions du traité ne sont pas exécutées et que la guerre ne recommence pas. On peut

Martens, Précis, §§ 48-52; Vattel, Le droit, liv. II, § 157; liv. IV, § 37; Bluntschli, §§ 408, 704; Heffter, § 180; Wheaton, Elém., pte. 3, ch. II, §§ 7, 8; Fiore, t. II, pp. 9, 10: Morin, Les lois, t. II, pp. 556 et seq.; Klüber, Droit, §§ 142, 143, 325; Burlamaqui, pte. 3, ch. x, § 6; ch. xII, § 2; Wildman, v. I, p. 140; Halleck, ch. XXXIV, § 21; ch. xxxvI, § 3; Dana, Elem. by Wheaton, note 258; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. xv; Clergé, Précis de Martens, t. I, p. 157; Pinheiro Ferreira, Vattel, notes sur les §§ 37-44; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 146 et seq.

Bello.

Vattel.

La non-observation d'un

dire que le traité de paix de Zurich, conclu en 1857 entre la France, l'Autriche et l'Italie, n'a jamais été mis entièrement à exécution; cela n'a pas empêché que les deux premières de ces puissances n'aient cessé depuis d'entretenir les relations les plus amicales. La violation des stipulations du traité diffère essentiellement de la rupture de la paix; elle doit être traitée comme toutes les violations de conventions, et elle peut suivant les circonstances amener de dangereuses complications, provoquer même une nouvelle guerre.

Parmi les faits regardés comme des violations de traité, on range la demande injustifiable de délais pour l'accomplissement des stipulations. Vattel assimile à un refus exprès les délais affectés, qui n'en different, selon lui, que par l'artifice avec lequel celui qui en use voudrait couvrir sa mauvaise foi.

3165. La non-observation d'un des articles du traité entraîne article peut la rupture du traité entier.

entrainer la

rupture du traité.

Grotius.

Bluntschli.

Selon Grotius, « tous les articles d'un seul et même traité sont renfermés les uns dans les autres en forme de condition, comme si l'on avait dit formellement : Je ferai telle ou telle chose, pourvu que de votre côté vous fassiez ceci ou cela. >>

« Le traité de paix forme un tout », dit Bluntschli.

Un État, pas plus qu'un individu, n'a le droit de rejeter ou de ne pas observer une des dispositions d'un contrat et de revendiquer le bénéfice des autres. On ne saurait admettre non plus qu'il soit fait une distinction entre les articles d'une plus ou moins grande importance. Toutefois le traité peut disposer que, quoiqu'on vienne à enfreindre quelqu'un des articles, les autres n'en subsisteront pas moins dans toute leur force, ou bien que la violation d'un article ne pourra opérer que la nullité de ceux qui y répondent et qui en font comme l'équivalent. Mais, faute d'une clause expresse dans ce sens, la non-observation d'une seule stipulation infirme et rompt le traité dans son ensemble et son intégralité.

On ne saurait faire entrer dans la catégorie des infractions au traité l'inexécution d'une ou de plusieurs de ces clauses, soit parce que ces clauses ont prévu des cas qui n'existaient pas ou n'étaient pas praticables, soit parce que les contractants se sont arrogé en les formulant des droits qu'ils n'avaient pas c'est ce qu'on peut dire du traité de Prague conclu en 1866 entre la Prusse et l'Autriche, par lequel il est attribué une existence indépendante aux Etats du midi de l'Allemagne, à qui l'on enjoignait de former une confédération spéciale. Vaine injonction, car d'après les principes

du droit international on ne pouvait les y contraindre ; aussi la confédération de l'Allemagne du Sud ne s'est-elle point constituée, et les Etats qui devaient la composer se trouvent aujourd'hui englobés dans l'Empire allemand restauré, sans que ce nouvel état de choses ait rompu les relations créées entre l'Autriche et la Prusse par la paix de 1866 *.

§ 3166. L'expérience nous enseigne que malheureusement tous les Etats n'ont pas également tenu à l'honneur de considérer leurs engagements comme sacrés et inviolables: c'est ce qui a forcé de recourir à des garanties et à des précautions contre la perfidie et la mauvaise foi. On puise le plus souvent ces garanties soit dans le dépôt à titre de gage de valeurs mobilières, soit dans l'occupation temporaire de forteresses, de villes ou de portions de territoire, soit dans l'intervention d'un souverain tiers, qui fortific de sa propre parole les engagements pris par l'une des parties con

tractantes.

Lorsque des tierces puissances garantissent ainsi le traité de paix, cette garantie peut être donnée en faveur de toutes les parties contractantes, ou seulement à l'avantage de l'une d'elles; elle peut s'étendre au traité tout entier ou être limitée à un ou à plusieurs articles particuliers.

