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SECTION II.-Des offres à faire par l'administration aux propriétaires et aux autres intéressés.

420.

421.

422. 423.

Le préfet détermine les sommes à offrir pour indemnités.
Nécessité de diviser et détailler les offres.

L'administration doit notifier ses offres.
Importance de cette notification.

424. Ses formes.

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425. A qui elle doit être faite.

426.

--

Quand elle doit être faite aux créanciers inscrits. 427. Les offres sont, en outre, publiées et affichées.

420. Lorsque, par suite des notifications qui lui ont été faites, l'administration connaît toutes les parties qui sont intéressées au règlement des indemnités, le préfet prend un arrêté par lequel il indique la somme qui sera offerte pour indemnité, tant à chacun des propriétaires qu'à chacun des autres intéressés ou réclamants. Arg. de l'art. 1er, 4o, de l'ord. 18 sept. 1833. Cet arrêté est soumis à l'approbation de l'administration supérieure, à moins qu'elle n'ait elle-même fixé antérieurement le montant des sommes qu'il convient d'offrir (1).

Les offres sont le premier acte de la procédure (2) en règle

(1) V., au Formul. : Arrété du préfet « quelles sont ses prétentions. Ce sera fixant les sommes à offrir aux divers intéressés dans les propriétés expropriées.

(2) [Selon l'esprit de la loi, la notification des offres, et la déclaration d'acceptation ou de refus, de la part des intéresrés, avec indication obligée du montant de leurs prétentions (art. 23 et 24), me paraissent constituer un préliminaire de conciliation, et non un commencement de procédure judiciaire. En effet, l'intention des auteurs de la loi, dans les art. 23 et 24, a été de procurer le plus grand nombre possible d'arrangements amiables. C'est ce qui résulte des discussions législatives. M. Teste, notamment, a présenté les considérations suivantes : « Avant a d'aborder le jury, dont les opérations sont lentes et dispendieuses, l'adminis<tration dira ce qu'elle offre. Le proprié

taire sera obligé de répondre et de dire

« un frein à la cupidité et une mesure « qui amènera beaucoup d'accommode«ments à l'amiable. Il y aura moins « d'occasions d'assembler le jury pour « faire prononcer sur les réclamations, et « l'exécution de la loi en sera plus facile « et plus douce » Monit, du 6 fév.4833). Ainsi, la loi prescrit à l'administration de notifier ses offres, et elle donne aux intéressés quinze jours pour réfléchir; d'autre part, elle veut que les intéressés indiquent le montant de leurs prétentions, sans doute aussi pour que l'administration les examine; tout cela dans l'espérance qu'on s'éclairera réciproquement, qu'il sortira de ces communications un rapprochement entre l'administration et les particuliers, et que la fixation du prix se terminera par un contrat amiable, comme si la vente était volontaire. Pour entrer dans ces vues, il est

SECT. II.-OFFRES FAITES PAR L'ADMINISTRATION ment d'indemnité, et le préfet doit se mettre en mesure de poursuivre le règlement de ces indemnités dans les six mois à compter du jugement d'expropriation. Tel est le vœu du législateur, puisque, si l'administration ne poursuit pas la fixation de l'indemnité dans ce délai, les parties, dit l'art. 55, peuvent exiger qu'il soit procédé à ladite fixation - (A).

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421. Dans la discussion qui eut lieu à la Chambre des députés en 1833, M. Charamaule fit remarquer la difficulté qu'il y aurait pour les propriétaires, usufruitiers, créanciers, etc., à s'entendre sur le prix à exiger, surtout dans un délai de quinzaine. M. Teste répondit que l'administration diviserait ses offres, et que chacun des intéressés stipulerait pour son propre compte, sans qu'ils aient besoin de se réunir pour savoir quelle somme devra être demandée en commun. (Monit., 6 fév. 1833, p. 303.) Ce point exige quelques explications. L'indemnité à allouer au propriétaire étant distincte de celle qui peut revenir au fermier ou locataire, les offres qui doivent être faites à l'un sont tout à fait indépendantes de celles relatives à l'autre ; et. bien qu'il s'agisse d'un même immeuble, l'un des deux pourrait accepter les offres qui le concernent, tandis que l'autre refuserait les siennes. Quoique l'usufruitier doive jouir de l'indemnité allouée au propriétaire, il est quelques chefs d'indemnités qui concernent uniquement l'usufruitier, telles que celles dues pour pertes de récoltes, privation de loyer ou revenu, déménagement précipité, etc. Comme lui seul doit accepter ou refuser le dédommagement offert pour ces objets, il faut nécessairement que les offres fassent connaître ce qui est alloué sur ces chefs. Dans les offres à faire aux créanciers qui sont intervenus dans le délai fixé par l'art. 21, il faudrait aussi distinguer ce qui serait alloué pour indemnité mobilière, comme perte de récoltes, etc., car

donc indispensable que les offres notifiées par l'administration, en exécution de l'art. 23, soient encore une proposition bienveillante; que le propriétaire y réponde dans le même sentiment, et que l'administration apporte dans l'examen de cette réponse un sincère désir de terminer par un accord. Autrement, si la notification des offres était un acte de procédure judiciaire, la lutte serait engagée, et le moyen que la loi a voulu employer serait dès ce moment sans objet. I

Additions.

