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1804.

conjurations, tout entier au bonheur de son peuple (1), est plus que jamais en état d'accomplir l'ordre des destinées, tandis que le roi d'Angleterre est frappé de démence, le jour même qu'il avoit marqué pour l'assassinat du premier consul (2); sa nation est en proie aux alarmes, aux divisions, à la guerre civile. Le frère est armé contre le frère, la mère contre le fils.

« A la vue de ces preuves éclatantes de l'existence d'une Providence divine et juste, on se rappelle les tableaux sublimes du prophète Isaïe, et on dit avec Daniel : Mane, thecel, phares.

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Quel étrange abus d'érudition! quelle odieuse prostitution des livres saints! Comment les hommes d'état, qui entouroient le premier consul, n'eurent-ils pas le courage de l'avertir que de pareilles invectives outrageoient à-la-fois la vérité, la décence et l'humanité? comment osat-on dire à la face de l'Europe que, pour venger un attentat imaginaire ou réel contre le premier consul, le ciel, prenant soin de sa défense, avoit frappé le roi d'Angleterre d'une maladie dont il étoit affligé depuis douze ans?

(1) Ce fut la première fois qu'il se servit de cette expression, mon peuple Son peuple!

(2) En 1787, Georges III eut une première attaque de la maladie qui l'a privé de la raison. En 1792, il eut une seconde attaque plus forte, et qui donna lieu à la question de la régence.

L'Angleterre repoussa ces outrages avec 1804. dignité. Dans la séance des communes, du 17 avril, lord Morpeth ayant sollicité l'attention de la chambre sur la correspondance de M. Drack, ministre plénipotentiaire de S. M. britannique en Bavière, le chancelier de l'échiquier prit la parole, et dit :

« Je dois rendre graces au noble lord, puisqu'il me fournit l'occasion de repousser ouvertement et courageusement une des plus grossières et des plus atroces calomnies qui aient jamais été fabriquées par une nation civilisée contre une autre. J'affirme que nul pouvoir n'a été donné par le gouvernement, qu'aucune instruction n'a été envoyée à aucun individu, à l'effet d'agir contre les usages reçus; j'affirme encore, tant pour moi que pour mon collegue, que nous n'avons autorisé aucune créature humaine à se conduire d'une manière contraire à l'honneur de ce pays du au droit des gens (1).

Avec Moreau, Georges et Pichegru, on arrêta quarante-cinq personnes, parmi lesquelles on remarquoit MM. Jules et Armand de Polignac, le marquis de Rivière, le général Lajolais, Victor Couchery, etc.

(1) Et ces paroles, graves comme le sujet qui les inspiroit, ne trouvèrent pas un seul incrédule en Europe parmi les hommes qui réunissoient la moindre instruction au plus simple bon sens.

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La première instruction de leur procès fut faite par le sieur Thuriot, ancien avocat, ancien conventionnel, ardent révolutionnaire, orateur sans talent, juge sans conscience; il s'étoit vendu lâchement aux intérêts du consul, après avoir été un des plus lâches courtisans de Danton.

Pichegru, enchaîné au fond d'un cachot, et livré aux satellites de Buonaparte, lui parut encore trop redoutable. Il craignoit son sang-froid, son courage et les secrets dont il étoit dépositaire. Il craignoit qu'il ne fit publiquement des révélations qui pouvoient compromettre le succès du grand projet dont il étoit occupé. Il fut décidé, dans un conseil secret, qu'il ne paroîtroit pas sur les bancs du tribunal, et qu'il mourroit sous les verrous, à moins qu'il ne voulût racheter sa vie par une bassesse, en signant le billet suivant :

« Je déclare, moi Pichegru, que, dans l'affaire du 13 vendémiaire an 4, le général Buonaparte s'est comporté en brave militaire et en citoyen généreux; qu'il n'a fait que ce que tout autre auroit fait à sa place; que, si j'en ai parlé autrement, soit en France, soit chez l'étranger, c'est par une suite de mes démêlés avec lui, et de la différence de nos opinions; que rien ne me contraint à faire cet aveu; que je le dois à la vérité et au repos de ma

conscience, et qu'à l'avenir tout acte contraire à la présente déclaration doit être regardé comme nul, et l'effet d'un nouveau ressentiment envers le général. » Fait à Strasbourg, ce 15 nivóse an 5.

Ce billet lui fut présenté par une dame qu'il avoit beaucoup aimée, et qui obtint à cette condition la permission de pénétrer dans son cachot. Pichegru lit, et s'écrie: O le lache! il m'a jugé d'après lui. La dame insiste, et il répond: « L'amour que je porte à mon pays, l'honneur et mes principes ont mis entre Buonaparte et moi une barrière d'airain: il veut mon sang; mais, ce qu'il ne sait pas, c'est que pour le verser il faudra qu'il me donne des bourreaux comme lui. Si parmi les juges, parmi les gardes, dans l'auditoire, il se trouve encore des hommes qui n'aient pas abjuré tout sentiment d'amour de la patrie ou de l'humanité, je réponds de ma cause, et sa dernière heure aura sonné.... Voilà, ajouta-t-il en arrachant sa cravate, et en déroulant des papiers qu'il y avoit cachés, voilà son arrêt de mort. Là se trouve la masse de tous les forfaits qu'il a commis depuis le siége de Toulon jusqu'à ce jour. En plein tribunal, je démasquerai l'hypocrite, j'attaquerai l'assassin, je ferai trembler le tyran. Je rassemblerai toutes mes forces, je triplerai mon éloquence. A ma voix sortiront de leurs tom-.

1804.

1804.

Procès de

beaux Frotté, Hoche, Kléber, d'Enghien:
A ces quatre illustres victimes viendront
se joindre les malheureux habitants fu-
sillés dans Lodi, à Pavie, à Venise, et-
dans les Marches. A leurs cris se mêleront
ceux des François mitraillés à Toulon, et
sur les marches de Saint-Roch. Je traîne-
rai l'auditoire dans les nombreux cachots
de la capitale: on n'y verra pas sans fré-
mir cette foule d'innocents que le monstre
y fait entasser. De pareilles vérités, ma-
dame, entraînent la multitude, et qui sait
les exposer avec chaleur est toujours sûr
du triomphe...... »

Le malheureux ne savoit pas qu'en parlant ainsi il étoit écouté, et qu'il avoit prononcé lui-même son arrêt. La nuit suivante il fut étranglé par quatre mamelucks; et le lendemain on publia dans Paris qu'il s'étoit étranglé lui-même avec son mouchoir et un tortillon. C'est ainsi que mourut le vainqueur de la Hollande, le héros dont le bras et les talents pouvoient également bien servir le roi dans les conseils et à la tête des armées.

Le 13 mai 1804, le plus illustre de ses Moreau. élèves, le général Moreau, comparut sur le banc des accusés avec MM. Armand et Jules de Polig nac, Georges, le marquis de Rivière et les autres prévenus du même délit.

Ge grand p rocès fixoit depuis trois mois

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