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SECTION II.

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Des effets du jugement relativement aux droits d'usufruit, d'habitation, d'usage, de servitude et de bail.

Des droits d'usufruit et d'habitation.

Des droits d'usage et des servitudes.

282. Des baux.

280. L'art. 621, C. Nap., dit que « la vente de la chose sujette à l'usufruit ne fait aucun changement dans le droit de « l'usufruitier, et qu'il continue de jouir de son usufruit, s'il n'y « a pas formellement renoncé. » Comme l'expropriation est une vente forcée, il semblerait qu'elle ne dût apporter aucun changement aux droits de l'usufruitier. Mais, le but du jugement étant de faire sortir du commerce la chose expropriée, la disposition de l'art. 621 est inapplicable, et les droits de l'usufruitier sont nécessairement modifiés. Aussi les art. 21 et 39 de la loi du 3 mai prévoient-ils le cas où le bien exproprié est chargé d'un usufruit, d'un droit d'usage, d'habitation ou de servitude. Le droit d'habitation n'est qu'un droit d'usufruit restreint.

281. L'extinction moyennant indemnité s'appliquerait également à des droits d'usage dans les bois ou forêts frappés d'expropriation. Les usagers n'auraient même droit à une indemnité spéciale qu'autant qu'ils se seraient fait connaître en temps utile, car le propriétaire n'est tenu de signaler à l'administration que ceux qui ont sur l'immeuble des droits d'usage réglés par le Code Napoléon.

La plupart des servitudes qui grèvent les immeubles expropriés ne peuvent plus s'exercer après l'expropriation, parce que l'État doit avoir la libre et entière jouissance de ces immeubles; mais une indemnité est due aux propriétaires qui sont dépouillés du droit de servitude: l'art. 21 de la loi du 3 mai 1841 le reconnaît formellement — (A).

Additions.

(A) La loi du 3 mai 1844 est donc applicable aux simples servitudes; les formalités de l'expropriation pour cause d'utilité publique doivent être remplies, même lorsque les travaux n'exigent pas le sacrifice de tout ou partie du fonds dominant. Cass. req., 2 déc. 4863 (Droit, 3 déc. 63).

Un jugement qui prononce l'expropriation d'un terrain sans parler des servitudes ou droits réels existants sur le terrain au profit d'un tiers, est régulier, encore bien qu'il soit articulé que l'expropriation n'avait pas d'autre objet que l'acquisition desdits droits réels. Cass.civ.. 9 fév. 1863 (Droit, 14 fév. 63).

L'expropriation d'un immeuble pour cause

282. Lorsque le bien exproprié est loué, le fermier ou locataire ne peut prétendre jouir pendant toute la durée de son bail (1). Le propriétaire n'a pu lui transmettre plus de droits

d'utilité publique a pour conséquence nécessaire l'expropriation des servitudes ou autres droits réels qui grèvent cet immeuble; il n'est pas nécessaire que le jugement d'expropriation en fasse une mention expresse. Et la partie expropriante n'est pas tenue de poursuivre le règlement de l'indemnité simultanément à l'égard des propriétaires du fonds et à l'égard des ayants droit à la servitude; elle peut agir séparément envers les uns et les autres. Cass., 9 fév., 42 mai 4863 (S. 63.1.400).

Le jugement de donner acte rendu dans les termes de l'art. 44 a le même effet. Trib. Seine, 29 nov. 1863 (Gaz. trib., 6 déc. 63).

Lorsque deux propriétaires s'étant accordé des servitudes sur le fonds l'un de l'autre, l'expropriation de l'un des deux fonds vient à rendre impossible l'exercice des servitudes accordées à l'autre, le propriétaire de ce dernier a droit à être indemnisé à raison de la suppression desdites servitudes (C. Nap., 703 et suiv.). C. Lyon, 44 fév. 1864 (S. 64,2.302).

