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1852-1853) RÈGLEMENT DE SUCCESSION QUANT AUX DUCHÉS. 123 de la monarchie danoise; máis enfin, en prenant l'engagement d'aviser par un arrangement nouveau, dans le cas où la descendance mâle du prince Chrétien de Gluksbourg viendrait à s'éteindre, les puissances s'étaient engagées de fait à défendre le principe. On avait pris contre les subtilités mauvaises de la politique germanique une précaution nécessaire en stipulant dans le traité la renonciation de toutes les maisons princières qui, à tort ou à raison, avaient élevé des prétentions, et l'instrument principal de l'ambition germanique, le chef de l'insurrection des duchés, le duc d'Augustenbourg, avait été contraint de renoncer aux droits qu'il s'attribuait sur le Holstein, Il avait d'ailleurs obtenu, pour cette renonciation, une indemnité que l'influence de la Prusse et du prince de Saxe-Cobourg, agissant sur le représentant d'Angleterre, fit élever à une somme, exagérée,

Les deux affaires principales ainsi réglées, le gouvernement danois avait pu commencer à rétablir l'ordre si déplorablement troublé pendant les dernières années. Dès le 18 février les troupes allemandés avaient évacué le Holstein. Le 1er avril l'état de siége avait été levé dans le Sleswig méridional. L'armée, qui, pendant la guerre, s'était accrue de tout ce que le Danemark proprement dit renfermait de patriotes dévoués, tendait à reprendre ses anciennes proportions. L'organisation de la force publique avait fourni la première matière à l'application des principes posés dans le manifeste royal du 28 janvier. Les troupes du Holstein avaient été fondues dans celles du Danemark. La citadelle de Rendsbourg,

placée au milieu de l'Eider comme une propriété en litige entre le Danemark et le duché de Holstein, commençait à tomber sous le marteau. Les duchés se trouvaient encore placés sous une administration séparée, et cet état exceptionnel devait durer jusqu'à la promulgation d'une constitution commune.

VI

En face des difficultés qui préoccupaient l'Europe et faisaient surgir tant de conflits, la Suède continuait de s'effacer et de prendre une attitude honorable, sans doute, mais secondaire. Le parti scandinave voyait avec regret cette politique d'abstention prudente, mais le gouvernement s'y maintenait par système. Les efforts du libéralisme suédois, un peu remuant, et quelques tentatives avortées de socialisme en Norvége avaient démontré à l'héritier de Bernadotte que la démagogie européenne trouverait au besoin des échos dans ses paisibles États, et il jugeait très-inopportun de s'engager dans les querelles des autres pays.

La Suède, par malheur pour elle, refusa d'entrer dans les voies où elle semblait entraînée par la civilisation moderne; elle eut à rougir de l'intolérance de son clergé luthérien, de la législation barbare qui régissait chez elle les matières religieuses. Ce pays, qui se montrait si fier de sa liberté, en était encore à subir des règlements tyranniques, tels que la loi qui défend à tout sujet suédois, sous peine d'une amende de 10 thalers, d'assister à l'office divin dans un autre temple que le sien. Comme si ce régime ne

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SUÈDE ET NORVÉGE.

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suffisait pas à la sécurité de la religion d'État, la diète rétablit cette année une loi suivant laquelle tout individu, riche ou pauvre, jeune ou vieux, en un mot tout Suédois de tout âge, de tout sexe et de toute condition, passerait tous les ans un examen sur le catéchisme. En outre la diète rejeta la proposition de permettre aux luthériens eux-mêmes de se réunir, hors le temps des offices, dans des maisons particulières, pour y lire la Bible, et cependant cette faculté n'était demandée qu'à la condition que le maître de la maison répondrait : 1o de l'ordre; 2o qu'aucun discours ne serait prononcé; 3o qu'aucune erreur ne serait répandue; 4° que la réunion se ferait sous la surveillance du pasteur et du syndic de l'église, avec l'obligation de poursuivre les contraventions à la loi.

