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porte: « Napoléon voudrait que le plan arrêté en jury formé sur « les lieux en déterminât l'application, après avoir entendu les pro«priétaires. On pourrait charger de ces fonctions les auditeurs << attachés aux ponts et chaussées, auxquels on adjoindrait les <«< autorités locales on pourrait aussi en charger le conseil de « préfecture. » Et comme le ministre de l'intérieur revendiquait cette fonction pour le préfet, le procès-verbal ajoute : « Napoléon « dit que le mode qu'il propose est assurément préférable. D'un «< côté, il empêche les réclamations d'intervenir pendant le cours « des travaux. De l'autre, il assure mieux la justice qui est due « aux propriétaires... »

Ainsi l'idée créatrice de la commission en faveur de la propriété est, comme celle de l'expropriation prononcée par le tribunal, due à l'empereur Napoléon 1er; car il n'en existe aucun germe dans le projet de loi présenté par M. Berlier au nom de la section de l'intérieur, au commencement de la séance (1).

Voici maintenant en quels termes élevés M. Berlier s'est rendu l'interprète de l'idée de l'Empereur, dans son Exposé de motifs, à la séance du Corps législatif du 1er mars 1810:

«S'agit-il de désigner les départements, les arrondissements, « les communes, sur lesquels seront dirigés les travaux (lorsque «< cette désignation n'a pas été faite par le décret même), l'on «< conçoit qu'un tel soin regarde exclusivement l'administration, « qui seule possède les éléments propres à une telle opération. Il « est également sensible qu'à l'administration seule peut appar«tenir le droit de déterminer les propriétés particulières aux

quelles devra s'appliquer la cession pour cause d'utilité publi« que; mais c'est ici que doit commencer pour les propriétaires « l'exercice de tous les droits propres à les garantir, soit du des« potisme des gens de l'art, soit des décisions irréfléchies ou « injustes de l'autorité même.

a

«Sans doute ces droits ne s'étendent pas jusqu'à la critique « du décret qui aura ordonné la construction d'une digue, l'ou« verture d'une route ou d'autres ouvrages de cette nature; ces «< questions de haute administration ne peuvent devenir le sujet « d'un débat entre un simple particulier et l'autorité publique « qui s'est éclairée avant de prononcer, et dont l'acte solennel << n'appelle plus que l'obéissance.

(4) Séance du 16 nov. 1809, Locré, IX, p. 666, 667.

<«< Mais si, dans l'exécution même du décret, il se présente des «< propriétaires qui soutiennent que cette exécution n'entraîne « point la cession de leur fonds; qu'il serait plus expédient et << moins coûteux de passer ailleurs que sur leurs héritages; que « la direction, projetée par ménagements ou complaisances pour « les uns, dégénérerait en vexations pour les autres, toutes ces « questions de fait peuvent devenir l'objet d'une discussion légi<< time; et, loin qu'il convienne d'écarter de tels éclaircissements, « on doit les appeler; c'est en éclairant l'administration publique « qu'on empêche les froissements particuliers.

<< Dans ces vues, le projet qui vous est soumis établit des règles << propres à atteindre ce but.

«< Lorsque des travaux publics ont été ordonnés, et avant d'en << entreprendre l'exécution, il devra être dressé un plan terrier « des fonds dont ils entraînent la cession.

« Ce plan sera déposé entre les mains du maire de la com<< mune; il y restera assez longtemps pour que les propriétaires « désignés dans le plan, et avertis par des proclamations publi«ques, puissent prendre les communications qu'ils jugeront << utiles.

« Si ces propriétaires, ou quelques-uns d'entre eux, ont des « demandes ou plaintes à former, elles seront reçues par une «< commission composée du sous-préfet, de deux membres du «< conseil d'arrondissement, du maire de la commune et d'un «< ingénieur.