Les actes de garantie sont, quant à la forme, dressés comme le sont les actes d'accession, et ils sont acceptés de même.

La garantie oblige le garant à soutenir l'exécution du traité et à prêter sous ce rapport aide et secours, même les armes à la main, à celui pour lequel il s'est porté garant et qui en fait la réquisition; mais la garantie n'autorise pas à s'opposer aux changements que les parties contractantes voudraient faire au traité; dans ce cas toutefois, la garantie cesse d'être obligatoire, du moins par rapport à ces changements.

Quant aux alliés qui ont participé à la conclusion de la paix, le fait de la garantie fait renaître pour eux le casus fœderis **.

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Vattel, Le droit, liv. IV, §§ 46 et seq.; Grotius, Le droit, liv. II, ch. xv, § 15; liv. III, ch. xIx, § 14; Bluntschli, §§ 725, 726; Heffter, § 184; Klüber, Droit, § 328; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. Iv, §§ 7, 8; Kent, Com., v. I, pp. 176, 177; Halleck, ch. xxXIV, §§ 23 et seq.; Morin, Les lois, t. II, pp. 568 et seq.; Pando, p. 586; Bello, pte. 2, cap. IX, § 6; Burlamaqui, Principes, pte. 4, ch. xiv, § 8; Rayneval, Inst., t. II, liv. III, ch. xxvi; Pinheiro Ferreira, Vattel, note sur les §§ 45-48; Dana, Elem. by Wheaton, note 257.

Vattel, Le droit, liv. II, §§ 235 et seq.; Klüber, Droit, §§ 155-159; Martens, Précis, §§ 63-338; Heffter, §§ 96, 97; Bluntschli, §§ 430 et seq. ;

Assurances

et garanties.

Durée de la garantie.

Fin

des traités.

§ 3167. La durée de ces sortes de garanties cst naturellement égale ou proportionnée au temps nécessaire pour l'accomplissement de l'objet en vue duquel elles ont été constituées. Par contre, l'Etat qui a fourni la garantie ou déposé son gage a le droit de se mettre en garde contre la tentation que pourrait avoir la partie adverse de conserver l'une ou l'autre en son pouvoir au delà du terme stipulé ou du temps moralement nécessaire pour accomplir les obligations souscrites*.

§ 3168. Les traités de paix débutent ordinairement par une déclaration de paix et d'amitié perpétuelles entre les Etats contractants; mais on conçoit que la paix ne puisse faire disparaître immédiatement les antipathies nationales et engendrer la confiance dans le nouvel ordre de choses qu'elle crée. Cette proclamation de perpétuité est donc la plupart du temps purement illusoire. Sans remonter à des époques éloignées de nous, nous pouvons nous demander si le traité de paix signé à Paris le 30 mai 1814 par les grandes puissances européennes est parvenu à «< maintenir entre tous les Etats de l'Europe la bonne harmonie et intelligence », cette «< paix et amitié à perpétuité », que ce traité et les actes qui l'ont suivi avaient pour objet d'établir. Il arrive trop souvent que le vaincu subit avec impatience et ressentiment les conditions auxquelles sa défaite l'a contraint de souscrire et n'attend qu'une occasion favorable pour s'en affranchir et prendre sa revanche. Tel est l'enseignement qui ressort de l'histoire de notre temps, surtout lorsque la lutte a lieu entre deux peuples forts et puissants, dont l'un en sort momentanément abattu, mais nullement anéanti. Les traités de paix sont donc précaires comme toutes les choses humaines : ils durent ce que permet le cours des événements, qui trompe les prévisions les plus sages et déjoue les calculs les mieux concertés. Cette qualification de perpétuelle appliquée à la paix ne doit « pas s'entendre, dit Vattel, comme si les contractants promettaient de ne jamais se faire la guerre pour quelque sujet que ce soit. La paix se rapporte à la guerre qu'elle termine, et cette paix

Fiore, t. II, pp. 11 et seq.; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. xv; Phillimore, Com., v. III, §§ 55 et seq.; Halleck, ch. xxxvi, § 5; Ompteda, Lit., t. II, p. 594; Gunther, Europ. Völkerrecht, t. II, p. 154; Kamptz, Neue Lit., SS 249, 328; Moser, Versuch, t. VIII, p. 855; Fagel, Diss. de garantia, pp. 29 et seq.

Vattel, Le droit, liv. II, §§ 243, 244; Klüber, Droit, § 156; Heffter, §§ 96, 97; Riquelme, lib. I, tit. 1, cap. xv; Halleck, ch. xxxvI, § 6; Garden, Traité, liv. IV, sect. 1, § 1; Gunther, Europ. Völkerrecht, t. II, p. 154; Fagel, Diss., pp. 16 et seq.

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