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cours en cassation, elle a statué que les pièces seraient adressées dans la quinzaine de l'émission du pourvoi à la chambre civile de la Cour; d'où il suit que la Cour a la mission et les moyens légaux d'apprécier, sur le vu de ces pièces mêmes, la conformité à la loi de la décision attaquée. Et « attendu, ajoute « l'arrêt, qu'il résulte des pièces transmises au greffe de la Cour, et « vérifiées par elle, que toutes les formalités prescrites par les « art. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11, du titre II de la loi du 7 juillet, << ont été exactement remplies, etc.....-Rejette (1). »

Depuis, la Cour a jugé que « le vœu de la loi n'est pas rempli par cela seul que le tribunal aura déclaré que toutes les formalités prescrites par la loi du 7 juillet 1833 ont été remplies; que le jugement doit porter avec lui la justification de sa légalité par le visa, ou du moins l'énonciation des pièces constatant l'accomplissement des formalités prescrites» (Cass., 2 février 1836). L'arrêt du 4 août 1841 confirme cette jurisprudence; Ibid., 2 janvier 1844.

[Plus récemment encore, s'est présentée l'espèce suivante : le jugement ne contenait, au sujet des pièces produites au tribunal, que ces seuls mots : « Vu les pièces jointes à l'appui du réquisitoire du ministère public, » et le réquisitoire lui-même, transcrit dans le jugement, ne précisait aucun acte et se réduisait à énoncer que, « le 19 août 1848, Buffault avait donné son «< consentement à l'abandon de ses propriétés. » Enfin le réquisitoire ne mentionnait pas l'acte qui aurait contenu cette adhésion, dont l'effet aurait été de dispenser de l'accomplissement des formalités prescrites au titre II de la loi du 3 mai 1841, mais non de celles qui sont ordonnées par le titre ler. La Cour a dċcidé: « qu'en violation de l'art. 14 de ladite loi, le jugement ne constatait aucunement le consentement du propriétaire; qu'il ne constatait pas davantage l'accomplissement des formalités ordonnées par les titre Ier et II, lesquelles, à défaut de consentement du propriétaire, sont indispensables pour l'expropriation; en quoi ledit jugement avait, aux termes de l'art. 2, commis un excès de pouvoir, et aux termes de l'art. 20, encouru la cassation... (2). »

212. Tout jugement doit contenir des motifs (3). Mais en se

(1 S. 35.4.949.
(2) 29 janv. 4830.

(3) Loi du 20 avril 1840, art. 7.

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référant aux pièces qu'il a visées, un jugement d'expropriation est suffisamment motivé (1).

213. Le tribunal des conflits a, comme la Cour de cassation, réconnu la large part faite en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique à l'autorité judiciaire; il a décidé « qué l'accomplissement et la régularité des formalités exigées par a la loi de 1841, et qui donneraient naissance à des moyens de « échéance des droits revendiqués, doivent, selon l'esprit de « cette loi, être vérifiés par les tribunaux civils (2). »}

214. I importe toutefois de remarquer que le tribunal n'ést pas appelé à vérifier l'accomplissement de toutes les formalités prescrites par les tit. Ier et II de la loi, mais seulement de celles prescrites par l'art. 2 du titre Ior et par le titre II de la loi (3): Cette rédaction a été évidemment employée pour faire connaître que le tribunal ne devait pas s'immiscer dans l'examen des formalités de l'enquête prescrite par l'art. 3 de la loi. Cette enquête ne concerne que l'intérêt général (n° 18), et l'on n'a voulu mettre sous la protection des tribunaux que les dispositions d'intérêt privé. Cette opinion a été sanctionnée par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Quand l'utilité publique est déclarée par un acte du chef de l'État (4), qui vise une enquête administrative qui aurait eu lieu antérieurement, l'autorité judiciaire ne pourrait, sans excéder ses pouvoirs et sortir du cercle de ses attributions, examiner le mérite de cet acte; et ce n'est pas devant l'autorité judiciaire que la voie de l'inscription de faux serait ouverte contre un tel acte, s'il pouvait y avoir lieu de la proposer. (Arrêt de la Cour de cassation, du 22 août 1838. Autre arrêt du 10 août 1841). Enfin la Cour, ayant à se prononcer sur un moyen basé sur la non-production du procès-verbal de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, et sur la composition et le mode dé délibération de cette commission, a reconnu que l'ordonnance (5) déclarative de l'utilité publique énonçant que les avant-projets avaient été soumis aux formalités d'enquête, en exécution de l'art. 3 de la loi du 7 juill. 1833, il n'appartenait pas aux tribunaux d'examiner le mérite des actes dont l'accomplissement est

(1) Cass., 3 juill. 4839 (S. 39.4.748).
(2) 16 déc. 1850.