Une compagnie expropriante qui, avant l'expropriation, mais en vue de la réaliser, a acquis une parcelle de terre soumise à une servitude de passage, ne peut s'affranchir de cette servitude, sous le prétexte que le propriétaire vendeur ne l'aurait pas déclarée dans les délais prescrits par l'art. 24 de la loi du 3 mai 1841. C'était à la compagnie qui, par l'effet de la vente à elle consentie, se trouvait au lieu et place du vendeur, non-seulement avant le jugement d'expropriation, mais encore avant la réunion de la commission d'enquête, à la dénoncer à l'administration ou à se la dénoncer à elle-mème qui la représentait en qualité d'expropriante. Cass. req., 44 janv. 1865 (Gaz. trib., 18 janv. 65).

(4) [En ce qui concerne le droit à la jouissance, au point de vue de l'indemnité, MM. Gillon et Stourm pensent que l'indemnité due aux locataires, fermiers, etc., provient du dommage causé, soit par la résiliation des baux, soit par la perte des

dépenses faites pour l'exploitation de l'immeuble, soit par la cessation d'un droit de jouissance productive : ils s'appuient sur la discussion qui a eu lieu à la Chambre des députés, le 5 février 1833 (Cod. des Municip., Expropriat., p.144). M. de Belleyme a, en effet, présenté, dans cette séance, les considérations suivantes: Oui, sans doute, le fermier peut « avoir un immense intérêt à la fixation de l'indemnité. Tous les jours, la ville de Paris exproprie une maison où se << trouve le siége d'une industrie considé<rable, un café, par exemple, dont le « locataire a passé un bail de trente à « quarante ans, afin de s'indemniser de << sa dépense. Eh bien! la maison où se

trouve cet établissement est expropriée « un an après; vous sentez que cette propriété, souvent peu intéressante par elle-même, tire toute sa valeur des dé<< penses faites par le locataire qui a passé

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qu'il n'en avait lui-même, et les droits de l'un et de l'autre doivent s'évanouir devant les considérations d'intérêt public. Comme le bien exproprié doit presque toujours être détruit ou subir quelque modification, c'est le cas d'appliquer l'art. 1722 du Code, qui porte que: « Si, pendant la durée du bail, la chose «<louée est détruite en totalité, le bail est résilié de plein « droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, «< suivant les circonstances, demander ou une diminution de « prix ou la résiliation même du bail. » De même, si le bien loué est exproprié en totalité, le bail est résilié de plein droit; si l'expropriation ne porte que sur une partie de l'objet loué, il y a lieu, selon les circonstances, à la résiliation du bail ou à une diminution du loyer (A).

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son bail (1er mars 1843 et 2 fév. 1847; S. 43.4.345, et 47.4.280; l'arrêt du 12 juin 1843; 43.4.484, etc.).

Additions.

(A) La jurisprudence offre, sur cette question, les applications suivantes :

Le jugement d'expropriation emporte résolution immédiate des baux en cours d'exécution, tant à l'égard et dans l'intérêt des locataires qu'au protit de l'expropriant. En conséquence, le droit à une indemnité est acquis aux locataires par le seul effet du jugement d'expropriation, nonobstant la déclaration à eux notifiée par l'expropriant qu'il entend respecter leurs baux et les laisser jouir paisiblement des lieux loués jusqu'à l'expropriation du temps convenu. Cass., 16 avril 1862 (S.62. 4.724); Cass., 9 août 4864 (S. 64.1.465).

