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Pendant les préparatifs de cette expédition, arriva, dans l'aprèsmidi, une nouvelle invitation de reddition de la part du général Werder, à l'occasion d'un des conflits journaliers du drapeau neutre, motivée par les récents succès prussiens sur la Moselle et sur la Meuse. Cette invitation n'ébranla pas la résolution prise. (A suivre.)

DE L'INSTRUCTION DES RECRUES DE CAVALERIE ET DE L'AMÉLIORATION
DES REMONTES

Travail présenté à l'assemblée générale de la Société de cavalerie de la Suisse
occidentale à Fribourg, le 28 novembre 1873. (Fin.)

Envisageons donc fermement, franchement, sans faiblesses comme sans illusions, quelle est notre situation, quelles sont nos ressources et où est notre voie; si les progrès accomplis jusqu'à maintenant ne sont pas de nature à nous encourager, quels sont les perfectionnements de nature à être introduits, si ces perfectionnements peuvent nous faire atteindre le but désiré ou si, pris d'une sorte de découragement anticipé, nous devons effacer d'un trait de plume tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour pour, comme le dit un mot populaire, « jeter le manche après la cognée. »

Etablissons d'abord un grand principe qui nous paraît indiscutable: Quoi qu'on dise et quoiqu'on fasse, nous ne sommes et ne pouvons être qu'une cavalerie de milices, partant en quelque sorte irrégulière. Tel est le grand principe fondamental que nous ne devons pas perdre de vue et qui doit nous servir de base, et toute notre argumentation et nos efforts doivent se régler sur le problème suivant dont l'idée mère ne peut être détruite et que nous devons chercher à résoudre :

Etant donnée une cavalerie légère formée de milices, quelle est la marche à suivre pour la rendre toujours plus susceptible d'atteindre son but, c'est-à-dire pour la rendre plus mobile, plus résistante et plus intelligente dans la main de ses chefs.

Nous avons dit plus haut, en terminant notre avant-propos, que notre voie était toute trouvée et qu'il ne s'agissait plus que d'y marcher avec résolution. Voyons donc quelle est cette voie et comment nous l'avons trouvée.

Pendant de longues années toute la sollicitude de l'instruction de notre cavalerie se portait sur les charges à fonds et les attaques en masse, et le service des reconnaissances et des patrouilles, tel qu'il s'exécute de nos jours, c'est-à-dire à de grandes distances en avant du corps d'armée et par une multitude de petits détachements communiquant les uns avec les autres, ce service, disons-nous, était presqu'entièrement laissé de côté.

Puis vint la période où l'utilité de la cavalerie paraissant fortement contestée, on ne s'occupait presque pas de cet arme destinée, croyaiton, à disparaître. Lorsqu'enfin le besoin de transformer notre cavalerie, de cavalerie de ligné qu'elle était en cavalerie légère, se fit sentir, on s'aperçut que notre équipement de cheval, lourd et surchargé, s'opposait formellement à cette transformation. Cet équipement fut

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condamné à disparaître, mais ce ne fut pas sans de grands efforts et de longs tâtonnements que l'on trouva à le remplacer d'une manière avantageuse. Enfin la selle danoise dite de Barth fut adoptée et nous rendit possesseurs d'un équipement de cheval léger, solide et résistant et, chose d'une importance capitale pour nous, pouvant s'adapter à des chevaux de conformations très diverses. Ce point acquis, non sans peines, nous pouvions nous considérer comme équipés ainsi qu'il convient à une cavalerie légère et porter plus loin la sollicitude de nos efforts.

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Ici nous entrons dans le cœur même de la question, c'est-à-dire la remonte de notre cavalerie.

