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Toutes les révolutions précédentes avoient pour but d'abattre les trônes, de corrompre les peuples, et de démolir pièce à pièce le grand édifice de la société européenne.

Celle du 18 brumaire a eu pour effet de reconstruire la société sur de nouvelles bases, de rendre aux rois leur autorité, et de rappeler le peuple à ses occupations journalières.

Depuis la révolution de 1789, jusqu'à celle du 18 brumaire, l'esprit démocratique avoit tourné toutes les têtes, bouleversé toutes les propriétés, et renversé toutes les institutions que la sagesse des temps avoit consacrées.

Depuis la révolution du 18 brumaire, jusqu'à la restauration de 1815, une main puissante s'occupoit du soin de relever le trône et de l'entourer d'institutions qui, comme autant de fortes barrières, garantissent les rois des insurrections populaires, et les peuples des invasions du despotisme et des malheurs de l'anarchie.

Depuis le 14 juillet, enfin, jusqu'au -18 brumaire, toutes les factions, toutes les passions, toutes les ambitions se sont partagé la France, l'ont pillée, ravagée, meurtrie et avilie.

Depuis le 18 brumaire jusqu'au 31 mars 1814, une seule ambition a fait taire tou

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tes les autres ; un seul homme a régné : et quels que soient d'ailleurs les reproches qu'on lui a faits, reproches que nous ne lui épargnerons pas, il faut dire qu'il a régné avec gloire. L'époque de son élévation fut en même temps celle de la réhabilitation de la France. Les malheurs et les humiliations que nous avons éprouvés depuis n'ont pas effacé tous nos souvenirs, et ne doivent pas nous dispenser d'être justes.

FIN DE LA QUATRIÈME ÉPOQUE.

DE FRANCE

DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI

JUSQU'AU TRAITÉ DU 20 NOVEMBRE 1815.

CINQUIÈME ÉPOQUE.

DIX-HUIT BRUMAIRE, OU LE CONSULAT.

DEPUIS LA NOMINATION DE BUONAPARTE AU CONSULAT

JUSQU'À SON INSTALLATION AU TRÔNE IMPÉRIAL.

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révolu

tion.

Le sage avoit raison : Il n'y a rien de LE nouveau sous le soleil. Quand on veut se Véritadonner la peine d'y réfléchir, les événe- bles cauments les plus extraordinaires ne sont ses de la que la répétition d'autres événements que nous avons perdus de vue. La révolution, dont nous retraçons l'histoire, qui a produit tant de changements en Europe, qui a jeté tant d'effroi dans les ames, les causes de laquelle on a écrit tant de volumes et formé tant de conjectures, n'est, aux yeux du philosophe, qu'une de ces catastrophes climatériques qui se renou

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vellent à de grands intervalles dans le monde politique comme dans le monde physique.

Les contemporains qu'elles épouvantent n'y voient qu'un bouleversement terrible, dont ils recherchent les causes autour d'eux. A leurs yeux ce sont toujours les hommes qui ont tort: ils n'accusent ni le cours des choses, ni l'influence des antécédents, qui donnèrent l'impulsion à des agents non moins aveugles dans leurs moyens que dans leur but. C'est sans doute une consolation ¿ que la Providence a voulu ménager à ceux qu'elle afflige, que cette habitude de séparer ainsi les effets de leurs causes, et de ne voir dans le cours nécessaire des âges que des dérangements fortuits. Cette illusion leur épargne au moins le tourment de l'attente; mais ce n'est qu'une illusion que dissipent l'étude et la réflexion.

Les siécles pèsent les uns sur les autres, et entraînent par un poids inaperçu les opinions, les institutions, et tous les rapports sur lesquels les unes et les autres étoient fondées. Le temps, novateur impitoyable, prépare en secret tous les changements que subissent les nations. L'habileté des législateurs consiste à marcher? du même pas que lui, et à diminuer son action en la partageant. Mais laissons les généralités, et entrons directement dans

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notre sujet par les cinq propositions sui

vantes :

1o Lorsqu'il y a des classes privilégiées dans un état, la durée de ces priviléges, dépend d'une grande et constante différence de mœurs entre ces classes et les autres. Aussitôt que le temps a introduit dans les mœurs cette uniformité que les institutions tendoient à séparer, les principes qui avoient opéré et qui maintiennent cette séparation tendent également à s'affoiblir: et quand l'uniformité est parfaite, la séparation des classes et les institutions politiques ne tiennent plus qu'à un artifice, que le plus léger accident peut détruire.

2o Lorsque les emplois sont le partage exclusif des classes privilégiées, la stabilité des priviléges et des institutions ient à un système d'éducation spéciale, tel qu'il puisse donner aux individus de ces classes une supériorité fondée sur des qualítés et des talents inhérents, pour ainsi dire, à leur position: mais s'il arrivoit que, dans ce même état, le système d'éducation devînt commun; si toutes les classes de la nation pouvoient acquérir, avec une égale facilité, les qualités distinguées que requiert l'exercice de tous les emplois privilégiés; la faculté exclusive d'y parvenir ne paroîtroit bientôt plus qu'une injustice légale, « et le privilége

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