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364. Enfin, les expropriations partielles modifient les relations établies par les baux entre les locataires et les propriétaires, et ces modifications donnent lieu à des contestations; nous les examinerons dans le chapitre spécial intitulé: « Des propriétés mor« celées par les travaux, » qui fait partie du tome second de ce traité.

SECTION IV.

365.

· Des indemnités dues à divers autres ayants droit.

De l'indemnité due en cas de bail à rente.

366. Du bail à locatairie perpétuelle.

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368.

369.

370.

371.

Du bail à domaine congéable ou à convenant.
De l'emphytéose.

Du cas où l'emphytéote doit élever des constructions.
Du bail à longues années.

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365. Si le bien exproprié avait fait l'objet d'un bail à rente, il serait important de rechercher quelle devrait être la nature de l'indemnité, comment elle devrait être payée. « Le bail à rente simple, dit Pothier, Traité du contrat de bail à rente, no 1, est un contrat par lequel l'une des parties baille et cède à l'autre un héritage ou quelque droit immobilier, et s'oblige de le lui faire avoir à titre de propriétaire, sous la réserve qu'elle fait d'un droit de rente annuelle d'une certaine somme d'argent ou d'une certaine quantité de fruits, qu'elle retient sur ledit héritage, et que l'autre partie s'oblige réciproquement envers elle de lui payer tant qu'elle possédera ledit héritage. » L'art. 530, C. Nap., reconnaît le contrat de bail à rente, et déclare que la rente est essentiellement rachetable. Déjà, d'après la définition de Pothier, il était reconnu que la propriété du bien donné à rente était transférée au preneur (Ibid., no 111). La chose est encore moins contestable aujourd'hui d'où il faut conclure que la principale indemnité appartient au preneur à rente. Celui-ci pourrait toutefois, s'il le voulait, délaisser l'immeuble, et alors il deviendrait tout à fait étranger au règlement de l'indemnité due pour cet immeuble, comme il serait dispensé de payer dé

sormais la rente. Quant au bailleur, on ne voit pas qu'il puisse prétendre à autre chose qu'au rachat de la rente, qui doit être fait sur le montant de l'indemnité. Ce rachat pouvant toujours avoir lieu par la volonté du preneur, il peut avoir lieu également en cas d'expropriation. Si, ce qui n'est guère probable, celui-ci n'offre pas le rachat, l'indemnité doit être placée, et le bailleur prélèvera sa rente sur les intérêts.

Si les clauses et conditions du rachat ont été réglées par les parties, on doit s'y conformer dans la fixation du rachat, sinon, on doit suivre les règles ordinaires pour le remboursement des rentes foncières.

Mais, si une partie seulement de l'héritage donné à rente était comprise dans l'expropriation, quels seraient les droits du bailleur? Pourrait-il exiger le rachat de la rente entière? Pour l'affirmative, on peut dire que la rente est due par chaque partie de l'héritage (Pothier, ib., no 14), et que, les garanties du bailleur étant diminuées, il peut demander le remboursement de la rente. Mais on oppose que la force majeure qui a mis hors du commerce une partie de l'héritage arrenté ne peut priver le preneur du droit qu'il avait de ne racheter la rente qu'à sa volonté. De son côté, le preneur ne pourrait pas prétendre que la partie restante de l'immeuble présente une garantie suffisante au bailleur pour la sûreté du paiement de la rente; il doit, si le bailleur l'exige, consentir au rachat d'une quotité de la rente proportionnée à la partie du bien qui a été frappée par l'expropriation, ou offrir de placer l'indemnité, pour servir, au besoin, de garantie supplémentaire au bailleur.