Tous ceux qui m'écoutent savent la manière dont nous procédons à la remonte (1) de notre cavalerie. de notre cavalerie. A l'avant-revue le recrue présente à une commission composée du chef de corps, du capitaine de sa compagnie et d'un officier vétérinaire, le cheval qu'il s'est procuré lui-même et à ses frais; ce cheval, une fois admis en principe, reparaît, lors de son entrée au service, devant une commission composée du chef du corps, d'un officier vétérinaire et d'un ou deux experts civils. Cette commission est chargée de prendre le signalement exact et détaillé du cheval, de noter avec soin ses tares et défauts, et de fixer un prix d'estimation répondant à la valeur jugée du cheval, visà-vis de son propriétaire, pour les cas de tares graves ou de mort qui pourraient survenir pendant ou par le fait du service militaire. Après le service, opération identique pour signaler ces cas, qui sont indemnisés d'après le prix affecté au cheval.

Tout cela est fort bien en principe, et il semble que ce système concilie dans une juste mesure les intérêts de la Confédération, qui veut un bon cheval, et du soldat qui, pour l'acquérir, a déboursé une somme plus ou moins élevée. Qu'arrive-t-il cependant et forcément vu la manière dont ce système est appliqué? Que les taxes se font de la manière la plus irrégulière et que l'on compte encore parmi nos remontes un nombre beaucoup trop considérable de chevaux nullement conformés pour le service de la cavalerie légère. Cela tient à une foule de causes que nous allons essayer de vous faire comprendre le plus brièvement que cela nous sera possible.

La commission de taxation opère le jour de l'entrée au service de la compagnie, et le vétérinaire chargé de faire l'estimation, a une moyenne de 80 chevaux à taxer dans l'espace de quelques heures. Cet officier, très mal payé, est encore poussé à se dépêcher outre mesure par les officiers de l'unité tactique qui ont tout à organiser en même temps: état nominatif, logements, distribution des vivres, service intérieur, etc., etc. Il en résulte que le temps donné par la commission à chaque cheval est en moyenne de 6 à 9 minutes (*). Or, nous le demandons, est-il matériellement possible, dans ce laps

(') Il est ici question en particulier du système suivi par le Canton de Vaud; au surplus, sauf de très légères variantes, les choses se passent d'une manière analogue chez la plupart des Cantons confédérés qui fournissent de la cavalerie.

(2) En admettant que la commission siége sans interruption pendant sept heures, ce qui est énorme et rare, cela ferait, pour 80 chevaux, cinq minutes et vingt cinq secondes.

de temps, de prendre le signalement complet d'un cheval, de mentionner ses tares et défauts sans rien omettre, et de taxer en connaissance de cause? Il résulte de cette précipitation que beaucoup de tares échappent à l'examinateur lors de l'entrée pour paraître victorieusement à la sortie, et que des chevaux défectueux sont souvent estimés trop haut, tandis que de bons chevaux sont taxés dérisoirement bas au grand déplaisir de leurs propriétaires et pour le plus grand préjudice du service. De cela naissent les conflits et les réclamations les plus fâcheuses pour la discipline, car il est assez facile de comprendre le découragement d'un homme dont les sacrifices sont faits en pure perte et qui voit son cheval taxé à la moitié ou au tiers de sa valeur, et la logique humaine le mène tout naturellement à chercher à éviter les risques en se livrant à ce que nous qualifions des mots énergiques de fricotage ou de carottes. On ne nous objectera pas la révision de la taxe, car cette mesure utopique ne s'exerce que pour constater le fait accompli ou pour diminuer, et le réviseur ne peut augmenter qu'en vertu d'une nouvelle expertise devant laquelle l'intéressé recule le plus souvent par crainte de blâme ou de mauvaise réussite de ses réclamations. Nous ne sommes pas les seuls à penser comme nous le faisons, car nous avons maintes fois entendu des vétérinaires habiles et consciencieux se plaindre du peu de temps qui leur est accordé, de la paie illusoire qu'ils touchent pour une opération de cette importance et où leur verdict remue des sommes considérables, et reconnaître avec une louable franchise qu'ils opèrent à peu près en aveugles.

