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Dans la loi du 10 juin 1853, au titre : « Dispositions générales «applicables à tous les chemins de fer, » les art. 14 et suivants déterminent toutes les précautions à prendre lorsque le chemin de fer, à la rencontre des routes impériales ou départementales, ou d'un chemin vicinal, devra passer soit au-dessus soit au-dessous de ces voies publiques, lorsqu'il devra traverser une rivière, un canal ou un cours d'eau; lorsqu'il y aura lieu de déplacer les routes existantes; de construire des ponts, dans les cas où des routes impériales ou départementales, ou des chemins vicinaux, ruraux ou particuliers, seraient traversés à leur niveau par le chemin de fer: l'art. 23 prescrit les mesures nécessaires pour assurer le maintien des services de la navigation et du flottage sur les rivières et de la circulation sur les chemins publics, pendant l'exécution des travaux : aucune de ces dispositions n'indique l'expropriation ou l'aliénation des parties du domaine public civil qui se trouveront en contact avec la voie de fer. S'agitil du domaine public militaire, l'art. 30, en accordant, par exception, toutes les fois que le ministre de la guerre jugera qu'il n'en peut résulter aucun inconvénient pour la défense, une faculté pour l'exécution des travaux par les agents de la compagnie, mais sous le contrôle et la surveillance des officiers du génie militaire, sur le terrain occupé par les fortifications, conserve expressément à ce terrain sa qualification de terrain « militaire: » donc il reste domaine public; donc il n'est ni exproprié ni aliéné, même lorsque le chemin est concédé à une compagnie.

Ce qui fait proprement l'objet de la concession, Proudhon l'avait dit, et l'art. 44 de la loi du 10 juin 1853 ne fait que le répéter, c'est, « pour un laps de temps fixé, l'autorisation de per«cevoir les droits de péage et les prix de transport déterminés par « la convention. »

L'art. 56 en est une nouvelle preuve; à toute époque..., le Gouvernement aura la faculté de racheter, quoi? le chemin de fer? Non, mais la concession entière du chemin de fer. C'est, comme l'a dit encore M. Proudhon, la résolution du contrat, et non un fait d'aliénation.

Si, d'après l'art. 57, à l'époque fixée pour l'expiration de la concession, et par le fait seul de cette expiration, le Gouvernement est subrogé à tous les droits de la compagnie dans la propriété des terrains et des ouvrages désignés au plan cadastral mentionné dans l'art. 35 de la loi, il n'en résulte nullement que,

vis-à-vis du Gouvernement, cette propriété soit une propriété parfaite (1), une propriété privée (2).

Le chemin de fer, même concédé, fait tellement partie du domaine public, que réciproquement, « dans le cas où le Gou<< vernement ordonnerait ou autoriserait la construction de routes « impériales, départementales ou vicinales, de canaux ou de «< chemins de fer qui traverseraient un chemin de fer concédé, la << compagnie ne pourrait mettre aucun obstacle à ces tra« versées; mais que toutes dispositions seraient prises pour « qu'il n'en résultât aucun obstacle à la construction ou au << service du chemin de fer, ni aucuns frais pour la compagnie >> (art. 58 de la loi); et que « le Gouvernement se réserve expres«sément le droit d'accorder de nouvelles concessions de che« mins de fer s'embranchant sur le chemin concédé, ou qui se«raient établis en prolongement du même chemin, la compa<< gnie ne pouvant mettre aucun obstacle à ces embranchements, « ni réclamer, à l'occasion de leur établissement, aucune in<< demnité quelconque, pourvu qu'il n'en résulte aucun obstacle « à la circulation, ni aucuns frais particuliers pour la compa«gnie» (art. 60).

Il faut donc reconnaître que l'art. 3 de la loi du 3 mai 1841 ne peut pas s'entendre de l'aliénation du domaine public proprement dit; que cela serait trop contraire aux principes et aux art. 538 et 2226 du Cod. Nap., qui consacrent l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du domaine public. Les objets qui le composent ne deviennent aliénables que lorsqu'ils en ont été détachés par changement de nature et de destination, et qu'ils ont été remis aux corps administratifs pour faire partie des biens ordinaires et patrimoniaux de l'État, « changement de nature et de << destination qui ne peut résulter que de décisions ministérielles, « de procès-verbaux réguliers de remise, ou autres actes équipol«<lents (3). » La conclusion est donc que les mots domaine public n'ont été introduits que par une confusion de noms dans l'art. 3 de la loi du 3 mai 1841, et que cette loi n'a voulu parler que du domaine de l'État, domaine ordinaire et privé, aliénable de sa nature, sauf les formalités de tutelle qui le concernent. Cette déduction est, du reste, confirmée par cette loi elle-même, qui, dans son art. 13, revient à l'expression plus juste, biens de

(4) Proudhon, loc. cit.

(2) Ord. cont., 13 janv. 1847, précitée.

(3) Cass., 3 mars 1828 (S. Coll. nouv. Ix, p. 46; Droit civil expliqué, Prescription, 1, no 474).

l'État, et désigne, comme ayant pouvoir de consentir à l'aliénation, le seul ministre des finances, dans les mains duquel sont, pour la plus grande partie, les biens du domaine ordinaire et aliénable, tandis que les biens dépendants du domaine public sont dans les mains du ministre de la guerre, du ministre des travaux publics et du ministre de la marine - (A).

183. Dans tout ce qui précède, nous avons exposé les actes qui, par leur nature, rentrent ou ne rentrent pas sous l'application des lois spéciales d'expropriation. Nous terminons ce chapitre en indiquant diverses circonstances qui, par leur nature, ne constituent pas une expropriation, et qui, dès lors, auraient dû appartenir à la juridiction administrative, en vertu des lois du 28 pluviôse an VIII et du 16 septembre 1807, mais que des textes formels de lois ont renvoyées à l'autorité judiciaire, comme si elles constituaient des expropriations véritables.

