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afin d'en porter le montant dans l'état de liquidation des dépens (Ord. 18 sept. 1833, art. 30).

Le § 3 de l'art. 41 porte que « la taxe ne comprendra que actes faits postérieurement à l'offre de l'administration, les frais des actes antérieurs demeurant dans tous les cas à la charge de l'administration. >>

Lorsque les dépens applicables à chaque contestation ont été ainsi fixés, il reste à déterminer par qui ils seront supportés.

630. Par son ordonnance, le magistrat directeur statue sur les dépens (art. 41, § 1er). « Dans les procès ordinaires, a di M. Martin (du Nord) dans le rapport qu'il a fait en 1833 à la Chambre des députés, la condamnation aux dépens n'est souvent qu'un accessoire qui n'a pas une grande importance. Il n'en est pas de même dans la matière qui nous occupe; les routes et les canaux traversent, à la vérité, une grande étendue de terrains, mais ils ne rendent nécessaire que l'expropriation d'une largeur fort peu considérable : or, comme on n'a pas trouvé le moyen d'éviter une fixation particulière pour chaque parcelle, il pourra arriver souvent que les frais, tout réduits qu'ils sont, soient égaux à l'indemnité, et quelquefois même plus élevés. Ces considérations suffisent pour vous montrer que ce n'est pas sans y avoir mûrement réfléchi que nous vous proposons de déclarer comme règle fixe et immuable que, toutes les fois que l'indemnité fixée par le jury sera inférieure ou égale à l'offre faite par l'administration, la partie adverse sera condamnée à tous les dépens: mais que, dans le cas contraire, c'est l'administration qui les supportera aussi en entier... Cette disposition peut avoir des résultats moraux inappréciables. L'administration ne négligera rien pour faire un offre suffisante, parce qu'elle saura quelle condamnation lui ferait encourir une erreur. De son côté, la partie se gardera bien de refuser une offre que tout lui annoncerait devoir être accueillie par le jury, parce qu'elle ne voudra pas s'exposer à employer tout ou partie de son indemnité à payer les frais d'un litige que la bonne foi peut lui épargner » (Monit., 27 janv. 1833, p. 212). Nous n'avons jamais partagé cet espoir (V. les 2 et 3e édit. de cet ouvrage, n° 609). Ces dépens sont très-peu considérables, et les indemnitaires ne s'inquiètent guère s'ils devront ou non les payer.

L'art. 40 de la loi du 3 mai 1841 indique comment les dépens devront être supportés : « Si l'indemnité réglée par le jury ne « dépasse pas l'offre de l'administration, les parties qui l'au«ront refusée seront condamnées aux dépens. Si l'indemnité

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« est égale à la demande des parties, l'administration sera con«damnée aux dépens. Si l'indemnité est à la fois supérieure « à l'offre de l'administration et inférieure à la demande des « parties, les dépens seront compensés de manière à être sup< portés par les parties et l'administration, dans les proportions « de leur offre ou de leur demande avec la décision du jury. Tout indemnitaire qui ne se trouvera pas dans le cas des << art. 25 et 26 sera condamné aux dépens, quelle que soit l'esti<<mation ultérieure du jury, s'il a omis de se conformer aux dis<< positions de l'art. 24. »

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631. Un arrêt de la Cour de cassation, du 21 juin 1842, dit que, quand l'indemnitaire n'a pas contesté les offres de l'administration ni fait connaître le montant de sa demande, il doit toujours être condamné aux dépens (Devill., p. 574; Dall., p. 271). Cette décision n'est qu'une application textuelle du § 4 de l'art. 40, et l'on aurait tort de vouloir en tirer la consécration d'aucun autre principe (1).

[Lorsque l'administration n'a aucunement allégué que la demande lui eût été notifiée tardivement, ni que la communication à elle précédemment donnée des prétentions du propriétaire n'ait pas eu lieu dans les formes légales; qu'elle n'a fait à cet égard ni protestations, ni réserves, ni observations, le magistrat directeur, en ordonnant que les dépens seront supportés par les parties dans la proportion de l'offre et de la demande, fait une juste application de l'art. 40 (Cour de cass., 6 juin 1844, préfet des Basses-Alpes; Sirey, 1844, p. 508). ]

Un arrêt du 30 avril 1844 porte qu'en condamnant l'exproprié qui succombe aux dépens, le magistrat directeur peut, sans violer aucune loi, autoriser l'administration à retenir ces dépens sur le montant de l'indemnité dont elle est redevable (Devill., p. 452; Dall., p. 252) (2).