« L'on doit attendre les plus heureux résultats d'opérations «< confiées à des commissions composées d'éléments aussi pater«nels; sans doute il en sortira peu d'affaires sur lesquelles on << ne se soit pas mis d'accord, et s'il en est autrement à l'égard « de quelques-unes, le recours aux autorités supérieures n'est « ravi à personne (1). »

En résumé donc, c'est l'administration qui désigne les terrains à exproprier, sous les garanties créées par le législateur de 1810, et que les lois modernes ont maintenues.]

88. Par une conséquence de ces principes, c'est à l'administration qu'il appartient de déterminer l'étendue et les limites de l'expropriation qu'elle requiert, et de décider si elle doit être absolue, ou si elle peut être restreinte par des servitudes favorables aux fonds des particuliers. C'est ce qui est déclaré for

(4) Locré, 1x, p. 734 et suiv.

mellement par une ordonnance rendue en Conseil d'État, au contentieux, le 19 octobre 1825, à l'occasion de la demande faite par les sieur et dame Goblet, que les arbres qui seraient plantés en face de leur maison d'habitation et sur les terrains par eux cédés fussent étêtés ou ébranchés tous les cinq ans. « Il appartient à l'administration, porte l'ordonnance, de déterminer, dans les formes prescrites par les titres I et II de la loi du 8 mars 1810, l'étendue et les limites de l'expropriation qu'elle requiert, et de décider si elle doit être absolue, ou si elle peut être restreinte par des servitudes ou des constructions favorables aux fonds qui restent dans la possession des particuliers. » Les mêmes principes seraient encore suivis aujourd'hui.

SECTION Ire. De la désignation des territoires sur lesquels les travaux doivent être dirigés.

89.

La désignation des territoires est faite par le préfet lorsqu'elle ne résulte pas de l'acte déclaratif.

90. Cet arrêté est distinct de celui qui désigne les propriétés.

91.

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- Il est basé sur les plans approuvés par le ministre.

92. Il est utile qu'il soit publié.

89. Avant de déterminer les propriétés dont l'exécution des travaux nécessitera l'acquisition, il faut fixer invariablement la direction des travaux, et pour cela indiquer les communes ou localités sur lesquelles ils devront avoir lieu. Lorsque l'acte déclaratif autorise des travaux qui ne doivent pas occuper une grande étendue de terrain, tels qu'un pont, une rue, etc., il indique nécessairement en même temps le territoire sur lequel ils doivent avoir lieu. Cette désignation se rencontre encore quelquefois dans les autorisations relativement à des travaux plus étendus, tels qu'un canal, une route, etc. Mais il arrive souvent que l'acte du Gouvernement qui prescrit des travaux n'indique pas les communes où ils s'exécuteront. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour les canaux, les chemins de fer et les routes d'une étendue un peu considérable; l'art. 2 de la loi du 3 mai charge, dans ce cas, le préfet de désigner les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent être dirigés.

Les termes de la loi annoncent clairement que le préfet ne doit pas prendre d'arrêté pour désigner les territoires et locali

tés, lorsque cette désignation se trouve même implicitement dans l'acte du Gouvernement qui autorise les travaux. C'est, du reste, ce qu'a reconnu la Cour de cassation dans son arrêt du 3 juillet 1839. Dans cette affaire, l'acte du Gouvernement autorisait à faire les travaux nécessaires pour amener des eaux à Besançon, et à acquérir la haute source d'Arcier, appartenant aux héritiers Bourgon; d'où l'arrêt a conclu qu'il était inutile qu'un arrêté du préfet déclarât que les travaux devraient avoir lieu sur le territoire d'Arcier, l'autorisation primitive l'indiquant clairement.

