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1852-1853)

DÉCLARATION DE L'AUTRICHE.

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temporelle de l'Église; nous trouvons le noble édifice se développant dans les formes merveilleuses du multiple, en marches et en provinces, en organisations municipales, bourgeoises, noblesse et princes, en évêchés et hanses, brillant comme nos cathédrales à travers les siècles jusqu'à la réforme; des siècles que les contemporains orgueilleux regardent avec un air de mépris, et cependant ces siècles ont construit les villes, les localités que nous habitons encore aujourd'hui; ils ont élevé les monuments les plus sublimes et ont arraché lentement, mais sûrement, à la violence et à la barbarie de l'époque, le glaive par la justice et le droit; des siècles qui, même au prix de peines et de sacrifices, ont, dans le principe électif, rendu hommage à la puissance suprême, tout en respectant les intérêts particuliers....

« Nous sommes un vis-à-vis de l'étranger, un pour nous défendre aussi à l'intérieur, un dans la science et l'art, un dans tant d'établissements, d'organisations et de mesures, un, si Dieu le veut, en nous entendant peu à peu sur tout ce qui a un caractère général, sans gêner ni entraver la vie politique des États. C'est la véritable unité, parce que c'est la seule possible, parce qu'elle seule peut favoriser le développement fécond des éléments particuliers, protéger les droits des États particuliers sans compro

mettre les intérêts de l'ensemble.

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L'Allemagne était comme une réunion de provinces; aujourd'hui elle est une fédération d'États souverains qui se donnent sincèrement et fidèlement une main fraternelle sur l'autel dela patrie. Un peuple

BIST. CONTEMP. T. VII.

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arrivé à un haut degré de civilisation peut seul exister sous l'empire d'une pareille réunion. Une grande sagesse, beaucoup de modération, de justice et d'amour de la patrie, dans les gouvernements des États particuliers, peuvent seuls maintenir une pareille association, qui réalise, sur un grand espace, ce que de nobles aspirations désirent pour le monde chrétien.

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L'Autriche, cette vieille terre allemande, cette frontière armée contre le Midi et l'Est, ne demandera à la Confédération que ce qui est dans l'intérêt de la Confédération elle-même. Elle conçoit et revendique elle-même l'intérêt particulier en tant qu'il est nécessaire à sa vie particulière; máis elle conçoit et respecte aussi ce qui est commun à tous, d'après le règlement des lois fondamentales, et ne se soustraira à aucune obligation résultant de ce titre. Elle compte sur l'intelligence, et plus encore sur l'énergie élevée de tous ses confédérés, dans l'appréciation des exigences du temps, de quelque nature qu'elles soient, et qui du dehors et du dedans se font entendre clairement. Elle veut l'union de tous, l'union véritable, parce qu'elle est la condition première et la garantie de la prospérité de tous. Elle veut le progrès réel, non pas le progrès désorganisateur, qui, sous un drapeau mensonger, trompe les cœurs et égare les esprits. Elle veut un peuple allemand grand et puissant, et par cela même elle veut que chaque individu ́ ́ se nomme avec le même orgueil d'après son pays natal et d'après la patrie commune... >>

Un faible intervalle de douze ans devait s'écouler, et l'Autriche, qui tenait ce langage noble et fier, allait

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se voir exclue de la patrie allemande et placée en dehors d'une confédération dont elle avait été si longtemps la modératrice et l'âme. Ce sont là les jeux étranges des révolutions et de la fortune!

