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latérales de la route départementale dont il s'agit à diverses servitudes et aux prohibitions qui seront portées par le décret à intervenir. Aucune plus-value ne pourra être demandée aux propriétaires des terrains qui seront assujettis à ces servitudes. En cas de refus de les supporter, les propriétaires seront expropriés de leurs immeubles dans les formes du droit. La disposition précitée, qui dispense de la plus-value, soulève une question assez compliquée et sur laquelle la Cour de cassation a déjà rendu une décision (1).

34. Enfin, un grand nombre de décrets impériaux ont autorisé la création de chemins de fer particuliers d'embranchement, destinés à relier des établissements métallurgiques aux voies des grandes lignes de fer, avec privilége d'expropriation et application de la loi du 3 mai 1841, « ces entreprises étant d'utilité publique (2). >>

35. La loi du 3 mai 1841, qui règle la cession volontaire ou forcée de la propriété, pour cause de travaux publics prévus et ordonnés par l'administration, et les lois et décrets qui s'y rattachent comme accessoires, sont donc l'objet principal de ce traité.

36. Mais ce serait une erreur de croire qu'il ne peut y avoir incorporation au domaine public, et qu'on ne peut être dépossédé de sa propriété, ou la perdre, par suite de mesures d'intérêt général, que selon les formes prescrites par la loi du 3 mai 1841, et sauf le mode de règlement d'indemnité qu'elle a établi; ou de croire qu'il n'y a d'exceptions à ses dispositions que celles déterminées par cette loi elle-même.

37. Car il y a incorporation au domaine public, sans les formalités prescrites par la loi du 3 mai 1841, et en dehors des exceptions prévues par cette loi, dans beaucoup de circonstances, dont voici quelques exemples:

38. En matière de délimitation du domaine public, lorsque des actes du chef du Gouvernement, des ministres ou des préfets, selon les cas, déterminent les limites du domaine militaire, du domaine maritime, des fleuves, des rivières et canaux navigables, des routes, des chemins vicinaux, et qu'un particulier se prétend atteint, dans sa propriété, par ces délimitations;

(4) Arrêt du 24 janvier 1855.

(2) Entre autres, déc. imp. du 28 oct. 4854 (usine de Bourdon), art. 4, et cahier des charges annexé, art. 20 et 24;

du 24 nov. 4854 (mines de Montieux); du 27 juillet 1853 (houillères de Sorhier, etc.)

39. En matière de cours d'eau non navigables ni flottables, lorsque le préfet a fait opérer un curage, et qu'un particulier prétend que l'opération a été exécutée sur un terrain dépendant de sa propriété riveraine;

40. En matière d'alignement, lorsqu'une permission de construire le long d'une voie publique est délivrée, soit d'après les plans généraux légalement approuvés, soit d'après les arrêtés spéciaux des autorités compétentes;

41. Dans plusieurs autres cas de travaux exécutés en vertu de la loi du 16 septembre 1807, etc., etc...

42. La raison de ces distinctions, c'est que la loi du 3 mai 1841 n'a, pas plus que celle du 8 mars 1810, entendu démolir d'un seul coup l'organisation administrative tout entière, en désarmant les services publics de tous leurs moyens d'action. Ainsi, elles n'ont pas aboli les lois qui «< chargent les administrations de « département, sous l'autorité et l'inspection du chef de l'Etat, « de la conservation des propriétés publiques, de celle des ponts, << rivières, chemins et autres choses communes; » ou qui les chargent de maintenir et d'assurer le libre cours des eaux et de la navigation; ou qui leur ont conféré, pour des besoins urgents ou permanents, ou qu'il est impossible de régler à l'avance, des pouvoirs à la fois généraux et spéciaux. Toutes ces lois ont continué d'être exécutées sous la loi du 8 mars 1810, et elles doivent continuer à être exécutées sous la loi du 3 mai 1844, qui la remplace.

43. Du reste, dans ces cas d'incorporation au domaine public, la propriété n'est pas pour cela confisquée. Les questions de possession et de propriété, pour le temps où les terrains étaient susceptibles de possession et de propriété, sont intactes. Les contestations, s'il en existe, sont jugées par les tribunaux, d'après les titres et d'après les moyens ordinaires du droit civil. Seulement, lorsque la preuve de la propriété est établie, la propriété est résolue en indemnité.

44. Mais, dans ces mêmes cas, la grande difficulté est de savoir si, abstraction faite des formalités d'expropriation qui sont inapplicables, l'indemnité doit du moins être réglée d'après le mode établi par les titres 4 et suivants de la loi du 3 mai 1841. C'est une question très-délicate, au double point de vue des principes du droit et de la combinaison des procédures légales.

45. On peut encore, par suite d'une délimitation du territoire national, opérée en exécution de traités politiques, être dépossédé d'une propriété qui se trouve restituée à des communes dé

pendantes d'une puissance limitrophe. La loi du 3 mai 1841 est complétement étrangère à de tels rapports (1).

46. Enfin, l'urgence de force majeure est nécessairement réservée. Je dis l'urgence de force majeure, pour la distinguer de l'urgence de prendre possession des terrains non bâtis, qui est une urgence encore susceptible d'être réglée par la loi. La guerre, l'incendie, l'inondation échappent, au contraire, à toutes les règles. A la suite de l'art. 545, dans la discussion du Code Nape léon au Conseil d'Etat, un article était proposé sur l'urgence; il a été supprimé. « Mais, dit M. Malleville, personne ne doutera « probablement qu'en cas de guerre ou d'incendie, le Gouver<«< nement ne puisse, pour la défense de la nation ou pour arrêa ter un incendie, non-seulement occuper, mais changer la face «< du sol, faire abattre un bâtiment, le tout sans avoir besoin d'en « faire passer une loi. » Ce que M. Malleville disait d'une loi est également vrai à dire des formalités ordinaires de la loi du 3 mai 1841, et de l'urgence régulière pour la prise de possession des terrains non bâtis, puisque cette urgence elle-même a besoin d'être déclarée par un acte solennel du chef de l'Etat.

