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1801.

la forteresse. C'est dans ce dernier cabinet que son malheur et son trouble le conduisirent.

Saisissant une épée, il regagnoit l'autre cabinet, quand les conjurés entrèrent. Ils allèrent droit à son lit. Ne l'y trouvant pas, tous s'écrièrent: Il est sauvé. Déja ils se crovoient trahis, quand Beningson l'aperçut blotti derrière un paravent.

Paul troublé, sans vêtements, et armé seulement de son épée, leur demande ce qu'ils veulent. « Votre abdication », répondent-ils. Il la refuse avec emportement. Il reconnoît les conjurés ; il les nomme les uns après les autres; il leur rappelle ses bienfaits; il leur parle enfin de manière à ébranler leur résolution.

Alors Platon Zouboff, craignant l'effet de ses reproches, les interrompt brusquement, et lit un acte d'abdication. Paul l'interrompt à son tour, et lui reproche vivement son ingratitude et son crime. Tu n'es plus empereur, reprend celui-ci, c'est Alexandre qui est notre maître. Indigné de son audace, Paul va pour le frapper. Les conjurés paroissoient indécis. C'en est fait de nous s'il échappe, s'écrie Beningson. Alors Nicolas Zouboff, portant le premier la main sur son souverain, lui casse le bras droit, et par ce coup audacieux il entraîne la scélératesse irréfléchie

de ses complices. Tous à-la-fois tombent

sur lui, le percent de plusieurs coups. Il expire, et ses dernières paroles sont : Constantin, Constantin.

Que faisoit Pahlen pendant ce temps-là? Il avoit rassemblé un régiment des gardes, à la tête duquel il arrive au palais, décidé à seconder l'entreprise si elle réussit; et, si elle manque, à défendre son maître.

En apprenant cet affreux événement, Alexandre tomba dans un accablement profond. Pendant plusieurs jours on chercha vainement à tempérer sa douleur, et dans le premier moment il refusa le trône. Mais cédant enfin aux instances réitérées de sa famille éplorée, des grands officiers du palais, des premières autorités de la ville et de ses plus chers serviteurs, qui lui représentèrent qu'il se dévoit tout entier à l'état, il consentit à paroître au balcon du palais; il fut salué empereur au milieu des acclamations de son peuple, et reçut ensuite le serment de fidélité des officiers de son palais, de la ville et de l'armée.

En accordant la paix au roi de Naples, Buonaparte n'y mit d'autre condition que celle de son adhésion au système continental; mais, par cette adhésion, le roi s'obligeoit à fermer ses ports aux Anglois, et à ses sujets le seul débouché que le commerce offrît à leurs denrées. C'étoit là l'écueil malheureux contre lequel venoient

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Concor

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alors se briser tous les traités de paix que la loi du plus fort imposoit aux vaincus, Nous verrons bientôt comment et pourquoi celui-ci fut rompu.

Ce fut dans le mois de juillet de la même année (1801) que Buonaparte, qui sentoit la nécessité d'affermir son gouvernement naissant, en lui donnant pour base la religion, signa avec le saint-père une convention qui rétablissoit la religion catholique en France. C'est cette convention que nous nommons concordat (1).

On réclamoit de toutes parts l'ouverture des églises, le rappel des ministres catholiques, et la liberté des cultes. Les préfets, les commandants militaires, les magistrats, s'accordoient tous sur ce point dans leurs rapports. Tous représentoient que le rétablissement du culte étoit le seul moyen de ramener l'ordre, d'épurer les mœurs, et de réparer les maux innombrables qu'une politique cruelle, farouche, et qui avoit armé contre elle toutes les consciences, entretenoit dans l'intérieur de la France.

(1) Ce traité fut signé, au nom du saint-père, par Je cardinal Caprara et par l'abbé Bernier, curé de Saint-Laud d'Angers, au nom du premier consul, On fut étonné de voir l'église gallicane représentée par un simple prêtre sans caractère et sans titre : mais nous devons faire observer qué ce prêtre avoit été l'agent des armées catholiques et royales dans tout le cours de la guerre de la Vendée.

Mais après huit ans de persécutions religieuses, pendant le cours desquels on n'avoit adoré Dieu que dans les bois, dans les caves, dans les réduits les plus obscurs, pendant le cours desquels on avoit publiquement abjuré la croyance de tous les siècles, foulé aux pieds les mystères de la religion, abandonné aux outrages et à la dérision des peuples les cérémonies et les ministres du culte catholique, ce n'étoit pas une entreprise facile que celle de rouvrir les temples profanés, de rendre aux cérémonies religieuses leur pompe antique et respectable; de rappeler aux pieds des mêmes autels les pasteurs dispersés par la persécution, et leur troupeau divisé par de vaines controverses, parmi tant de ruines et de sacrileges, parmi des prêtres dissidents, ennemis plus ardents les uns des autres qu'ils ne l'étoient de leurs persécuteurs.

On ne pouvoit arriver à ce but desirable que par le concours des deux autorités ; l'autorité spirituelle oubliée ou méconnue depuis huit ans, l'autorité temporelle qui, tout à-la-fois, sentoit le besoin des secours de la première, et trembloit de s'en servir.

Il falloit que le chef de l'état, pour donner l'exemple de la soumission, consentît à courber sa tête orgueilleuse devant l'humble successeur de saint Pierre.

1301.

1801.

Mort de

Pic VI.

Pie VII

Il falloit
que, de son côté, le souverain
pontife se soumît à reconnoître un pro-
tecteur de l'église dans celui qui avoit
usurpé le trône des Bourbons; et des deux
côtés les avantages que ce rapprochement
devoit procurer ne parurent pas d'abord
un dédommagement suffisant des sacri-
fices qu'il exigeoit.

Heureusement pour l'église, elle étoit alors gouvernée par un prince qui réunissoit la sagesse et les lumières à la plus éminente piété.

Le respectable Pie VI, chassé de Rome par les révolutionnaires, et successivement transféré à Florence, à Briançon et à Valence, étoit mort prisonnier dans cette dernière ville, et victime des persécutions du directoire (1).

Grégoire-Barnabé Chiaramonti, évêque souverain d'Imola, avoit été nommé son successeur pontife. en 1800, par un conclave assemblé à Ve

nise.

Plus heureusement encore, il avoit donné sa confiance au cardinal Consalvi, l'un des plus habiles ministres qui, à cette époque, aient paru sur la scène politique; et l'un de ceux qui, par un zéle éclairé pour la religion, par la plus douce philosophie, par la constance de ses vues, et sur-tout par la rédaction du concordat, a

(1) Mort le 29 août 1798, après avoir gouverné Féglise pendant vingt-cinq ans.

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