Page images
PDF
EPUB

les deux événements que nous allons ra

conter.

Trois ministres avoient tellement prévariqué, qu'un cri général s'étoit élevé contre eux. Le directoire s'étoit obstiné à les conserver. Il en avoit le droit; mais, dans ce cas-là, l'exercice rigoureux d'un droit n'est souvent qu'une grande faute. Les membres les plus distingués des conseils sollicitèrent vainement la destitution des prévaricateurs. Cette mesure étoit réclamée, non seulement comme un acte de justice, mais encore comme un sacrifice à faire à l'amour de la paix.

Pour toute réponse, le directoire destitua les deux seuls ministres qui méritoient la confiance du public et des conseils, et conserva les trois autres.

L'insolent abus que le directoire fit de ses droits, dans une circonstance aussi remarquable, détermina les conseils à examiner de plus près en quoi consistoient ces droits, et de quelle manière il les exerçoit....... Cet examen conduisit à une découverte importante. On eut la certitude qu'au mépris de la constitution, le directoire avoit fait entrer des troupes dans le rayon constitutionnel de Paris.

Au nom des inspecteurs de la salle, Aubry vint annoncer à l'assemblée que quatre régiments de chasseurs à cheval, détachés de l'armée de Sambre et Meuse,

1797.

1797.

Mort de

devoient arriver sous peu de jours à Corbeil, situé à sept lieues de Paris; ce qui étoit une infraction manifeste à la constitution, d'après laquelle une distance de douze lieues devoit séparer les troupes de ligne de la ville où siégeoit le corps législatif. Il y avoit même une peine de dix ans de fers portée contre celui des directeurs qui seroit convaincu d'une pareille transgression.

Doulcet-de-Pontécoulant demanda que, séance tenante, on fît à ce sujet un message au directoire, et qu'on attendît sa réponse sans désemparer.

Le directoire, traitant l'affaire fort légèrement, répondit d'abord qu'il n'avoit donné aucun ordre de cette nature; et dit ensuite « que la marche des troupes, dont on s'effrayoit mal-à-propos, ne pouvoit être imputée qu'à l'inadvertance d'un commissaire des guerres. »

Cette réponse, loin de satisfaire ceux qui l'attendoient, leur parut un persiflage indécent, et leur fit craindre que le directoire, dédaignant de s'expliquer, ne fût déja assez fort pour rejeter toute explication. Dès-lors tout espoir de conciliation fut perdu.

En même temps qu'une partie de l'arHoche. mée de Hoche s'étoit mise en marche sur Paris, ce général y fut appelé par ceux des directeurs qui formoient la majorité déli

bérante. Hoche arriva, ne se montra
point en public, ne parut pas même au
Luxembourg; mais il eut avec Rewbell et
Barras plusieurs conférences secrétes
dans lesquelles on
on lui proposa d'abord de
se mettre à la tête du mouvement que
l'on préparoit; ensuite de le nommer mi-
nistre de la guerre. Il refusa courageuse-
ment ces deux offres, sortit de Paris sans
prendre congé de personne, rejoignit son
armée, et mourut quelques jours après (1).
On ne douta pas dans le temps qu'il ne
fût mort empoisonné des défaillances
rapides, et d'autres symptômes, confir-
mèrent ces soupçons; on supposa qu'ayant
refusé l'importante commission qu'on lui
avoit offerte, on voulut ensevelir avec lui
les secrets dangereux qu'on lui avoit con-
fiés.

:

Nous rapportons ces bruits contemporains, seulement comme indices, et non comme preuves d'un crime heureusement très rare en France, et dont il est difficile de constater la certitude.

(1) Hoche, né dans la plus basse classe du peuple, ne dut qu'à lui-même tout ce qu'il devint par la suite. Il étoit sergent des Gardes-Françoises au moment de la révolution ; il arriva successivement aux premiers grades militaires. Dans tous il montra une grande bravoure et autant d'activité que d'intelligence: mais à l'ambition qui le dévoroit il joignoit une vanité excessive qui le rendit parfois ridicule, et une roideur de caractère qui lui fit beaucoup d'ennemis.

1797.

1797.

Bientôt les rapports des commissions dénoncèrent la suite d'un plan d'attaque formé par le directoire. Une armée se réunissoit dans les environs de Reims : officiers et soldats disoient hautement qu'ils marchoient sur Paris pour mettre les conseils à la raison.

Pontécoulant parla sur ce sujet avec une modération et en même temps avec un ton de fermeté qui firent une grande impression sur les esprits. Le général Willot assura qu'il étoit question d'établir par la force un gouvernement militaire. Delarue, organe de la commission, ne laissa dans son rapport aucun doute sur une conspiration formée contre la liberté du corps législatif.

De nombreux avis, venus de presque tous les départements, annonçoient que les hommes redoutables, et connus pour n'apparoître que dans les grandes crises de la révolution, sortoient de leurs retraites, et marchoient ouvertement sur Paris. Des affiches menaçantes, et protégées par les agents de la police, rappeloient et le langage et les horreurs du 2 septembre. Nous en citerons une, afin de donner une idée des mœurs et de l'esprit du temps dont nous retraçons la déplorable histoire.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

« De tous les animaux produits par le caprice de la nature, le plus vil est un roi, le plus lâche un courtisan, le pire de tous est un prêtre.

« Si vous craignez les royalistes, appelez l'armée d'Italie; elle aura bientôt balayé les prêtres, les courtisans et les rois. Nous poursuivrons les assassins de la liberté jusque dans la garde-robe de Georges III, et nous ferons subir au club de Clichy le même sort qu'à celui du Raincy(1).»

La catastrophe approchoit : elle étoit préparée sans trop de mystère, mais avec beaucoup d'habileté, tandis que la défense, quoique légale et régulière, étoit foible, incertaine, et embarrassée de tous les obstacles qui devoient la rendre sans effet.

secrètes

du 18

Le 18 fructidor an 5, journée qui ré- Causes pond au 4 septembre 1797, journée fameuse dans nos annales révolutionnaires, fructidor. fut doublement funeste à la France; d'abord en renversant de fond en comble

(1) Ce chef-d'œuvre de bêtise et d'atrocité étoit souscrit des noms de la 21° demi-brigade d'infanterie; et l'on sait que l'adresse avoit été faite et imprimée dans les caves de l'hôtel de Salm, rendezvous des plus effrénés jacobins. Ce genre de fraude, qui seroit un faux punissable dans tous les temps, n'étoit qu'un jeu dans ce temps-là.

« PreviousContinue »