En second lieu le vétérinaire est assisté par un expert civil, ordinairement un négociant en chevaux. En général ces derniers sont bien connaisseurs dans l'étendue générale du terme, mais ils semblent souvent se rendre peu compte des qualités demandées à un cheval de cavalerie légère. Nous pensons que cela provient principalement de ce que leurs instructions à cet égard sont trop élastiques. A chaque entrée en service on lit à la troupe les articles de guerre, pourquoi ne lirait-on pas à la commission le résumé détaillé de ce qu'elle a à faire, ou plutôt pourquoi ne crée-t-on pas ce résumé ? Qu'on ne s'y trompe pas, nous signalons là une grande lacune qui, comblée, faciliterait singulièrement notre tâche. Quel est l'officier de troupe qui n'a pas souvent gémi de voir des experts, faute d'instructions suffisantes sans doute, admettre avec enthousiasme dans la cavalerie légère des chevaux évidemment conformés pour voiturer des camions?

Nous glisserons légèrement sur le cas où l'expert civil est à peu près ignorant d'hippiatrique, bien que nous en ayons vu trop souvent émettre les jugements les plus risqués sur la conformation et même sur l'âge des chevaux. Nous avons hâte de nous résumer et de nous voir à la conclusion de notre argumentation; cependant_avant d'y arriver, signalons un grave vice de forme dans une partie de nos remontes, vice dont il n'est pas un escadron qui n'ait eu à souffrir. Nous voulons parler des chevaux des trompettes et des ouvriers. Chacun sait que chez nous (1), ces hommes ont le choix entre deux

(1) Il s'agit toujours du Canton de Vaud. Peut-être est-il le seul à agir de cette manière; mais ce ne serait pas une raison pour maintenir ce fâcheux abus, car c'en est un.

moyens pour se monter: Ou ils fournissent eux-mêmes leurs chevaux, auquel cas on leur alloue une indemnité de fr. 2»50 par jour, ou l'Etat se charge de les monter, et alors il détient par devers lui l'indemnité. Dans le premier cas les résultats sont assez bons, mais il arrive le plus fréquemment que, pour s'éviter des ennuis, les hommes préfèrent le second moyen. Alors l'Etat traite avec ses fournisseurs ordinaires et est presque toujours obligé de leur allouer une indemnité beaucoup plus forte. Bien qu'il y ait là une forte nuance d'injustice dont le résultat est que les fournisseurs préfèrent traiter avec l'Etat plutôt qu'avec les intéressés directement, il y aurait peu à dire en principe, puisque l'Etat est parfaitement (1) libre de gérer ses finances comme il l'entend et de payer aux uns fr. 4 ou fr. 5 ce qu'aux autres il ne paie que fr. 250. Mais il arrive trop souvent que lesdits fournisseurs, partant du principe qu'un cheval de cavalerie légère est complet s'il possède le libre exercice de ses quatre membres, nous donnent des chevaux complétement dépourvus de tout dressage, qui nous bouleversent tout l'escadron, heureux encore s'ils ne nous estropient pas trop de monde. Je le demande encore, n'est-ce pas là une triste vérité et que ne dirait-on pas à l'ouvrier qui se permettrait d'amener de son chef une pareille monture? Or là est l'abus et si ce système subsiste, il faut que l'indemnité soit égale pour tous et que les fournisseurs, tenus de fournir des chevaux dressés, soient surveillés de près afin d'empêcher à l'avenir de pareils faits qui se produisent trop souvent.

La logique de cette longue argumentation est facile à déduire nous sommes placés dans des circonstances qui nous commandent la plus grande prudence relativement aux emprunts que nous pourrions faire aux armées régulières, emprunts qui, en tous cas, ne peuvent être que partiels. D'autre part, le système que nous suivons actuellement, éprouvé par l'expérience, a déjà esquissé quelques progrès de nature à nous encourager à y persister tout en le modifiant considérablement; car sa réglementation est très défectueuse ainsi que la façon dont il est mis en pratique.