90. Cet arrêté doit être distinct de celui qui désigne les propriétés particulières dont l'expropriation est nécessaire. Le texte de l'art. 2 ne laisse aucun doute à cet égard; il porte : « Ces «<formes consistent..... dans l'acte du préfet qui désigne les « localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir « lieu lorsque cette désignation ne résulte pas de l'ordonnance « même, et dans l'arrêté ultérieur par lequel le préfet détermine « les propriétés particulières auxquelles l'expropriation est ap«plicable. » Il faut donc deux décisions du préfet, l'une pour désigner les territoires quand cela est nécessaire, l'autre pour indiquer les terrains ou parcelles de terrains dont l'expropriation est requise.

Cette opinion a été consacrée par un arrêt du 6 janvier 1836, qui déclare que le tribunal ne peut prononcer l'expropriation, si ce premier arrêté ne lui est pas représenté : « Attendu que la loi de concession du 1er juin 1834 ne désignant pas dans son texte les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu, il y avait nécessité de produire deux actes du préfet, savoir : 1° un acte désignant les localités et territoires; 2o un arrêté ultérieur portant détermination des propriétés particulières auxquelles l'expropriation était applicable; que le premier de ces actes n'est pas représenté; qu'il y a dans la cause absence de l'une des formes substantielles, sans lesquelles, suivant l'article cité, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de prononcer l'expropriation (A).

91. La désignation des localités ou territoires n'est point laissée à l'arbitraire du préfet. Il ne peut prendre de décision à cet égard qu'après avoir reçu les plans du tracé définitif, revêtus

Additions.

(A) Elle a été consacrée de nouveau par

arrêt de Cassation, 28 mai 1864 (S.64.4. 992).

TOME I.

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de l'approbation de l'administration supérieure; et l'acte ou arrêté qu'il doit prendre sur cet objet se borne à reproduire les énonciations de territoires et de localités portées sur ces plans (A). L'indication des localités doit y être faite toutes les fois que le préfet jugera que la connaissance de ces localités peut intéresser les propriétaires ou le public. Par ce mot localités, on a sans doute entendu les hameaux, les sections d'une commune ou les quartiers d'une ville, qu'il est bon de faire connaître lorsque la nature des travaux permet de les exécuter également dans une partie du territoire ou dans une autre, dans tel quartier de la ville ou dans tel autre. La désignation des territoires est indispensable, parce que toutes les opérations ultérieures ont lieu par commune; mais la désignation des localités n'aura lieu que quand le préfet le jugera convenable, la connaissance de ces localités n'étant nécessaire pour l'exécution d'aucun article de la loi.

Quand les travaux sont exécutés par un concessionnaire, ses ingénieurs dressent les plans; mais il faut qu'ils aient été approuvés par le ministre avant que le préfet puisse en faire la base de son arrêté de désignation.

92. Cet acte du préfet perdrait une grande partie de son importance et de son utilité, s'il ne devait pas être rendu public. Cependant la loi, qui prescrit avec beaucoup de soin et de détail les formalités à remplir pour donner de la publicité à l'arrêté qui indique les héritages dont l'expropriation est nécessaire (art. 6), ne dit pas même que le premier arrêté devra être rendu public. Mais cette publicité est certainement dans l'esprit de la loi; elle ne présente aucun inconvénient, et nous sommes persuadés que, sans que la loi le prescrive, les préfets s'empresseront de porter les arrêtés de cette nature à la connaissance du public.

Additions.

(A) Le préfet ne peut, dans l'arrêté de cessibilité, s'écarter de ce que la loi ou le décret a décidé comprendre dans l'expropriation des terrains que cet acte n'y avait pas compris, et en exclure des terrains que cet acte y avait au contraire compris. Aussi, le jugement qui prononce l'expropriation conformément à un arrêté de ces

sibilité qui, sans qu'il y eût eu, dans les termes de l'art. 44, avis contraire de la commission et renvoi devant l'administration supérieure, s'est étendu à des parcelles auxquelles ne s'appliquaient pas les termes limitatifs de la loi ou du décret, contient un excès de pouvoir. Cass., ch. civ., 16 mai 1865 (Gaz. trib., 17 mai 65).

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