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a pour borne les ordres de leur chef. Ce principe domine ce chapitre, il est appuyé d'une foule d'exemples tirés essentiellement des campagnes de Napoléon et de la guerre Franco-Allemande.

Dans la 3me partie l'auteur examine les conditions nécessaires au développement de l'initiative; ces conditions suivant l'auteur sont un nombre de six; en premier lieu posséder une instruction suffisante, ensuite avoir une idée de la situation générale, troisièmement avoir du cœur pour dominer les situations critiques. Comme quatrième condition l'auteur demande une certaine souplesse de caractère, afin que des chefs qui agissent simultanément sans être subordonnés les uns aux autres, s'entendent sur la manière d'agir. Cinquième condition: Une force magnétique (sentiment du devoir, ambition, patriotisme), qui entraîne tous les éléments isolés à aocourir où le bruit de la bataille les appelle. Sixième condition: Une direction générale donnée par le commandant en chef, qui donne aux corps de troupes isolés dans les cas d'incertitude un point de ralliement.

La quatrième partie traite des obstacles au développement de l'initiative et l'auteur énumère les causes suivantes: 1o Les habitudes invétérées de ceux qui ont vécu sous le régime de l'autorité exclusive; 2° La crainte d'être desavoué; 3o L'illusion que tout va à merveille; 4° La crainte d'assumer une responsabilité, soit manque de courage moral, soit faute d'une intelligence suffisante.

Pour développer l'initiative l'auteur demande que chaque officier de bas en haut prenne toute la responsabilité qui lui incombe et que les supérieurs laissent à leurs subordonnés toute la latitude possible. Il demande en outre que chaque année, les divisions territoriales aillent attaquer les divisions voisines, ce qui serait une bonne école, et préparerait 100 colonels au grade de général.

La conclusion de cet opuscule est un hosannah en l'honneur de l'armée prussienne; jusqu'à présent selon l'auteur c'est le général qui a battu l'ennemi, mais dans la dernière guerre c'est l'Allemagne et non de Moltke qui a conquis la France. Nous devons relever l'inanité de cette assertion, il suffit d'avoir suivi les péripéties politiques de la Prusse de 60 à 64 pour voir que c'est Bismark qui a fait l'armée prussienne, et malgré sa supériorité d'instruction et de discipline si les Français avaient été massés lors de l'ouverture des hostilités et non pas disséminés tout le long de la frontière, la campagne aurait eu selon toute apparence une issue bien différente.

L'armée prussienne, préparée par Bismark, était entre les mains du maréchal de Moltke une arme supérieure à celle dont disposait son adversaire, mais une arme qui eût été inutile s'il n'avait pas su s'en servir. L'on a toujours vu que le chef habile faisait les bonnes armées; un bon général aura toujours (il ne serait pas général sans cela) la connaissance des hommes, et par un choix judicieux de ses lieutenants il déverse une partie de son génie sur toute l'armée.

Sous ce souffle inspirateur, l'instruction se place à un point de vue plus élevé et plus général, l'intelligence se relève et une vue plus claire et plus saine de toutes choses élève le moral de l'armée.

Nous recommandons vivement à nos camarades le cahier sur la théorie de tir que vient de publier M. le major Jaquet. Dans cet opuscule, l'auteur, profitant de sa longue expérience comme instructeur, a réuni et exposé avec la clarté qui le distingue les principes élémentaires de la théorie du tir, il a su réunir toutes les données nécessaires à tout homme qui veut se servir de son arme d'une manière intelligente, en laissant de côté les détails scientifiques qui n'intéressent que les officiers faisant de la balistique une étude spéciale. Ce petit ouvrage doit être entre les mains de tous les officiers et de tous les sous-officiers. On le trouve chez l'auteur et à la librairie Rouge et Dubois. Prix: 1 fr.

NOUVELLES Et chronique.

Le 5 décembre, on a expérimenté pour la première fois, sur l'ancien polygone de la 14 brigade d'artillerie, à Magdebourg, en présence du général de Kameke, ministre de la guerre, la tour mobile cuirassée, construite par l'ingénieur Grüson, de Buckan. La tour a été bombardée sur une distance de 1,500 mètres, par des mortiers de 21 et 28 centimètres, et par des canons de 21, 24 et 28 centimètres, c'est-à-dire par ce qu'il y a de plus puissant, et elle n'a été que légèrement endommagée.

