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1797.

que la révolution du 18 fructidor eût tari les sources de la joie publique; soit qu'on se défiât d'une paix signée sous d'aussi funestes auspices..

En l'annonçant à la tribune des cinqcents, le député Jean Debry (1) prononça une mauvaise amplification de college, dans laquelle il prodigua des éloges au directoire, des injures aux royalistes, et des contes au public. Le député Riou (2), comparant Buonaparte à César, demanda que ce jeune héros, l'admiration de ses contemporains et des siècles à venir, fût déclaré avoir bien mérité de la patrie.

Par ce traité, que souscrivirent, au nom de l'empereur d'Allemagne, le marquis de Gallo, le comte Louis de Cobentzell, le comte Maximilien de Merveldt et le baron Degelman; au nom de la république françoise, Buonaparte, général en chef, il fut stipulé ce qui suit:

1o L'empereur renonce pour lui et ses successeurs, en faveur de la république françoise, à tous ses droits et titres sur les provinces belgiques. La république françoise possédera ces provinces à perpétuité;

(1) M. Jean Debry a fait oublier par la sagesse de son administration dans le département du Doubs les fautes graves qu'il commit dans la convention, dont il étoit membre et député du département

de l'Aisne.

(2) M. Riou, député du Finistère au conseil des eing-cents, et depuis préfet du Cantal.

2° L'empereur consent à ce que la république françoise possède, en toute souveraineté, les îles ci-devant vénitiennes, savoir: Corfou, Zante, Céphalonie, SainteMaure et Cérigo;

3o La république françoise consent à ce que sa majesté l'empereur posséde, en toute souveraineté, l'Istrie, la Dalmatie, les bouches du Cattaro, la ville de Venise, etc.;

4° L'empereur reconnoît la république cisalpine comme puissance indépendante: cette république comprend la Lombardie autrichienne, le Bergamasque, le Bressan, le Cremasque, le Mantouan, le Modenois, la principauté de Massa et Carrara, et les trois légations de Bologne, Ferrare et la Romagne;

5° L'empereur s'oblige à céder le Brisgau au duc de Modène, en indemnité des pays que ce prince possédoit en Italie, etc........

Le jour que cette paix fut annoncée à Paris, on annonça en même temps qu'une armée, qui se rassembloit sur les côtes de la Manche, prendroit le nom d'armée d'Angleterre, seroit commandée par le général Buonaparte, «et iroit punir de sa perfidie ce cabinet de Londres, qui aveugle encore les cours, au point d'en faire les esclaves de sa tyrannie maritime. C'est à Londres, ajoutoit la même proclamation,

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c'est à Londres que l'on fabrique les malheurs de l'Europe; c'est là qu'il faut les terminer.

« Ce n'est pas tout pour régler la paix du continent, un congrès va se rassembler à Rastadt: citoyens, vous recueillerez dans peu le fruit de tous vos sacrifices: la paix générale sera bientôt assise sur des bases inébranlables. »

Avec la meilleure volonté du monde, il étoit difficile de croire à la paix générale, quand on annonçoit une guerre à outrance avec l'Angleterre. Dans le fait, on ne croyoit alors ni à la paix, ni à la bonne foi du directoire.

Buonaparte avoit chargé le général Berthier et le citoyen Monge d'apporter le traité de Campo-Formio à Paris.....

« Le général Berthier, disoit-il dans sa lettre au directoire, est une des colonnes de la république, et un des plus zélés défenseurs de la liberté : il n'est pas une victoire de l'armée d'Italie à laquelle il n'ait contribué. Le citoyen Monge est célébre par ses connoissances et son patriotisme; il a fait estimer les François par sa conduite; il a acquis une part distinguée dans mon amitié : nous devons aimer les savants et protéger les sciences....... »

Buonaparte ne tarda pas à suivre ses deux envoyés. Il vint à Paris, moins encore pour y jouir de sa gloire, que pour

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étudier l'esprit public et reconnoître le terrain sur lequel il lui convenoit de prendre position. Avant d'y arriver, il passa par Rastadt, où il ouvrit les conférences du congrès, et signa avec les plénipotentiaires de l'empereur un traité secret par lequel celui-ci s'obligeoit à faire évacuer par ses troupes les villes de Mayence et d'Ehrenbrestein.

A Paris, il affecta de voir très peu de monde, de se dérober à l'enthousiasme public, d'éviter les endroits fréquentés, de sortir rarement et toujours sans suite.

Le 20 frimaire an 6 (11 décembre 1797) il sortit de sa retraite mystérieuse pour se montrer en grande pompe, et aller offrir au directoire la ratification du traité de paix de Campo-Formio. Il fut reçu au Luxembourg, au bruit du canon, par le directoire qui étoit en grand costume, et entouré des ministres, des autorités constituées du département, des membres du corps diplomatique et de tous les officiers de l'état-major.

Après un hymne à la liberté, qui fut exécuté par le conservatoire de musique, le jeune héros s'avança avec calme et modestie (1), accompagné des ministres des relations extérieures et de la guerre, et suivi de ses aides-de-camp. Le ministre

(1) Paroles extraites du Rédacteur, journal officiel du directoire.

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« J'ai l'honneur de vous présenter le général Buonaparte, qui apporte la ratification du traité de paix conclu avec l'empereur.

<< En nous apportant ce gage certain de la paix, il nous rappelle malgré lui les innombrables merveilles qui ont amené un si grand événement. Mais qu'il se rassure: je veux bien taire en ce jour tout ce qui fera l'honneur de l'histoire et l'admiration de la postérité. Je veux même ajouter, pour satisfaire à ses vœux impatients, que tous les François ont vaincu avec lui, et qu'ainsi sa gloire est la propriété de tous.

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Quand je pense à tout ce qu'il a fait pour se faire pardonner cette gloire, à ce goût antique de la simplicité qui le distingue, à son amour pour les sciences, à ses lectures favorites, à ce sublime Ossian qui semble le détacher de la terre, loin de redouter ce qu'on voudroit appeler son ambition, JE SENS QU'IL NOUS FAUDRA PEUTÊTRE UN JOUR LE SOLLICITER ET LE PRESSER DE SORTIR DE SA STUDIEUSE RETRAITE, la France entière sera libre, et peut-être lui ne le sera jamais : telle est sa destinée. » La fin de ce discours est très remarquable.

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