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aurait été convenu au sujet des intérêts commerciaux ; mais le 16 mars 1731 rien encore n'avait été réglé, et lorsqu'à cette année fut confirmée à Vienne la Pragmatique-Sanction pour assurer la succession du trône d'Autriche, la paix fut maintenue de nouveau au détriment de la Belgique. L'on sait comment.

La compagnie d'Ostende, octroyée par lettres-patentes du 19 décembre 1722 de Charles VI, fondée au capital de six millions de florins, avait entrepris de relever le commerce de la Belgique, en amenant à Ostende de riches cargaisons de thé, de soieries et autres produits des Indes. Les premières opérations avaient été saluées avec joie et couronnées d'un succès matériel très-important; plusieurs expéditions furent organisées et rien ne les arrêta, ni la destruction inique des établissements fondés à Bankibas, sur les bords du Gange, et à Coblon sur la côté du Coromandel, entre Madras et Sadraspatnam; ni la prise de ses vaisseaux par des capitaines hollandais, autant à redouter pour nos marins que les corsaires et pirates d'Alger ou de Tunis ; ni les difficultés sans nombre que nous suscita la jalousie de l'Angleterre et de la Hollande. La première rendit passibles de fortes amendes (£500) tout Anglais convaincu d'avoir navigué pour compte de la compagnie, la seconde punit de bannissement perpétuel et de la confiscation des biens, tout Hollandais servant dans la marine belge. Malgré ces obstacles, les Belges continuèrent avec un même courage. Mais cette énergique persévérance ne rencontra que tiédeur de la part de nos gouvernants; et notre cause si juste fut sacrifiée aux exigences iniques de la Hollande qui invoquait faussement les art. 5 et 6 du traité de Munster pour nous interdire tout commerce dans les Indes. L'intérêt politique de la maison d'Autriche dominait cette question vitale pour le commerce belge; l'empereur céda aux circonstances et,

dans l'intérêt de la succession de sa fille au trône, il fit le le sacrifice des droits et de la fortune de ses sujets.

Il fut établi par le même traité qui sanctionnait que tout commerce et navigation entre les Pays-Bas autrichiens et les Indes orientales cesseraient pour toujours, que des commissaires se seraient réunis à Anvers pour convenir de tout ce qui concernait les Pays-Bas catholiques, dans le sens de l'art. 26 du traité de la Barrière et principalement pour faire un nouveau traité de commerce et le tarif des droits d'entrée et de sortie. Nous n'étions plus en effet libres de régler nous-mêmes ce qui concernait nos tarifs de douanes! Des conférences furent ouvertes en conséquence en 1737, mais n'aboutirent pas, par la mort de Charles VI en 1740, et les graves événements dont la Belgique fut de nouveau le théâtre interrompirent les négociations. Elles furent reprises à Bruxelles en 1751, mais sans succès, les Hollandais ne voulant pas admettre le premier principe posé par les commissaires impériaux, que les engagements devaient être réciproques et réciproquement exécutés.

Tant d'audace irrita les Hollandais qui refusèrent de continuer les préliminaires et la situation resta telle jusqu'à ce que le successeur de Marie-Thérèse réclamât en 1781 le départ des troupes étrangères logées dans les divers forts d'après les dispositions du traité de 1715.

Cependant, bien que le commerce fùt peu prospère sous l'administration de la maison d'Autriche, les droits de tonlieu avaient encore certaine importance.

Depuis le 9 mai 1644, Anvers jouissait de l'administration des tonlieux par la cession, sous forme d'engagère, que lui en fit Philippe II pour la somme de 360,000 florins ou 250,000, selon d'autres 1. Elle la conserva jusqu'en 1763; mais

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en cette année le gouvernement remboursa cette somme à la ville et reprit, pour son propre compte, le recouvrement de ces droits. Des plaintes nombreuses s'élevèrent, constatant le grave préjudice que l'on causait ainsi au commerce d'Anvers, et, sur les instances du magistrat de la ville, l'impératrice Marie-Thérèse accorda l'exemption en faveur des habitants, moyennant la somme considérable de 600,000 florins, payée la moitié au comptant et la moitié six mois après la date de la convention. Cette somme très-forte pour l'époque semble attester encore un certain commerce, et pourtant celui-ci était poursuivi non seulement par les étrangers, mais même par les nationaux. Les idées du système mercantile étaient trop enracinées pour que les Flandres ne vissent pas avec joie l'abaissement du commerce par l'Escaut, au bénéfice de celui de leurs ports. Gand voulut nous interdire l'usage des canaux intérieurs, sous prétexte que les marchandises venant d'Anvers devaient être transbordées sur ses navires et qu'elle avait seule le droit de naviguer sur les eaux des Flandres. C'était là un droit d'étape rendant impossible l'arrivée de tout navire jusque dans notre port; aussi les apparitions de navires de grand cabotage furent-elles rares à Anvers et, après 1761, c'est à peine s'il arrivait trois ou quatre navires par an; en 1773, un brick français excita un grand étonnement car on n'y voyait plus que de petits bâtiments tels que koffs, tjalks et chaloupes de pêche.

