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DE FRANCE

DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI

JUSQU'AU TRAITÉ DU 20 NOVEMBRE 1815.

SUITE DE LA

TROISIÈME ÉPOQUE.

DIRECTOIRE : DEPUIS L'ÉTABLISSEMENT DE LA RÉPUBLIQUE
JUSQU'AU 18 Fructidor.

1797.

II.

La mort de Catherine II délivra la répu- Mort de blique françoise d'une dangereuse et puis- Catherine sante ennemie, et enleva à la Russie un des plus grands souverains qui aient paru sur le trône. Cette princesse n'avoit jamais aimé la France, dont elle étoit Jalouse; mais les François étoient pour elle ce que les Grecs avoient été pour Alexandre. Passionnée pour la renommée, elle flattoit tous les écrivains d'une grande réputation, dans l'espoir d'en être flattée à son tour. Elle invita plusieurs fois Voltaire à venir dans ses états; elle proposa a d'A

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lembert de se charger de l'éducation de son fils; elle fit venir Diderot à Saint-Pétersbourg; elle écrivoit ou faisoit écrire des lettres charmantes à tous nos hommes célébres; elle accordoit des pensions à quelques uns; et avec ces manières pleines de graces et de coquetterie elle obtint ce qu'elle desiroit. Les philosophes la placèrent au rang des plus grands monarques.

Sans changer ses inclinations, la révolution françoise changea ses procédés. Elle abjura tout-à-la-fois les philosophes et les François : elle frémit à l'idée de voir les rois soumis à leurs sujets; elle défendit dans ses états l'introduction des journaux, des livres et des marchandises de France; elle fit signifier à M. de Ségur, ambassadeur françois à Pétersbourg (1), l'ordre de quitter la Russie, et lui dit quand il alla prendre congé d'elle: « Je suis fàchée, monsieur, de votre éloignement; mais je suis aristocrate, et je dois faire mon

métier. »

Catherine accéda au traité de Pilnitz, et joignit à la flotte angloise douze vaisseaux de ligne et huit frégates. Elle venoit de promettre à la coalition une armée de

(1) Louis-Philippe, fils aîné du maréchal de Ségur, ambassadeur à Saint-Pétersbourg en 1786, et à Berlin en 1792; député au corps législatif en 1820, conseiller d'état en 1803, et grand-maître des cérémonies sous Buonaparte en 1805.

quatre-vingt mille hommes, lorsqu'elle mourut d'une attaque d'apoplexie, le 17 novembre 1796, à l'âge de soixante-sept

ans.

Elle avoit reçu la veille, par un vaisseau de Lubeck, la nouvelle que le général Moreau avoit été forcé de repasser le Rhin; elle écrivit à ce sujet à M. de Cobentzel, ambassadeur d'Autriche auprès d'elle, un billet badin qui courut les sociétés, et qui étoit ainsi conçu :

« Je m'empresse d'annoncer à l'excellente excellence que les excellentes troupes de son excellente cour ont complé tement battu les François.

A l'âge de soixante-sept ans, Catherine avoit conservé des restes d'une grande beauté elle étoit d'une taille moyenne, mais épaisse. Personne ne s'habilloit, ne se coiffoit, ne marchoit avec plus de grace. Dans son intimité, la confiance et la gaieté qu'elle inspiroit éternisoient auprès d'elle les jeux et les plaisirs. Elle mettoit tout le monde à l'aise; mais en public, c'étoit une autre femme. Elle paroissoit impératrice dans toute sa majesté, et on la nommoit avec raison la Sémiramis du nord.

Son regne fut heureux et brillant pour elle et pour sa cour. Mais s'il faut compter le bonheur des peuples pour quelque chose dans l'évaluation du mérite des souverains, il faudra beaucoup rabattre de

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la brillante réputation que les flatteurs de la Russie et les philosophes françois ont faite à Catherine II.

:

Chaque général, chaque gouverneur, chaque ministre étoit un despote particulier les titres, les graces et la justice, étoient à l'enchère. Une vingtaine d'oligarques, sous les auspices d'un favori, se partageoient le pouvoir, pilloient les finances, se disputoient les dépouilles des peuples. On voyoit leurs plus bas valets, leurs esclaves même, parvenir en peu de temps à des emplois honorables et à des fortunes scandaleuses. Un ministre savoit à-peu-près ce que chacune de ses signatures rapportoit à son secrétaire, et un colonel n'hésitoit pas de s'entretenir avec son général des profits qu'il faisoit sur ses soldats.

Catherine eut deux passions qui ne moururent qu'avec elle, celle du plaisir, qui dégénéra quelquefois en libertinage; et celle de la gloire, qui dégénéra en vanité. La première de ces passions n'en fit cependant jamais une Messaline, mais elle prostitua souvent sa grandeur et son sexe. La seconde lui fit entreprendre des choses louables, qui furent rarement achevées, et des guerres dont le succès n'a pas toujours couvert les injustices.

Sa générosité, l'éclat de son régne, la maguificence de sa cour, ses instituts, ses

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