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qu'elle ne constitue en même temps une violation des dispositions rappelées en l'art. 42 de la loi du 3 mai 1841.

571. Si la personne assignée ne comparaît pas, elle peut être condamnée, par ordonnance du juge-commissaire, à une amende qui ne peut excéder 100 fr., et elle est en outre réassignée à ses frais (C. proc., 263). Cette disposition et celles des art. 264, 263 et 266, du même Code, nous paraissent devoir être appliquées aux personnes appelées devant le jury spécial. M. Herson, n° 209, est d'un avis contraire; il se fonde sur ce que la condamnation à l'amende n'est autorisée dans la circonstance par aucun texte de loi, et sur ce que les dispositions pénales ne se suppléent pas. M. Foucart, t. 1, p. 208, adopte cette opinion. Mais, en autorisant le jury à entendre toutes les personnes qu'il croit pouvoir l'éclairer, le législateur a nécessairement admis que ces personnes seraient tenues de comparaître. L'ordonnance du magistrat directeur ne doit pas être moins obligatoire pour les tiers que celle du juge-commissaire dans le cas de l'art. 264, C. proc.

572. L'indemnité allouée aux personnes appelées devant le jury est réglée par les art. 17 et suivants de l'ordonnance du 18 septembre 1833. Celles qui reçoivent un traitement quelconque à raison d'un service public n'ont droit qu'à l'indemnité de voyage, s'il y a lieu, et si elles la requièrent (ibid., art. 20). Le greffier doit tenir exactement note des indemnités ainsi allouées (ibid., 30).

573. Lorsque le jury a ordonné qu'il se transporterait sur les lieux, ou déclaré qu'il désirait entendre telle personne, cette décision s'exécute, et les débats sont ensuite ouverts de nouveau. Dans une affaire où le magistrat directeur avait ainsi procédé, on a voulu critiquer la marche par lui suivie, sous le prétexte que les débats, qui avaient été déclarés clos, avaient cependant été ensuite ouverts de nouveau. Mais, par arrêt du 7 février 1837, la Cour de cassation a rejelé ce moyen, par le motif << qu'en ouvrant de nouveau les débats après la visite faite par les jurés, le magistrat directeur avait agi dans l'intérêt de la défense et mis ainsi les parties à portée de développer tous leurs moyens » (Dall., p. 178; Devill., p. 126). Puisqu'il est prouvé que les premiers débats n'ont pas suffi pour éclairer complétement le jury, qui a désiré de plus amples renseignements et doit rendre une seconde décision, les parties doivent être admises à présenter de nouvelles observations. Dans tous les tribunaux, quand il y a eu jugement préparatoire ou interlocu

toire, les parties sont admises à plaider avant le jugement définitif.

574. La discussion peut être continuée à une autre séance (art. 37, §7); mais celle-ci doit être indiquée immédiatement aux parties et désignée dans le procès-verbal des opérations; les parties sont alors tenues de comparaître de nouveau au jour indiqué, sans qu'il soit besoin de les réassigner. C'est ce qui résulte de l'arrêt, déjà cité, du 7 février 1837 (Sirey, 1837, p. 126)—(▲).

575. Au jour indiqué, et lors de l'appel de l'affaire, le magistrat directeur prononce sur les motifs d'empêchement invoqués par les jurés ou par un tiers en leur nom (art. 32, § 4). Si l'un des jurés ne comparaît pas au jour auquel la cause avait été renvoyée et ne fait pas constater son empêchement, il encourt une amende de 100 à 300 fr., qui est prononcée par le magistrat

Additions.

(A) Bien que l'art. 37 autorise le jury d'expropriation à continuer la discussion à une autre séance lorsque cette mesure est nécessaire, la disposition de cet article doit être combinée et conciliée avec celle de l'art. 44, qui prescrit au jury de statuer successivement et sans interruption sur chacune des affaires qui lui sont soumises. En conséquence, ces articles de loi ont été violés par la décision du jury qui s'est ajourné à deux mois pour procéder à un transport sur les lieux, sans que rien justifie cet ajournement, prononcé nonobstant les observations du magistrat directeur, et alors qu'au contraire le besoin d'ajournement est formellement démenti par la réalité des faits. Le silence des parties et l'absence de protestations et de réserves contre la décision qui prononce l'ajournement, n'emporte pas de leur part acquiescement à cette décision, et ne les rend pas irrecevables à se faire de cette irrégularité un moyen de cassation. Cass., 10 mars 1837 (Gaz, trib., 14 mars 57; Dall. 57.4.448). Voir Cass., 9 fév. 4857 (Dall. 57.4.74).

L'affaire à l'égard de laquelle il a été sursis à statuer par le jury spécial doit être portée devant un nouveau jury.

