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général Ott, un premier engagement, dont l'avantage resta aux François : cet échec ne fit que hâter la résolution qu'avoit prise le général Mélas de livrer une bataille générale et décisive à Buonaparte, sur l'armée duquel il avoit tous les avantages du nombre, de la cavalerie et de l'artillerie.

L'armée françoise qui se trouvoit en ligne n'étoit pas forte de plus de trente mille hommes.

Le 13 juin les deux armées se trouvèrent en présence sur la rive droite du Pô, et à peu de distance du village de Marengo.

1800.

de

Marengo.

Le lendemain 14, à la pointe du jour, Bataille les Autrichiens passèrent la Bormida: à huit heures du matin les têtes de deux de leurs colonnes attaquèrent vivement la division Gardannes. Bientôt après l'action générale s'engagea de part et d'autre. Le village de Marengo fut pris et repris plusieurs fois par les Autrichiens et par les François. Les généraux Victor, Lannes et Kellermann firent des prodiges de valeur, mais inutilement. Vers midi le corps de Victor fut enfoncé : ceux de Lannes et de Kellermann éprouvèrent le même échec, et firent leur retraite en bon ordre. Quatre divisions françoises étoient battues et repoussées; à cinq heures du soir la bataille étoit perdue. Le général Desaix,

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1800.

dont la division très éloignée ne s'étoit pas trouvée au commencement de l'action, arrivoit au pas de charge, et avec des troupes animées du violent desir de venger l'honneur françois. Buonaparte, qui l'attendoit, le voit arriver, se relève de son profond abattement, forme une nouvelle ligne de bataille, en parcourt rapidement le front, ranimant le courage des soldats par ces courtes harangues, par ces vives incitations qui lui étoient familières : « Soldats, c'est assez reculer, marchons en avant; vous savez que je couche toujours sur le champ de bataille. » Les Autrichiens s'avançoient avec la confiance que donne la victoire. Ils n'étoient plus qu'à demi-portée de canon des François, quand ceux-ci s'ébranlent tous à-lafois. Le général Desaix, marchant à la tête de sa colonne d'attaque, se présente le premier devant l'ennemi, l'étonne et l'arrête par un feu terrible, et une fusillade engagée à portée de pistolet. C'est au moment où commençoit l'engagement à la baïonnette, que le généreux Desaix est frappé d'une balle au milieu de la poitrine, et tombe dans les bras du colonel Le Brun (1).

(1) Desaix étoit issu d'une famille noble d'Auvergne, et étoit lieutenant au régiment de Bretagne avant la révolution. Il avoit trente-deux ans quand il mourut au champ d'honneur.

Il revenoit d'Égypte ; à son débarquement à Toulon il avoit appris le passage du mont Saint-Bernard. Impatient de rejoindre l'armée, il obtint qu'on abrégeât sa quarantaine, et se rendit avec la plus grande diligence en Piémont. Là, il reçut l'ordre du premier consul de prendre le commandement des deux divisions de réserve restées à San-Juliano. Ce fut avec ces deux divisions qu'il arracha la victoire à l'ennemi. Sa mort glorieuse, et digne de toute sa vie, loin d'arrêter l'ardeur de ses soldats, ne fit que les enflammer davantage. Pour la venger, ils se précipitèrent dans les rangs ennemis.

Le premier consul, voyant les Autrichiens ébranlés, les fit charger par la brigade de Kellermann, qui exécuta cette manœuvre avec tant de vigueur et d'habileté, qu'on peut dire qu'après Desaix ce fut lui qui contribua le plus au gain de la bataille.

Le général Zach, qui avoit cru n'avoir plus qu'un dernier coup à porter, s'étant trop avancé, et n'étant pas soutenu par le reste de la ligne, se trouva tout-à-coup enveloppé par les François, et forcé de mettre bas les armes avec quinze cents grenadiers. Alors les Autrichiens, saisis de terreur, s'enfuirent de toutes parts, et ne se rallièrent que derrière leurs retranchements sur la Bormida: il étoit dix heures du soir.

1800.

1800.

Suites de

de

Marengo.

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Pendant la nuit, le général Mélas repassa la rivière avec toute son armée, et alla reprendre son camp sous Alexandrie. Il pensoit que l'armée françoise, dont les pertes égaloient au moins les siennes avoit, autant que la sienne, besoin de repos, et lui laisseroit le temps de former un autre plan de bataille. Mais il avoit affaire à un ennemi infatigable, qui, comme César, savoit vaincre et profiter de ses victoires. Pendant la nuit, Buonaparte s'étoit avancé sur la Bormida, se disposoit à enlever les têtes de pont, et engageoit déja une fusillade terrible dans les avant-postes, lorsqu'un parlementaire arriva de la part du général Mélas, demanda une suspension d'armes et une entrevue. Buonaparte accorda l'une et l'autre.

Le général Berthier, muni d'instrucla bataille tions et de pleins pouvoirs, se rendit à Alexandrie, et revint, quelques heures après, avec une capitulation connue sous le titre de convention entre les généraux en chef des armées françoise et impériale en Italie, en vertu de laquelle les forteresses de Tortone, de Milan, d'Alexandrie, de Turin, de Plaisance, de Coni, d'Urbain, etc., et les villes de Gênes (1) et de

(1) La ville de Gênes venoit d'être prise par les Autrichiens, après un siège long et meurtrier, que le général Masséna avoit soutenu avec autant de

Savone devoient être remises à l'armée françoise.

Telle fut l'issue de la bataille de Marengo, l'une des plus décisives de toutes celles qui furent livrées dans le cours de la révolution, et celle qui a le plus influé sur la situation respective de la France et de l'Italie.

La perte en hommes fut à-peu-près égale des deux côtés. Les premiers fruits de cette victoire furent six mille prisonniers, un général, huit drapeaux, vingt bouches à feu, et les douze places fortes dont nous avons parlé plus haut.

L'heureux conquérant, pressé de cueillir les fruits de sa victoire, quitta le champ de bataille le 17 juin, et fit le même jour son entrée triomphante à Milan. « Les actions de grace qu'il alla rendre à la cathédrale, la pompe des cérémonies religieuses qui furent rétablies par ses ordres, le trône des Césars qu'il fit préparer dans le sanctuaire, et sur lequel il alla s'asseoir, fixèrent tous les regards, et durent être pour l'Europe un grand avertissement (1). "

Après avoir prescrit assez rapidement une nouvelle forme d'administration pro

valeur que d'habileté. Vous valez seul une armée,
lui dit le général ennemi après la capitulation.
(1) Précis des Evènements militaires, par M. Mat-
thieu Dumas.

1801.

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