Le déclin du commerce d'Anvers doit-il nous étonner? Depuis Charles V, nos souverains éloignés du pays, toujours faibles et distraits par des guerres étrangères ou des intérêts personnels, ne s'occupèrent pas de défendre nos droits; la maison d'Espagne ne se soucia point de nos intérêts les plus chers, et celle d'Autriche, ayant reçu nos provinces à des conditions onéreuses, ne sut que réclamer

sans attaquer le fond de la question. Marie-Thérèse même, dont le représentant Charles de Lorraine fit chérir le nom et le rendit populaire parmi nos aieux comme celui d'une bienfaitrice, songea deux fois à céder ces possessions éloignées en échange d'autres territoires. Son fils tenta de revendiquer nos droits si indignement méconnus depuis deux siècles.

Ce prince, dont les autres tentatives hardies rencontrèrent une résistance si vive dans nos provinces, voulut rétablir la libre navigation de l'Escaut. Il exigea que le navire de garde placé à Lillo fût retiré et il fit partir le 8 octobre 1784 le brick Le Louis, capitaine Van Iseghem, arrivé à Anvers par les eaux intérieures. Celui-ci tenta le passage devant Lillo, mais n'ayant pas voulu baisser pavillon et recevoir à bord les agents hollandais, il fut menacé du canon du fort. La mitraille n'atteignit qu'un seul objet qui fit donner à l'expédition le surnom de guerre de la marmite. Joseph II menaça d'envahir la Hollande avec 60,000 hommes et reproduisit ses prétentions avec plus d'insistance. Mais il rencontra une opposition très-vive de la part de la Hollande, et le succès qu'il obtint se borna à faire évacuer les places fortes occupées par des garnisons hollandaises et quant à l'Escaut...... le désir si ferme du prince se modifia et se résuma, à Fontainebleau, en une somme de dix millions de florins qui lui fut payée par la Hollande. Cette somme, obtenue à l'occasion d'une question belge, prit la route de Vienne et le commerce de la Belgique ne retira aucun avantage du projet du monarque inconstant. Le traité de Fontainebleau du 8 novembre 1785 condamnait de nouveau par une clause formelle la liberté de l'Escaut; il porte que la partie du fleuve appartenant aux états-généraux, serait tenue close de leur côté ainsi que les canaux du Sas, du Zwyn, et autres bouches de mer y

aboutissant, conformément au traité de Munster. Joseph II y obtenait satisfaction pour l'évacuation des forts de Kruyshans, Lillo, Liefkenshoek et Frédéric-Henri; mais sa prétention de partager la navigation de l'Escaut, moyennant une légère redevance, lui fut rachetée par la Hollande qui voulait jouir de ce droit usurpé, exclusivement et sans partage d'aucune nature.

Vers la fin du règne de Joseph II la révolution éclata dans notre pays; bientôt après elle grandissait en France. Comprimée ici, elle se développait au sud de nos provinces pour s'étendre rapidement sur toute l'Europe et la modifier jusque dans ses bases. Elle commençait sa course furibonde, rasant au passage les vieux préjugés, détruisant les restes des droits féodaux, pour émanciper l'homme et semer des germes de liberté dans les sillons arrosés d'un sang fécond. L'armée republicaine pénétra en Belgique et entra le 19 novembre 1792 à Anvers; la ville se soumit et dès le lendemain fut proclamé un décret de la convention nationale, daté du 16 novembre, déclarant libre la navigation de l'Escaut.

Le décret du général Labourdonnaie portait les préliminaires suivants, condamnant 1648 et les odieux traités qui en consacrèrent les principes:

« Considérant que les fleuves sont la propriété commune de tous les pays qu'arrosent leurs eaux.

>> Qu'une nation ne saurait sans injustice prétendre à conserver seule la navigation du fleuve, ni empêcher les peuples qui habitent dans l'intérieur du pays de jouir des mêmes avantages;

.

>> Qu'un tel droit était un reste de servitudes féodales que la violence a seule pu établir, que la faiblesse et l'impuissance ont pu seules consacrer;

» Que par conséquent ce droit peut être révoqué à

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