(A) Les offres et les demandes dont l'indemnité d'expropriation doit être l'objet, ne sont pas nécessaires à l'égard des terrains ajoutés à l'expropriation du consentement des parties, sauf reglement du prix par le jury. Cass., 24 juin 4857 (Dall. 57.4.292).

La loi ne fixant aucune limite aux offres à faire par l'expropriant, la modicité des offres (par exemple, un franc) n'en entraîne pas la nullité. Cass., 4 juin 1864 (S. 64.4.508).

sans cela ils seraient induits en erreur sur les sommes qu'ils auront à toucher.

Lors même que l'indemnité doit être remise en totalité au propriétaire, il est encore souvent impossible de l'offrir en bloc et en une seule somme (1). Ainsi, s'il s'agit d'un bien appartenant à un mineur, le tuteur sera tenu de faire emploi de l'indemnité principale, tandis que les indemnités représentatives du revenu doivent servir à l'entretien du mineur. Il faut donc que les offres établissent cette distinction. Il en est de même pour les biens appartenant à une femme mariée, et surtout pour les biens dotaux, dont la valeur doit être remployée, tandis que les indemnités relatives à des pertes de jouissance doivent rester à la disposition du mari.

Les indemnités qui peuvent être réclamées portent toujours sur des chefs qu'il est bien facile de distinguer, tels que : 1° la valeur même du terrain pris pour les travaux; 2o la moins-value du surplus de la propriété; 3o la privation des fruits et récoltes ou du revenu; 4° le remboursement des déboursés faits ou à faire, soit pour le rétablissement des communications ou clôtures, soit pour significations prescrites par la loi, etc. Toutes ces causes d'indemnité sont nécessairement discutées séparément dans le procès-verbal d'évaluation que l'administration a fait faire, et il est très-facile de les distinguer aussi dans l'état des sommes à offrir qui est annexé à l'arrêté du préfet, et dont un extrait doit être notifié à chaque indemnitaire. La loi n'impose pas à l'administration l'obligation de faire ces distinctions, mais nous croyons qu'elle doit suivre cette marche, même dans son propre intérêt, et pour faciliter les opérations subséquentes, notamment la discussion devant le jury spécial.

Si l'on opère autrement, il est presque certain, en effet, qu'en répondant aux offres de l'administration l'indemnitaire se bornera à déclarer qu'il demande telle somme pour son indemnité, et, comme rien n'indiquera sur quoi porte le dissentiment, il sera presque toujours impossible de s'accorder ni même de s'éclairer réciproquement. Lorsqu'on arrivera devant le jury, il faudra bien alors décomposer la somme offerte et celle demandée par l'indemnitaire. Les jurés devront, par suite, vérifier quels sont les points sur lesquels on n'est pas d'accord, et, quelque faible que soit le dissentiment sur quelques points, le jury

(4) V. MM. Gillon et Stourm, p. 285, 286.

devra en faire un chef de discussion et prononcer une décision. L'indemnitaire pourra toujours facilement savoir comment l'administration a formé la somme totale qu'elle lui offre et se munir de documents relatifs au chef sur lequel il voudra faire porter la discussion. L'administration, au contraire, arrivera devant le jury sans soupçonner sur quoi la discussion va rouler, sans documents pour appuyer son système, et souvent même son représentant manquera des renseignements de faits nécessaires pour repousser les allégations erronées du propriétaire. En indiquant au contraire ce que l'on offre pour chaque chef d'indemnité, on met l'indemnitaire dans la nécessité d'indiquer aussi les points sur lesquels il réclame plus qu'on ne lui offre; la contestation se simplifie, et l'on parvient même quelquefois à s'éclairer réciproquement sur les chefs litigieux et à les terminer par des concessions réciproques.