366. Le bail à locatairie perpétuelle ou à culture perpétuelle est une espèce de contrat fort usité dans les anciens pays du droit écrit. Le parlement de Provence envisageait ce contrat comme un vrai bail à rente; mais le parlement de Toulouse paraissait le considérer comme une espèce particulière de contrat, qui approchait de l'emphytéose et du bail à rente foncière, sans pouvoir cependant être confondu avec eux. D'après cette dernière jurisprudence, le preneur par bail à locatairie perpétuelle aurait acquis la possession naturelle et utile; mais la propriété foncière et la possession civile seraient demeurées dans la main du bailleur (Merlin, Rép., vo Locatairie perpétuelle). On doit aujourd'hui assimiler le bail à locatairie perpétuelle au bail à rente (Merlin, Quest., dr., vo Locatairie; Dalloz, vo Féodalité p. 525) car c'est ainsi que l'Assemblée constituante l'a considéré dans l'art. 2 du décret du 18 décembre 1790, en autori

sant le rachat de rentes créées par des baux ainsi qualifiés; et c'est aussi ce qui résulte des arrêts de la Cour de cassation des 7 nivôse an XII, 5 octobre 1808, 2 mars 1835. Il faut donc appliquer à ce contrat ce que nous venons de dire pour le bail à rente.

367. Le bail à rente colongère, très-usité en Alsace, consistait dans l'aliénation que de grands propriétaires faisaient au profit des habitants du pays ou d'étrangers qu'ils y attiraient, de terrains considérables, et presque toujours incultes, moyennant une redevance annuelle et uniforme. L'une des clauses caractéristiques de ce contrat était la stipulation que tout ce qui concernait l'exécution de l'acte serait soumis à une cour colongère, désignée par l'aliénateur (Dallož, vo Féodalitě, p. 523). La rente colongère n'était donc, à proprement parler, qu'une espèce particulière de rente foncière (1); il y a, par suite, lieu à appliquer à ces contrats les principes que nous avons émis en parlant du bail à rente foncière.

368. Le bail à domaine congéable ou à convenant est un genre de convention particulier à quelques parties de l'ancienne Bretagne. C'est une espèce de contrat emphytéotique, par lequel les propriétaires ont excité les laboureurs à entreprendre des défrichements et cultures, en leur laissant, soit pour un temps fixé, soit indéfiniment, la jouissance du fonds, à la charge d'une prestation annuelle, et avec la faculté d'y faire des améliorations, mais sous la condition que le détenteur, appelé domanier, ne pourrait se dessaisir qu'à la volonté du propriétaire ou bailleur, qui devrait alors lui rembourser la valeur des améliorations à dire d'experts. La prestation payée par le domanier au propriétaire se nomme rente convenancière. Si le bail à domaine congéable n'avait pas été fait pour un temps déterminé, le propriétaire pouvait, quand il lui plaisait, exercer le congément; mais lorsqu'il y avait un terme fixé, c'était seulement à cette époque que ce droit pouvait être exercé, et il ne pouvait l'être que par le propriétaire seulement, car le domanier ne pouvait jamais user de cette faculté. Le droit de congément a été rendu réciproque par la loi des 7 juin-6 août 1791, qui, en maintenant ces baux, les à purgés de tout ce qui paraissait se rattacher à la féodalité.

En cas de bail à domaine congéable, la principale indemnité

1) Merlin, Repert., Rente colongère.

est nécessairement celle du bailleur, puisque c'est lui qui est reconnu propriétaire de l'immeuble (1). D'après la loi des 7 juin6 août 1791, l'indemnité du domanier, en cas de congément, comprend la valeur des édifices et superficies (art. 17), et les labours et engrais (art. 19). L'estimation de ces objets est faite par experts convenus ou nommés d'office par le juge de paix du canton dans le ressort duquel les tenures sont situées (art. 17). Les frais d'expertise sont à la charge du propriétaire (art. 18). Le domanier ne peut être expulsé qu'il n'ait été préalablement remboursé de la valeur des édifices, superficies et améliorations (art. 21). L'expulsion des domaniers doit régulièrement avoir lieu à la Saint-Michel, 29 septembre (art. 22). En cas d'expropriation, l'indemnité du domanier comprendrait nécessairement la valeur des édifices et superficies, celle des labours et engrais, et un dédommagement pour la résiliation précipitée du bail à domaine congéable.