Dans cette situation, une Cour impériale n'est pas en droit de se fonder sur ce fait que le locataire est resté en jouissance, même après l'expiration du délai de six mois qui a suivi le règlement de l'indemnité, et qu'il a payé pendant deux ans ses loyers sans protestation ni réserve, pour déclarer que l'expropriant et l'exproprié ont mutuellement renoncé aux effets du jugement, et ont formé un nouveau contrat pour la continuation de l'ancien bail. Elle ne peut, en conséquence, repousser par ces motifs la demande du locataire qui provoque la convocation d'un jury et réclame une indemnité. Cass. req., 11 nov. 1863 (Gaz. trib., 12 nov. 1863);

C. Paris, 22 juin 1863 (Gaz. trib., 24 juin 63); Trib. civ. Seine, 44, 48 avril 4863 (Gaz. trib., 19 avril 63); Cass. req., 8 août 1864 (Gaz. trib., 10 août 64); Trib. civ. Seine, 24 juin 1863 (Droit, 28 juin 63). Contrà, C. Paris, 44 août 4862 (S.62.2.24).

Le propriétaire reste en possession de son immeuble et peut en percevoir les fruits jusqu'au paiement de son indemnité. Le bail est bien résolu par le jugement d'expropriation, mais le congé donné par la partie expropriante aux locataires a seulement pour effet de changer la nature de la redevance que le propriétaire a le droit d'exiger pour l'occupation de son immeuble; la somme qu'il perçoit peut être qualifiée indemnité de jouissance. Trib. civ. de la Seine, 26 janv., 2 fév. 1864 Gaz. trib., 5 fév. 64).

Le principe de la résolution de plein droit des baux d'une maison expropriée pour cause d'utilité publique ne s'applique pas aux baux des parties de l'immeuble exproprié qui ne sont pas comprises dans celles retranchables pour l'exécution des travaux publics. C. Paris, 44 août 4862 (Gaz. trib., 43 août 62).

Il appartient au locataire seul de demander cette résolution, aux termes de l'art. 4722, C. Nap. Le propriétaire ne peut réclamer l'exercice de ce droit, lors même que par suite d'accords intervenus en dehors de lui, l'expropriant se trouverait subrogé aux droits du principal locataire sur la partie des lieux non comprise dans l'ex

SECTION III.

Des effets du jugement relativement aux actions en résolution, en revendication, et à toutes autres actions réelles ou personne lle

283. Définition de ces actions.

284.

285.

L'exercice des actions réelles n'arrête pas l'expropriation; le droit des réclamants est transporté sur le prix.

Relativement aux conventions et aux actions personnelles, l'expropriation est un cas de force majeure.

283. On nomme action le droit que quelqu'un a de poursuivre en justice ce qui lui est dû, et de demander ce qui lui appartient. Il y a trois sortes d'actions, savoir : les actions personnelles, réelles et mirtes. L'action personnelle est celle qu'on dirige contre quelqu'un pour le contraindre à payer ce qu'il doit ou à exécuter ce qu'il a promis de faire. L'action réelle est celle qui a

propriation. Trib. civ. Seine, 24-31 mars 1865 (Gaz. trib., 6 avril 65).

Toutefois, ce principe s'applique aux baux de la partie de l'immeuble qui n'était "pas nécessaire à l'exécution des travaux, mais qui a été expropriée sur la réquisition du propriétaire, aux termes de l'art. 50 de la loi du 3 mai 1844. Trib. Seine, 18 avril 1863 (Gaz. trib., 23 avril 63).

Lorsqu'après le jugement d'expropriation le locataire n'est resté dans les lieux que parce que l'expropriant lui contestait le droit d'en sortir, le prix de cette jouissance peut être fixé par le tribunal à une somme inférieure au prix stipulé dans le bail à ce cas sont inapplicables les principes de la tacite réconduction (C. Nap., 4759). Cass., 46 avril 4862 (S.62.4.724).

