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monuments, ses guerres elles-mêmes, sont pour la Russie ce que le siècle de Louis XIV fat pour l'Europe. Malgré la galanterie de ses mœurs, elle conserva toujours une grande décence à l'extérieur. Elle aima, elle fut aimée; mais elle ne fut jamais dominée par ses passions. Jamais elle n'eut d'humeur, ni de caprices; jamais on ne la vit ni se laisser emporter à la colère, ni s'abandonner à la tristesse, ni se livrer à une joie immodérée. Sous quelque point de vue qu'on l'envisage, elle sera toujours mise en première ligne parmi les souverains qui ont captivé l'admiration du monde par leur génie, par leur puissance, et sur-tout par leurs suc

cès.

1797.

Guillan

mell, roi

Frédéric-Guillaume II, qui venoit d'a- Mort de chever le partage de la Pologne et de con- Frédéric clure sa paix avec la France, disparut à cette époque de la scène politique de l'Eu- de Prusse. rope, et mourut peu de temps après, sans éclat et sans inquiétude, au milieu de l'incendie qu'il avoit allumé en grande partie.

Ses intrigues avoient exposé la Suéde et la Turquie à une guerre ruineuse. Sa protection avoit perdu la Pologne. Premier auteur de la coalition contre la France, il en fut le premier déserteur. Le stathouder pouvoit lui reprocher la perte de son pouvoir, et le Brabant celle de sa

1797.

Retraite

ton.

liberté. Ses revers avoient affoibli la gloire répandue par son prédécesseur sur les armes prussiennes. Ses entreprises avortées et l'avidité de ses maîtresses avoient dissipé le trésor du grand Frédéric.

Ses infirmités, qui augmentoient de jour en jour, augmentèrent aussi son indifférence sur les orages qui grondoient autour de lui. Les illuminés s'étoient em

parés de son esprit, et, par des promesses trompeuses, l'entretenoient dans l'espoir de recouvrer une santé que l'abus des plaisirs lui avoit enlevée sans retour. Enfin l'hydropisie s'étant totalement déclarée, il mourut le 17 novembre 1797, regretté de sa famille et de quelques amis, qui rendoient justice à ses qualités privées et à sa bienfaisance, mais ne laissant après lui aucun souvenir de gloire, ni aucune trace de grandeur.

Vers le même temps, Washington, fonde dateur de la liberté des États-Unis d'AWashing- mérique, venoit de donner au monde un grand exemple de modération, en abdiquant la magistrature suprême, qu'il avoit` exercée pendant huit ans, à la satisfaction de tous ses concitoyens.

Lorsqu'il avoit accepté les fonctions de président, les États-Unis, épuisés par une longue guerre, étoient dans une situation déplorable. A la fin de son administration, il laissa les affaires dans l'état le plus flo

rissant. L'agriculture, le commerce, le crédit public et la considération nationale, étoient portés au plus haut point de splendeur.

Washington, parvenu alors à sa soixante-dixième année, annonça publiquement l'intention d'abdiquer ses honneurs et ses pouvoirs, et celle de rentrer dans la vie privée. A cet effet, et peu de temps avant celui où il devoit être réélu pour la troisième fois, il adressa à ses concitoyens un manifeste très remarquable, dans lequel il disoit :

« Amis et concitoyens,

« Le moment approche où vous devez vous occuper du soin d'élire un nouveau chef pour administrer le gouvernement exécutif des États-Unis. Dès à présent même, cherchez quel est le citoyen qui vous paroîtra le plus propre à un emploi si important. Pour donner à vos suffrages toute la latitude nécessaire, je dois. vous informer de la résolution que j'ai prise. Je vous prie de ne pas me mettre au nombre de ceux que vous pouvez honorer de votre choix.

« Deux fois vos suffrages m'ont porté à la place que j'occupe; deux fois j'ai fait le sacrifice de mes plus doux penchants pour satisfaire à mon devoir et obéir à vos vœux. J'espère qu'on ne désapprouvera

1797.

1797.

pas le dessein que j'ai formé de rentrer dans la vie privée.

« Mais au moment où je vais me séparer de vous, vous accueillerez avec benveillance quelques idées qui sont le fruit de profondes méditations, et dont je crois important que vous vous occupiez.

« Identifiés avec la liberté, je n'ai pas besoin de vous en recommander l'amour. Vous chérissez à présent cette unité de gouvernement qui fait de vous une nation. Tenez à ce principe, il est le fondement le plus durable de votre indépendance. On emploiera toutes les ressources de l'intrigue et toute l'obstination de la malveillance pour l'affoiblir....

«Ayez le plus grand respect pour le gouvernement que vous avez établi; conformez-vous à ses lois. Tout obstacle apporté à l'exécution des lois, toute combinaison, toute association qui tend à les éluder est destructive du principe fondamental de la société civile. Les factions s'organisent à l'ombre des débats; elles y puisent toute leur force, et bientôt la volonté d'un parti se trouve substituée à la volonté nationale.

« Sachez résister à l'esprit de parti, si vous voulez conserver votre liberté; sachez résister au desir des innovations, qui se masque toujours sous le vain prétexte de la perfectibilité.

. Sachez que le temps seul et l'habitude sont nécessaires pour apprécier un gouvernement; que l'expérience est la règle la plus sûre pour juger les constitutions; et qu'une disposition légère à changer à tout moment le gouvernement d'un état, d'après de simples hypothèses, mène à la confusion.

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la

<< N'oubliez pas que, dans un pays aussi vaste que le nôtre, le gouvernement a besoin de toute sa vigueur et de toute sa force; que, sous un gouvernement fort, avec des pouvoirs sagement balancés, liberté n'a jamais rien à craindre, et qu'un gouvernement qui recule devant les factions, et qui ne peut retenir les citoyens sous l'empire des lois, n'est que l'ombre d'un gouvernement, et n'en mérite pas le

nom.

<< Faut-il vous parler de l'esprit de parti? Cet esprit est malheureusement inséparable de la nature humaine; mais c'est dans les gouvernements populaires qu'il se montre avec le plus d'animosité.

« Une faction en écrase une autre ; de là l'esprit de vengeance et les maux les plus affreux. Tous les siècles, tous les pays en ont fourni des exemples terribles. Ce état de choses est lui-même le plus affreux despotisme qui puisse peser sur les peuples, et il finit par s'organiser d'une manière permanente.

1797.

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