Une proposition timide en faveur de la liberté des cultes fut rejetée par les états, comme il était déjà arrivé en 1844 et en 1848, et trois états, la noblesse, le clergé et les paysans, repoussèrent, à une immense majorité, la demande d'autoriser le gouvernement à confier exceptionnellement quelques chaires des universités à des célébrités étrangères ou même à des professeurs non luthériens, de peur que des catholiques ne pussent s'y glisser et y trouver l'occasion de faire des prosélytes.

On le sait, au reste, la qualité de luthérien est la condition nécessaire d'admissibilité aux fonctions publiques, et l'abandon de la religion d'État entraîne la perte des droits civils et la peine du bannissement. La moindre accusation de prosélytisme entraîne, pour les représentants du culte catholique, des procès rui

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neux. Le curés de la paroisse de Stockholm, et la directrice de l'école catholique eurent à subir, cette année, une persécution de ce genre, et on vit le journalisme libéral joindre ses excitations à celles des persécuteurs, malgré l'absence évidente de preuves. Et cependant le § 15 de la Constitution de 1809 dit formellement que « le roi ne doit forcer la conscience personne ni permettre qu'elle soit forcée.

de

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La Russie, durant cette période historique, s'était trouvée mêlée à toutes les affaires de l'Europe; par d'habiles services rendus aux gouvernements menacés d'une destructions révolutionnaire, elle s'était acquis le droit de peser sur les déterminations, sur la politique des cours allemandes, de tout le poids qu'imposent la reconnaissance et la peur. La Confédération germanique réorganisée, la diète rétablie, les rivalités de la Prusse et de l'Autriche apaisées par son arbitrage, tels étaient les résultats obtenus ou favorisés, et qui étendaient et consolidaient dans le monde l'influence russe.

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protectorat

Ailleurs la religion lui servait de prétexte pour pénétrer chaque jour plus avant dans les interêts des peuples; le étendu sur les églises du culte grec ouvrait au czar toutes les routes du protectorat politique. Déjà cette transformation d'influences se révélait dans les provinces danubiennes, où la Russie exerçait sans relâche un droit d'intervention qui laissait à la fois des habitudes de soumis

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POLITIQUE DE LA RUSSIE.

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sion et de dépendance et des obligations matérielles fécondes en nouvelles immixtions. C'est ainsi, par exemple, que la Valachie et la Moldavie, ruinées par trois ans d'occupation militaire, étaient restées grevées d'une dette qui pouvait fournir aux convoitises moscovites des prétextes nouveaux. La question des lieux saints ne devait pas tarder à offrir aux mêmes ambitions une occasion spécieuse de s'immiscer dans les affaires de la Turquie, et déjà même on pouvait comprendre, à l'attitude hautaine et provocatrice de la politique russe, que ces prétentions allaient devenir menaçantes pour la paix générale.

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Ailleurs c'était aux affinités de race que l'ambition du czar demandait des moyens d'action. Une propagande active, exercée sur les Slaves du sudouest, tendait à détacher du protectorat ou de la domination de la Turquie des populations nombreuses. C'est ainsi que le cabinet de Saint-Pétersbourg, exploitant des sympathies de nationalité et de religion, commençait à rencontrer chez les Monténégrins un point d'appui qui, à l'occasion, pouvait l'aider à exercer une influence sérieuse sur les Serbes et sur les Bosniaques, en attendant le jour où il parviendrait à l'étendre sur les Slavoniens et sur les Croates d'Autriche. En Italie l'influence russe enveloppait déjà le royaume des Deux-Siciles. Dans le Danemark elle pesait sur la question des duchés et sur le règlement de la successions au trône. En Asie elle se développait lentement, mais sûrement, vers les mers de la Chine et vers la Perse, et ses progrès sur ce point causaient à l'Angleterre des préoc

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