L'art. 37 de la loi veut que l'on mette sous les yeux des jurés le tableau des offres et demandes notifiées en exécution des art. 23 et 24. Ce tableau consiste dans un relevé détaillé des offres et des demandes car, si l'offre devait être faite en bloc et en une seule somme, et la demande exprimée également par un chiffre, il n'aurait pas été besoin de dresser un tableau pour mettre ces deux chiffres en présence; mais, comme il s'agit d'indemnités décomposées en plusieurs sommes, un tableau est souvent nécessaire et toujours utile pour l'appréciation des prétentions respectives.

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L'art. 49 prévoit le cas où l'administration contesterait au détenteur exproprié le droit à une indemnité, et veut que le jury fixe l'indemnité comme si elle était due et renvoie les parties devant le juge compétent. Le jury étant obligé de fixer immédiatement l'indemnité pour le cas où elle serait due, il faut que l'administration se mette en mesure de discuter la quotité de cette indemnité pour ce cas: or, comment son défenseur pourrait-il être préparé sur cette question, s'il ne sait pas même pourquoi l'indemnitaire réclame plus qu'on ne lui offre ?

En 1833, M. le commissaire du Gouvernement avait déclaré à la Chambre des pairs qu'il était à désirer que les propriétaires fussent tenus de motiver leurs prétentions, et il avait même indiqué l'amendement à faire à l'art. 24 pour arriver à ce résultat. (Monit., 10 mai 1833, p. 1308.) Cette proposition ne fut pas accueillie; mais on arrivera à peu près au même but en obligeant les indemnitaires à spécifier leurs divers chefs de demande, puis

qu'il sera facile alors de prévoir quels sont les motifs sur lesquels ils comptent appuyer leurs prétentions.

MM. Foucart, t. 1er, p. 199; Herson, nos 138 et 139; Gand, p. 297, déclarent aussi que l'administration doit diviser ses offres. Aucun auteur ne combat ce système; cependant, dans la pratique, on néglige souvent cette formalité, ce qui amène beaucoup de mauvaises décisions de la part du jury.

422. « L'administration, dit l'art. 23, notifie aux proprié«taires et à tous autres intéressés qui auront été désignés ou « qui seront intervenus dans le délai fixé par l'art. 24 les som« mes qu'elle offre pour indemnités. » Avant de recourir à l'expropriation, l'administration doit toujours chercher à traiter à l'amiable avec les propriétaires et autres intéressés, et pour cela leur offrir les sommes qu'elle croit pouvoir leur allouer pour indemnité; mais ces offres se font verbalement ou par lettres. Lorsque l'expropriation a été prononcée, les offres de l'administration et l'acceptation ou le refus des propriétaires et autres intéressées ne constituent pas seulement une nouvelle tentative de conciliation; elles deviennent des actes judiciaires (1) et doivent être constatées d'une manière authentique; tel est le vœu formel des art. 23 et 24 de la loi—(A).

423. La Cour de cassation a même jugé que ces offres judiciaires (2) constituaient une formalité substantielle dont il n'était

(4-2) [ Sur le caractère légal des offres et de leur acceptation ou refus, V. les observations présentées, supra, p. 339, note 2; et, infrà, no 442. ]

Additions.

(A) La notification de l'offre d'indemnité et les autres notifications prescrites par la loi du 3 mai 1844, doivent être faites aux intéressés qui se sont fait connaître à l'administration dans le délai de huitaine fixé par l'art. 24 de ladite loi.

Parmi les intéressés ayant, aux termes de cet article, le droit d'intervenir, on doit ranger ceux qui, nonobstant les indications contraires de la matrice des rôles, se prétendent propriétaires de l'immeuble atteint par l'expropriation. Cass., 15 juin 1858 (Gaz. trib., 46 juin 58).

Lorsqu'une expropriation est poursuivie dans l'intérêt d'une commune, c'est par le maire, et non par le préfet,

que les offres d'indemnités doivent être notifiées aux expropriés. Cass., 12 mai 1858 (Gaz. trib., 20 mai 58).

Mais, même en ce cas, c'est le préfet qui seul peut notifier la liste des jurés et l'arrêté indiquant le jour de leurs opérations. Cass., 3 avril 1855 (S. 53.4. 44).

Les offres sont nulles si elles ont été faites par le préfet, et l'exproprié, alors qu'il n'a pas expressément ou tacitement manifesté l'intention de ne se pas prévaloir du défaut de qualité du préfet, alors surtout qu'il a protesté contre la manière dont les offres ont été faites, peut tirer de la nullité de ces offres un moyen de cassation contre la décision du jury.

L'art. 42 de la loi du 3 mai 1844 n'indique pas, il est vrai, l'art. 23, relatif à la notification des offres, au nombre de ceux dont la violation peut donner ouverture à cassation; mais il vise l'art. 37, qui veut que le jury ait sous les yeux le

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