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toutes classes, autorisés par les lois du pays, et jouiront, sous ce rapport, des mêmes droits et avantages qui sont ou seront accordés aux nationaux.

Art. 3. Les Français en Russie et les Russes en France auront pleine liberté d'acquérir, de posséder et d'aliéner dans toute l'étendue des territoires et possessions respectifs, toute espèce de propriété que les lois du pays permettent ou permettront aux sujets de toute autre nation étrangère d'acquérir ou de posséder.

Ils pourront en faire l'acquisition et en disposer par vente, donation, échange, mariage, testament ou de quelque autre manière que ce soit, dans les mêmes conditions qui sont ou seront établies à l'égard des sujets de toute nation étrangère, sans être assujettis à des taxes, impôts ou charges, sous quelque dénomination que ce soit, autres ou plus élevés que ceux qui sont ou seront établis sur les nationaux.

Ils pourront de même exporter librement le produit de la vente de leur propriété et de leurs biens en général, sans être assujettis à payer, comme étrangers, à raison de l'exportation, des droits autres ou plus élevés, que ceux que les nationaux auraient à acquitter en pareille circonstance.

Art. 4. Les Français en Russie et les Russes en France seront réciproquement exempts de tout service personnel, soit dans les armées de terre et de mer, soit dans les gardes ou milices nationales, de toute contribution, soit en argent, soit en nature, destinée à tenir lieu du service personnel; de tout emprunt forcé et de toute prestation ou réquisition militaire.

Sont toutefois exceptées les charges qui sont attachées à la possession, à titre quelconque, d'un bien-fonds, ainsi que les prestations et les réquisitions militaires auxquelles tous les nationaux peuvent être appelés à se soumettre comme propriétaires fonciers ou fermiers.

Ils seront également dispensés de toute charge et fonction judiciaire ou municipale quelconque.

Art. 5. Les navires français et leur cargaison dans un port de l'Empire de Russie et, réciproquement, les navires russes et leur cargaison en France, à leur arrivée, soit directement du pays d'origine, soit d'un autre pays, et quelque soit le lieu de provenance ou la destination de leur cargaison, jouiront, sous tous les rapports, du même traitement que les navires nationaux et leur cargaison.

Aucun droit, taxe ou charge quelconque, pesant, sous quelque dénomination que ce soit, sur la coque du navire, son pavillon ou sa cargaison, et perçu au nom ou au profit du Gouvernement, de fonctionnaires publics, de particuliers, de corporations ou d'établissements quel

conques, ne sera imposé aux bâtiments de l'un des deux États dans les ports de l'autre, à leur arrivée, durant leur séjour et à leur sortie, qui ne serait pas également et dans les mêmes conditions imposé aux navires nationaux.

Art. 6. La nationalité des bâtiments sera admise, de part et d'autre, d'après les lois et règlements particuliers à chaque pays, au moyen des titres et patentes délivrés aux capitaines ou patrons par les autorités compétentes.

Art. 7. En tout ce qui concerne le placement des navires, leur chargement et leur déchargement dans les ports, rades, havres, bassins, fleuves, rivières ou canaux, et généralement pour toutes les formalités et dispositions quelconques auxquelles peuvent être soumis les navires de commerce, leurs équipages et leurs cargaisons, il ne sera accordé aux navires nationaux dans l'un des deux États aucun privilége ni aucune faveur qui ne le soit également aux navires de l'autre puissance; la volonté des hautes parties contractantes étant que sous ce rapport les bâtiments français et les bâtiments russes soient traités sur le pied d'une parfaite égalité.

Art. 8. Les navires français entrant dans un port de l'Empire russe et, réciproquement, les navires russes entrant dans un port de France, qui n'y viendraient décharger qu'une partie de leur cargaison, pourront, en se conformant toutefois aux lois et règlements des États respectifs, conserver à leur bord la partie de leur cargaison qui serait destinée à un autre port, soit du même pays, soit d'un autre, et la réexporter sans être astreint à payer, pour cette dernière partie de leur cargaison, aucun droit de douane, sauf ceux de surveillance, lesquels d'ailleurs ne pourront naturellement être perçus qu'aux taux fixés par la navigation nationale.