Le diamètre intérieur de la tour est de 7 mètres; les plaques dont elle est recouverte sont de 7 pouces et de 9 aux meurtrières. La coiffe dont elle est couverte n'est que d'une épaisseur de 4 pouces. La tour mobile est armée de 2 canons de 21 centimètres. En principe, elle doit être placée sur le sol, non enfouie, et entourée dans son pourtour jusqu'à la hauteur des meurtrières, d'un remblai en forme de glacis que son point le plus élevé ne dépasse que d'environ 6 pieds. Les expériences faites à Buckan avaient pour but de constater une amélioration faite par M. Grüson, par suite de laquelle des plaques endommagées peuvent être remplacées même sous le feu de l'ennemi. Cette dernière expérience terminée, la fabrique a reçu l'ordre de fournir immédiatement deux de ces tours mobiles pour Metz et pour le fort littoral de Landlützensaud, près de Geestemünde. Dans cette dernière localité, en présence d'une commission d'officiers du génie, de l'artillerie et de la marine, on essaiera ces tours, c'est-à-dire qu'on fera fonctionner leurs canons, particulièrement pour constater l'action durable de leur rotation, ainsi que la bonne aération de leur intérieur, et pour proposer éventuellement de nouvelles améliorations à y introduire.

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Amérique. - Le comité spécial pour l'expérimentation comparative des obusiers, des canons de campagne et des mitrailleuses, s'est réuni le 1er octobre 1873 au fort Montroë; le 6 les opérations étaient terminées. Le comité était composé du général Gilmore, président, du colonel Trædwell, membre du département de l'artillerie et du capitaine d'artillerie Lorraine. Les essais eurent lieu au bord de la mer à peu de distance du fort. On tirait contre une paroi de 2,74 m. de hauteur et de 12,2 m. de largeur. Les pièces employées dans cet essai étaient :

1° Un canon ordinaire (dit canon Napoléon) de 9 livres de campagne, pesant 408 kilos, avec lequel on tirait une boîte à mitraille pesant 12 livres à une distance de 825 mètres. Les servants étaient au nombre de huit.

2o Un obusier ordinaire de 20 cent. du poids de 1134 kilos, servi également par huit hommes, tirant à une distance de 731 mètres.

3° Une petite mitrailleuse Gatling du poids de 90,7 kilos, servie par 2 hommes, tirant des balles de 10,7 millimètres à une distance de 731 à 1097 mètres.

4° Une mitrailleuse Gatling du calibre de 154 millimètres pesant 408 kilos, servie par 4 hommes et tirant à la même distance que la précédente.

Les cartouches à mitraille de cette bouche à feu contenaient 21 balles de 12,7 millimètres.

A 731 mètres (800 yards) la petite mitrailleuse (no 3) lança en 90 secondes 900 projectiles, dont 515 atteignirent le but, et l'on obtint avec cette arme de 8 à 10 fois plus de touchés qu'avec l'obusier et le canon Napoléon. On ne fit pas d'essai à 1097 mètres (1200 yards) avec ces deux dernières pièces, faute de munitions, mais cet essai doit avoir lieu plus tard. Les projectiles des mitrailleuses possédaient encore aux distances ci-dessous indiquées une grande puissance de pénétration. Celle de gros calibre lança en 90 secondes 5355 balles, dont 1595 atteignirent le but. Jamais encore ces armes n'avaient donné un résultat aussi avantageux.

LAUSANNE.

IMPRIMERIE PACHE, CITÉ-DERRIÈRE, 3.

REVUE MILITAIRE SUISSE

No 5.

SOMMAIRE.

Lausanne, le 5 Mars 1874.

Siége de Strasbourg en 1870 (avec une planche). velles et chronique.