Pour en retirer les bons fruits qu'il est capable de produire, il faut donc :

4o Créer à cet égard un règlement minutieux et prévenant tout quiproquo et toute discussion.

2o Donner à la commission d'estimation tout le temps et tous les moyens financiers de nature à lui permettre d'accomplir sa tâche en toute connaissance de cause et d'une manière irrévocable.

3° Satisfaire l'Etat en lui donnant toutes les garanties possibles et en le mettant en position d'exiger davantage.

4° Pousser au recrutement en offrant aux hommes des avantages sérieux et des garanties solides et réelles.

5o Et par ces différentes mesures, créer une solidarilé d'intérêts qui excitera l'émulation de tous.

Avant que de développer devant vous le projet que nous avons éla

() Pas au point de vue du droit public. En effet, l'Etat est justiciable de la gestion de ses finances vis-à-vis des contribuables.

boré à cet égard, il nous paraît nécessaire de vous donner connaissance des idées fondamentales qui nous ont servi de base et de point de départ pour ce travail.

Le but général que nous nous proposons est d'améliorer la qualité de nos remontes et, dans ce but, de faire en sorte que les intérêts de nos recrues et de nos cadres soient les mêmes que ceux de l'Etat, en les poussant à faire de bons et judicieux achats. Pour y arriver il faut que leurs sacrifices soient compensés autant que possible et qu'ils aient la conviction intime que tout ce qui concerne l'admission et la taxe des chevaux se passera avec régularité et de manière à éviter toute discussion stérile et toute espèce d'arbitraire. Pour cela, nous ne saurions trop le répéter, il faut que la commission de taxation puisse fonctionner en toute connaissance de cause, qu'elle ait une base solide, sérieuse, prévoyant tout et évitant par avancé toute irrésolution. et toute espèce de doute; en un mot qu'elle ne puisse être influencée par aucune circonstance extérieure ou étrangère et que, basée sur une réglementation minutieuse et serrée qui lui donnera de la force et de l'indépendance, elle ait toute facilité et tout intérêt à rendre son verdict inattaquable et inattaqué.

Par les différentes mesures qui forment le corps du projet que nous allons avoir l'honneur de vous soumettre, nous avons l'espoir fondé d'atteindre ce but difficile de l'épuration et de l'amélioration de nos remontes et, par contre-coup en relevant ainsi le niveau de notre arme, de donner une impulsion salutaire à notre recrutement, ce qui serait déjà un premier pas fait dans la voie de l'augmentation si désirée de notre effectif. En effet, il est naturel et juste d'espérer que si nous faisons disparaître à peu près chez les hommes disposés à entrer dans notre corps, la grave préoccupation des frais que cela leur nécessite, et chez nos anciens cadres, la cause d'une foule d'ennuis et de mécontentements dont le résultat tue leur zèle et annihile leurs bonnes dispositions, il est naturel est juste, disons-nous, d'espérer une augmentation du recrutement et une amélioration sensible de nos remontes, amélioration qu'en vertu des sacrifices que nous ferions et des avantages que nous offririons des deux côtés, nous serions à même d'exiger et partant d'obtenir.

Passons maintenant à l'exposé et au développement de notre projet.

La cheville ouvrière de notre système repose sur la création d'une taxe définitive, l'introduction de la réforme rationnelle et obligatoire des chevaux et l'introduction d'un maximum de taxe, le tout exercé sur notre arme divisée en deux classes ou catégories.

Quelques mots d'explication sont nécessaires pour développer notre pensée et la rendre claire et palpable.

La taxe des chevaux se faisant, comme on le verra plus tard, dans les meilleures conditions possibles de régularité et d'irrévocabilité, restera la même pour tout le temps de la vie officielle du cheval, c'està-dire tant qu'il restera inscrit sur les registres de la compagnie de l'escadron auquel il appartient.

Conjointement à cette mesure et comme corollaire, nous créons un règlement minutieusement élaboré et prévoyant avec détails et assez

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