(3) Suprà, p. 127.

(4) Un décret de l'Empereur, rendu dans les formes prescrites pour les règle

ments d'administration publique (sénatusconsulte interprétatif du 25 déc. 1852, art. 4).

(5) Aujourd'hui, le décret.

confié par la loi à l'administration pour la période antérieure à la déclaration d'utilité publique (Cass. 14 déc. 1842)—(▲).

215. « Le tribunal prononce l'expropriation, pour cause d'uti«lité publique, des terrains ou bâtiments indiqués dans l'arrêté « du préfet» (art. 14, § 1er).

Il est déjà arrivé qu'un tribunal s'est borné à prononcer l'expropriation de propriétés désignées en l'arrêté du préfet en date du..., sans spécifier autrement ces propriétés, ce qui ne remplit certainement pas le vœu de la loi. L'art. 15 veut que le jugement soit publié et affiché, afin que la connaissance en parvienne à toutes les parties intéressées. Or, la publicité d'un jugement aussi laconique serait tout à fait sans objet. Il faudrait alors pu blier en même temps un extrait de l'arrêté du préfet, ce que la loi ne prescrit pas. Il est donc évident qu'un pareil jugement ne remplit pas complétement le vœu de la loi.

Pour arriver à désigner exactement les propriétés dont il prononce l'expropriation, le jugement doit indiquer la contenance des propriétés et leur nature de prairies, vignes, bois, etc. il pourrait être utile de donner une désignation sommaire de chacune des parcelles, mais la loi ne l'exige pas. Il faut, du reste, indiquer les noms des propriétaires des diverses parcelles, tels qu'ils sont présentés en l'arrêté du préfet. L'art. 13 de la loi, exigeant que l'extrait du jugement d'expropriation contienne les noms des propriétaires, exige par cela même que ces noms soient contenus au jugement dont cet extrait doit être tiré; si ce jugement ne contient pas les noms des propriétaires dont il ordonne l'expropriation, il est dépourvu de la condition la plus substantielle et la plus nécessaire à sa validité (1). Les noms des propriétaires doivent être ceux énoncés sur la matrice des rôles, et reproduits sur le plan

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(4)-Cass., 2 fév. 4836; 4 août 1841.

Additions.

(A) Il a été jugé encore que lorsqu'un décret a déclaré d'utilité publique l'expropriation d'un terrain (spécialement pour la régularisation du boulevard de ceinture du bois de Boulogne), et que le tribunal qui a prononcé l'expropriation a vérifié l'accomplissement de toutes les formalités prescrites par l'art. 2 de la loi du 3 mai 1841, l'exproprié n'est pas recevable à faire reviser par la Cour de cassa

tion la déclaration d'utilité publique, en essayant d'établir que l'utilité publique n'est pas intéressée dans l'expropriation. Cass. civ., 9 fév. 4863 (Droit, 44 fév. 63).

Est régulier le jugement qui, en matière d'expropriation, vise l'arrêté de cessibilité, accompagné du plan parcellaire, sans qu'il doive contenir l'indication de la portion nécessaire à la confection du travail public, prise sur un terrain d'une plus grande étendue. Cass. civ., 6 août 1862 (Droit, 7 août 62).

parcellaire et dans l'arrêté que le préfet prend en vertu de l'art. 11 de la loi. C'est ce qu'a déclaré M. le rapporteur de la Chambre des pairs-(A).

Une erreur dans la désignation de la contenance pourrait entraîner l'annulation du jugement; par exemple, si le jugement prononcait l'expropriation de 105 hectares 47 ares, quand toutes les pièces de la procédure s'appliquaient à un terrain de 10,547 mètres. Une telle erreur constituerait un excès de pouvoir (1)-(B).

L'art. 11 de la loi dit que l'arrêté définitif du préfet doit indiquer l'époque à laquelle il sera nécessaire de prendre possession des terrains ou bâtiments. Comme il importe aux propriétaires d'être informés de cette décision, puisque l'époque de la dépossession est un des éléments de la fixation de l'indemnité qui leur est due, le tribunal doit indiquer dans son jugement l'époque à laquelle l'administration compte prendre possession des diverses propriétés. Toutefois, cette indication n'est que conditionnelle et soumise à la réalisation du paiement préalable de l'indemnité; le tribunal doit donc éviter de consacrer aucune disposition qui serait en opposition avec le principe de l'indemnité préalable (2).

