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« Par l'article X, les vaisseaux des puissances qui sont ou seront en guerre avec la république françoise ne peuvent être reçus dans aucun des ports de l'île de Sardaigne.

"

Ce traité, monument de violence et d'orgueil d'une part, et de foiblesse de l'autre, fut signé à Turin le 19 frimaire. an 7 (9 décembre 1798).

Le même jour, le roi sortit de sa capitale, suivi de six voitures escortées par un détachement de cavalerie françoise.

Celui de Naples opposa plus de résistance à l'ennemi, sans obtenir plus de

succès.

1799.

l'invasion

de

Naples.

Son armée, forte de plus de quarante Suite de mille hommes, et commandée par le général Mack, célébre par ses malheurs autant que par ses talents, entra sur le territoire de Rome, et prit aussitôt l'offensive. Ses premières marches furent si bien combinées que les troupes françoises qui bordoient la frontière des états de l'église, de l'Ombrie, et de la marche d'Ancône, se trouvèrent séparées dès les premières attaques. Tournées de toutes parts en-deçà et au-delà des montagnes, par la direction et le déploiement des colonnes ennemies, débordées par des forces supérieures, les troupes françoises, aux ordres du général Championet, ne pouvoient pas se rallier en avant de leur position, et n'v

1799.

devoient tenir que le temps nécessaire pour couvrir leur retraite par la Romagne.

Mais autant les François mirent de vigueur dans la défense des positions qu'ils occupoient, et de célérité dans leur ralliement, autant les Napolitains mirent de mollesse et de négligence dans leurs attaques combinées, de précipitation dans leur retraite, de désordre dans leur fuite. Un seul des généraux qui commandoient leurs colonnes, M. le comte Roger de Damas, émigré françois, exécuta fidélement les ordres du général Mack, et surpassa ses espérances par sa glorieuse retraite. Du reste la déroute fut compléte. L'armée napolitaine fut vivement poursuivie. Capoue fut prise et brûlée. Championet s'approcha de Naples, qui étoit dans ce moment livrée à tous les désordres de l'anarchie. Soixante mille lazzaronis en défendoient les portes. On voulut parlementer avec leur chef: ils tirèrent sur le parlementaire. Alors le général françois ordonna l'assaut, que les soldats demandoient il fut terrible: d'un côté, le courage féroce d'une multitude furieuse, qui s'armoit des plus saints motifs, liberté, patrie, religion! de l'autre, la valeur disciplinée opposant par-tout l'ordre et le sang-froid à des masses inorganisées, mais guidées par la rage et le désespoir. A mesure que l'artillerie éclaircissoit les

rangs, les lazzaronis remplissoient les vides. Du haut des maisons, ils faisoient pleuvoir sur les bataillons françois des vases, des pierres, des poutres et de l'huile bouillante. Ils se défendirent avec cette rage pendant trois jours entiers. Pendant ces trois jours leurs masses, refoulées par le canon, s'amonceloient dans les places; et là, pour les vaincre, il falloit les massacrer. Il en périt trente mille. Enfin le quatrième jour on se parla: le général françois fit proclamer un miracle de saint Janvier à ce nom révéré, les lazzaronis se calment, se mettent à genoux, et le sang s'arrête. Avant ce tumulte le roi s'étoit embarqué avec sa famille, et s'étoit sauvé en Sicile, emmenant une partie de sa marine et brûlant le reste. Son gouvernement fut remplacé par un gouvernement provisoire, et l'on proclama la république parthénopéenne.

1799.

de la

Toscane.

Peu de temps après la Toscane subit le Invasion sort du reste de l'Italie. Malgré sa neutralité, elle avoit reçu des troupes napolitaines à Livourne, et, au point où les choses étoient venues, l'impérieuse raison d'état commandoit la soumission entière de l'Italie; il importoit sur-tout de n'y pas laisser un souverain de la maison d'Autriche, au moment où l'on craignoit d'avoir à combattre toutes les forces de cette maison réunies à celles que la Russie en

1799.

Invasion de la

Suisse,

voyoit à son secours. Et cette raison pouvoit au moins servir d'excuse à l'invasion de la Toscane.

Mais ce qui est resté sans excuse à tous les yeux, c'est l'invasion de la Suisse, un des plus grands crimes du directoire, et un des événements de la révolution qui a eu les conséquences les plus étendues.

Les victoires de la république, son existence reconnue par les principales puissances, la paix de Campo- Formio, un congrès composé de tous les députés des états de l'Europe, à l'exception de ceux que le directoire en avoit exclus, le pouvoir suprême qu'il s'arrogeoit en France, et celui qu'on lui supposoit de régler les destinées du continent, tous ces avantages faisoientinsensiblement oublier aux étrangers les crimes de la révolution, et les plaçoient au rang des actes qué l'on croit justifiés par leur grandeur.

C'est dans ces circonstances, c'est lorsque tout fléchissoit devant le directoire, forsque le plus célébre de ses généraux recevoit, en traversant l'Helvétie, plus d'honneurs, et les recevoit avec moins d'égards que n'eussent pu faire César ou Pompée dans les Espagnes ou dans les Gaules (1); c'est dans ce moment où le

(1) Buonaparte traversa la Suisse pour se rendre à Rastadt. Berne lui avoit préparé des honneurs, un bal, des députations et des relais. Il repoussa tout

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directoire pouvoit, comme ces illustres Romains, distribuer des royaumes et donner la paix au monde, que la passion particulière d'un de ses membres (1), et le desir de faire vivre aux dépens du pays étranger des armées dont on redoutoit le repos et la communication avec les citoyens, firent résoudre l'invasion d'une terre hospitalière, le dernier asile des mœurs antiques, le séjour favori de la liberté, et livrèrent à toutes les horreurs de la guerre un peuple dont la franchise et la loyauté avoient été justement célébrées dans tous les temps.

Avant d'y envoyer des commissaires et des armées, le directoire y faisoit passer, depuis long-temps, des espions, des propagandistes et des libelles. Par les libelles, il corrompoit l'esprit du peuple; par les propagandistes, il divisoit celui du gouvernement; par ses espions, il égaroit celui des troupes trois grands ressorts de sa politique, et les plus puissants véhicules de ses succès.

Malgré toutes ces manœuvres, on doit regarder comme un fait certain que la nation en masse, que l'immense majorité des villes et des campagnes repoussèrent long-temps le projet d'une révolution

avec dédain, et passa debout, ne laissant sur sa
route que des traces d'humeur et de mépris.
(1) Rewbell.

1799,

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