SIEGE DE STRASBOURG EN 1870

(avec une planche)

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Le siége de Strasbourg forme un épisode presque à part de la guerre de 1870-1871. Quoique son principal intérêt s'offre surtout aux armes spéciales, par le fait de l'emploi en grand de la nouvelle artillerie rayée, toutes les armes, ainsi que les corps d'étatmajor et les gouvernements, peuvent profiter de ses enseignements. Il nous a donc semblé qu'une étude un peu détaillée de cet important événement militaire était tout-à-fait à sa place dans nos colonnes, et c'est ce que nous ferons en empruntant quelques pages à un volume du colonel Lecomte qui doit paraître prochainement (').

On sait que les hostilités, ouvertes le 2 août, amenèrent, dès le 4 août à Wissembourg et dès le 6 à Spicheren et à Wörth, des désastres pour l'armée française. A Wörth les troupes africaines du maréchal Mac-Mahon, à peine formées, furent écrasées par les forces triples de la IIIe armée allemande aux ordres du prince royal de Prusse. Après cette bataille, et tandis que le gros des débris français était rejeté sur Saverne, une portion de la droite avait pu se jeter à la débandade sur Strasbourg. Les vainqueurs, tout en s'enfonçant dans l'intérieur de la France sur les talons de MacMahon, ne perdirent naturellement pas de vue l'importante position de Strasbourg qui allait rester sur leurs derrières Ils avaient aussitôt détaché des forces contre cette place, d'abord la division badoise, puis le général Werder et des renforts appelés d'Allemagne, dont un parc de siége.

Le 7 août, la division Beyer coucha à Haguenau, le 8 à Brumath. Le même soir son avant-garde, brigade de cavalerie Laroche, avec deux bataillons et deux batteries, arriva devant Strasbourg par Schiltigheim et la voie ferrée. Le major Amerongen fut chargé d'adresser la sommation d'usage, qui fut naturellement rejetée par le commandant de place, colonel Ducasse, se trouvant à ce moment à la porte de Pierres. L'investissement commença dès le lendemain; il fut complété le 12 par le gros de la division badoise, arrivant de Brumath, et dont le quartier-général s'établit à Lampertheim, puis le 15 par des batteries, mais terminé seulement

(1) Relation historique et critique de la guerre franco-allemande de 1870-71. IIIe volume.

avec les premiers renforts d'Allemagne, c'est-à-dire au 20 août, sans que son installation ait pu être sérieusement gênée par les défenseurs.

Ville de 83 mille âmes, sur l'Ill, entre Vosges et Rhin, à environ 5 kilomètres de Kehl, 1 kil. du bras du Petit-Rhin formant l'île des Epis, 10 kil. en amont du confluent de l'll et du fleuve, Strasbourg comptait comme grande place de guerre. Cette réputation se fondait essentiellement sur son rôle historique éminent dans les nombreuses luttes entre la France et l'Allemagne, et sur l'importance de ses établissements militaires modernes, école d'artillerie et de pontonniers, vastes arsenaux et magasins, fonderie de canons avant son transfert à Bourges il y a quelques années, casernes pour 10 mille hommes et 1500 chevaux, hôpitaux militaires de 1800 lits, école de médecine civile et militaire. siége de la 6 division territoriale, d'ailleurs centre scientifique tout spécial et distingué, célèbre bibliothèque, faculté de théologie réputée, cathédrale merveilleuse; en deux mots, vraie capitale de toute cette région du Rhin, des deux rives, comme elle l'était quand elle régnait sur l'Alsace en qualité de ville impériale. Pour le reste, ni l'état de ses ouvrages, aussi négligés que tant d'autres et devenus de criants anachronismes, ni son site naturel, en plaine marécageuse dominée par une ligne de hauteurs à l'ouest, ne justifiaient son titre de place de premier rang. S'il lui était facile de s'isoler, comme Mantoue, au milieu d'inondations défensives, ces avantages pouvaient être retournés contre elle et servir à la bloquer d'autant mieux. La rivière de l'Ill, coulant parallèlement au Rhin et formant, comme celui-ci, de nombreux îlots, les ruisseaux transversaux de Brüsche, d'Ostwald, de Krummer, de Ziegel, les canaux Rhône-Rhin, Rhin-II, Ill-et-Rhin-Marne, Ill-Brüsche, et bien d'autres cours d'eau naturels ou artificiels entourent Strasbourg d'un réseau inextricable de digues, d'îles, de jeux d'écluses, d'étangs, de marécages, aussi préjudiciable à la défense qu'à l'attaque, et plus encore avec les nouvelles portées. Les Badois de Beyer le surent bien quand ils entreprirent leur blocus avec un effectif à peine égal à la garnison, mais renforcé des eaux libérées.