Art. 9. Les capitaines et patrons de bâtiments français et russes seront réciproquement exempts de toute obligation de recourir, dans les ports respectifs des deux États, aux expéditionnaires officiels, et ils pourront en conséquence librement se servir, soit de leurs consuls, soit des expéditionnaires qu'ils désigneront eux-mêmes, sauf à se conformer, dans les cas prévus dans le Code de commerce français et le Code de commerce russe, aux dispositions auxquelles la présente clause n'apporte aucune dérogation.

Art. 10. Les dispositions du présent traité ne sont point applicables à la navigation de côte ou cabotage, laquelle demeure exclusivement réservée, dans chacun des deux pays, au pavillon national.

Toutefois les navires français et russes pourront passer d'un port de l'un des deux États dans un ou plusieurs ports du même État, soit

pour y déposer tout ou partie de leur cargaison apportée de l'étranger, soit pour y composer ou compléter leur chargement.

Art. 11. Seront complétement affranchis des droits de tonnage et d'expédition dans les ports de chacun des deux États:

1 Les navires qui, entrés sur lest de quelque lieu que ce soit, en repartiront sur lest;

2° Les navires qui, passant d'un port de l'un des deux États dans un ou plusieurs ports du même État, dans les conditions déterminées par le second paragraphe de l'article précédent, justifieront avoir acquitté déjà ces droits;

3o Les navires qui, entrés avec chargement dans un port, soit volontairement, soit en relâche forcée, en sortiront sans avoir fait aucune opération de commerce.

En cas de relâche forcée, ne seront pas considérés comme opérations de commerce, le débarquement et le rechargement des marchandises pour la réparation du navire, le transbordement sur un autre navire, en cas d'innavigabilité du premier, les dépenses nécessaires au ravitaillement des équipages et la vente des marchandises avariées, lorsque l'administration des douanes en aura donné l'autorisation.

Art. 12. Tout navire de l'une des deux puissances qui sera forcé, par le mauvais temps ou par un accident de mer, de se réfugier dans un port de l'autre puissance, aura la liberté de s'y radouber, de s'y pourvoir de tous les objets qui lui seront nécessaires et de se remettre en mer, sans avoir à payer d'autres droits que ceux qui seraient acquittés, en pareille circonstance, par un bâtiment sous pavillon national.

En cas de naufrage ou d'échouement, le navire ou ses débris, les papiers de bord et tous les biens et marchandises qui en auront été sauvés, ou le produit de la vente, si elle a eu lieu, seront remis aux propriétaires ou à leurs agents, sur leur réclamation.

L'intervention des autorités locales dans le sauvetage ne donnera lieu à la perception de frais d'aucune espèce, hors ceux que nécessiteraient les opérations de sauvetage et la conservation des objets sauvés, ainsi que ceux auxquels seraient soumis, en pareil cas, les navires nationaux.

Les hautes parties contractantes conviennent en outre que les marchandises et effets sauvés ne seront sujets au payement d'aucun droit de douane, à moins qu'on ne les destine à la consommation intérieure.

Art. 13. Il est fait exception aux stipulations du présent traité en ce qui concerne les avantages dont les produits de la pêche sont ou pourront être l'objet.

Art. 14. Les marchandises de toute nature, produits de l'industrie

ou du sol de l'un des deux États, qui peuvent ou pourront être exportées, soit par terre, soit par mer, ne seront assujetties à aucun droit d'entrée ou de sortie autre que ceux qu'auront à payer les produits similaires de toute nation étrangère la plus favorisée.

