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LES ÉVÉNEMENTS MILITAIRES SUBSEQUENTS.

Le 8e jour de janvier, les Français prirent la ville de Calais, à ce que l'on disait, par la trahison d'un grandmaître d'Angleterre. Les Français y firent un butin immense. Vers le 21 du même mois, ils s'emparèrent aussi du château de Ham, de la ville et du pays de Guines.

Et comme le roi de France était sur deux ou trois points en campagne avec des forces très-considérables, tandis que notre roi, de son côté, n'était pas entièrement prêt, mais avait fort à faire avec des traîtres, les nations allemandes passant en nombre au service de France, il arriva que le pays de Luxembourg d'un côté et le pays de Flandre de l'autre se trouvaient en grand danger d'être entièrement envahis.

Aussi, au mois de juin, les Français nous enlevèrent la place de Thionville 'non toutefois sans y laisser beaucoup des leurs; car avant de pouvoir s'emparer de la ville, ils avaient dù livrer trois assauts, et ce ne fut qu'au quatrième qu'ils s'en rendirent maîtres, massacrant tout, les bourgeois aussi bien que la garnison.

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Vers le même temps les Français, venant de Calais avec des forces imposantes, franchirent la frontière de Flandre où ils incendièrent et ravagèrent grand nombre de beaux villages, tels que Hondscote et d'autres. Ils prirent également les villes de Dunkerque et de BerguesSaint-Winoc et restèrent en Flandre, où ils continuèrent leurs déprédations.

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1 Diedenhoven, ville-forte du Luxembourg à 8 lieues N.-E. de Metz et 7 lieues S.-E. de Luxembourg. Elle fut rendue en 1559 et n'a été restituée à la France que par la paix de 1659.

2 Honscoten, petite ville de la Flandre française (Nord), à 4 lieues S.-E. de Dunkerque.

3 Duynkercken ende Winoxbergen. Deux villes suffisamment connues comme celles nommées ci-après dans le département du Nord, formé de l'ancienne Flandre française.

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La cour de Bourgogne voyant cela et de plus qu'elle était trompée par des traîtres, prit la bonne résolution de rassembler des cavaliers et des fantassins. Le comte d'Egmont, le seigneur de Bignecourt et le marquis de Renti, ayant secrètement concentré leurs troupes près de Dunkerque, se dirigèrent entre Bourbourg et Calais', où ils apprirent que les Français s'approchaient de Gravelines 2, espérant pouvoir s'emparer de cette ville par ruse ou par trahison, à quelle fin on avait rassemblé les garnisons de Calais, d'Ardres et de Boulogne3, dans l'idée que cette entreprise ne rencontrerait pas d'obstacles.

Mais le brave et vaillant comte d'Egmont avec les seigneurs prénommés, leurs troupes et une masse de paysans flamands furieux, qui brûlaient de se venger d'avoir été pillés et incendiés, allèrent au-devant des Français et les cernèrent, de sorte qu'ils furent obligés d'en venir aux mains avec les Flamands. Ce que remarquant le comte d'Egmont, il n'hésita pas à attaquer les Français avec son infanterie et sa cavalerie, en même temps qu'il faisait jouer son artillerie, à laquelle se joignit celle de Gravelines. L'attaque fut violente et la mêlée si effroyable qu'on ne saurait l'exprimer, tant on se battait avec fureur. La bataille durait depuis plus de quatre heures avant qu'on eût le dessus sur les Français et que le carnage prît fin. Beaucoup de monde fut tué des deux côtés, peu ou point de Français parvinrent à s'échapper, car ils furent presque tous massacrés et on ne fit prisonniers que les personnes nommées ci-après.

1 Bourborch, Brockburg, à 4 lieues S.-O. de Dunkerque. Grevelingen, entre Dunkerque et Calais.

3 Ardere ende Buenen. Beune, Bolonie, Gessoriacum (KILIAEN). L'ancien nom flamand de Boulogne-sur-Mer est entièrement tombé en désuétude.

Cependant il était encore resté cinq enseignes de fantassins français à Dunkerque. On alla aussitôt attaquer cette ville, qui fut reconquise et toute la garnison passée au fil de l'épée.

M. le comte d'Egmont, faisant tous les jours plus de progrès, envahit le quartier de Calais, pendant que les Anglais tenaient la mer avec une force navale imposante.

Dans la susdite bataille furent battues et défaites les garnisons de Calais et d'Ardres, qui étaient sorties de leurs quartiers pour venir au secours de leurs camarades en détresse, et avaient formé le projet de pénétrer plus avant en Flandre; car pendant quelque temps tout leur avait réussi.