47. Toutes ces questions seront traitées dans le cours des observations sur la loi du 3 mai 1841, ou dans les titres ou chapitres particuliers. ]

CHAPITRE PREMIER.

DE L'ÉTUDE DES PROJETS, ET DE L'ENQUÊTE PRÉALABLE A LA DÉCLARATION D'UTILITÉ PUBLIQUE.

48.

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Recommandations adressées par le Gouvernement à MM. les ingénieurs, sur le respect dû à la propriété privée.

49. Obligation, de la part des propriétaires, de supporter ces opérations préparatoires sur leurs terrains.

(4) Ordonn. cont., 15 juin 1842, hospices de Strasbourg.

50. L'occupation temporaire a besoin d'être autorisée, mais elle n'est pas soumise aux mêmes formalités que l'expropriation.

51.

52.

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Jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat sur ces principes.

Renvoi pour les détails.

48. [Autant le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique est rigoureux, autant il importe de faire connaître, au début de la matière, les recommandations réitérées que le Gouvernement adresse à ses agents, sur le respect dû à la propriété, et sur l'obligation de ne lui demander que les sacrifices réellement exigés par l'intérêt général.

« Quel que soit (disait à MM. les ingénieurs le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, dans une instruction en date du 24 octobre 1853, rappelant une précédente circulaire sur le même objet), « quel que soit l'intérêt exposé « dans les études ou dans les travaux à entreprendre, quelque << besoin qu'on ait d'en hâter l'exécution, il est toujours possible «de procéder régulièrement, et l'on ne serait pas fondé aujour«d'hui à se plaindre des lenteurs de l'administration. Mais, dans « le cas même où la stricte observation des règles devait ame«ner quelque retard, le respect du droit de propriété est un prin«cipe trop élevé pour qu'on le subordonne à une pareille con«sidération. Je recommande donc de nouveau, de la manière la plus expresse, aux ingénieurs, de ne jamais agir sans s'être préa«lablement munis de toutes les autorisations nécessaires; et s'ils trou« vent de la résistance, même alors qu'ils sont parfaitement en «< règle, de ne recourir aux voies de rigueur qu'après avoir « épuisé tous les moyens de conciliation compatibles avec l'ac« complissement de leurs obligations de service.

« Je leur renouvelle également mes recommandations sur la « conduite qu'ils ont à tenir lorsqu'ils sont entrés dans les propriétés « pour les occuper temporairement ou pour les traverser. La résistance « des propriétaires à laisser pénétrer chez eux tient souvent à la <«< crainte d'y voir commettre des dégâts inutiles, et il y a là peut-être une cause d'irritation plus grande que dans l'occu«<pation même de la propriété; l'indemnité pécuniaire n'est pas << acceptée comme une réparation suffisante du mal moral causé << par des dommages que ne motive pas une impérieuse néces«sité. Les ingénieurs doivent s'attacher à faire cesser de pareil<«<les craintes en donnant de bonnes directions à leurs agents, « en s'abstenant avec le plus grand soin de tout ce qui pourrait

<< nuire à la propriété sans utilité pour les opérations, en atté«nuant, autant qu'il dépendra d'eux, les dommages inévitables, << en ménageant, en un mot, la propriété autant que le permet<< tront les exigences réelles des études ou des travaux.

« Ces recommandations ne concernent pas seulement les ingénieurs de l'Etat, elles s'adressent également aux ingénieurs << des compagnies concessionnaires de travaux publics et parti<«< culièrement de chemins de fer; les compagnies agissent comme « délégataires de l'État, et si, en vertu de cette délégation, elles « exercent les mêmes droits, elles sont aussi tenues aux mêmes << obligations. >>

« Je confie à MM. les préfets le soin de veiller à l'exécution << franche et complète de mes prescriptions (1). »

Telles sont les règles sous l'inspiration desquelles MM. les ingénieurs doivent agir, dans les opérations préparatoires de nivellements, sondages et autres, et dans la confection des projets et plans qui précèdent les décisions par lesquelles l'administration ordonne ou autorise les travaux d'utilité publique.

49. L'obligation, de la part des propriétaires, de supporter ces opérations préparatoires sur leurs terrains, sauf indemnité, résulte des pouvoirs généraux de l'administration, de la loi du 28 pluviôse an VIII (art. 4), de la loi du 16 septembre 1808, des dispositions spéciales des lois sur l'expropriation, qui chargent les ingénieurs ou autres gens de l'art de dresser les plans, enfin de l'art. 438 du Code pénal.

50. Ces occupations temporaires ont besoin d'être autorisées par l'administration; mais cette autorisation n'est pas soumise à la même solennité de formes que celle des occupations définitives pour l'établissement des travaux décrétés par le Gouvernement.

En effet, dans l'une des premières rédactions du projet de loi du 8 mars 1810, un article, sous le n° 17, portait : «<Les autori«sations et formalités requises par la présente loi pour l'expro«priation ou cession de fonds ne s'appliquent point à l'occupation « momentanée d'un terrain ordonnée par une administration pour « un service passager et nécessaire, ou pour y lever des plans «ou y faire des sondes, tranchées ou autres opérations prépa<< ratoires de cette nature, le tout sauf l'indemnité due au pro<< priétaire (2). »

(4) Annales des Ponts et Chaussées, 1853, p. 394.

(2) Cons. d'Etat, séance 46 nov. 4809; Locré, IX, p. 670.

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