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le plus contribué à donner quelques années de paix à l'église gallicane.

De puissants obstacles et des difficultés sans nombre en traversèrent long-temps la conclusion. Le saint père avoit résolu de rendre le calme aux consciences, et de contribuer autant qu'il étoit en lui à la restauration du culte : mais ce fut au prix de deux sacrifices bien douloureux pour son cœur qu'il acheta ce double avantage; ce fut en ratifiant la vente des biens du clergé, et en consentant à une nouvelle circonscription des diocèses.

Buonaparte demandoit ces deux articles essentiels de manière à n'être pas refusé. Quatre-vingt-seize églises, tant métropolitaines qu'épiscopales, furent supprimées par ce traité. « Nous avons été forcés, a dit depuis le saint père dans une de ses lettres apostoliques, nous avons été forcés à ce grand sacrifice par l'urgente nécessité des circonstances; nous avouons avec une profonde douleur que tous nos soins et tous nos efforts n'ont pas été capables de vaincre cette nécessité, et que nous avons été contraints de nous y soumettre. »

Il y avoit dans ce même traité un autre article auquel peu de personnes firent attention, et qui étoit peut-être celui de tous qui renfermoit de plus dangereuses conséquences pour l'église catholique; c'est que le gouvernement françois n'avouoit

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aucune religion pour la sienne. Il y étoit stipulé « que le gouvernement de la république reconnoissoit que la religion catholique, apostolique et romaine étoit la religion de la grande majorité des François. »

Les bons catholiques, interprétant tout en bonne part, pensèrent que, par ces paroles, le catholicisme étoit reconnu comme religion du gouvernement: mais c'étoit un piége qu'on tendoit à leur bonne foi. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le discours que M. Portalis, ministre des cultes, prononça à cette occasion.

« Le catholicisme, dit-il, est en France, dans le moment actuel, la religion des membres du gouvernement, et non celle du gouvernement lui-même. Il est la religion de la majorité du peuple françois, et non celle de l'état : ce sont deux choses qu'il n'est pas permis de confondre, et qui n'ont jamais été confondues (1). »

Le plus grand nombre des évêques de France, animés d'un bon esprit, se soumirent à ce traité; d'autres, excités par un zéle peu éclairé, le méconnurent avec éclat. Le saint père attendit du temps le remède à cette nouvelle plaie du sanćtuaire.

Le concordat fut proclamé dans l'église

(1) Discours de M. Portalis sur l'organisation des cultes, 15 germinal an 10.

métropolitaine de Paris, le jour de Pâques 1801. 1802. La présence du premier consul, le concours de toutes les autorités civiles et militaires, les acclamations de l'alégresse publique, tout, jusqu'au son du bourdon de Notre-Dame, qu'on n'avoit pas entendu depuis dix ans, donna à cette fête de la restauration religieuse un appareil extraordinaire, et à tous les cœurs une expansion qui promettoit de longs jours de paix.

Mais dès le lendemain chacun se permit de scruter les opinions et la pensée du premier consul en matière de religion. Les uns lui supposèrent une crédulité superstitieuse, colorée d'un vernis de philosophie; les autres lui accordèrent une philosophie indépendante de tout sentiment religieux (1). Ces deux conjectures n'étoient ni fondées ni raisonnables: le consul agissoit en politique habile. S'il paroissoit reconnoître comme des droits d'anciennes prétentions ultramontaines, il fortifioit de tout l'ascendant des préjugés sa nouvelle autorité ; et par des sacrifices pénibles, sans doute, mais commandés par la nécessité, il mettoit fin aux

(1) « Des personnes dignes de foi assurent qu'après huit mois d'efforts et de tentatives inutiles pour vaincre la résistance de la cour de Rome, le consul lui fit déclarer que si, en dernière analyse, elle ne se prêtoit pas à ses vues, il alloit proclamer la religion protestante la religion de l'état. » De la persécution de l'Eglise, par M. de Laplace.

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divisions qui, après avoir fait verser des torrents de sang, continuoient d'agiter l'église et de troubler le repos de l'état.

On ne doute pas que, si le temps, les

circonstances et le but de son ambition l'avoient permis, Buonaparte n'eût traité avec la cour de Rome à la manière de Henri VIII, de Gustave-Adolphe et de la confédération d'Augsbourg. Les expédients les plus prompts et les plus impétueux convenoient à ses desseins, comme à son caractère; mais il sentoit la nécessité de faire concourir, avec l'admiration et la faveur dont il étoit l'objet, l'influence de la religion et l'empire que le chef de l'église exerce sur la multitude.

Il se faisoit un moyen de l'obstacle même qu'il étoit le plus difficile de vaincre; et cette modération, dans un tel homme, étoit une extrême sagesse. Il déploya dans ces circonstances toutes les ressources de la doctrine de Machiavel: disciple de cet habile et dangereux politique, il laissa loin derrière lui non seulement le maître, mais l'école même dans laquelle celui-ci avoit composé le modèle idéal de son prince.

Tout le monde sait que la cour de Rome avoit été l'école de Machiavel. Cette cour s'inclina devant l'homme du destin, comme si elle avoit cessé d'être l'organe de la Providence, l'arbitre des rois et la su

prême dispensatrice des destinées humaines. L'ascendant du premier consul triompha des antiques préjugés; et le pontife, de bonne foi dans la négociation du traité, compta de bonne foi sur son exécution. Il ne lui vint pas dans l'esprit de demander, par exemple, l'explication de la disposition par laquelle l'exercice du culte catholique étoit assujetti aux réglements de police, que le gouvernement jugeroit nécessaires pour assurer la tranquillité publique (1). Et cependant c'étoit de cette disposition expresse que l'on devoit se servir pour violer le concordat, presque au moment même où il fut signé. Sous le titre d'organiques, on y ajouta une série d'articles qui en dénaturoient totalement l'esprit, et qui plaçoient la puissance ecclésiastique sous la juridiction de l'autorité civile.

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Paix

Quinze jours avant la signature du concordat, la paix avec l'Angleterre avoit été d'Amiens. signée à Amiens. Par ce traité, l'Angleterre reconnoissoit Buonaparte en qualité de premier consul, et rendoit à la France et à ses alliés tout ce qu'elle avoit conquis dans les deux hémisphères.

Mais ces avantages furent considérés, avec raison, comme des concessions forcées et dictées par la nécessité. L'Angle

(1) Art. Ier de la convention entre Pie VII et le gouvernement françois.

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