L'acte de cession amiable consentie par un propriétaire à l'expropriant équivaut au jugement d'expropriation, et comme lui, entraîne la résiliation des baux. En conséquence, lorsqu'au bout de six mois l'administration n'a pas convoqué de jury, les locataires ont le droit de demander la fixation de leur indemnité, conformément à l'art. 55. Dans cette situation, leur demande ne peut être écartée par ce motif qu'ils seraient restés dans les lieux loués

du consentement de l'expropriant pendant un temps plus ou moins long, et qu'il se serait opéré ainsi une sorte de réconduction tacite. Cass. req., 16 déc. 1863 (Gaz. trib., 17 déc. 63); Cass. civ., 20 janv. 1864 (Gaz. trib., 27 janv. 64); Trib. civ. Seine, 2 janv. 1864 (Gaz. trib., 40 janv. 64); C. Paris, 29 juill. 4864 (Gaz. trib., 30 juill. 64).- Contrà, Trib. civ. Seine, 6-13 mai 1863 (Gaz. trib., 15 mai 63); Trib. civ. Seine, 29 juill. 1865 (Gaz. trib., 9 août 65).

Le bail est résolu par le jugement d'expropriation; ajoutons, toutefois, que le locataire peut rester dans les lieux jusqu'au paiement de son indemnité; mais il peut aussi renoncer à ce droit et quitter les lieux; le propriétaire ne peut s'y opposer, sauf son action contre l'expropriant, s'il éprouve un dommage. Le congé donné avant le jugement d'expropriation par l'expropriant au locataire, ne peut motiver la sortie de celui-ci; mais il y a, à cet égard, titre suffisant dans le jugement d'expropriation, et le juge des référés peut ordonner l'exécution de ce titre en autorisant la sortie. C. Paris, 23-26 janv. 4863 (Gaz. trib., 26-27 janv. 63).

pour objet de nous faire remettre en possession d'une chose qui est détenue par un autre et qui nous appartient. Les actions mixtes sont en même temps personnelles et réelles.

L'action en résolution est la demande tendant à faire déclarer qu'un contrat (de vente ou d'échange, par exemple) sera résolu ou considéré comme non avenu. L'action en revendication est celle par laquelle on demande à être remis en possession d'une chose dont on se prétend propriétaire.

Il est possible que l'immeuble exproprié soit l'objet d'une action en résolution ou en revendication ou de toute autre action réelle. Cette circonstance ne doit pas empêcher l'exercice du droit d'expropriation de la part de l'État. « L'administration, a dit M. Martin (du Nord), rapporteur de la Chambre des députés, ne voit que la chose dont elle veut s'emparer; il lui importe peu qu'elle appartienne à tel ou tel propriétaire. Il faut donc que l'administration puisse obtenir la propriété et s'y maintenir indépendamment de tous les droits. Mais aussi il est juste que les tiers ne soient pas lésés par cette prise de possession >> (Monit., 6 fév. 1833, p. 298). En conséquence, l'art. 18 de la loi du 3 mai porte: «Les actions en résolution, en revendication, «<et toutes autres actions réelles, ne pourront arrêter l'expro«priation, ni en empêcher l'effet. Le droit des réclamants sera << transporté sur le prix, et l'immeuble en demeurera affranchi. » La disposition de l'art. 18 s'applique, comme on le voit, nonseulement aux actions en revendication ou en résolution, mais encore à toutes autres actions réelles, et il faut comprendre sous cette domination les actions mixtes: car, bien qu'elles soient en même temps personnelles, ce sont toujours des actions réelles. Ainsi les dispositions de l'art. 18 s'appliqueraient aux actions en partage ou en licitation, en bornage, en réméré, etc.

284. L'art. 18, a dit en 1833 M. Dupin, président de la Chambre des députés, a ce but unique de ne pas arrêter l'expropriation. La commission et les auteurs de la loi sont imbus de cette idée que, quand les formalités auront été remplies, la question de l'immeuble sera irrévocablement décidée. Peu importe donc l'opposition de la part des propriétaires, puisque, quelles que soient les réclamations qui pourront s'élever, cette propriété sera irrévocablement acquise à l'État, les formalités une fois remplies. Or, que propose l'article? Que l'action en résolution ou en revendication, et toutes autres actions réelles, ne puissent pas arrêter l'expropriation ni en empêcher les effets; en sorte que, si des actions de ce genre existaient, au lieu d'en

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