369. Il faut distinguer l'emphytéose perpétuelle et l'emphytéose à temps. L'emphytéose prepétuelle ne diffère plus aujourd'hui du bail à rente, et l'on doit y appliquer ce que nous avons dit ci-dessus. Reste à parler de l'emphytéose à temps. Ferrières, dans son Dictionnaire de droit, vo Emphytéose, dit que « c'est un bail à longues années d'un héritage, à la charge de le cultiver et améliorer; ou d'un fonds, à la charge d'y bâtir; ou d'une maison, à la charge de la rebâtir, moyennant une certaine pension modique, payable, par chaque añ, par le preneur, et à la charge aussi ordinairement de bailler au temps du contrat, par le preneur, une certaine somme. L'emphytéose se fait ordinairement pour vingt, trente, quarante, cinquante, soixante ou quatre-vingt-dix-neuf ans, qui est le terme que le bail emphytéotique ne peut excéder. On peut aussi faire un bail emphyteotique à vie, tant du preneur que de ses enfants, et des enfants de ses enfants, et encore cinquante ans au delà. L'emphytéose, dit le même auteur, est une aliénation de la propriété utile en la personne du preneur pendant tout le temps de la concession, avec une rétention de la propriété directe de la part du bailleur. » En admettant cette définition (2), il faut examiner quels

(4) V., toutefois : Cass., 24 janv. 1849; 3 mai 1848; 18 nov. 1846 (S. 49.4.442; 48.1.713; 47.4.97, et les observations de M. Devilleneuve, loc. cit.) 1.

(2) Les auteurs ne se sont jamais accordés sur les caractères du bail emphytéotique. Nous avons adopté les opinions de Ferrières, parce qu'elles nous ont paru

seront les droits du preneur et du bailleur, si le bien exproprié a été donné à bail emphytéotique.

On ne peut assimiler les droits du preneur à ceux d'un simple locataire : car ce dernier n'a aucun droit de propriété sur l'héritage, tandis que l'emphyteote a les droits utiles de propriété pendant toute la durée du bail. Comme ces droits ne sont que temporaires, il ne peut prétendre à l'entière disposition de l'indemnité qui représente une propriété sur laquelle il n'avait que des droits restreints. On ne peut pas non plus leur accorder à chacun une indemnité séparée, et il serait même fort difficile d'indiquer des bases pour l'évaluation de ces indemnités. Si le bail emphyteotique est seulement commencé depuis peu d'années, et qu'il doive durer quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans, le bailleur paraît n'avoir pas droit à une indemnité plus forte que le bailleur à rente perpétuelle, qui n'a droit qu'au rachat de la rente. Mais, si l'emphytéose est pour un temps plus court, ou si elle a commencé à une époque déjà éloignée, le bailleur a presque autant de droits et une indemnité aussi forte à réclamer que le propriétaire qui a loué son bien par bail ordinaire.

Nous pensons qu'on concilie tous les droits en décidant que l'indemnité représentative de l'immeuble sera placée; que, sur les intérêts qu'elle produira, le bailleur touchera le montant du canon emphyteotique par lui stipulé, et que le surplus de ces intérêts appartiendra au preneur jusqu'à la fin de l'emphytéose. Le preneur avait le droit de jouir du bien, il jouit de l'indemnité

un peu plus claires que celles des autres auteurs.

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[D'après trois arrêts de la Cour de cassation, en matière d'enregistrement, l'effet propre au bail emphytéotique est d'opérer l'aliénation à temps de la propriété de l'immeuble donné en emphytéose; le preneur, devenu ainsi propriétaire pour un temps déterminé, peut, < pendant la durée du bail emphyteotique, disposer de l'immeuble qui en fait l'objet, le vendre, le céder et même l'hypothéquer, sauf l'exercice des droits du bailleur à l'expiration de l'emphytéose ..» (24 juill. 4843, 4 avril 1840); autre, du même jour (S. 43, p. 830, 44, p. 433 et 436).

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D'après une autre décision de la même Cour, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, « l'emphyteose

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