Un tribunal avait envoyé un concessionnaire en possession des propriétés qu'il désignait, à la charge d'acquitter préalablement entre les mains des ayants droit le montant de l'indemnité qui serait

(4) Cass., 44 mars 1842.

(2) Suprà, p. 73, et Cass., 28 janv. 4834 (S. 31.4.206).

Additions.

(A) C'est ce qui été jugé par l'arrêt suivant, qui a décidé qu'en conséquence, est nul le jugement d'expropriation rendu contre un ancien propriétaire dont le nom n'était plus, lors de ce jugement, inscrit sur la matrice du rôle, et cela bien que le nom du véritable propriétaire ait été déclaré devant la commission d'enquête. Cass., 9 fév. 48.8 (Dall., 58.4.127; Gaz. trib., 10 fév. 58).—Conf., 6 janv. et 25 août 1857 (Dall. 57.4 46 et 353).

Est nulle l'expropriation poursuivie contre le mari seul d'un immeuble appartenant à la femme. Cass., 8 fév. 1862 (S. 62.1.890).

La femme est fondée à demander l'an

nulation de la décision qui fixe l'indemnité due pour l'expropriation d'un immeuble à elle appartenant, alors que, bien que scule inscrite à la matrice des rôles, elle est cependant demeurée étrangère à toute la procédure d'expropriation, et que c'est son mari qui a été appelé et auquel l'indemnité a été accordée. Cass. civ., 4 juill. 4864 (Gaz. trib., 4-5 juill. 64).

(B) Cependant les erreurs matérielles qui se sont gissées dans le jugement d'expropriation relativement aux immeubles expropriés, telles que celle d'y avoir compris une parcelle de terre qui en avait été formellement exclue par l'arrêté de cessibilité, base du jugement, peuvent être rectifiées par voie d'interprétation de ce jugement, à la requête de la partie expropriante. Cass. civ., 6 avril 1859 (S. 59.4. 324).

réglé par le jury. Le pourvoi contre ce jugement fut rejeté par arrêt du 11 mai 1835 « Attendu que, si le tribunal a employé une locution inexacte en prononçant l'envoi en possession des concessionnaires, lorsque, suivant l'article 14, il ne devait que prononcer l'expropriation, et que c'est au magistrat directeur du jury que, suivant l'art. 14, il appartient de prononcer l'envoi en possession, cetle inexactitude a été immédiatement réparée, et ne tire pour la demanderesse à aucune espèce de conséquence, au moyen de la disposition qui porte que cet envoi en possession n'est prononcé qu'à la charge d'acquitter préalablement à toute prise de possession, et entre les mains de la demoiselle Dumarest, l'indemnité qui sera réglée par le jury (1).

216. [« Le jugement d'expropriation commet un des membres « du tribunal pour remplir les fonctions attribuées par le « titre IV, chap. II, au magistrat directeur du jury chargé de << fixer l'indemnité, et désigne un autre membre pour le remplacer « au besoin. En cas d'absence ou d'empêchement de ces deux «magistrats, il est pourvu à leur remplacement par une ordon«nance sur requête du président du tribunal civil (art. 14, § 3 « et 4). »

La loi du 7 juillet 1833 disait simplement que le jugement commettrait un des membres du tribunal pour remplir les fonctions attribuées au magistrat directeur du jury.

Les §§ 3 et 4 précités de l'art. 14 de la loi du 3 mai 1841 tranchent, par des dispositions additionnelles, diverses difficultés qui pouvaient s'élever sur les questions de savoir par qui et comment il devrait être procédé au remplacement des magistrats désignés, en cas d'empêchement de leur part.

Il a été jugé :

Que le président de la chambre des vacations est compétent pour procéder au remplacement du magistrat directeur du jury empêché (2);

Qu'un juge suppléant peut être commis par le jugement d'expropriation pour remplacer, au besoin, le magistrat directeur choisi parmi les juges titulaires; et qu'il a qualité pour

(1) S. 35.1.949; suite de l'affaire dans laquelle avait été rendu l'arrêt cité, p. 134 (note 2).-Comparez ces deux arrêts.-Le

texte de celui du 28 janv. 4834 est transcrit, infrà, p. 445.

(2) Cass., 25 janv. 1853.

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