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même, l'attribution qui résulte du renvoi prononcé par la Cour de cassation est tellement exclusive, que l'administration ne peut plus, après cassation d'un premier jugement d'expropriation, pour violation des formes de l'instruction, et renvoi de la cause devant un autre tribunal, se désister de l'ancienne procédure, et recommencer une procédure entièrement nouvelle, en accomplissant toutes les formalités prescrites par la loi, devant le tribunal de la situation de l'immeuble. « Vu (a dit la Cour « de cassation dans un arrêt du 15 mai 1843) la loi du 27 no«vembre 1790, art. 3 et 19, et la loi du 27 ventôse an vIII, art. 487; attendu que de ces dispositions organiques, modifiées à « diverses époques, est demeurée la règle fondamentale, qu'a«près la cassation d'un jugement en dernier ressort, le tribunal « qui l'a rendu est dessaisi de l'affaire dont la connaissance au «fond est renvoyée à un autre tribunal; que l'arrêt de cassa« tion du 5 juillet 1842 a fait au tribunal de Versailles attribu«tion de juridiction sur tous les points dont avait été saisi le << tribunal de la Seine, lequel n'était pas seulement chargé de « vérifier la forme d'une instruction, mais aussi de déterminer « l'indemnité provisionnelle et approximative de déposses«sion (1); qu'en cet état le préfet de la Seine ne pouvait plus, «sans égard pour le renvoi prononcé, et au moyen d'un désis«tement de la première poursuite, requérir du tribunal dessaisi « et désormais incompétent une instruction nouvelle, et dé« pouiller par là de l'attribution qui lui est conférée sur le fond « le tribunal de Versailles, qui seul a le pouvoir de procéder, « s'il y a lieu, par voie de nouvelle instruction, et de faire, à cet effet, toute délégation, et de déterminer l'indemnité provision« nelle, sans préjudice à la fixation de l'indemnité définitive. »] 266. La juridiction du tribunal de renvoi étant exceptionnelle, il ne peut statuer, 1° qu'entre les parties qui avaient été en instance devant le premier tribunal; 2° que sur le litige qui avait été porté devant ce tribunal et devant la Cour de cassation. Si le tribunal de renvoi rend un jugement d'expropriation contre des parties qui ne figuraient pas dans la première instance, ou si, à l'égard des propriétaires figurant déjà dans l'instance, il fait porter l'expropriation sur des terrains destinés à d'autres travaux que ceux primitivement indiqués, il excède ses pouvoirs et la limite de sa compétence; son jugement doit donc être cassé. (Cass., 18 janv. 1837.)

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(4) Par application de la loi du 30 mars 1834.

267. Toutefois le tribunal de renvoi est « saisi de la connais<<"sance de tout ce qui peut concerner la demande en expro<< priation sur laquelle le jugement cassé a été rendu. Les par«ties, remises au même et semblable état qu'avant ce jugement, « ont le droit, soit de prendre des conclusions nouvelles, soit de produire des titres, pièces ou documents qui n'auraient pas « été produits devant le tribunal, et des certificats délivrés à une « époque postérieure au premier jugement, » et même à la décision de la Cour de cassation (Cass., 11 août 1841) (1).

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Le tribunal de renvoi est saisi de la demande en expropriation, comme le tribunal de la situation l'avait été d'abord, en vertu de l'art. 13 de la loi, et se trouve substitué à celui-ci dans toutes les attributions qui lui avaient appartenu sur le litige; d'où il suit qu'il est appelé à prononcer sur le mérite des formalités renouvelées par l'administration pour atteindre à l'expropriation. Il a, par suite, le devoir de prononcer l'expropriation dès qu'il reconnaît que les conditions légales ont été remplies (Cass., 20 juillet 1841).

Si au contraire le tribunal de renvoi juge que les formalités prescrites par la loi n'ont pas été régulièrement accomplies, il déclare qu'il n'y a lieu à prononcer l'expropriation requise.

Mais, lors même que le tribunal de renvoi aurait déclaré par un premier jugement qu'il n'y avait pas lieu, quant à présent, malgré les nouvelles formalités remplies, de prononcer l'expropriation, il ne pourrait, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs, refuser de connaître de la demande en expropriation que le ministère public reproduirait devant lui, après que, pour la troisième fois, l'administration aurait renouvelé l'instruction. Baser cette incompétence sur la considération que l'arrêt de cassation ne l'aurait investi que du droit de prononcer sur les procédures administratives dont l'accomplissement serait renonvelé, droit qui se trouverait épuisé par le premier jugement, ce serait confondre l'instance sur la demande avec l'objet même de la demande (Même arrêt du 20 juillet 1841)-(A).

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CHAPITRE VI.

DES EFFETS DU JUGEMENT QUI PRONONCE L'EXPROPRIATION.

268.

Division de ce chapitre.

269. - Les effets du jugement commencent du jour où il est prononcé.

268. Si le jugement qui prononce l'expropriation n'est pas altaqué, ou si le pourvoi en cassation a été rejeté, ce jugement doit recevoir son exécution pleine et entière, et il devient utile d'examiner quels effets il produit. Nous chercherons donc à déterminer les effets du jugement d'expropriation, 1° à l'égard du propriétaire; 2° à l'égard de ceux qui ont sur l'immeuble des droit d'usufruit, d'habitation, d'usage ou de servitude; 3° à l'égard des locataires et fermiers; 4° à l'égard des actions en résolution ou revendication et de toutes autres actions réelles ou personnelles; et 5° à l'égard des créanciers; ce qui nous amènera à parler de la purge des priviléges et hypothèques en matière d'expropriation.