En fait, sur une poursuite d'expropriation comprenant plusieurs immeubles appartenant à une même personne, il avait

été reconnu, devant le jury, qu'à l'égard d'un de ces immeubles il n'avait pas été fait d'offres régulières; par suite, le magistrat directeur avait déclaré, du consentement de toutes les parties, que le jury retenant la fixation de l'indemnité à l'égard des autres immeubles, il serait sursis quant à l'immeuble qui n'avait pas été l'objet d'offres régulières. Dans de telles circonstances, lorsque plus tard, les offres étant régularisées, il y a lieu de fixer l'indemnité due à raison de l'immeuble à l'égard duquel il avait été précédemment sursis, ce n'est pas devant l'ancien jury, qui a fixé l'indemnité due à raison des autres immeubles, que cette affaire doit être portée, alors surtout qu'un long temps s'est écoulé depuis la décision de ce jury, et que, depuis cette époque, la liste dressée par le conseil général, en exécution de l'art. 29 de la loi du 3 mai 1844, a été renouvelée. C'est le cas de former un nouveau jury, composé de jurés choisis sur la nouvelle liste. L'art. 45 de la loi de 1841 n'est applicable qu'autant qu'il s'agit de la suite des opérations commencées par le jury, et non lorsqu'il s'agit, comme dans l'espèce, de procéder à une opération nouvelle, entièrement distincte des opérations précédentes, et dont l'ancien jury n'avait eu en aucune manière à s'occuper. Cass., 16 juin 1858 (Gaz. trib., 47 juin 58). Voir p. 499, no 585.

directeur. Le jury n'en continue pas moins l'instruction de la cause dès qu'il se trouve au moins neuf jurés présents.

Tout juré qui a manqué à l'une des séances consacrées à l'instruction d'une affaire ne peut participer au jugement de cette affaire (L. 20 avril 1810, art. 7). Cette règle est admise dans toutes les juridictions, et toutes les séances d'un jury pour une même cause ne sont considérées que comme une seule et même instruction; mais il résulte clairement de l'art. 37 de la loi du 3 mai 1841 que la visite des lieux peut n'être faite que par quelqués-uns des jurés; le législateur suppose donc que ceux-ci transmettront les lumières qu'ils auront recueillies à leurs col. lègues, qui pourront dès lors continuer à connaître de l'affaire. Cass., 21 juin 1842 (Dall., p. 271; Devill., p. 573) (1).

576. Dans les précédentes éditions de ce traité, nous avons dit que, sous l'empire de la loi du 7 juillet 1833, le magistrat directeur devait, pour faciliter les opérations des jurés, leur poser les questions qu'ils avaient à résoudre, surtout lorsque les débats avaient porté sur plusieurs chefs d'indemnité. Cette loi ne disait pas, il est vrai, qu'il serait posé des questions; mais M. Martin (du Nord), rapporteur de la Chambre des députés, avait déclaré que « toutes les formalités relatives au jury, et qui n'étaient pas abrogées par la loi nouvelle, devaient être appliquées à ce jury spécial (Monit., 7 février 1833, p. 317). C'est ce qu'avaient admis presque tous les jurisconsultes qui ont commenté la loi du 7 juillet 1833. Cependant il paraît que, dans la pratique, certains magistrats directeurs ont posé des questions au jury, mais que d'autres ne l'ont pas fait (Monit., 4 mars 1841, p. 530). La commission de la Chambre des pairs avait proposé de déclarer que toujours ce magistrat poserait les questions.

(4) Il en est autrement lorsque le jury n'a point usé de cette faculté de délégation, et qu'il a décidé, au contraire, qu'il était indispensablé que tous les jurés se transportassent sur les lieux. Le principe dé droit commun reproduit par l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, et qui exige, à peine de nullité du jugement, que les juges aient assisté à toutes les audiences, est applicable à toutes les juridictions et par conséquent aux décisions du jury d'expropriation, lesquelles, en l'absence d'une disposition spéciale et dérogatoire, doivent présenter les garanties substan

tielles dont la loi a voulu entourer toutes les décisions judiciaires. Une des conditions élémentaires et fondamentales de tout jugement manque donc lorsque la décision a été rendue avec le concours de deux jurés qui n'avaient pas assisté à la visite de lieux à estimer, bien que cette visite, ordonnée comme indispensable par une decision précédente, dût être faite non par délégation, mais par tous les membres du jury: de tout quoi résulte la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1840 et de l'art. 37 de la loi du 3 mai 1844. Cass., 26 mars 1880 (S. 50.4,400).

Cette proposition ayant été rejetée, un commentateur de la loi du 3 mai 1841 dit qu'en maintenant purement et simplement le texte de la loi de 1833 la loi nouvelle reconnaît que le magistrat directeur n'a aucune question à poser au jury. Nous ne croyons pas que l'on puisse tirer une pareille conséquence de la discussion qui a eu lieu dans les chambres à l'occasion de l'art. 38.