(4) [C'est encore la question de l'effet légal « des offres et demandes notifiées en exécution des art. 23 et 24 (art. 37, §4). V. suprà, p. 468 et 469.

Les incapables eux-mêmes sont condamnés aux dépens lorsque l'indemnité qui leur est accordée ne dépasse pas la somme qui avait été offerte par l'administration. L'exception contenue dans le paragraphe final de l'art. 40 ne les dispense que des dépens que la loi laisse à la

TOME I.

charge des autres intéressés qui ont omis de se conformer aux dispositions de l'art. 24, quelle que soit l'estimation ultérieure du jury. Cass., 24 août 1846 (S.46.4. 878). ]

(2) [Mais le Conseil d'Etat a refusé d'admettre la compensation dans un cas où la dette de l'exproprié n'avait pas pour cause la même expropriation. Décret, * juill. 4853 (Lebon, Rec., 1833, p. 665). 1

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632. Si l'indemnité est à la fois supérieure à l'offre de l'administration et inférieure à la demande des parties, les déper sont supportés par les parties et l'administration, dans les pr portions de leur offre ou de leur demande avec la décision d jury. En 1833, la commission de la Chambre des pairs proposa de modifier le § 3 de l'art. 40, et de décider qu'en ce cas les dépens seraient seulement compensés. Elle avait pensé que ce serait donner un travail immense au jury que de lui laisser le soin de régler cette proportion. Cet inconvénient n'était plus a craindre lorsque l'on eut décidé que ce serait le magistrat directeur qui statuerait sur les dépens. M. le commissaire du Gouvernement insista donc pour le maintien de la disposition. « C'est dans un but salutaire, dit-il, qu'a été proposé cet amendement, et pour imposer un frein à l'exagération des prétentions. »>«< Cela est conforme à toute justice, ajouta M. le comte d'Argout; je suppose que l'administration offre 3,000 fr. et que le propriétaire demande 12,000 fr.: si le jury estime à 3,100 fr. d'après la rédaction de la commission, les dépens seraient compensés. Cependant il semble plus juste, comme le veut le Gouvernement, que, dans un pareil cas, la partie qui se serait le plus écartée de la fixation dût supporter les dépens » (Monit., 12 mai 1833, p. 1328) —(▲).

633. Lorsque le dissentiment provient de ce que le proprié taire réclame une indemnité sur un chef pour lequel l'administration prétend qu'il ne lui est rien dù, le jury ne prononce pas sur cette question, et fixe seulement le montant de l'indemnité pour le cas où les tribunaux décideraient qu'elle est due (n° 608). On ignore dans ce cas quelle est la partie qui succombe, et nous croyons que le magistrat directeur doit réserver, soit la totalité, soit une part proportionnelle des dépens, selon les circonstances, pour être supportée par la partie qui succombera en définitive dans sa prétention; et c'est alors le tribu

Additions.

:

(A) Il a été jugé que l'allocation d'une indemnité inférieure à celle demandée autorise la condamnation de l'exproprié aux dépens, dans le cas même où cette allocation aurait eu pour cause la plus-value acquise par suite de l'expropriation, au terrain restant à l'exproprié. Cass., 9 nov. 1857 (Dall. 58.1.82).

La disposition du dernier paragraphe

de l'art. 40 de la loi du 3 mai 4844 n'est
pas opposable à l'exproprié, qui poursuit
lui-même devant le jury la fixation de
l'indemnité, et, en conséquence, les dé-
pens peuvent être compensés, si l'indem-
nité a été fixée à un chiffre intermédiaire
entre les prétentions de l'expropriant et
celles de l'exproprié. Cass., 5 déc. 4865
(Gaz, trib., 6 déc. 65).

1

nal devant lequel la contestation sera portée qui décidera par 547 qui ces dépens seront payés (1).