269. Dès qu'un jugement existe, il confère des droits à la partie qui l'a obtenu. Cet effet ne peut être refusé au jugement d'expropriation, et il doit, comme tout autre, avoir effet dès qu'il est rendu. M. Rossi a dit à la Chambre des pairs, sans que ces principes aient été contestés : « Ne confondons pas la propriété et le fait de la détention de la chose. En effet, le jugement d'expropriation une fois prononcé, le particulier dont on a voulu la propriété est-il toujours propriétaire? En d'autres termes, pourrait-il, après le jugement d'expropriation, aliéner la propriété à une autre personne? Cet acquéreur serait-il un véritable acquéreur de la propriété, ou bien ne serait-il qu'un cessionnaire des droits qu'aurait le cédant à une indemnité? Le vendeur déjà exproprié peut-il faire autre chose que de mettre une autre personne en son lieu et place comme créancier d'une indemnité à liquider? On est donc réellement dépouillé de sa propriété quand le jugement d'expropriation a été prononcé; autrement on pourrait soutenir qu'on pourrait vendre la propriété expropriée à une autre personne. Mais, si cela était possible, il faudrait

alors recommencer toute l'opération vis-à-vis du nouvel acquéreur.» (Monit. 12 mai 1840, p. 1014.)

M. Girod (de l'Ain), M. le garde des sceaux, M. Persil, se basèrent sur le même principe, que personne ne combattit. « Il faut, disait ce dernier, remplacer ce qu'on a enlevé au propriétaire, et je me sers à dessein de ce mot enlevé: car, au moment où il s'agit de fixer l'indemnité, ce propriétaire, que je qualifie mal, n'est plus propriétaire; il n'est plus que créancier. Le jugement d'expropriation seul a fait passer la propriété de la tête de l'ancien propriétaire sur la tête de l'Etat... Je répète donc qu'immédiatement après le jugement d'expropriation, c'est l'Etat qui est propriétaire; l'ancien propriétaire n'est plus que créancier avec une garantie: il a le privilége de vendeur sur l'immeuble» (Ibid., p. 1016).

Comme le jugement d'expropriation est rendu sur requête ét en l'absence des propriétaires, nous concevrions qu'on soutint qu'il n'opère transmission de propriété que quand il a été signifié et publié conformément à l'art. 15 de la loi. Des arguments assez puissants auraient pu être invoqués à l'appui de ce système; mais, si le législateur l'avait admis, il n'aurait donné aux propriétaires le droit de requérir le règlement de l'indemnité qu'autant que le jugement leur aurait été signifié, tandis que l'art. 55, § 1, autorise les propriétaires à poursuivre la fixation de l'indemnité six mois après le jugement d'expropriation, sans considérer si le jugement a été ou non signifié dans cet intervalle. Donc, aux yeux du législateur, c'est le fait même du jugement qui transforme le droit de propriété en un droit à une indemnité, dont le chiffre seulement est incertain.

SECTION IDes effets du jugement à l'égard du propriétaire.

270.

271. 272.

273.

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Le jugement opère translation de propriété en faveur du domaine public.

Opinion de M. Cotelle, et réponse.

La possession reste à l'exproprié.

Il ne peut plus transférer la propriété de l'immeuble. 274. Ni l'hypothéquer.

275.

En cas de décès, il ne transmet aucun droit immobilier. 276. - Des effets de la possession.

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L'administration ne peut plus refuser d'acquérir l'immeuble.

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Du cas d'incendie.

Obligation pour le propriétaire d'indiquer les ayants droit à l'indemnité. Renvoi.

270. L'effet du jugement d'expropriation est de transmettre au domaine public la propriété des biens expropriés, mais cependant une propriété imparfaite, car elle est séparée de la possession, qui est laissée aux anciens propriétaires comme garantie du paiement de la juste indemnité que la Constitution leur a promise. Cette transmission de propriété à lieu d'uné manière absolue, sans qu'il y ait à considérer si l'immeuble appartient à une seule personne ou à plusieurs, si c'est à la personne qui est dénommée au jugement, ou à toute autre; si les divers attributs de la propriété sont réunis dans la même main, ou s'il a été établi des droits d'usufruit, d'usage, de bail, etc. Ces différentes circonstances doivent être prises en considération lorsqu'il s'agit de régler l'indemnité, mais non lorsqu'il s'agit de prononcer l'expropriation. Le jugement ne s'occupe pas de dépouiller tel ou tel de ses droits; il a pour but de constater que tous les droits dépendant de la propriété, en quelques mains qu'ils soient répartis, doivent désormais être attribués au domaine public. Comme nul ne peut mettre obstacle à cette attribution, il est inutile de rechercher rigoureusement qui elle atteint; elle est prononcée de la manière la plus générale et contre tous ceux qui ont des droits quelconques sur l'immeuble. La personne désignée comme propriétaire à la matrice des rôles est dénommée dans le jugement, parce que le législateur a pensé que c'était la meilleure manière de désigner l'immeuble que l'expropriation frappait; mais il n'a certes pas voulu restreindre à cette personne l'effet du jugement. L'art. 18 de la loi suffirait seul pour repousser une pareille supposition. D'ail leurs, les intéressés n'étant pas appelés à ces jugements, il n'y aurait aucun motif pour faire rendre autant de jugements qu'il y a d'ayants droit sur l'immeuble: un seul jugement opère à l'égard de tous.

Puisque, à dater du jugement d'expropriation, le domaine. public est investi de la propriété des immeubles y mentionnés, les propriétaires en sont dessaisis à compter de cette même époque, car la propriété ne peut résider à la fois en deux mains différentes.

271. Telle avait été aussi, sous la loi du 8 mars 1810, l'opinion de Favard, Rép., vo Expr. pour util. publ., no 7. Ce prin

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