Item cette bataille fut livrée le 13 juillet de l'an 1558, et ont été défaits et faits prisonniers :

Premièrement des bandes d'ordonnance de France, ensemble 2,400 chevaux.

Item 500 chevau-légers; item 150 cavaliers qui avaient pris la fuite et qui furent tués par les paysans.

Item, des fantassins, tant français que gascons, furent défaits, 26 enseignes; item des fantassins allemands 10 enseignes, et en calculant chaque enseigne à 300 hommes, cela fait 3600 fantassins.

Les seigneurs prisonniers étaient :

Mons. Paul de Thermes, maréchal de France, après la mort de Pierre Strossi, et gouverneur de Calais ;

Le fils de Mons. de Hennebault, gouverneur de Normandie; Mons. de Morvilliers, gouverneur d'Abbeville; Mons. de Charin, gouverneur de Corbie; Jacques Terteville, seigneur de Villebon; Mons. de Senarpont, gouverneur de Boulogne.

UN PROCÈS

POUR UNE VENTE DE TABLEAUX

ATTRIBUÉS A

ANTOINE VAN DYCK.

1660-1662.

NOTICE

PAR M. L. GALESLOOT,
Membre titulaire, à Bruxelles.

En 1660, le tribunal échevinal d'Anvers fut saisi d'une de ces causes civiles qui sortent du cercle des conflits. ordinaires, où, la plupart du temps, il ne s'agit avant tout que du tien et du mien. Il eut cette fois à se prononcer sur la validité d'un marché et par suite sur l'authenticité de certaines peintures, objet dudit marché. La renommée de l'artiste auquel ces peintures étaient attribuées donna à ces débats, sinon de l'éclat au moins un intérêt réel, rendu plus vif pour nous par les dépositions écrites des témoins. En effet, qui étaient ces témoins? Des peintres contemporains, parmi lesquels plusieurs faisaient encore la gloire de l'école flamande, gloire un peu éclipsée, il est vrai, depuis le décès asseż récent de Rubens et de Van Dyck. Les uns avaient connu ces deux illustres maîtres, les

Commissaires rapporteurs: MM. le chevalier L. DE BURBURE et TH. VAN LERIUS,

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autres avaient été leurs élèves, et tous, fidèles aux traditions de l'école, étaient restés leurs admirateurs.

L'appréciation de ces différents artistes, leurs explications, celles que fournirent un vieux doyen des serments d'Anvers et sa femme, d'autres circonstances enfin concourent à faire de ce procès un épisode à la fois curieux et instructif pour l'histoire de l'art en notre pays. Aussi j'avoue, pour ma part, que lorsque j'en trouvai une à une les pièces dispersées dans un vaste amas d'archives poudreuses, où personne n'avait mis les mains depuis environ un siècle, je ne pus m'empêcher de me dire intérieurement que j'avais recueilli une perle dans un monceau de paperasses. Tel est le genre de récompense qui, de temps en temps, vient dédommager l'archiviste des peines qu'il se donne pour accomplir sa tâche laborieuse. Mais, comme l'observe Horace, nihil est omni parte beatum; le dossier n'était pas complet et je désespère de pouvoir en combler les lacunes, tant est grand le désordre qui règne dans les archives susdites. Il résulte de là que les renseignements qui vont suivre seront incomplets également. Je les mettrai néanmoins tels quels sous les yeux du lecteur.

En 1660 ou peut-être déjà en 1659, le peintre anversois Jean Breughel alla un jour informer un chanoine de l'église cathédrale, nommé François Hillewerve ', qui sans doute

1 Fils de Corneille et de Mechtilde Tolincx. François eut pour frères Frédéric, chanoine de la cathédrale de Saint-Donatien à Bruges, et Henri, le plus insigne bienfaiteur de l'église de Saint-Jacques, à Anvers, au XVIIe siècle. François Hillewerve fut chanoine gradué de la cathédrale de notre ville et pénitencier de la même église. Elle lui fut redevable de l'autel de Sainte-Barbe démoli en 1798, et qu'il avait fait orner d'une superbe copie du Sauveur en croix d'Antoine Van Dyck, que possédait l'église des Capucins de Termonde. Cette copie, exécutée par le célèbre peintre Thomas Willeborts Boschart, existe encore et se trouve actuellement dans la chapelle du bureau de bienfaisance. (Note de M. Van Lerius).

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