Page images
PDF
EPUB

haut caractère, lorsqu'aux approches du jour où devait s'effectuer la transmission du mandat présidentiel, se produisirent des faits assez graves pour affecter profondément nos institutions, si l'on avait pu, ne fût-ce qu'un instant, supposer qu'ils arriveraient à prévaloir.

La République s'étant trouvée constituée, pour la première fois, dans toute son intégrité après les événements qui déterminèrent la dissolution du Gouvernement du Parana, peuples et Gouvernement substituèrent à l'ardeur de la lutte les labeurs de la paix, donnant ainsi cours à l'esprit de progrès du siècle. En douze années de vie constitutionnelle, malgré de douloureuses convulsions intérieures et une guerre étrangère qui dura trois ans, nos progrès prirent un essor si rapide qu'ils excitèrent l'admiration des nationaux et des étrangers. Les chemins de fer, les entreprises industrielles, les télégraphes, qui nous lient à tous les peuples de l'Amérique et de l'Europe; la puissante impulsion donnée à l'éducation publique par la fondation d'écoles, de colléges, de bibliothèques populaires et d'établissements scientifiques; près de cent mille émigrants par année, notre crédit à l'extérieur coté comme celui des nations les plus favorisées dans le grand marché monétaire du monde, tout cela paraissait une preuve certaine que la paix ne serait plus altérée à l'avenir, et que les passions excitées par la crise électorale se calmeraient aussitôt que serait sorti des urnes le nom de l'élu choisi par le peuple.

En effet, de telles agitations sont les convulsions passagères à l'aide desquelles la démocratie produit, à des périodes déterminées à l'avance, les fruits de la liberté, en appelant au pouvoir suprême et à la haute direction des affaires des hommes nouveaux et des idées nouvelles; enfantements incompatibles avec un régime incommutable.

D'autre part, après ce mouvement régulier de principes et d'efforts, si naturel à notre système de gouvernement et si bien approprié à nos maux, nous devions, avec raison, comme en d'autres circonstances, espérer la pacification des esprits. Le changement de l'administration est le signe caractéristique d'une époque nouvelle, parce qu'il la compose d'éléments plus actifs, moins entamés par le temps, moins fatigués par le travail, et dès lors plus apte à interpréter l'esprit et la volonté d'un peuple énergique et entreprenant, qui renouvelle par sa Constitution sa vie même.

Malheureusement cette évolution nécessaire dans le système du gouvernement représentatif républicain ne s'est point effectuée cette fois, ni avec la sérénité et la résignation patriotique d'hommes qui se retirent afin de laisser la place libre à ceux qui doivent les remplacer, ni avec le respect dû à l'autorité du suffrage et de la loi.

Durant la lutte électorale et au moment d'assurer ses résultats, on

aurait pu, sinon justifier, du moins s'expliquer une certaine prédominance d'exaltation, qui est propre à la condition humaine; mais jamais on n'aurait pu supposer qu'une fois le verdict de l'opinion publique connu de tous, et confirmé par la solennelle déclaration du Congrès, il se produirait parmi les vaincus du suffrage un mouvement subversif attentatoire à la paix publique et incompréhensible dans des pays régis par des institutions libres et de la part d'hommes que la nation avait mis un jour à la tête de ses destinées. La lutte électorale, large et ardente, prit des proportions alarmantes dans la province de Buenos-Ayres, où le parti vaincu, niant en fait le grand principe de la souveraineté populaire, sur lequel repose notre système politique, refusa de reconnaître le Gouvernement librement issu de l'élection et consacré par le Congrès.

Cette abusive et criminelle propagande accrut par degrés son intensité dans la presse et les conciliabules, à la faveur d'une liberté d'action, précieuse sans nul doute, mais, en beaucoup de circonstances, funeste.

Le 24 septembre, dix-huit jours avant l'époque fixée pour la transmission légale du pouvoir, une obscure sédition militaire éclata simultanément dans la rade de la capitale, à l'instigation du chef d'une des canonnières de notre escadre et sur les frontières de San Luis, au sud de Buenos-Ayres, dont les troupes de garnison furent entraînées, les premières, par leur ancien chef, l'ex-général Arredondo, qui sacrifia lâchement l'honorable général Ivanowski, son ami et son hôte, dont la loyauté résistait à ses flatteries et à ses promesses; les secondes, commandées par l'ex-général Rivas.