Il est d'abord à remarquer que l'art. 38 n'interdit pas au magistrat directeur de poser des questions, et qu'il a toujours été admis que l'on devait, par analogie, adopter les usages consacrés par le jury en matière criminelle. M. Laplagne-Barris, qui, surtout comme avocat général près la chambre civile de la Cour de cassation, a eu beaucoup d'occasions d'étudier la loi de 1833, disait à la Chambre des pairs: «Un bon magistrat directeur pose des questions au jury, et c'est parce qu'il y a eu des magistrats directeurs qui ne l'ont pas fait qu'il s'est présenté des difficultés, et qu'il est intervenu des cassations, dont on voudrait prévenir le retour en écrivant dans la loi l'obligation de poser ces questions » (Monit., 9 mai 1840, p. 975).

A la vérité, l'art. 37 de la loi veut que l'on mette sous les yeux des jurés le tableau des offres et demandes notifiées en exécution des art. 23 et 24; mais il arrive très-souvent que ce tableau est loin de présenter l'état réel de la contestation soumise au jury. Quelquefois l'administration subdivise ses offres pour prévoir diverses hypothèses, tandis que le propriétaire ne fixe qu'un chiffre pour sa demande; d'autres fois, au contraire, c'est le propriétaire qui restreint ou augmente ses offres d'après diverses hypothèses. Il y a quelque doute sur le point de savoir si, devant le jury, l'administration peut réduire les offres qu'elle avait fait signifier en vertu de l'art. 23, et si réciproquement le propriétaire peut élever la demande qu'il avait fait signifier en exécution de l'art. 24; mais personne ne conteste à l'administration le droit d'augmenter ses offres, ni au propriétaire la faculté de réduire sa demande. Or, le tableau des offres et demandes primitives ne ferait pas connaître ces modifications, qui doivent cependant servir de base à la décision du jury (art. 39, § 5). L'indemnitaire qui n'avait pas répondu dans la quinzaine aux offres de l'administration peut formuler ses demandes devant le jury, et ces demandes ne figurent pas non plus sur le tableau dressé par l'administration. Dans le cas où l'administration conteste au détenteur exproprié le droit à une indemnité pour l'un des chefs de sa demande, l'art. 49 de la loi veut que le jury règle l'indemnité comme si elle était due, et que le ma

gistrat directeur ordonne la consignation de cette partie de l'indemnité. Le chef contesté doit donc toujours former l'objet d'une question spéciale et d'une décision du jury, parce que les autres indemnités fixées par le jury sont acquises au propriétaire, tandis que celle-là reste en suspens. Le magistrat directeur ne manquerait pas de poser des questions spéciales sur ce point; au besoin, les parties en feraient la demande expresse. Mais les jurés, si on les livre à eux-mêmes, peuvent très-bien oublier de faire cette distinction et ne fixer qu'une seule indemnité, ce qui serait une violation formelle de la loi, mais en même temps une source d'embarras sérieux pour l'administration et les indemnitaires.

MM. les ministres des travaux publics et de la justice, M. le commissaire du Gouvernement, MM. Daru et Dufaure, au nom des commissions dont ils étaient les organes, et presque tous les orateurs qui ont pris part à la discussion, ont reconnu que, dans la pratique, on ne pouvait se dispenser de poser des questions au jury, sans s'exposer à de graves inconvénients. On ne saurait donc admettre que le législateur ait tacitement dispensé d'une formalité que tout le monde indiquait comme nécessaire pour que bonne justice fût rendue à chaque partie. La discussion prouve que, tout en admettant que des questions devaient être posées, on a reconnu les dangers de toutes les rédactions proposées pour inscrire cette disposition dans la loi, et qu'on a, par suite, préféré ne pas l'y mentionner formellement, espérant que les magistrats directeurs, éclairés par cette discussion, s'empresseraient de se conformer au vou, généralement émis, qu'il fût posé des questions au jury.

Si on avait écrit dans la loi l'obligation de poser des questions, il fallait aussi exprimer en quels termes ces questions seraient posées, comme l'a fait le Code d'instruction criminelle; et certes cela eût été fort difficile, tant il y a de variété dans les affaires d'expropriation. Il fallait ensuite déclarer que les parties pourraient demander des additions ou des modifications aux questions proposées; puis autoriser le magistrat directeur à statuer sur cet incident, indiquer l'effet de sa décision et le recours auquel elle pourrait donner lieu. Les jurés seraient-ils tenus de répondre à toutes les questions qui leur seraient posées? Toute omission de répondre ou irrégularité dans la réponse donnerait-elle ouverture à cassation? Pour résoudre toutes ces difficultés, il eût fallu introduire dans la loi une foule de dispositions nouvelles dont la rédaction eût été fort

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