184. C'est ainsi, entre autres, que la loi du 15 avril 1829 sur la pêche veut, art. 3: que, « dans le cas où des cours d'eau se«<raient rendus ou déclarés navigables ou flottables, les pro«<priétaires qui seront privés du droit de pêche aient droit à «< une indemnité préalable qui sera réglée selon les formes pre« scrites par les art. 16, 17 et 18 de la loi du 8 mars 1810. » La privation du droit dont il s'agit ne constitue certainement pas une cession d'immeuble par conséquent elle est étrangère à la loi du 8 mars 1810, et, en réalité, elle ne forme qu'un dommage, qui devait rester sous la juridiction de l'autorité administrative.

D

Même observation à l'égard de la loi du 30 mars 1831, en ce qui concerne l'occupation temporaire pour travaux de fortifications urgents. Du moment qu'on sort de l'occupation définitive, il n'y a pas d'expropriation; donc pas de compétence judiciaire, d'après les principes.

Même observation à l'égard de la loi du 15 juillet 1845, en ce qui concerne les suppressions de constructions, sans transmission de la propriété du sol, simples dommages que l'art. 10 fait néanmoins

Additions.

(A) Un terrain, qui était situé dans la première zone des servitudes de la Casbah d'Alger, s'est trouvé, par suite de la transformation et de l'agrandissement de cette ancienne citadelle, compris dans la zone des fortifications déterminée pour la nouvelle place. Lorsque plus tard l'Etat

poursuit l'expropriation du terrain, il n'est pas fondé à soutenir que, en vertu de l'art. 22 du décret du 40 août 4853, ce terrain est grevé d'une servitude légale entraînant interdiction de bâtir et devant avoir pour effet de réduire le taux de l'indemnité due par l'Etat. Cons. d'Etat, 42 juill. 1864 (Lebon, Rec., 64, p. 619).

régler conformément aux titres 4 et suivants de la loi du 3 mai 1841.

Même observation à l'égard de la loi du 16 juin 1851, sur la constitution de la propriété en Algérie, qui, en renvoyant (art. 21) à l'ordonnance royale du 1er octobre 1844, pour ce qui concerne l'occupation temporaire, fait régler par l'autorité judiciaire les indemnités dues pour ces dommages.

Même observation à l'égard de la loi du 22 juin 1854, sur les magasins à poudre de la guerre et de la marine, qui, pour des suppressions de constructions ou d'établissements dont le sol n'est pas réclamé par l'utilité publique, ordonne cependant (art. 3) qu'il sera procédé à l'expropriation conformément aux dispositions de la loi du 3 mai 1841.

185. Ces dérogations tiennent,,soit à l'ancienne confusion entre les expropriations et les dommages permanents, soit à des considérations spéciales de bienveillance dans des circonstances données. Mais, dans tous les cas, elles ont l'inconvénient de diminuer l'autorité de la règle et de jeter le trouble dans les esprits, surtout dans ceux qui se dirigent plus par les textes que par les principes.]

CHAPITRE V.

DU JUGEMENT D'EXPROPRIATION.

SECTION I. De la procédure en expropriation et du jugement.

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Alternative ou le propriétaire consent; ou il ne consent pas.
Renvoi, pour les cessions amiables.

Si le propriétaire ne consent pas, intervention de l'autorité ju-
diciaire.

Sens des mots : l'expropriation s'opère par autorité de justice.
Organisation de ce système, dans la pratique.

Art. 13 Pièces que le préfet transmet au procureur impérial.
Art. 14 Dans quel délai et sur quelle production le procureur
impérial requiert et le tribunal prononce l'expropriation.
Procureur impérial et tribunal de la situation des biens : con-
séquence.

194.

195.

196.

197.

198.

199. 200.

201. 202.

203. 204. 205.

206.

207. 208. 209.

210.

211.

212.

213. 214. 215.

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Pour les pièces que l'administration doit transmettre, art. 13 complété par l'art. 14.

Détails.

Les propriétaires ne sont pas appelés. Ils peuvent remettre des notes au tribunal.

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Le jugement est rendu d'urgence.

L'affaire est ordinairement jugée sur rapport.

Le procureur impérial est entendu.

Attributions du tribunal, déterminées par l'Empereur.
Vérification que le tribunal est tenu de faire.

Détails.

Jurisprudence applications diverses.

La mission de vérifier entraîne l'obligation de viser.
Jurisprudence.

Le jugement doit être motivé.

Etendue des attributions de l'autorité judiciaire.
Restriction.

Ce que doit contenir le jugement d'expropriation.

216. Nomination d'un magistrat directeur du jury; remplacement; jurisprudence.

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Délai accordé au préfet pour poursuivre l'expropriation; renvoi. Du jugement à rendre quand les propriétaires consentent à la cession, mais où il n'y a point accord sur le prix; renvoi.

186. [Après l'accomplissement des formalités préalables, et losque l'administration a dit son dernier mot sur le tracé des travaux et sur la désignation des terrains, conformément aux règles précédemment exposées, il s'agit d'opérer la transmission des propriétés privées au domaine public.

Le préfet (1), alors, fait connaître au propriétaire qu'il doit céder sa maison ou son champ. Celui-ci y consent ou n'y consent pas.

187. S'il y consent, et qu'on soit d'accord sur le prix, la transmission a lieu par contrat amiable. La loi du 3 mai 1841 contient de nombreuses dispositions pour ce cas. Toutefois, comme,

(1) Locré, 1x, p. 650.

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