Les fortifications sont un mélange irrégulier d'ouvrages de toutes dates et de trois catégories principales: un vieux mur d'enceinte allemand, du XVIe siècle, devenu de 1633 à 1684 un front bastionné par les soins du général suédois Horn, puis de Vauban; une citadelle pentagonale, du grand maître, de 1682 à 1684; enfin des travaux extérieurs, dont quelques-uns tout récents.

La figure de l'ensemble dessine un triangle allongé de l'ouest à l'est; à l'ouest, la base face aux hauteurs de Hausbergen; à l'est, le sommet fourni par la citadelle en saillant contre Kehl.

Les trois fronts de l'enceinte comprennent 17 bastions, soit, avec la citadelle, 22 en tout, dont 20 extérieurs. Ils sont numérotés à partir de la citadelle par le front du sud, celui-ci ayant les n° 1-7, le front de l'ouest de 7 à 12, le nord de 12 à 17; de là ceux de la citadelle, soit, du nord au sud, 18 et 22 à l'intérieur, séparés de la ville par l'Esplanade, et les 19, 20, 21, formant le front extérieur de l'est.

Les deux bastions d'angle du front de l'ouest sont renforcés de deux forts; à l'angle sud, no 7, le fort Blanc; à l'angle nord, n° 12, le fort de Pierres, formant tous deux de solides saillants. Sur le front nord, se trouve encore l'ouvrage à cornes de Finkmatt, en avant de 12 à 14, et, sur le milieu du front du sud, le fort du Polygone.

Les autres principaux travaux extérieurs sont : le fort du Pâté ou lunette 57 devant le bastion 7, les ouvrages à cornes 40-42 devant les bastions 8-9; les lunettes 44, 47, 49, devant 10-11; 53-52, devant 11-12; 56 au Contades, et les saillants 41-48 avec galeries de contrescarpes et de mines, ainsi que 44, 47, 53. Ces défenses, numérotées dans l'ordre et à la suite des bastions, portent le nombre des ouvrages à 94. Les plus avancés, les saillants sud du polygone et de 37, ouest de 44 et de 53, nord de 57, 56, 76, est de 86, sont à environ un kilomètre de l'enceinte.

Il y a sept portes celles d'Austerlitz et de l'Hôpital, sur le front du sud et la droite de l'Ill, attenantes au quartier spécialement militaire, soit au sud de l'Esplanade et à l'arsenal, à la grande caserne d'artillerie, aux hôpitaux militaire et civil, d'une part, et d'autre part aux faubourgs de Neudorf, de Grossau, de Metzger, du Polygone. Sur le front de l'ouest, les trois portes: Nationale, vers le fort Blanc et le quartier National, et vers les faubourgs de Teuschau, du cimetière juif et de Königshofen; la porte de Saverne, au milieu du front, du quartier de la Gare aux faubourgs de la Rotonde, de Kronebourg, des chaussées de Vasselonne et de Saverne; la porte de Pierres, du quartier du Gazomètre et de la Finkmatt à celui extérieur du cimetière de Ste-Hélène au carrefour des routes de Wissembourg et de Schiltigheim. Sur le front du nord, deux portes: celle des Juifs, sur la gauche de l'Ill, des quartiers de l'Ecole d'artillerie et de la Cathédrale aux faubourgs du Contades et des îles de Jars et de Wacken, et la porte des Pêcheurs, à droite de l'Ill, du quartier St-Nicolas aux faubourgs de l'Orangerie et de Robertsau.

Le vice de ces fortifications, outre la dégradation et l'étroitesse de quelques parties et le trop proche voisinage de la rive droite allemande, tenait à deux lacunes principales: Il y manquait d'abord des abris casematés ou sûrement défilés, qui auraient dû être nombreux, soit pour la défense des remparts, soit pour les

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