634. Si c'est un créancier hypothécaire qui a demandé, en vertu de l'art. 17, § 3, de la loi, que l'indemnité fût fixée par le jury, c'est ce créancier qui supportera les dépens. « Comme il est du devoir du législateur, a dit M. Martin (du Nord) dans son rapport, d'encourager les cessions amiables qui épargnent tout à la fois des frais et des lenteurs, il vous paraîtra juste de déclarer que, si l'estimation n'est pas plus élevée que le prix convenu entre l'administration et le propriétaire, tous les frais qu'aura entraînés l'opération du jury resteront à la charge du créancier imprudent qui les aura provoqués » (Monit., 27 janv. 1833, p. 211) — (a).

635. Le magistrat directeur taxe ensuite les dépens (art. 41, § 2); mais la taxe ne peut comprendre que les actes faits postérieurement à l'offre de l'administration; les frais des actes antérieurs demeurent dans tous les cas à la charge de l'administration (Ibid., § 3; et Monit., 27 janv. 1833, p. 212).

L'état des dépens est rédigé par le greffier. Celle des parties qui requiert la taxe doit, dans les trois jours qui suivent la décision du jury, remettre toutes les pièces justificatives, et le greffier paraphe chaque pièce admise en taxe avant de la remettre à la partie (Ordonn., 18 sept. 1833, art. 12). L'ordonnance d'exécution du magistrat directeur indique la somme des dépens taxés et la proportion dans laquelle chaque partie devra les supporter (Ibid., art. 14). Si la remise des pièces n'a pas

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fre de ses offres primitives. Cass., 6 mars 1864 (S. 64.4.656);

Que, au cas où une indemnité alternative a été fixée, la liquidation des dépens faite par rapport à l'une des hypothèses de l'alternative, est réputée s'étendre à l'autre, même base de liquidation s'appliquant aux deux hypothèses. Cass., 18 juin 4864 (S. 64.4.887);

Que, s'il y a contestation sur le droit à une servitude, et si, en conséquence, le jury n'a eu à régler et n'a réglé en ellet l'indemnité que dune manière éventuelle, le magistrat directeur a pu réserver les dépens, jusqu'à ce qu'il eût été statué par l'existence de la servitude. Cass. civ., 23 qui de droit sur la contestation relative à juin 1863 (Gaz. trib., 24 juin 63).

lieu dans les trois jours, le greffier laisse le chiffre des dépens en blanc jusqu'à ce qu'elles lui soient produites. L'état des depens est ultérieurement taxé par le magistrat directeur, qui indique la proportion dans laquelle chaque partie devra les supporter (Ibid., art. 14)—(A).

636. Par cela même que le magistrat directeur est chargé de régler les débats et l'instruction de l'affaire, il est souvent dans la nécessité de rendre, pendant le cours de ces opérations, des ordonnances préparatoires ou interlocutoires (n° 497). Ces décisions doivent être exécutées provisoirement et ne peuvent être attaquées que par la voie du recours en cassation, en mème temps que la décision qui a fixé l'indemnité. Il importe qu'elles soient toujours conformes à la loi et motivées avec soin, car, si le magistrat directeur avait outre-passé ses pouvoirs ou violė quelque disposition de loi, son ordonnance devrait être annulée, et cette annulation pourrait entraîner celle de la décision définitive du jury, ainsi que cela a eu lieu dans l'espèce de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 août 1838 (Devill., p. 878; Dall., p. 366) (1).

637. Les auteurs du Code des municipalités disent, p. 150, que la décision du jury ne doit pas être notifiée; nous ne pouvons partager cette opinion. On peut obliger le détenteur de l'immeuble à en délaisser la possession sans lui faire connaître la décision qui l'y oblige. Aucun article de la loi ne dispense de cette notification, tandis que l'art. 1er, § 8, de l'ordonnance du 18 sept. 1833, règle l'émolument alloué aux huissiers pour la signification de la décision du jury, revêtue de l'ordonnance d'exécution. MM. Gand, p. 360, et Herson, n° 245, admettent aussi la nécessité de cette notification.

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SECTION IX. De la clôture des opérations du jury.

Le jury statue sans interruption sur les affaires qui lui sont soumises.

(4) V. aussi, suprà, no 542, 516; et infrà, no 644.

Additions.

(A) L'erreur commise par le magistrat directeur, dans la partie de son ordon

nance relative à la taxe des dépens, ne peut donner lieu qu'à une opposition à la taxe, mais elle ne peut créer une ouverture à cassation. Cass., 30 juill. 4856 (Dall. 56) 1.295).

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