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République ro

Les mesures que prit le directoire après cette conquête n'étoient pas propres à lui en assurer la possession. On donna aux inaine. Romains une forme de république; mais tandis qu'on chantoit en grande pompe un Te Deum dans la basilique de SaintPierre, on déclaroit émigrés le plus grand nombre des princes de l'église, qui avoient pris la fuite avec leur chef; on confisquoit leurs biens ; les meubles somptueux, les chefs-d'œuvre des arts qui décoroient leurs palais, furent enlevés. La ville fut en quelque sorte livrée au pillage d'une foule de concussionnaires, dont l'insatiable avidité ne put être réprimée par aucun frein, et dont les excès ne tardèrent pas à soulever le peuple et à l'exciter à la vengeance.

Nous allons voir recommencer la guerre avec plus de fureur que jamais, et les plus belles contrées de l'Italie, devenues le théâtre principal de cette guerre, livrées à tous les désordres de la vengeance, du fanatisme et de l'anarchie, tour-à-tour prises et reprises par les Autrichiens, Russes et les François; inondées de sang, couvertes de ruines, et payer à ce prix excessif les premiers rudiments de leur

liberté.

les

L'empereur ne se croyoit pas plus lié que la république par le traité de CampoFormio. La paix qui en avoit été la suite

yeux

de

n'étoit qu'une suspension d'armes, pen-
dant laquelle chacune des parties belligé-
rantes se reposoit, se recrutoit, et se pré-
paroit à tenter de nouveau la fortune des
combats. Le congrès de Rastadt ne cachoit
pas même cet état de choses aux
'ignorante multitude: car, tandis
que les
membres du corps germanique étoient à
chaque instant prêts à se soumettre aux
ordres du directoire, les hauts députés ne
prenoient pas la peine de déguiser leur
opinion sur la comédie qu'ils jouoient,
et sur le dénouement qu'ils prévoyoient.

Un seul cabinet paroissoit impénétrable à tous les yeux. C'étoit celui de Berlin. Depuis qu'il s'étoit retiré de la coalition, il s'étoit également montré inaccessible à la séduction des princes coalisés et à la crainte des opinions révolutionnaires. La république françoise se flattoit de l'avoir enchaîné à son char; les rois pensoient que sa politique et son intérêt ne tarderoient pas à l'en détacher.

Il étoit possible qu'il trompât les deux partis, ou qu'il fût trompé lui-même. La cour de Berlin étoit une vaste arène, dans laquelle le citoven Syeyes, pour la France, et sir Thomas Greenville, pour l'Angleterre, jouoient les deux principaux rôles, s'épioient réciproquement, se combattoient tantôt franchement et à découvert, tantôt par la ruse et en vrais di

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Guerre et

plomates, mais toujours en rivaux qui se craignoient et se détestoient également.

Immobile témoin de cette lutte, dont il sembloit devoir être le prix, le roi ne refusoit rien, ne promettoit rien, tenoit l'Europe en suspens, et déconcertoit tous. les calculs de la politique.

Ce fut à cette époque que le roi de Nainvasion ples, excité par les conseils de sa femme, les par promesses de l'Autriche,

de

Naples.

entraîné
et mal instruit de la nature et de la diver-
sité des intérêts du continent, s'ébranla
tout seul, et résolut d'affranchir l'Italie
du joug des François.

Il comptoit sur une coopération de la part du roi de Sardaigne. Mais une correspondance interceptée par les François leur avoit révélé le secret de cette alliance dirigée contre eux.

Une lettre, en date du 2 octobre 1798, écrite de Naples par le prince Pignatelli au chevalier Priocca, ministre du roi de Sardaigne, contenoit les passages sui

vants :

« Vous pouvez assurer sa majesté sarde que les nouvelles les plus heureuses viennent de nous arriver de Berlin. Je crois remplir les intentions du roi mon maître en vous annonçant, M. le comte, que la délivrance de l'Italie dépend en ce moment de sa majesté sarde. L'Italie peut encore une fois devenir le tombeau des

François, si les Piémontois courageux, au milieu des fers pesants dont le peuple régicide les accable, conspirent dans le silence de la servitude la mort de leurs tyrans. »

Dans une lettre du baron d'Awerweck au gouverneur de Turin, on lisoit :

« Je suis arrivé depuis deux jours de Berlin. Monseigneur le prince Pignatelli a dû mander dernièrement au comte Priocca l'heureux résultat des négociations, malgré l'opiniâtre neutralité de la Prusse et les tâtonnements de la cour de Vienne. Le prince Repnin saura soutenir, par des alliés puissants, tous les princes qui vou dront délivrer l'Europe de l'influence françoise. Le Piémont est plus qu'aucune autre puissance intéressé à cette cause, qui doit lui rendre sa place parmi les puissances continentales, etc... >>

Muni de ces pièces, le directoire les transmit aux conseils, avec un message, dans lequel il disoit :

"

« L'Europe retentit depuis long-temps de la déloyauté de la cour de Naples. Il seroit surabondant de rappeler tous les traits odieux qui caractérisent la perfidie de ce gouvernement...

« La complicité du roi sarde avec celui de Naples se trouve dans leur identité de conduite. Des voleurs, enrégimentés sous le nom de barbets, ont impunément volé

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Prise de

et assassiné des François. Des poignards ont été distribués contre nous, et l'interrogatoire d'un chef de ces brigands constate qu'il avoit reçu de sa cour des paquets de poison pour les jeter dans les eaux servant au camp françois... »

D'après de tels griefs, le directoire ne pouvoit se dispenser de déclarer la guerre au roi de Naples et à celui de Sardaigne.

Celle-ci ne fut pas longue. Le général Turin. Joubert se présenta, le 20 frimaire, devant Turin. Toutes les portes en étoient ouvertes, toutes les troupes en étoient désarmées, hors celles de la citadelle, qui étoient françoises. Le roi avoit donné son abdication le 19, et le 21 un gouvernement provisoire et républicain fut établi dans son palais.

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« Par l'article Ier du traité qui fut signé entre ce malheureux roi et le général Joubert, au nom de la république françoise, S. M. déclara qu'elle renonçoit à l'exercice de tout pouvoir.

« Par l'article II, elle ordonna à l'armée piémontoise de se regarder comme partie intégrante de l'armée françoise en Italie.

« Par l'article VI, le roi et toute sa famille eurent la liberté de se retirer en Sardaigne, en passant par la ville de Parme.

«Par l'article VII, le roi devoit être accompagné par des détachements d'égale force de ses gardes et des troupes françoises.

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