Art. 15. En tout ce qui concerne les droits de douane, à l'entrée et à la sortie par les frontières de terre ou de mer, droits d'importation, d'exportation et autres, les deux hautes parties contractantes se promettent réciproquement de n'accorder aucun abaissement de taxe, privilége, faveur ou immunité quelconque aux sujets ou aux produits d'un autre État, qui ne soit aussi et à l'instant étendu, sans condition, aux nationalités et aux produits respectifs des deux pays; la volonté des deux hautes parties contractantes étant que, pour tout ce qui concerne l'importation, l'exportation, le transit, l'entrepôt, la réexportation, les droits locaux, de courtage, les tarifs et les formalités de douane, de même que pour tout ce qui a rapport à l'exercice du commerce et de l'industrie, les Français en Russie et les Russes en France jouissent du traitement de la nation la plus favorisée.

Art. 16. Aucune prohibition à l'importation ou à l'exportation ne pourra être établie par l'une des hautes parties contractantes à l'égard de l'autre, qui ne soit, en même temps applicable à toutes les autres nations étrangères, excepté toutefois les prohibitions ou restrictions temporaires que l'un ou l'autre Gouvernement jugerait nécessaire d'établir en ce qui concerne la contrebande de guerre ou pour des motifs sanitaires.

Art. 17. Les navires russes venant, avec ou sans chargement, d'un port quelconque dans les ports de l'Algérie, de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Réunion, seront assimilés aux navires français ; dans les autres colonies françaises ils jouiront du traitement de la nation la plus favorisée,

Les importations et les exportations par navires russes seront assimilées à celles effectuées par navires nationaux dans les ports de l'Algérie, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, et à celles effectuées par navires de la nation la plus favorisée dans les autres colonies françaises.

Art. 18. Il est entendu que les stipulations du présent traité seront applicables à tous les bâtiments naviguant sous pavillon russe, sans distinction aucune entre la marine marchande russe proprement dite et celle qui appartient plus particulièrement au grand-duché de Finlande. Art. 19. Toute reproduction, dans l'un des deux États, des marques de fabrique et commerce, apposées dans l'autre sur certaines marchandises, pour constater leur origine et leur qualité, de même que toute

mise en vente ou en circulation de produits revêtus de marques de fabrique ou de commerce françaises ou russes, contrefaites en tout pays étranger, seront sévèrement interdites sur le territoire des deux États et passibles des lois édictées par les lois du pays.

Les opérations illicites mentionnées au présent article pourront donner lieu devant les tribunaux, et selon les lois du pays où elles auront été constatées, à une action en dommages et intérêts valablement exercée par la partie lésée envers ceux qui s'en seront rendus coupables.

Les nationaux de l'un des deux États qui voudront s'assurer dans l'autre la propriété de leurs marques de fabrique ou de commerce seront tenus de les déposer exclusivement, savoir les marques d'origine française à Saint-Pétersbourg, au département du commerce et des manufactures, et les marques d'origine russe à Paris, au greffe du tribunal de commerce de la Seine.

En cas de doute ou de contestation, il est entendu que les marques de fabrique ou de commerce auxquelles s'applique le présent article sont celles qui, dans chacun des deux États, sont légitimement acquises, conformément à la législation de leur pays, aux industriels et négociants qui en usent.

Art. 20. Le présent traité restera en vigueur jusqu'au 10 août 1877. Dans le cas où aucune des hautes parties contractantes n'aurait notifié, douze mois avant ladite date, son intention d'en faire cesser les effets, il restera obligatoire jusqu'à l'expiration d'une année à partir du jour où l'une ou l'autre des hautes parties contractantes l'aura dénoncé.

Art. 21. Le Président de la République française s'engage à demander à l'Assemblée nationale, immédiatement après la signature du présent traité, l'autorisation nécessaire pour ratifier et faire exécuter ledit traité. Les ratifications en seront échangées à Saint-Pétersbourg le plus tôt que faire se pourra, et le traité entrera immédiatement en vigueur. En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé le présent traité et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait à Saint-Pétersbourg, le 1 avril/20 mars de l'an de grâce mil huit cent soixante-quatorze.

(L. S.) Signé: GORTSCHAKOFF. (L. S.) Signé: REUTERN.
(L. S.) Signé: LE FLO.

(L. S.) Signé: F. DE BOURGOING.

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