A la nouvelle de ces événements, le Gouvernement de M. Sarmiento décréta les mesures les plus énergiques et les plus efficaces pour le rétablissement de l'ordre, réunissant en faisceau tous les ressorts du pouvoir, afin qu'appuyé d'une manière formelle par le Congrès, secondé par le Gouvernement des provinces et fortifié par le concours des populations, aucun obstacle n'empêchât que, le jour désigné (12 octobre), eût lieu tranquillement et solennellement la transmission du mandat suprême de la République.

Depuis lors, aucun incident grave ne s'est produit; car on ne saurait considérer comme tel ni le manifeste de l'ex-général Bartolome Mitre, ni celui des divers chefs militaires soulevés, bien qu'avec la phraséologie accoutumée des anarchistes de tout pays, ils se soient efforcés de justifier leur rébellion et de pallier, avec des protestations d'abnégation patriotique et des promesses de liberté, leurs ambitieux projets de perpétuité de pouvoir et de dictature.

Malgré les tentatives faites pour imprimer à ce mouvement d'a

narchie le caractère d'une révolution politique, il est resté toujours ce qu'il fut à l'origine : une obscure révolte militaire. Le triomphe des autorités et de la loi ne se fera point attendre, grâce aux grands et irrésistibles éléments de force matérielle et morale dont le Gouvernement dispose. La rébellion, loin d'avancer, rétrograde, vaincue partout par la seule présence des divisions d'avant-garde de l'armée nationale.

Tels sont, monsieur le ministre, les faits qui se sont accomplis dans les moments solennels où la République procédait au remplacement constitutionnel de son Gouvernement, et même après qu'il fut effectué. Ils n'ont pu avoir lieu sans interrompre la marche heureuse et prospère de la nation, sans affecter le crédit du commerce et sans paralyser l'industrie, arrachant les citoyens à leurs pacifiques labeurs pour prendre les armes et défendre les institutions et les pouvoirs publics constitués par la volonté nationale.

Mais cet arrêt dans notre prospérité nationale par des passions malsaines sera court, et la République se lèvera alors plus forte et plus grande par le triomphe même de la révolution, en donnant une puissante impulsion à ses progrès, et en poursuivant l'application des principes élevés et généreux que le programme du nouveau Président renferme, et qui résument les aspirations du temps présent.

Fidèle à ce programme, le Gouvernement cultivera avec sollicitude les amicales relations qui unissent la République Argentine aux nations diverses; il s'appliquera, avec un égal soin, à faire régner l'ordre à l'intérieur, à développer le commerce et l'industrie, à consolider la stabilité et la paix, et à assurer l'empire des lois qui président à notre organisme constitutionnel, en garantissant la sécurité, la liberté et la propriété à tous les habitants du sol argentin, quels que soient leur credo politique et leurs professions.

Ce que je viens d'exposer démontrera à Votre Excellence que la situation de la République ne présente aucun symptôme alarmant, et que la révolte qui s'est produite et déjà expirante peut seulement exercer une influence funeste sur la situation de nos marchés influence que je charge Votre Excellence de combattre, en ne laissant pas donner aux événements une gravité qu'ils sont fort loin d'avoir.

Signé PEDRO ANT PARDO.

FIN DU TROISIÈME VOLUME DE LA QUINZIÈME ANNÉE.

DES MATIÈRES

4873

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Septembre 40. Hesse électorale. Protestation de Frédéric-Guillaume contre

la convention conclue entre la Prusse et les agents de la Hesse.

44

Septembre 15. Brésil. Discours de l'Empereur pour la clôture des

Chambres.

13

[merged small][ocr errors][merged small]

Septembre 23. Mexique. Discours du Président à l'ouverture du Con-

grès...

[ocr errors]
[ocr errors]

Octobre 16. Saxe royale. Discours prononcé par le Prince royal à l'ouver-

ture des Chambres.

Octobre 27. France. Lettre du comte de Chambord à M. Chesnelong, dé-

puté à l'Assemblée nationale.

Octobre 29. Saxe royale. Manifeste d'avénement au trône du roi Albert de

Saxe.

Octobre 29. Turquie. Circulaire de Rachid-Pacha aux agents diplomatiques

de la Porte à l'étranger, confirmant celle du 15 octobre.

[ocr errors]

30

Novembre 3. Suisse. Discours de M. Ziegler à l'ouverture de la session du

Conseil national.

[ocr errors]
[blocks in formation]

Mars 22. France. M. de Lesseps au ministre des affaires étrangères.

(Extrait.).

Juillet 25. France. M. de Rémusat au comte de Vogüé, à Constantinople.

[merged small][ocr errors]
« PreviousContinue »