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Quoi qu'il en soit, en 1853, deux traités, l'un en date du 19 février, l'autre en date du 4 avril, réglèrent la reconstitution du Zollverein de façon à y rattacher indirectement l'Autriche. Le traité du 19 février était conclu pour douze années entre l'Autriche et la Prusse et commencerait à courir à partir du 1" janvier 1854. Le traité du 4 avril était conclu pour dix années, à partir de la même époque; les membres de l'ancien Steuerverein et de l'ancien Zollverein y déclaraient adhérer au traité particulier entre l'Autriche et la Prusse. #

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Or, si l'empire d'Autriche ( 1852-1853) avait reconquis, dans la Confédération germanique, une position plus haute encore que celle qu'il occupait avant la révolution de 1848, il avait gagné de plus à sa victoire sur l'esprit révolutionnaire une unité et une liberté d'action intérieure qu'il ne possédait pas auparavant. Les priviléges féodaux d'une aristocratie turbulente avaient, en partie, disparu dans la tempête; l'esprit d'égalité introduit par les constitutions nouvelles devait être surtout favorable aux classes populaires, essentiellement conservatrices. L'esprit provincial avait fait place à une forte centralisation, et les efforts de l'administration tendaient à courber

les nationalités si diverses de l'Autriche sous le joug d'une législation uniforme.

Une constitution, octroyée sous le titre modeste de patente impériale, avait supprimé ou remplacé la constitution démocratique de 1849; cédant néanmoins aux nécessités du siècle, l'empereur avait essayé de maintenir les principes d'égalité civile et d'émancipation populaire alors même qu'il augmen. tait la force du gouvernement central. En agissant ainsi il se disait que la réforme, en Autriche, se substituait aux révolutions, et c'était au demeurant l'histoire de plusieurs autres pays.

M. de Schwartzenberg, qui avait dirigé le gouvernement impérial dans cette voie, pouvait s'applaudir du succès de sa politique; mais on lui reprochait assez justement d'avoir procédé avec une hauteur blessante, avec une âpreté de volonté peu faite pour briser les obstacles. Au demeurant, défendre son pays contre les insurrections de ses provinces hongroises et italiennes, écraser le Piémont, profiter de la victoire pour relever l'influence autrichienne en Allemagne, voilà ce que le prince avait contribué à faire. Il avait voulu plus : il avait, au lendemain de diffi. cultés inouïes, de dangers suprêmes, rêvé la prépondérance de l'Autriche. Si, de ce côté, il avait dépassé le but, au moins avait-il réussi à replacer son pays dans d'admirables conditions de dignité et d'influence. A lui aussi revenait l'honneur de cette centralisation puissante, improvisée le lendemain du jour où la révolution se flattait d'avoir préparé la dissolution de l'empire.

1852-1853]

L'AUTRICHE ET LA FRANCE.

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Comme s'il n'eût attendu pour disparaître que le moment où sa tâche était accomplie, ce vigoureux esprit s'éteignit tout à coup sous l'étreinte d'une mort prématurée. Le 5 avril M. le prince de Schwartzenberg fut subitement frappé. Les regrets furent universels pour cet homme d'un caractère si fortement trempé, et qui avait semblé personnifier pour ainsi dire la monarchie sauvée et rajeunie. Son successeur fut M. le comte de Buol-Schauenstein, alors ministre plénipotentaire à Londres, chargé de diverses missions à Turin et à Saint-Pétersbourg, et plus récemment aux conférences de Dresde. M. de Buol fut nommé ministre de la maison impériale et de l'intérieur, et il fut chargé de la présidence des conférences des ministres. Mais M. de Buol ne recueillait pas tout l'héritage du prince. La présidence du conseil, telle que l'exerçait M. de Schwartzenberg, était supprimée; la direction suprême des affaires avait été réservée par le nouvel empereur. C'est à Sa Majesté elle-même que revenait la tâche de continuer, avec plus de modération sans doute, la politique unitaire et monarchique qu'avait suivie le prince de Schwartzenberg.

Le jeune souverain, qui assumait sur lui cette lourde tâche ( et les années devaient bientôt en aggraver le poids), vit avec un déplaisir marqué le rétablissement de la dynastie napoléonienne en France. Un pressentiment l'avertit qu'il y avait là un obstacle à l'accomplissement des rêves de l'Autriche. Aucune protestation diplomatique ne fut d'ailleurs formulée; on se borna à des rapports d'une froideur calculée

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